Avis JDP n°154/11 – SERVICES EN LIGNE/ AUTOMOBILE – Plainte fondée

Décision publiée le 30.11.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 26 septembre 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur d’un appareil assistant de formation à l’éco-conduite.

Cette publicité présente une femme, de dos, écrivant sur un tableau noir de classe et se haussant sur la pointe des pieds pour atteindre le haut du tableau. Ce mouvement, relève sa jupe laissant apparaître sa culotte et des bas noirs munis de porte-jarretelles.

Cette image est accompagnée du texte en accroche « Dans certaines conditions, nul doute que les formations soient un succès ».

2.La procédure

La société annonceur a été informée par courrier recommandé du 4 octobre 2011 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP.

Elle a répondu par lettre du 20 octobre 2011, par laquelle elle développe un certain nombre d’arguments de défense et indique qu’elle est prête à venir défendre ses arguments, si une audience était nécessaire.

 3.Les arguments des parties

Le plaignant énoncent que cette publicité présente un caractère sexiste.

La société fait valoir que sa publicité n’est pas contraire aux dispositions relatives à l’image de la personne humaine :

Sur le respect des l’article 1/1 selon lequel la publicité ne doit pas heurter la sensibilité et porter atteinte à la dignité et à la décence de la personne humaine.

L’annonceur concède que la publicité est décalée et très légèrement osée. L’objectif principal étant d’interpeller et d’attirer l’attention du lecteur et non de le choquer.

Il ajoute que la publicité en cause ne présente pas la femme dans une position dégradante, le professeur n’étant pas dans une situation d’infériorité ni de soumission, au contraire ; elle se positionne en tant que dominante car elle est dans son rôle d’enseignante ; elle n’apparaît pas complètement nue. Sa posture est en conséquence beaucoup moins suggestive que celle des femmes sur les couvertures des magazines affichés dans les kiosques.

En conséquence, la publicité n’est selon lui, ni choquante ni grossière et n’affecte pas la dignité et la décence de la femme.

Sur le respect de l’article 1/2 selon lequel la nudité ne doit pas être avilissante ou aliénante.

L’annonceur expose que la formatrice est dans une position clairement plus respectable que les femmes qui s’affichent nues à la télévision pour vanter les bienfaits d’un savon ou d’un parfum. Par ailleurs, toutes les marques de produits ménagers utilisent la femme comme effigie de leurs campagnes publicitaires, ce qui correspond à un acte qui peut être qualifié de machiste.

Sur la nécessité de ne pas utiliser de qualificatifs, d’attitudes, de postures ou de gestes humiliants ou dégradants pour la femme.

La société fait valoir qu’il n’existe, dans sa publicité, aucune représentation implicite ou explicite pouvant dégrader ou humilier la femme. En effet, rien ne laisse croire à un acte prémédité de celle-ci. Elle a juste une jupe un peu trop courte qui laisse apparaître une infime partie intime de son anatomie.

Ni qualificatifs, ni attitudes, ni posture, ni geste ne sont présentés comme pouvant être à caractère sexuel et ainsi dénigrer l’image de la femme.

Elle ajoute avoir simplement métaphorisé la situation d’un petit garçon, séduit par un professeur d’école, à qui il porte une attention particulière et qui adopte, en conséquence, une attitude respectueuse.

Le message qu’elle a souhaité faire passer est que la pédagogie nécessite parfois des subterfuges, techniques pour maintenir l’attention du stagiaire.

Parallèlement, la publicité est à destination d’un public très majoritairement masculin et  correspond à la cible visée.

Sur l’article 2/1 selon lequel la publicité ne doit pas réduire la femme à la fonction d’objet, l’annonceur fait valoir qu’un sentiment de désir est légal et naturel.

La femme d’aujourd’hui est considérée en tant que telle et on le voit partout, dans la rue, dans les médias, dans les publicités. Les hommes peuvent aussi être concernés.

Il n’est pas question, dans sa publicité, d’objet sexuel. Aucun homme n’entoure la formatrice et aucun de ses gestes n’indique une quelconque insinuation à un rapport autre que pédagogique. Sa tenue et son attitude sont correctes.

Il ajoute, enfin, qu’avant de prendre la décision de faire paraître cette publicité, il a enregistré des réactions positives à son égard et a rencontré un succès aussi bien auprès d’hommes que de femmes.

4.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose que :

2/1 « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

3/1 « La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes. »

L’image en cause donne, par la tenue vestimentaire du personnage, qui renvoie explicitement à la sexualité, une image de la femme réduite à un objet de désir.

Cette utilisation pour promouvoir la vente d’un produit ou d’un service sans lien avec le corps et qui ne nécessite pas ce recours constitue une instrumentalisation du corps de la femme, la dévalorisant.

En conséquence, le Jury considère que la représentation en cause contrevient aux règles déontologiques rappelées ci-dessus.

5.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– La publicité contrevient aux points 2/1 et 3/1 de la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’ARPP ;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires à ce que cette publicité ne soit plus diffusée ;

– La présente décision sera communiquée aux plaignants et à l’annonceur ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 7 octobre 2011, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, substituant la Présidente empêchée Mmes Drecq et Moggio et MM. Lacan et Raffin.