Avis JDP n°108/11 – CHAINES DE TÉLÉVISION – Plainte fondée

Décision publiée le 02.05.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

– Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 3 février 2011, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité, aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité presse en faveur d’un programme diffusé sur une chaine de télévision thématique.

Le visuel représente le dessin de deux jeunes femmes vêtues de soutiens-gorges, culottes et bas, se tenant dos contre dos.

Le texte accompagnant cette image est « C’est toujours l’année du cochon sur X – Katsuni vous dévoile ses mangas les plus sexy – tous les vendredis à 22h30 – » suivi d’un logo spécifiant que le programme est réservé à un public de plus de 16 ans.

2.Les arguments des parties

– Le plaignant énonce que cette publicité est sexiste et met en évidence des signes de soumission des femmes représentées envers les hommes qui regarderont ces programmes.

Le plaignant relève de plus l’apparence très jeune des femmes et le contexte de diffusion de la publicité dans un magazine grand public.

Selon lui, cette publicité ne respecte pas les dispositions de la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP, en particulier, le point 2/1 selon lequel « la publicité ne doit pas réduire la personne humaine et en particulier la femme à la fonction d’objet. ». Or, selon le plaignant, la publicité promeut des films érotiques dont le public est essentiellement masculin comme l’indique le mot « cochon » dans le titre.

Les deux jeunes femmes en sous-vêtements, bas et gants, dont les formes et courbes sont accentuées alors que leurs têtes sont celles de très jeunes adolescentes, sont représentées comme des objets sexuels.

Par ailleurs, cette publicité contreviendrait au point 3/1 de la Recommandation susvisée qui dispose que « La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes. ». 

Le plaignant considère que la représentation des femmes, les yeux baissés, est un signe de soumission. De plus, celle de droite a les poignets rapprochés comme s’ils étaient menottés et porte un collier de cuir noir tel un chien.

– L’agence de communication précise que cette annonce, en faveur du programme « Les mangas sexy de Katsuni », interdit aux moins de 16 ans et diffusé sur la chaîne, reprend une image de la série télévisée.

L’agence ajoute que cette publicité a fait l’objet de cinq parutions et n’est plus diffusée aujourd’hui. Elle précise avoir demandé néanmoins à son client de ne plus utiliser ce visuel dans la presse grand public.

– Le support de diffusion explique avoir considéré que cette publicité était conforme aux principes défendus par l’ARPP, en particulier ceux se rapportant à l’image de la personne humaine.

Elle conteste la description et l’analyse faites par le plaignant de cette publicité. L’une des deux femmes a les yeux fermés l’autre dirige au contraire son regard vers le public. Elle n’est pas en sous-vêtements et en bas mais porte un tea-shirt de plage sur un bikini. Celle qui a les yeux fermés a quant à elle des gants et des bottes à la manière d’un super-héros de bande-dessinée, ce qui est cohérent avec la référence au manga faite sur l’affiche. Il n’y a donc aucune idée de soumission et de dépendance dans cette image mais bien une idée de séduction et une volonté de mettre en avant le charme des deux femmes représentées, sans rien de dégradant ou d’indécent.

Le support considère donc que la Recommandation de l’ARPP n’est pas enfreinte, celle-ci autorisant même l’utilisation de la nudité si sa représentation n’est pas avilissante ni aliénante.

Concernant la diffusion de cette publicité, il explique que celle-ci a été placée au niveau des programmes du vendredi, ce qui est logique puisqu’elle se rapporte à un programme diffusé « tous les vendredis à 22h30 » comme précisé sur l’affiche. Il ne s’agit pas d’une stratégie visant à atteindre le public intéressé par les programmes du samedi.

Pour le reste et quant au fait notamment que l’affiche ferait la publicité de films érotiques, l’affiche n’est pas relative à des films mais à des mangas et dessins animés.

Enfin la société rappelle qu’en tant que support de diffusion, elle n’est en mesure d’exercer qu’un contrôle restreint qui ne porte que sur la publicité elle-même, le produit relevant de la responsabilité de l’annonceur.

– La société annonceur de la campagne fait valoir que cette campagne avait pour seul objet de mettre en avant un programme d’animation. Le caractère sexy (et non sexiste) de ce programme est inhérent à sa catégorie dans la mesure où il relève des  mangas  dits « hentaï » (dont la particularité est  ledit caractère « sexy »). En aucune manière, il ne s’agissait de véhiculer un message misogyne.

L’annonceur indique avoir pris la mesure des remarques émises et arrêté la campagne en cause (cinq parutions au total) dans la presse grand public.

3.Les motifs de la décision du Jury

La Recommandation Image de la personne humaine de l’ARPP dispose que :

La publicité ne doit pas réduire la personne humaine et en particulier la femme à la fonction d’objet.

– La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes.

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée dans la presse grand public, si elle se réfère à l’univers des mangas, opère un rapprochement direct entre l’image de deux très jeunes filles et le slogan mentionnant « l’année du cochon ».

En ce sens, elle renvoie à une représentation avilissante de la femme et contrevient aux Recommandations précitées de l’ARPP.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre les mesures permettant de faire cesser la diffusion de cette publicité;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur, à l’agence ainsi qu’au support de diffusion;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 8 avril 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, ainsi que MM. Benhaïm, Lacan, Leers et Raffin.