Avis JDP n°57/10 – CHAINE DE TELEVISION – Plainte fondée

Décision publiée le 19.05.2010
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de la chaîne de télévision annonceur, de l’agence en charge du budget et de l’ARPP,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 mars 2010, d’une plainte d’un particulier afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité radio en faveur de la nouvelle saison de la série télévisée A diffusée sur la chaîne de télévision.

Le spot consiste dans le texte suivant prononcé par une voix enfantine : «  Moi quand je serai grand je découperai les gens méchants avec un couteau et puis après, je mettrai les morceaux dans des sacs et puis je ferai disparaître les corps ! Et personne ne les retrouvera jamais… comme papa ! » ; il se conclut par une voix de femme qui annonce « A revient sur la chaîne de télévision et il est papa. Retrouvez en exclusivité sur la chaîne la nouvelle saison inédite tous les jeudis à 20h50. A, une série découverte parla chaîne de télévision  »

2.Les arguments des parties

– Le plaignant estime que cette publicité est choquante et susceptible de heurter les personnes sensibles ou trop jeunes.

– L’ARPP indique avoir été interrogée dans le cadre de la procédure de conseil avant diffusion par la régie radio ayant diffusé le message et qu’elle a, par lettre du 15 février 2010, déconseillé la diffusion du message en l’état en précisant qu’ « utiliser une voix d’enfant pour des propos d’une violence extrême (qui ne peuvent pas être décodés par des auditeurs ne connaissant pas la série) est de nature à heurter et choquer le public ».

– La chaîne de télévision précise que le spot a été diffusé du mardi 16 au jeudi 18 février.

Elle soutient qu’il n’était pas dans ses intentions de choquer et que le spot ne fait qu’illustrer le ton décalé, propre à la série, qui se caractérise effectivement par son humour noir, parfois glaçant. Le message fait la promotion du lancement de la saison 4 de cette série dont le héros devient père d’un petit garçon d’où la prise de parole par une voix d’enfant.

Ce message n’a donc pas été considéré comme de nature à prêter à confusion ni porter atteinte à la sensibilité du jeune public dans la mesure où la série est citée au même titre que le jour et l’heure de diffusion.

– L’agence de communication reprend les arguments de l’annonceur et confirme être également attachée au respect de la déontologie de la profession et n’avoir pas souhaité contrevenir aux dispositions de la Recommandation de l’ARPP.

– La régie radio fait valoir que, comme tous les messages publicitaires mis à l’antenne par la Régie, le message en faveur de la série A a fait l’objet d’un contrôle attentif par son service Contrôle Diffusion et souligne que contrairement à ce qu’indique la plainte, cette campagne a fait l’objet d’une diffusion restreinte allant du mardi 16 au jeudi 18 février.

Elle précise que la série télévisée A, diffusée sur la chaîne de télévision, à une heure de grande écoute (20h50) s’adresse au grand public.

Elle a considéré que le contenu du message était en adéquation avec le produit objet de la promotion, puisque dans la saison 4, le héros à double personnalité, dont une de tueur en série, a un enfant et que se pose la question de savoir si ce dernier reproduira le modèle du père.

La régie radio fait remarquer que, quand bien même un auditeur n’aurait pas connaissance de l’existence de cette série, la fin du message publicitaire précise explicitement le propos de la publicité avec le texte « A revient sur la chaîne de télévision.  Retrouvez en exclusivité la nouvelle saison inédite tous les jeudis à 20h50. A, une série découverte par la chaîne ».

Elle indique également que cette campagne publicitaire en radio s’inscrit dans un plan de communication beaucoup plus global qui intégrait, outre l’autopromotion, notamment une campagne d’affichage à l’échelle nationale. Cet environnement de communication pluri-média facilite l’appréciation contextuelle du contenu publicitaire.

Enfin, La régie radio précise que le nombre de plaintes reçues est extrêmement limité et que trois grandes régies publicitaires disposant chacune d’un service de contrôle diffusion ont également accepté la diffusion de ce message.

– La seconde régie, pour la radio R, reprend les arguments selon lesquels la publicité renvoie à la série télévisée qui est diffusée à une heure de grande écoute sur des chaînes nationales depuis plusieurs semaines. Elle souligne que la diffusion en radio de cette publicité s’inscrit dans un plan de communication global important, dont l’esprit s’accorde au ton de la série et facilite donc la compréhension du message radio.

 3.Les motifs de la décision du Jury

Les principes généraux contenus dans les Recommandations « Image de la personne humaine » et « Enfant » de l’ARPP disposent que :

La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique ;

– La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence (articles 3.3 et 3.4 de la Recommandation « Image de la personne humaine ».

Elle ne doit en aucun cas, par ses messages ou sa présentation, banaliser la violence ou la maltraitance, ni donner l’impression que ces comportements sont acceptables.

– Elle ne doit pas inciter les enfants à reproduire des comportements agressifs ou violents ( articles 4.2 et 4.3 de la Recommandation « Enfant»).

Le Jury constate que le message qui fait référence aux actes criminels de « découper les gens méchants (…) avec un couteau », « mettre les morceaux dans des sacs et (faire) disparaître les corps » comporte des propos d’une extrême violence, que ces propos sont facticement légitimés par la référence aux « gens méchants » et artificiellement atténués par le fait qu’ils sont prononcés par une voix enfantine.

Il relève qu’il est certes apparent que ce message est un message de promotion d’une série télévisée reconnue et appréciée par une partie de la population à la fois pour ses caractères violent et humoristique, mais que, diffusé par radio, il s’adresse tout autant à ceux qui connaissent les codes de la série qu’à ceux qui les ignorent.

De ce fait, la violence du libellé du message publicitaire ne peut être atténuée par les caractéristiques du produit dont il fait la promotion.

En outre, prononcé par une voix enfantine, le texte banalise la violence et donne l’impression que de tels comportements sont acceptables.

Il en résulte que cette publicité méconnaît les Recommandations  précitées de l’ARPP.

4.La décision du Jury

– La plainte est  fondée;

– La publicité de la chaîne de télévision méconnaît les dispositions 3.3 et 3.4 de la Recommandation « Image de la personne humaine » ainsi que 4.2 et 4.3 de la Recommandation « Enfant» de l’ARPP.

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires au non renouvellement de ce message publicitaire

– La présente décision sera communiquée au plaignant et à l’annonceur, l’agence, ainsi qu’aux deux régies radio;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 7 mai 2010 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, substituant la Présidente empêchée, Mmes  Drecq et Moggio, MM, Lacan, Leers et Raffin.