Avis JDP n°140/11 – MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION – Plainte partiellement fondée

Décision publiée le 29.09.2011
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 juin 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une campagne publicitaire en faveur d’une société proposant des blocs béton, diffusée sur Internet.

Cette campagne est composée de six vidéos accessibles sur le site Internet de l’annonceur.

Pour chaque vidéo, une femme est présentée afin d’illustrer l’une des propriétés du mur proposé :

– femme en short munie d’un fouet, frappe un bloc béton pour illustrer la résistance ;

– femme effectuant des mouvements de bras pour illustrer la souplesse de résistance ;

– femme entourée de papillons pour illustrer le respect de l’environnement;

– femme dévoilant son torse nu pour illustrer la performance thermique;

– femme allongée, en short, bustier et talons hauts pour illustrer l’isolation phonique;

– femme repoussant des ballons pour illustrer l’économie budgétaire.

L’accroche publicitaire est « Le Mur X – La force du bloc, le confort de l’isolant ».

2.Les arguments des parties 

 Le plaignant, estime que cette campagne publicitaire est sexiste et que les différentes vidéos sont dégradantes pour l’image de la femme. Il relève en particulier la vidéo montrant une femme munie d’un fouet, ainsi que celle montrant une femme au torse nu.

L’annonceur n’a pas présenté d’observations.

L’agence de communication, conceptrice de la publicité, explique que cette campagne est destinée à la fois à une cible de particuliers qui ont le projet de faire construire une maison – femme ou homme – et aux prescripteurs du bâtiment que sont les architectes, constructeurs de maison ou économistes de la construction.

Avec un nouveau positionnement, la campagne met en avant non plus le seul produit de bloc béton mais une solution constructive complète répondant aux impératifs de la future réglementation thermique RT 2012.

Elle fait valoir que « le choix d’associer au produit des ambassadrices de charme  capables de convaincre et séduire à la fois repose sur les raisons suivantes :

 – Prendre le contre-pied d’une image de dureté et de rigidité du béton.

Les matériaux de construction évoluent dans un univers où la technologie est primordiale et le béton dans l’esprit commun manque de séduction. Il est associé à une image de rigueur, de rudesse, robustesse, dureté, rigidité. Il s’agissait donc pour la marque de prendre le contre-pied.(…)

 – Les femmes sont plus exigeantes s’agissant du confort de vie.

Le mur X est un système constructif largement utilisé pour la construction de maisons individuelles. Dans ce contexte, les femmes sont autant utilisatrices finales que les hommes et souvent plus exigeantes s’agissant du confort de vie. Il était important pour la marque de s’appuyer sur leur témoignage et d’associer l’image de la femme à la présentation du produit : isolation phonique, performance thermique, économie budgétaire, résistances exceptionnelles, contribution au respect de l’environnement, souplesse d’utilisation ».

L’agence ajoute que, loin de tout propos sexiste, il lui semble que cette nouvelle campagne relève simplement de la séduction. Elle a d’ailleurs été conçue et choisie par des femmes et, loin de dégrader l’image de la femme, la met en scène dans un univers jusque là souvent réservé aux hommes.

Selon elle, la représentation en cause ne porte donc pas atteinte à la dignité et à la décence de la personne humaine et ne peut être interprétée comme réduisant la femme à la fonction d’objet. Il s’agit au contraire d’une création symbolique et esthétisante qui ne comporte aucun caractère dénigrant, toutes les femmes étant vêtues de façon élégante et décente.

3.Les motifs de la décision du Jury

 La Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose en son article 2/1 que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Le Jury relève que les visuels de la femme effectuant des mouvements de bras pour illustrer la souplesse de résistance, de celle entourée de papillons pour illustrer le respect de l’environnement et de celle repoussant des ballons pour illustrer l’économie budgétaire présentent des femmes en tenue décente dont la gestuelle est dépourvue d’ambiguïté et qui illustrent de façon symbolique les qualités qui sont ensuite énoncées dans les messages.

Ces trois visuels respectent donc les dispositions de la Recommandation précitée.

En revanche, le visuel destiné à illustrer la performance thermique met en scène une femme de dos, en minijupe, le haut du corps revêtu d’un seul fouloir de mousseline, qui retire le foulard lentement, puis, se retournant laisse apparaître l’un de ses seins nus.

Cette image qui utilise la nudité de la femme pour promouvoir un produit de construction, sans lien avec le corps constitue un défaut de respect de la disposition précitée.

Le visuel concernant la résistance, montre une femme en short munie d’un fouet, qui, après avoir lancé un regard provoquant, frappe avec ce fouet un bloc béton.

Cette image renvoyant à certaines pratiques sexuelles, réduit la femme à un objet érotique et le spot ne respecte donc pas la Recommandation précitée.

Enfin, le visuel portant sur l’isolation phonique met en scène une femme en short et bustier, portant des escarpins à talons aiguilles, allongée sur un bloc béton.

Cette image à connotation érotique pour promouvoir un produit de construction, réduit la femme à un objet sexuel et le spot ne respecte donc pas la Recommandation précitée.

4.La décision du Jury

– La plainte est  fondée en ce que les spots illustrant la performance thermique, la résistance et l’isolation phonique ne respectent pas les dispositions de l’article 2/1 de la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP ;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces publicités ;

– La décision du Jury sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, ainsi qu’à l’agence;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 9 septembre 2011 par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Drecq, MM Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers, et Raffin.