Avis JDP n°349/14 – SPECTACLES MUSICAUX – Plainte non fondée

Avis publié le 31 décembre 2014
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 24 septembre 2014 d’une plainte de l’association La Lune 67, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur du concert d’un groupe de musique, organisé dans la salle de spectacle Le Molodoï, à Strasbourg.

Cette affiche montre, dans un environnement bâti délabré, deux paires de jambes, vues de derrière : l’une, d’une femme, chaussée de chaussures à talons, jambes nues, une culotte blanche descendue sur les chevilles ; l’autre d’un homme habillé se tenant derrière la femme.

Le texte annonce le nom d’artistes et la date du spectacle.

2.Les arguments échangés

L’association plaignante estime que cette affiche est dégradante, machiste, sexiste, avilissante, humiliante, révoltante et destructrice pour l’image de la femme.

L’annonceur a été informé par courrier recommandé avec avis de réception du 4 novembre 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur fait valoir qu’il est une structure sociale, politique et culturelle autogérée par une équipe de bénévoles dont l’objectif principal est la mise à disposition gratuite des locaux aux associations locales et régionales qui souhaitent y développer un évènement. Il indique que l’association porteuse du projet est à l’origine de la création de l’évènement musical et de sa communication et décline donc toute responsabilité quant à l’élaboration et la diffusion de l’affiche en cause. Il indique toutefois avoir donné son approbation à cette affiche, dont il estime qu’elle ne représente pas nécessairement une scène de viol, contrairement à ce que soutient l’association plaignante.

S’il peut comprendre que des personnes puissent souffrir de la représentation d’une forme de violence, supposée ou réelle, induite ou factuelle, il considère que la liberté artistique ne lui permettait pas de s’opposer à la diffusion de cette affiche.

3.L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose que : « 1/1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. / 1/2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante. / 1/3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. ».

En outre, le point 2/1 de la même Recommandation prévoit que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet. »

Enfin, il résulte des points 3/1, 3/2 et 3/3 de cette Recommandation que « La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes », que « Toute présentation complaisante d’une situation de domination ou d’exploitation d’une personne par une autre est exclue » et que « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. »

Le Jury constate en premier lieu que la publicité en cause ne représente pas la nudité ou la personne humaine de manière avilissante, dégradante, humiliante ou aliénante, et que la femme, pas plus que l’homme, n’est réduite à la fonction d’objet. En outre, le visuel, centré sur les jambes des modèles, ne permet pas d’affirmer qu’il représenterait une scène dans laquelle la femme se trouverait soumise, dominée ou exploitée, ou que la situation représentée ferait intervenir de la violence, notamment sous la forme d’une contrainte physique exercée par l’homme.

Le Jury comprend certes que cette publicité, par le rapprochement entre le visuel et le nom du groupe musical, qui est aussi celui d’une substance communément baptisée « drogue du violeur », puisse évoquer une scène de viol. Il estime toutefois que cette interprétation ne se déduit pas nécessairement du visuel et que, en tout état de cause, aucun élément de la publicité ne permet d’exclure que le propos de la publicité consiste, précisément, en une dénonciation de cette infraction.

Compte tenu de la liberté d’expression qu’il convient de reconnaître aux auteurs d’œuvres de l’esprit, dont l’objet même peut être d’interpeller le public voire, dans une certaine mesure, de le choquer, le Jury estime enfin que cette publicité est acceptable au regard du point 1/1 de la Recommandation précitée.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité ne méconnaît pas les règles déontologiques invoquées.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 12 décembre 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mme Moggio et MM. Carlo, Depincé, Lacan et Leers.