Avis JDP n°195/12 – JEU VIDÉO – Plainte non fondée

Décision publiée le 16.07.2012
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de la société annonceur et de son conseil, ayant présenté des observations écrites et après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 10 mars 2012, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité en faveur du jeu vidéo animé A, diffusé  en presse.

Cette publicité présente, sous forme de dessin extrait du jeu vidéo, une femme habillée d’une nuisette, se tenant de face, les jambes nues écartées, son entrejambes masqué par une tête présentée en gros plan.

Le texte accompagnant cette image est « Elle sera disponible le 9 février. Le serez-vous ? ».

2.Les arguments des parties

Le plaignant énonce que cette publicité est inadmissible, sexiste et insultante pour les femmes en les montrant comme des objets sexuels.

Il ajoute que la revue dans laquelle a été diffusée la publicité étant accessible par n’importe quel amateur de jeu vidéo, c’est une image pernicieuse que les jeunes hommes se font des femmes.

L’annonceur a été informé, par courrier avec avis de réception du 3 avril 2012, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP. Elle a sollicité une audition et l’affaire a été examinée par le Jury en séance, ainsi que le prévoit la même disposition.

Elle invoque l’irrecevabilité de la plainte au motif que celle-ci n’aurait pas été motivée.

Elle prétend enfin à une violation des droits de la défense, affirmant dans ses observations écrites, n’avoir pu faire valoir ses arguments.

La société conseil de l’annonceur fait valoir que la publicité est conforme à la signalétique PEGI, selon laquelle la classification destinée aux adultes s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint des représentations de violence accrue et/ou inclut des éléments de types spécifiques de violence.

Il ajoute que le jeu vidéo A, très connu au Japon et récemment commercialisé en France, est un jeu vraiment atypique qui vise spécifiquement les joueurs approchant la trentaine.

Les bandes-annonces de ce jeu diffusées sur Internet depuis plusieurs années jouent sur le mystère et l’ambiguïté. Pour autant, il s’agit plutôt d’un jeu de réflexion sous la forme d’un visual novel (roman graphique interactif assez populaire au Japon) pour plonger le joueur dans une intrigue mystico psychologique.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Sur la procédure,

Le Jury de Déontologie Publicitaire rappelle que son règlement intérieur, disponible sur le Site Internet de l’ARPP, dispose en son article 11 que « une plainte, pour être prise en compte, doit être transmise au JDP par écrit et être clairement motivée ».

S’il est exact qu’en l’espèce la plainte qui a initié la procédure se contente d’invoquer « une publicité inadmissible », il est manifeste qu’un second courrier électronique en date du 23 mars 2012 et émanant du plaignant énonce, notamment, que cette publicité « est sexiste, insulte les femmes et les montre comme des objets sexuels. Cette revue étant accessible par n’importe quel amateur de jeu vidéo, c’est une image pernicieuse que les jeunes hommes se font des femmes […] ». Ce second courrier est suffisamment explicite pour être considéré comme apportant une motivation satisfaisante.

Il a été adressé au secrétariat de l’ARPP dans les délais prescrits pour la formulation d’une plainte à l’égard d’une publicité, soit moins de deux mois avant la fin de la diffusion de la publicité (article 3 du Règlement intérieur du JDP).

La plainte était par conséquent motivée dans les délais prescrits et elle est donc recevable.

La société conseil invoque également une violation des droits de la défense et rappelle « qu’il n’est pas possible en France de porter un jugement définitif sans que la partie concernée n’ait pu livrer ses arguments en défense ».

Or, s’il est exact que la Présidente du JDP avait suggéré une orientation du dossier vers une procédure simplifiée (prévue à l’article 12 du règlement intérieur), toutes les parties ont pu faire valoir leurs observations par écrit et ont ensuite été entendues à leur demande (conformément à l’article 14 du même règlement intérieur).

Dans ces conditions, les droits de la défense de la société conseil ont été respectés.

 Au fond,

Le Jury rappelle que la Recommandation Image de la Personne Humaine de l’ARPP dispose :

Dans le point 2-1 du paragraphe relatif aux « stéréotypes sexuels, sociaux et raciaux » que « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Si la formulation « Elle sera disponible le 9 février. Le serez-vous ? », qui laisse penser que le verbe « disponible », se rapporte à la jeune fille A, est particulièrement regrettable, le Jury constate toutefois que la date correspond à celle de sortie du jeu et que l’affirmation est en rapport direct avec l’objet de celui-ci, qui, ainsi qu’il a été précisé en séance, constitue un jeu de rôle où le joueur doit choisir entre rester avec son amie pour conserver une vie banale ou la quitter pour retrouver A, aux mœurs plus libertines.

Par ailleurs, la représentation graphique de la jeune fille, qui est reprise du jeu lui-même, correspond à celle des mangas japonais que le public est habitué à décrypter. Elle est certes suggestive, mais ne comporte pas de nudité et son caractère indécent est suggéré sans être montré.

Il n’entre pas dans les compétences du Jury de Déontologie Publicitaire d’apprécier le caractère licite ou conforme aux bonnes mœurs d’un jeu vidéo, mais simplement de s’assurer que la publicité qui y correspond est conforme aux règles déontologiques.

En outre, il n’a pas été établi que cette publicité avait été diffusée devant un large public, et notamment de jeunes enfants, puisque la revue ayant diffusée la publicité s’adresse à un public de grands adolescents et de jeunes adultes.

Il résulte de ce qui précède que la publicité A n’est pas contraire à la Recommandation Image de la personne humaine.

4.La décision du Jury

– La plainte est recevable ;

– La plainte est rejetée ;

– La présente décision sera communiquée au plaignant, à la société conseil, ainsi qu’au diffuseur presse ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 6 juillet 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente suppléant la Présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaim, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.