Avis publié le 05 janvier 2016
Plainte partiellement fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de l’association plaignante Réseau « Sortir du nucléaire » et de la société annonceur,
- et, après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 septembre 2015, d’une plainte de l’association Réseau « Sortir du nucléaire », afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par la société annonceur, sur son site Internet.
Cette campagne se présente en deux parties comportant des textes et vidéos publicitaires. La première partie mentionne l’engagement de l’annonceur dans la conférence sur le climat et comporte les textes : « X, partenaire de la COP21 », « 98% de la production électrique française sans CO2 », « Cette année plus que jamais tout le groupe X s’engage pour un monde décarboné… », « Depuis 1990, X a divisé par trois ses émissions de carbone » …
La deuxième partie présente l’engagement de l’annonceur dans la transition énergétique : « X engagé dans la transition énergétique », « Une stratégie industrielle pour réduire nos émissions de carbone. Pour nous, décarboner l’électricité n’est pas une simple déclaration : c’est une réalité. Aujourd’hui, 98 % de notre électricité produite en France est sans CO2. Depuis 1990, X a divisé par deux ses émissions de carbone…Notre électricité, vecteur d’une transition vers un monde bas carbone… » …
Les vidéos traitent pour l’une, de l’annonceur et des émissions de CO2 et, pour l’autre, des énergies renouvelables.
Le titre de la campagne est « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone ».
2. La procédure
La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 8 octobre 2015, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du Jury de Déontologie Publicitaire du 6 novembre 2015 a fait l’objet d’un report à la demande de l’annonceur.
3. Les arguments échangés
– L’association Réseau « Sortir du nucléaire » rappelle que la société annonceur, principal producteur et fournisseur d’électricité en France et dans le monde, est un des partenaires officiels de la COP21, la 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont l’objectif est de trouver un accord pour limiter à 2 degrés le réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle.
Dans ce contexte, le groupe met en avant sa production d’électricité peu émettrice de CO2 ou décarbonée sur son site internet, en précisant : « Face à la croissance des besoins en électricité, X produit, commercialise et distribue une électricité sûre, abordable et décarbonée …. Face aux défis du réchauffement climatique : X produit une électricité peu émettrice de CO2 », « Une électricité peu carbonée pour lutter contre le changement climatique ». Il est donc très net que le groupe annonceur souhaite renvoyer au public l’image d’une entreprise éco-responsable, agissant en faveur de l’environnement par une production électrique qu’elle qualifie, régulièrement dans sa communication, de « décarbonée ».
Concernant la publicité, sous le premier titre, figure, en plus d’une déclaration du dirigeant de la société, un cadre dans lequel est inscrit « 98% de la production électrique française sans CO2 », le « sans CO2 » étant souligné en rouge pour démontrer son importance.
Sous le titre « X engagé dans la transition énergétique », il est écrit « Une stratégie industrielle pour réduire nos émissions de carbone. Pour nous, décarboner l’électricité n’est pas une simple déclaration : c’est une réalité. Aujourd’hui, 98% de notre électricité produite en France est sans CO2. Depuis 1990, X a divisé par deux ses émissions de carbone ».
Sur l’ensemble de cette publicité, deux affirmations retiennent plus particulièrement l’attention de l’association : d’une part, le titre même de la publicité « X, Partenaire officiel d’un monde bas carbone », d’autre part, les affirmations « 98% de la production électrique française sans CO2 », qui se trouve en en-tête de la publicité, et « Aujourd’hui, 98% de notre électricité produite en France est sans CO2 », dans le corps du second paragraphe.
Cette publicité a pour vocation, selon l’association plaignante, de présenter l’énergie produite par l’annonceur comme décarbonée, avec 98% de la production électrique en France sans émission de CO2, et de promouvoir l’énergie nucléaire comme l’un des meilleurs atouts pour le climat et l’objectif 2°C de la COP21.
Il est, pour elle, manifeste que la publicité de la société annonceur crée volontairement une confusion et induit le public en erreur sur la réalité de ses actions et de ses produits, ce qui a pour conséquence de minimiser les impacts de la consommation d’électricité sur l’environnement.
Sur le slogan « Partenaire officiel d’un monde bas carbone », l’association expose que, comme indiqué dans la publicité, « la part des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz, fuel) responsables des gaz à effet de serre reste trop importante dans la consommation d’énergie ».
En effet, l’électricité d’origine fossile (charbon, pétrole, gaz) représente plus de 28% des émissions de CO2 et 21,5 % de celles des gaz à effet de serre (2012). Alors que l’annonceur semble dénoncer cet état de fait dans sa publicité, c’est une toute autre vérité qui se cache derrière cette affirmation.
Elle précise qu’en effet, l’annonceur détient 16 centrales à charbon dans le monde et ses centrales émettent chaque année, avec les centrales à charbon d’une société filière, plus de 151 millions de tonnes de CO2, c’est-à-dire une quantité comparable à près de la moitié des émissions de la France ou cent fois les émissions d’un pays comme le Togo. Elle indique aussi que l’annonceur, qui se présente comme étant le « Partenaire d’un monde bas carbone » (en utilisant une majuscule au mot partenaire), est la 19ème entreprise au monde la plus émettrice de gaz à effet de serre.
L’association plaignante énonce encore que l’annonceur met en avant dans cette publicité que « 98% de [son] électricité produite en France est sans CO2 ». Mais qu’aucune explication n’est donnée sur ce que représentent ces 98% ni quelles sources de production elle vise. Elle indique à ce sujet que selon les chiffres du rapport « Développement Durable 2013 », le nucléaire représenterait 74,5% du mix de production du groupe et 85,1% du mix de production du groupe en France contre 10,7% d’hydraulique et 0,1% des autres énergies renouvelables. La thermique fossile représenterait, quant à lui, 3,8% du mix de production de l’annonceur en France et le cycle combiné gaz et cogénération, 0,3%. Il est donc, pour elle, évident que l’annonceur, dans sa publicité vantant les mérites d’une électricité produite en France à 98% sans CO2, comprend l’électricité d’origine nucléaire, qui est en réalité à l’origine de la plus grande part de sa production d’électricité. L’annonceur met donc en avant sa production d’électricité nucléaire, en la présentant comme étant sans émission de CO2, sans donner au public aucun élément d’analyse ou d’information lui permettant de savoir ce que représentent précisément ces 98 %.
L’association estime que même si les 98% ne sont pas clairement explicités, la formulation revient tout de même à affirmer une inexactitude, dès lors que la production d’électricité nucléaire émet bien du CO2. Elle indique que cette affirmation conduit le consommateur à penser que les activités de l’annonceur n’ont qu’un impact très modéré sur l’environnement. Or il n’existe aucune activité industrielle exempte de rejets de gaz à effet de serre. L’annonceur occulte toutes les émissions de l’industrie nucléaire en amont et en aval (extraction de l’uranium, fabrication du combustible, traitement des déchets, etc.), qui sont loin d’être nulles.
De plus, en complément, la société annonce à travers cette publicité que l’électricité d’origine nucléaire serait moins émettrice de CO2 que les autres énergies et notamment que les énergies renouvelables. Or, selon une étude de Global Chance, publiée dans le Journal de l’Energie , la production d’électricité par les énergies renouvelables a permis d’éviter en 2013 près de 7% d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, comprenant le CO2, alors que la production d’électricité par l’énergie nucléaire n’a permis d’éviter que 3% de ces émissions.
Selon la plaignante, en affirmant que la production d’électricité à base d’énergie nucléaire n’émet pas de CO2, l’annonceur occulte toutes les incidences environnementales qu’une telle production et consommation engendrent et n’invite pas à une consommation raisonnable et raisonnée de l’énergie. Elle conclut que l’électricité nucléaire n’étant pas une énergie décarbonée comme l’affirme l’annonceur, elle ne peut pas être affichée comme solution pour sauver le climat et répondre à l’objectif 2°C de la COP21.
– La société annonceur précise qu’elle a été instituée Partenaire Officiel de la COP21 par le Secrétariat Général chargé de la préparation et de l’organisation de la COP21 et qu’à ce titre elle est autorisée à se prévaloir de cette qualité sur tous ses supports de communication, et à utiliser le logo correspondant. Elle indique que l’attribution sélective de cette qualité de « Partenaire Officiel » ne concerne que celles des entreprises ou collectivités qui, au-delà de leur contribution à l’organisation de la COP21, ont témoigné, par leurs actions, d’un engagement significatif pour « un monde bas carbone » et d’une contribution à « l’objectif 2° », expression communément employée. Ainsi, « Partenaire Officiel de la COP21 », l’annonceur est nécessairement « Partenaire Officiel d’un monde bas carbone ».
La campagne de communication incriminée n’a pas pour objet de promouvoir tel ou tel produit ou service de l’entreprise, mais de manifester son engagement et sa mobilisation en vue de l’atteinte d’un objectif commun, à la réussite duquel nul ne peut être exclu.
L’entreprise est donc légitime à témoigner de son engagement en vue de l’atteinte de cet objectif commun et à le revendiquer comme prioritaire.
Sur la conformité des deux formules incriminées : « X, partenaire officiel d’un monde bas carbone » et « 98% de la production électrique française sans CO2 », l’annonceur fait valoir que leur emploi est en totale conformité avec ses engagements et les actions qu’il poursuit depuis de nombreuses années en vue d’une réduction des émissions de CO2, et donc d’« un monde bas carbone ».
Il expose que ces deux formules s’accompagnent de plus, immédiatement du texte :
« Cette année, la Conférence de Paris pour le climat se donne pour objectif de limiter à 2°C le réchauffement de la planète.
C’est l’objectif 2°C.
Parce que nous sommes tous concernés,
Parce que des solutions sont déjà à l’œuvre,
Parce qu’un monde décarboné est possible.
Nous pensons que si chacun s’engage, l’objectif 2°C peut devenir une réalité. Alors, nous faisons le choix de nous mobiliser et avec tous ceux qui le souhaitent. »
Ce seul rappel éclaire, selon elle, parfaitement l’objet exact de cette communication et le sens de ces formules.
Sur l’utilisation de la formule « X, Partenaire Officiel d’un monde bas carbone » :
La société annonceur fait valoir que les centrales à charbon qu’elle exploite ne lui interdisent pas de se mobiliser pour limiter le réchauffement de la planète en revendiquant d’être « Partenaire officiel d’un monde bas carbone ».
D’une part, l’objet même de la COP21 est bien de lutter contre le réchauffement climatique, et, à ce titre, de promouvoir toutes les actions destinées à une réduction des émissions de CO2 en vue d’un « monde bas carbone ».
La formule en cause n’excède pas, selon elle, « les limites auxquelles la stylisation et la simplification d’un message publicitaire conduit nécessairement ». Ainsi, il a été rappelé que la participation de ces entreprises doit permettre d’assurer un « haut niveau d’exigence environnementale ».
Par ailleurs, la société annonceur renvoie à l’Avis rendu par le Jury, le 2 octobre 2015, qui indique que « s’il est compréhensible que l’annonceur n’ait pas souhaité alourdir les messages délivrés par des précisions techniques, celles-ci pourraient facilement être explicitées dans un site qui détaillerait les actions menées par [l’annonceur] en matière de lutte contre le réchauffement climatique. »
Or en l’espèce, les éléments d’accompagnement de la formule existent bien.
De plus, la communication a été complétée par un renvoi vers des sites dédiés « découvrez toutes nos solutions sur X.fr » et « découvrir nos solutions et évènements. »
Sur l’utilisation de la formule « 98% de la production électrique française sans CO2» :
Le reproche fait par l’association plaignante concerne le fait que l’annonceur « met en avant sa production d’électricité nucléaire en la présentant comme étant sans émission de CO2 ». Or le message incriminé ne consiste nullement en une présentation des différentes sources de production, ni a fortiori en une présentation de la production d’électricité nucléaire. Il s’agit simplement d’un constat factuel.
Indépendamment des contraintes propres au message publicitaire et des limites auxquelles la stylisation et la simplification de ce type de message conduisent nécessairement, aucune des formules employées dans le message ne suppose, pour conforter sa clarté ou sa véracité, d’autres « explications » ou « justifications » et a fortiori aucune « explication technique ou scientifique » particulière.
L’annonceur rappelle qu’elle n’a produit en 2014 que 7% de son électricité à partir de charbon et qu’elle compte, parmi les plus grands électriciens européens, comme le moins émetteur de CO2, ainsi que le confirme le rapport 2014 de PWC concernant le positionnement des 20 premières entreprises par rapport au facteur Carbone Européen et elle ajoute que la formule incriminée est accompagnée d’un astérisque qui renvoie immédiatement à une mention explicative.
En outre, les engagements et actions de l’annonceur font l’objet d’un rappel systématique, qu’il s’agisse de ses documents de référence, ou des informations qu’elle met en ligne de façon permanente sur ses différents sites internet et qui sont accessibles à tous.
Enfin, le message incriminé s’accompagne lui-même d’onglets qui permettent à tout consultant de disposer de tout complément d’informations utile.
Le grief fait à l’annonceur d’affirmer « que la production d’électricité à base d’énergie nucléaire n’émet pas de CO2 » et d’occulter « toutes les incidences environnementales » d’une telle production est, selon elle, inopportun.
La société annonceur fait valoir que le propos du message n’est pas de présenter ses services et produits ni de procéder à tel ou tel examen comparé. Elle renvoie à l’Avis du Jury du 7 mars 2011 qui rappelle « qu’il n’est nulle part fait obligation à l’annonceur de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités ».
Elle indique encore que l’association plaignante ne peut ignorer que, précisément, l’électricité produite par une centrale nucléaire est sans émission de CO2 et que la contribution de l’annonceur à une réduction du facteur carbone ne peut être niée, alors que cette contribution est systématiquement rappelée par les experts et notamment par PWC, qui souligne, dans son rapport public « Changement climatique et Electricité » de décembre 2014 : « Cette année encore, de par son important niveau de production et son parc essentiellement nucléaire (peu émetteur en CO2) le groupe X contribue de façon très significative à maintenir le facteur carbone moyen européen à des valeurs relativement basse ».
Au demeurant, le Jury a déjà eu l’occasion de rappeler que la revendication de la société annonceur d’adhérer à des objectifs environnementaux, communément admis comme partagés par le plus grand nombre, ne nécessite pas qu’elle décrive les moyens qu’elle met en place pour les atteindre.
La société annonceur rappelle que, dans son avis du 2 octobre 2015, le Jury de déontologie publicitaire a retenu que « la formulation « Parce qu’un monde décarboné est possible » n’est pas ambiguë dans la mesure où elle traduit, avec les limites inhérentes à la communication publicitaire, l’objectif de capter autant de carbone qu’il en est produit. ». Elle ajoute que cet avis a aussi estimé que le grief tenant à l’absence de référence à l’électricité d’origine nucléaire « n’est pas non plus fondé dans la mesure où, d’une part, le Jury constate qu’il n’est pas contesté par les associations plaignantes que la production d’électricité au sein d’une centrale nucléaire n’est pas directement émettrice de CO2 et où, d’autre part, ainsi qu’il l’a déjà précisé dans de précédents avis, les règles déontologiques n’imposent pas à l’annonceur de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités. »
4. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose notamment que :
« 1.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. »
« 3.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. »
« 3.4. Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. »
« 6.5. Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire. »
Sur la recevabilité de la plainte
Lors de la séance, la société annonceur a opposé que la plainte de l’association Réseau Sortir du Nucléaire n’était pas recevable puisqu’elle visait dans le corps du texte une autre société qu’elle-même.
Le Jury relève sur ce point que si l’association cite dans ses développements l’autre société, ce n’est qu’accessoirement dans le cadre du rappel de l’utilisation de centrales à charbon pour la production d’électricité dans certains territoires. Il n’en résulte pas que la plainte viserait une autre entreprise que la société annonceur qui est bien à l’origine de la publicité qui fait l’objet de la plainte. Celle-ci est donc recevable.
Sur les critiques formulées contre la publicité de la société annonceur
Deux affirmations sont critiquées par la plainte. Il s’agit, d’une part, du titre même de la publicité « X, Partenaire officiel d’un monde bas carbone », d’autre part, de l’affirmation « 98% de la production électrique française sans CO2 » qui se trouve en en-tête et qui est reprise dans le corps du second paragraphe « Aujourd’hui, 98% de notre électricité produite en France est sans CO2 ».
Sur le slogan « X, Partenaire officiel d’un monde bas carbone »
Ainsi que le Jury l’a précédemment relevé dans son avis rendu le 2 octobre 2015, l’objectif d’un « monde bas carbone », qui est certes l’un des objectifs officiellement poursuivis par la COP21, ne peut être assimilé à une structure ou à une personne avec laquelle pourrait se nouer un « partenariat officiel ». Cette expression « monde bas carbone », qui ne fait l’objet d’aucune explication qui en éclairerait le sens et la portée, opère un glissement sémantique en passant de la notion de « partenaire de la COP21 » à celle de « partenaire d’un monde bas carbone » qui est une notion plus vaste mais aussi plus floue au regard de l’action réelle de l’annonceur. Contrairement à ce qu’avance la société annonceur, le fait d’être partenaire de la COP21, ne suffit pas nécessairement à se présenter légitimement comme « Partenaire d’un monde bas carbone ».
Ce slogan est donc, ainsi qu’il a été déjà dit par le Jury, susceptible d’induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur, en méconnaissance du point 1.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il n’est pas non plus conforme aux points 3.3, 3.4 et 6.5 précités de cette Recommandation, faute de donner suffisamment de précisions sur les engagements pris par l’entreprise, dans le cadre de son partenariat avec la COP21, en termes de réduction des émissions de gaz carbonique.
Le Jury observe en outre que si le slogan est complété par les affirmations figurant dans la seconde moitié de la page « Parce que nous sommes tous concernés », « Parce que des solutions sont possibles », « Parce qu’un monde décarbonné est possible », « nous pensons que si chacun s’engage, l’objectif 2°C peut devenir une réalité. Alors nous faisons le choix de nous mobiliser et avec tous ceux qui le souhaitent », ces affirmations constituent des pétitions de principe qui n’apportent aucune indication qui seraient de nature à justifier et expliquer l’expression « Partenaire d’un monde bas carbone ».
A ce sujet, le Jury précise que si à la suite de l’avis rendu le 2 octobre 2015, la société annonceur a modifié cette publicité par un renvoi à une page contenant des explications, cette action n’a pas de portée sur le non-respect des dispositions déontologiques précitées au jour de la plainte.
Sur l’expression « 98% de la production électrique française sans CO2 »
L’association Sortir du nucléaire indique que la publicité a pour vocation de présenter l’énergie produite par l’annonceur comme décarbonée, avec 98% de la production électrique en France sans émission de CO2 et de promouvoir l’énergie nucléaire comme l’un des meilleurs atouts pour le climat et l’objectif 2°C de la COP21.
Cependant, le Jury observe que la publicité en cause a pour vocation de promouvoir l’action de l’annonceur dans le cadre de son partenariat pour la COP21. Le texte de la page énonce que : « Pour nous décarbonner l’électricité n’est pas une simple déclaration, c’est une réalité. Aujourd’hui 98 % de notre électricité produite en France est sans CO2 ».
La société annonceur ne conteste d’ailleurs pas que ce pourcentage de 98 % est atteint grâce à la production nucléaire. Il ne peut toutefois être déduit de ces termes que le message constituerait une publicité pour le nucléaire qui se dissimulerait derrière la promotion des engagements dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, le Jury observe que le pourcentage de 98 % est totalement dépourvu d’explication ou de renvoi qui permettrait au public auquel ce slogan s’adresse de comprendre à quoi se réfère cette donnée et ce qu’elle contient.
En effet, s’il a, par la suite été complété par un astérisque renvoyant à la précision « Emissions directes Hors analyse du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles / indicateurs de performance financière et extra-financière, X 2014 », tel n’était pas le cas dans la publicité au jour de la plainte.
Dans ces conditions, le Jury estime que le slogan en cause peut être de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions mise en œuvre par la société annonceur et revendiquées par elle et qu’il n’est pas conforme aux dispositions 1.1 et 3.3 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.
S’agissant des autres reproches formulés par la plaignante, le Jury observe que la publicité en cause ne prétend pas que le nucléaire serait une solution pour sauver le climat et répondre à l’objectif 2°C de la COP21, comme le soutient l’association plaignante, mais se borne à détailler les modes de production mis en œuvre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre dont le CO2.
Au regard de l’ensemble de ce qui précède et sur les points examinés si dessus, le Jury de déontologie publicitaire est d’avis que la publicité diffusée sur son site internet par la société annonceur, n’est pas conforme aux dispositions 1.1, 3.3, 3.4 et 6.5 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.
Avis adopté le vendredi 11 décembre 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-présidente, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.