Avis JDP n°239/13 – PRESSE MAGAZINE – Plainte fondée

Décision publiée le 16.01.2013
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et après en avoir délibéré, dans les conditions prévues par l’article 12, alinéa 2, 3°,  du règlement intérieur,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 5 novembre 2012, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en affichage, pour un magazine de charme.

Cette publicité qui correspond à la page de couverture du magazine, a été affichée sur un présentoir, en devanture d’un bureau de presse de Toulon.

Elle présente une jeune femme intégralement nue, agenouillée sur une plage, les jambes écartées, un symbole routier de « sens interdit » étant positionné au niveau de son entre-jambes. Elle a la tête tournée vers la gauche, ses cheveux masquent son visage.

La photo est accompagnée de la mention suivante : « Concours – Devoirs de vacances – Vos plus belles photos»

2.Les arguments des parties :

Le plaignant considère que cette affiche assimile les femmes à des objets sexuels et véhicule une image dégradante de la femme.

Il signale que ce visuel est positionné sur un présentoir à hauteur d’enfants, à proximité de lieux fréquentés par des enfants.

La société éditeur du magazine, fait valoir que le visuel accompagnant la plainte représente la couverture du magazine, daté de novembre 2012 et qu’il n’a, en aucun cas, fait l’objet d’une diffusion par affichage et/ou PLV.

En effet, dans le cadre de la promotion de ce magazine, une reproduction modifiée de la couverture a été utilisée. Cette reproduction qui dissimule les parties intimes du sujet présent en couverture par l’intermédiaire d’étoiles sur les seins et de pastilles.

La société ajoute que la promotion de ce magazine a pris fin le 11 novembre dernier.

Cette société soutient que le visuel est en adéquation avec les principes posés par la Recommandation « Image de la personne humaine » et respecte le principe de dignité de la personne humaine, en particulier, eu égard, à l’avis rendu le 30 juin 2011 par le Conseil de l’Ethique Publicitaire, relatif à la nudité en publicité, qui précise les critères pour apprécier le respect, ou non, de la dignité. Parmi ces critères figurent, notamment, la pertinence de l’image par rapport au produit ou service promu, le sens et la perception que peut en avoir le public.

Selon elle, les critères de pertinence et de sens sont entièrement satisfaits car l’affiche est en rapport direct avec le produit objet de la promotion, s’agissant d’un visuel représentant notamment une personne dénudée pour promouvoir un magazine de charme.

La société annonceur souligne que les magazines de charme sont largement acceptés par le corps social actuel ce que démontre leur développement. La publicité en faveur de ce type de magazines en constitue l’un de ses corollaires.

Elle ajoute que le public visé par la publicité en cause est très clairement identifié comme étant le couple, principalement hétérosexuel et non seulement d’un genre masculin ou féminin, comme le montre le titre du magazine « X, le guide interactif des rapports amoureux », termes qui permettent d’établir l’absence de rapport de soumission ou d’incitation à la violence.

L’annonceur fait valoir également que les mineurs sont totalement exclus de sa campagne et la mise à disposition du magazine à leur attention est expressément interdite par une mention en caractères gras.

Il indique avoir pris des précautions supplémentaires vis-à-vis des mineurs et du public en règle générale par la dissimulation des parties intimes de la personne présente sur le visuel à l’aide d’étoiles et de pastilles et en veillant à ce que les affiches soient uniquement exposées sur les points de vente du magazine au format discret de 30 x 40 cm.

Enfin il invoque la liberté d’expression.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :

Au point 1-3 que « D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures (…) etc., attentatoires à la dignité humaine ».

Au point 2-1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » ;

 Le Jury considère que si l’affiche en cause est, ainsi que le fait valoir l’annonceur, en rapport direct avec l’objet de la revue qu’elle promeut, il n’en demeure pas moins qu’elle utilise la représentation d’un corps féminin totalement dénudé.

Quand bien même des « pastilles » aient été apposées sur les parties intimes de la personne représentée, celles-ci sont réduites au très strict minimum et ne laissent rien ignorer de l’anatomie du modèle.

Cette représentation, qui constitue une instrumentalisation du corps de la femme la réduisant à la fonction d’objet, en l’occurrence d’objet sexuel, contrevient aux dispositions précitées.

Il appartient, par ailleurs, à la société annonceur de réitérer les recommandations d’affichage hors du champ de vision des mineurs, afin d’éviter que ceux-ci puissent être choqués, ce qui selon la plainte n’a pas été le cas en l’espèce.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– La publicité en cause contrevient aux dispositions 1-3 et 2-1 de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP ;

– La décision du Jury sera communiquée au plaignant et à l’annonceur;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 4 janvier 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mme Drecq, MM. Depincé, Leers et Lacan.