Avis JDP n°178/12 – AGENCE DE COMMUNICATION – Plainte fondée

Décision publiée le 13.02.2012
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de l’ARPP, de l’annonceur, et du groupe de sociétés éditeur du magazine hebdomadaire ;

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 6 janvier 2012 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’une agence de communication, diffusée dans un magazine hebdomadaire.

Cette publicité présente un bébé, allongé sur le dos, entièrement nu. Il est affublé de testicules dont la taille est disproportionnée par rapport à celles d’un enfant de son âge.

L’image est signée « XXX, Elue meilleure jeune agence de l’année».

2.Les arguments des parties 

 Le plaignant énonce que cette publicité est choquante et humiliante pour l’image de l’enfant.

Il fait valoir que montrer les parties génitales des adultes est interdit dans les publicités et qu’il n’est donc pas acceptable de montrer un bébé nu, qui plus est, avec « des parties génitales de la taille d’un homme adulte ».

Par ailleurs, il oppose que, dans la mesure où le bébé ne peut à aucun moment donner son avis sur la question, il n’est pas normal d’utiliser son corps dans une image publicitaire de manière aussi vulgaire et provocante, à son insu.

L’ARPP indique que ce projet lui a été soumis pour conseil préalable dans le cadre d’une diffusion dans le magazine hebdomadaire.

L’Autorité a répondu que « la nudité d’enfants ou de tous jeunes enfants n’est généralement utilisée que pour des produits spécifiques les concernant (couches, crèmes apaisantes..) avec le respect simple de règles de décence (sans visualisation des sexes des enfants) pour éviter que le public ne soit choqué, pour éviter toute éventuelle utilisation malsaine des images, pour respecter la dignité des très jeunes comédiens présentés par leurs parents et protéger aussi l’image des annonceurs concernés ».

Cependant, compte tenu du contexte de diffusion spécifique de cette publicité, à savoir, une parution exclusive dans un support presse spécialisé en communication destiné quasi majoritairement à un public professionnel majeur et averti, pour une communication « B to B », l’ARPP a indiqué que la décision finale de l’insertion relevait de la responsabilité du directeur de la publication.

Le groupe de sociétés éditeur du magazine hebdomadaire explique avoir, à réception de cette publicité, débattu en interne et demandé l’avis de l’ARPP.

Compte tenu de la réponse de l’ARPP, il a donc fait le choix de passer cette « communication B to B », destinée à « un public professionnel majeur et averti ».

L’agence de communication fait valoir que le but de cette annonce est de célébrer non pas un produit mais l’activité publicitaire elle-même, ainsi que sa désignation comme « meilleure jeune agence de publicité » pour l’année 2011.

Cette publicité a été diffusée exclusivement et une seule fois dans les 2 supports professionnels destinés aux publicitaires (moins d’une dizaine de milliers d’exemplaires dans chacun des cas). Ce public, composé exclusivement d’abonnés, est confronté au quotidien au langage et à la rhétorique publicitaires et se trouve parfaitement en mesure de « décoder » la métaphore entre la meilleure jeune agence et un bébé qui lui aussi « promet« .

Le clin d’oeil n’a pour but que de susciter un sourire sur le mode de l’autodérision.

L’agence ajoute que cette image n’a pas été réalisée par elle mais provient d’une photographie existante et en circulation (agence de photographie).

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que le Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale  dispose que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique.

Article 18 – Enfants et adolescents

Un soin particulier doit être mis en oeuvre dans la communication commerciale ciblant ou faisant apparaître des enfants ou des adolescents. »

D’autre part, la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP énonce que :

« Dignité, décence

La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante.

D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »

Enfin, la Recommandation « Enfant » de l’ARPP dispose que :

« La publicité doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale :

Dignité, décence

« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, de choquer ou de provoquer en propageant une image de l’enfant portant atteinte à sa dignité ou à la décence.

La publicité ne doit pas mettre en scène l’enfant dans des situations susceptibles de le dévaloriser ou de porter atteinte à son intégrité physique ou morale.(…)

Lorsque la publicité fait référence à la nudité enfantine, il convient de veiller à ce que le comportement de l’enfant corresponde aux attitudes qu’il est susceptible d’adopter habituellement dans son environnement quotidien. »

Le Jury rappelle qu’il a, par de multiples décisions, précisé que la présentation de la nudité pour la promotion d’un produit sans lien avec le corps constitue une atteinte aux règles déontologiques précitées sur l’image de la personne humaine.

En conséquence, la représentation, par la publicité en cause, du corps d’un bébé totalement nu constitue une atteinte au principe rappelé ci-dessus.

Le Jury admet que la publicité en cause comporte un message qui se veut humoristique et utilise une représentation enfantine courante dans les familles sans porter atteinte à la décence.

Ainsi que l’ARPP l’a elle-même admis dans sa lettre précitée, cette publicité étant destinée uniquement à un public de professionnels avertis à décrypter des images symboliques, les principes déontologiques pouvaient être appliqués de façon plus souple que pour une publicité destinée au grand public.

Cependant, le Jury relève que l’utilisation d’un corps d’enfant ainsi doté de parties génitales disproportionnées pour son âge peut être de nature à choquer le public qui peut avoir accès à la publicité en cause et que, dans ces conditions, elle ne respecte pas l’article 18 du Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, ainsi que les Recommandations Image de la personne humaine et Enfant de l’ARPP.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– La publicité de l’agence constitue une atteinte aux articles 1,2 et 18 du Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, ainsi qu’aux Recommandations Image de la personne humaine et Enfant de l’ARPP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de veiller à ce que cette publicité cesse et à ce qu’elle ne soit pas reconduite ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’agence de communication, au magazine hebdomadaire et à l’ARPP ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 3 février 2012 par Mme Michel-Amsellem, substituant la présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio, MM Benhaïm, Lacan  et Leers.