Avis JDP n°369/15 – TRADING – Plainte fondée

Avis publié le 24 juin 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire, 

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,

– après avoir entendu le représentant de la société plaignante,

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 mars 2015, d’une plainte émanant d’un concurrent afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités en faveur de la plate-forme internet de trading proposée par l’annonceur.

Ces publicités se présentent sous la forme de bannières disponibles sur différents sites internet.

Ces bannières comportent les textes : « Gagnez 9770 € par mois. Découvrez comment un expert en trading gagne 9770€ par mois avec X. Marché risqué », associés à des visuels de billets de banque ou de voitures de luxe.

En cliquant sur la bannière, l’internaute est dirigé vers la page du site annonçant :
«  Découvrez le trading social et gagnez plus de 500€ par jour. X est la communauté de trading social la plus épatante. Elle vous permet de générer un revenu supplémentaire grâce aux options binaires, même si vous n’êtes pas un trader professionnel…. ».

2. Les arguments échangés

La société plaignante énonce que la société annonceur est enregistrée auprès du régulateur financier Chypre CYSEC, a récemment sorti en version française une plateforme de trading sur options binaires dite « sociale ».

Elle précise que les options binaires sont des produits financiers portant sur la réalisation ou non d’un certain objectif que le broker fixe et dont il offre une cotation. Si l’option est perdante, le client perd sa mise, appelée « prime » ; si elle se révèle gagnante, la prime est rendue au client avec un gain dont le pourcentage évolue généralement entre 60 et 95 % du montant de la prime.

Selon elle, le but revendiqué de ce type de plateforme est de rendre les interventions sur ces produits plus simples et surtout de mettre en place des systèmes de copie pour l’ouverture et la clôture des positions sur options binaires. Les investisseurs les plus performants sont mis en avant sur la plateforme ; le client, après son ouverture de compte, pourra ensuite sélectionner un ou plusieurs de ces « traders », copiant ainsi leurs opérations sans autre forme de paramétrage.

La société plaignante estime que ces publicités sont contraires aux points I-5 et II-1 de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissements, et services liés » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), en ce qu’elle promet, avec force billets de banque et de voitures de luxe à l’appui, des gains fixes. Cette promesse est à peine nuancée par l’apposition d’un message d’avertissement sur les risques.

La société ajoute que ces publicités méconnaissent également les points 2-1-2 et 2-2-1 de l’annexe I de cette Recommandation, en ce qu’elles ne respectent par l’équilibre entre l’espérance de gain et les risques encourus, promettent des gains récurrents et suggèrent que les problèmes financiers des consommateurs seront réglés grâce aux gains réalisés.

La société annonceur a été informée de la plainte par courrier recommandé avec avis de réception en date du 5 mai 2015. Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury 

Le Jury rappelle que le point I-5 de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissements, et services liés » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) reproduit l’article 1er du code consolidé de la chambre de commerce internationale relatif à la publicité, selon lequel « toute communication marketing doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle ». Ce point précise que les promesses annoncées par les publicités pour les produits ou services financiers et d’investissement ne doivent pas, de quelque manière que ce soit, minimiser les risques, présenter l’utilisation de ces produits ou services comme un jeu, ou procéder à une analogie entre les jeux d’argent et les produits ou services visés par la Recommandation.

En outre, le point II-1 de la même Recommandation énonce que « lorsque des risques ou des pertes potentielles existent, la publicité ne doit pas faire une présentation déséquilibrée du produit ou du service en annonçant des gains comme étant quasiment inéluctables et en favorisant des scénarios ne reflétant que les hypothèses les plus favorables ». Le a) du point 2-1-2 de l’annexe I à cette Recommandation, relative aux « produits financiers à effet de levier, permettant de s’exposer sur le Forex, les indices boursiers, le cours des matières premières ainsi que les options binaires », prescrit à l’ensemble de la publicité d’être « équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques inhérents à la souscription de ce dernier ».

Enfin, le b) du même point 2-1-2 interdit de présenter les rendements ou gains comme réalisables systématiquement, acquis aisément ou encore comme récurrents, occultant ainsi le facteur risque.

S’agissant tout d’abord des publicités diffusées sous forme de bannières et mises en cause par la plainte, le Jury rappelle, comme il l’a fait dans plusieurs des avis qu’il a rendus en la matière, que les bannières constituent une forme de publicité appelant par un message accrocheur à se rendre sur le site de l’annonceur, dont la taille réduite ne permet pas d’y mentionner un grand nombre d’informations. Dans la mesure où ces bannières comportent un message d’offre attractive, la règle d’équilibre résultant du a) du point 2-1-2 de l’annexe I doit s’appliquer dès ce stade. L’annonceur doit donc veiller à ce que, sur ces messages, figure au moins une mention lisible afférente aux risques que présentent les investissements en cause, dont la taille et la précision doivent être proportionnées à l’ampleur et à la probabilité de la promesse de gain éventuellement affichée par la publicité.

En l’occurrence, le Jury constate que les bannières visées par la plainte, relatives aux options binaires et entrant en conséquence dans le champ d’application de l’annexe I de la Recommandation précitée, annoncent des gains de près de 10 000 euros par mois grâce à l’utilisation des services financiers dont elles font la promotion. Elles présentent ainsi les gains comme récurrents, ce qui est contraire au b) du point 2-1-2 de cette annexe.

En outre, le Jury constate que les services financiers appelés « options binaires » présentent la caractéristique d’être, en apparence, simples d’utilisation, donc susceptibles de susciter la croyance, dans l’esprit du client, que des gains peuvent être aisément réalisés. Ils appellent donc une grande vigilance de la part des annonceurs dans la présentation des gains et des pertes potentielles associés. Or les bannières mises en cause mettent essentiellement en avant la perspective d’un revenu mensuel très substantiel, chiffré avec précision et illustré par des billets de banque ou des voitures de luxe. La phrase ambiguë invitant l’internaute à découvrir comment un « expert en trading » gagne la somme indiquée ne permet pas de considérer que la promesse de gain ne s’adresserait qu’à des professionnels, mais laisse au contraire entendre que l’utilisateur pourrait lui-même devenir un tel expert et s’assurer ainsi des revenus confortables tous les mois. Dans ces conditions, et compte tenu du caractère particulièrement attractif du message d’accroche, la seule mention « marché risqué » qui figure en bas de chaque bannière, et qui se distingue à peine des autres informations, n’apparaît pas suffisante pour appeler l’attention du client potentiel sur les risques encourus. Par conséquent, le Jury estime que cette publicité minimise les risques, en méconnaissance du point I-5 de la Recommandation, et méconnaît les règles d’équilibre résultant du point II-1 de cette Recommandation et du a) du point 2-1-2 de son annexe.

Le Jury considère que ces mêmes règles déontologiques sont méconnues par la publicité figurant sur le site auquel les bannières permettent d’accéder, qui promettent à l’utilisateur, même dépourvu d’expérience préalable, d’augmenter ses revenus et, plus précisément, de gagner 500 euros par jour, en se fiant aux meilleurs traders mondiaux. Le message d’avertissement sur les risques qui figure en très petits caractères en bas de la page n’apparaît ni suffisamment lisible, ni suffisamment précis et circonstancié pour garantir une présentation équilibrée des gains promis et des pertes potentielles.

En revanche, le Jury est d’avis que les publicités mises en cause ne contreviennent pas au point 2-2-1 de la même annexe, dans la mesure où il n’est fait aucune mention de difficultés financières que l’utilisation du service promu permettrait de résoudre, mais seulement, sur le site Internet, l’indication selon laquelle le produit a permis à certaines personnes de « changer leur vie ».

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 5 juin 2015 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Depincé, Lacan et Leers.