Décision publiée le 22.09.2010
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après voir entendu l’association plaignante, les représentants de l’annonceur et de la société de production,
– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 16 juin 2010, par l’association d’aide aux victimes de violences conjugales, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée par affichage au moyen d’une bâche de façade d’immeuble, de distribution de prospectus et sur le site Internet d’un promoteur immobilier, et destinée à inciter les consommateurs à devenir investisseurs d’opérations de promotion immobilière.
Cette publicité présente trois personnages, un barman, une retraitée et une stripeaseuse, dont sont mentionnés les prénoms, l’âge et l’activité. La stripteaseuse est vêtue d’un seul slip, elle se tient fortement cambrée et tient d’une main une barre de « lap-dance », sa poitrine est masquée par le plateau et son contenu portés par le barman.
Contrairement aux autres personnages, qui ne sont identifiés que par leur prénom, elle est désignée comme étant « J…Laroche ».
Sous la photo des trois personnages figure le slogan « Vous aussi payez-vous votre ville ! » et renvoie au site internet du promoteur immobilier.
2.Les arguments des parties :
– L’association plaignante soutient que cette publicité donne une image dégradante de la femme et contribue, par là même, aux violences faites aux femmes.
– L’annonceur et la société de production contestent la recevabilité de la plainte qui émane d’une association dont la mission est la défense contre les violences faites aux femmes, laquelle est sans lien, d’une part, avec l’objet de la plainte, d’autre part, avec l’activité de promotion immobilière visée par la publicité.
Elles font observer que l’affiche ne véhicule pas une image dégradante de la femme qui n’apparaît pas complément nue, mais au contraire celle d’une femme fière de sa beauté, de son corps, et de son métier, présenté sur un pied d’égalité avec les autres professions.
Elles ajoutent que la profession de cette jeune femme est légale et qu’elle a parfaitement le droit, si elle le souhaite, de faire de la publicité.
Enfin, elles précisent que l’objet de la campagne est de démontrer qu’avec le modèle économique nouveau proposé par l’annonceur, toutes les professions et tous les niveaux de revenus peuvent participer au financement d’un bien immobilier.
Lors de la séance, l’annonceur a précisé que si la bâche publicitaire avait été retirée, cette publicité était toujours diffusée sur le site Internet énoncé ci-dessus.
3.Les motifs de la décision du Jury
Sur la recevabilité de la plainte :
L’article 2 du règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire précise que cette instance a pour mission de statuer sur des plaintes portant sur des messages publicitaires diffusés et pouvant émaner de toute personne morale ou physique.
Cette disposition ne comportant pas de restriction particulière, il en résulte que lorsqu’une plainte émane d’une personne morale, l’objet et la mission de celle-ci sont sans portée sur la recevabilité de cette plainte.
Sur le fond :
Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions déontologiques et, notamment celles contenues dans la Recommandation «Image de la personne humaine » que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».
Il observe que l’application de cette recommandation professionnelle est totalement indépendante de l’accord de la personne dont l’image est utilisée par la publicité en cause.
Il considère, ainsi qu’il l’a déjà précisé à plusieurs reprises dans ses décisions, que la présentation dans une publicité de l’image d’une femme, nue ou presque, dans une posture suggestive et dont la présence, dans cette tenue, est sans aucun lien avec le produit promu, en l’occurrence l’investissement immobilier, réduit le corps de la femme à la fonction d’objet,
En conséquence, le Jury considère que la campagne publicitaire en cause contrevient aux dispositions précitées.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée ;
– La publicité du promoteur immobilier, réalisée par l’agence de production méconnaît la recommandation « Image de la personne humaine » ;
– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires à la cessation et au non renouvellement de ce message publicitaire.
– La décision du Jury sera communiquée à l’association plaignante, ainsi qu’au promoteur immobilier et à la société de production; elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 10 septembre 2010 par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Benhaïm, Lacan, Leers et Raffin.