WINAMAX – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 9 novembre 2020
WINAMAX – 681/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 août 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un tweet diffusé par la société Winamax.

Ce tweet montre le blason de deux équipes de football, le Paris Saint-Germain et l’Olympique Lyonnais, positionnés respectivement sur le visage de deux hommes vêtus chacun d’un haut de survêtement.

Cette image est accompagnée du texte « Winamax sport. On prend l’Europe, on l’encule à deux. #MCIOL ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que, par le message qui accompagne le visuel, cette publicité contrevient aux principes déontologiques, notamment aux articles 2 et 3 du code de communication de la Chambre de Commerce Internationale, ainsi qu’à l’article 1.2 de la Recommandation « Jeux d’argent ».

Au vu de la gravité du contenu du message publicitaire, le plaignant demande qu’il soit fait application du cinquième alinéa de l’article 21 du règlement intérieur du Jury, qui prévoit la publication de l’avis dans la presse sportive (l’Equipe) et dans la revue Stratégies.

La société Winamax a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 septembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique tout d’abord que, à la date de la plainte et bien avant qu’elle lui soit notifiée, le tweet litigieux avait été retiré, après seulement 72 heures de diffusion. Il sollicite donc le règlement amiable de la plainte, en application de l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Elle fait ensuite valoir que la plainte n’est pas recevable dès lors que le tweet en cause n’est pas une communication publicitaire. Elle se prévaut à cet égard de jugements des tribunaux de grande instance de Paris et de Lyon selon lesquels les tweets publiés par une société commerciale pouvaient s’inscrire « dans un contexte précis d’actualité et de débat d’intérêt général » et ainsi avoir une nature éditoriale et non publicitaire. Tel est le cas en l’espèce car ce tweet se borne à rebondir sur une actualité sportive, en l’occurrence la qualification exceptionnelle de deux clubs de football français en demi-finale de la Ligue des champions. Aucune référence n’y est faite aux paris sportifs, le tweet ne comporte aucun lien hypertexte vers le site internet de Winamax et il n’est pas accompagné de hashtags commerciaux. Le caractère éditorial serait renforcé par la référence appuyée au groupe de rap PNL, illustré par une photographie de l’album (« Deux frères ») dont est tiré la chanson (« Celsius ») que le message critiqué détourne.

La société Winamax soutient en outre qu’en tout état de cause, le tweet contesté n’est pas contraire aux règles déontologiques invoquées par le plaignant. Le message en cause est en effet une référence très claire à la chanson « Celsius » de PNL. Elle rappelle que la jurisprudence reconnaît au genre musical du rap, caractérisé par l’outrance, une plus grande liberté d’expression tenant compte du caractère volontairement provocateur du langage dans ce mode d’expression musical. L’outrance et le caractère humoristique du message sont immédiatement compris par les abonnés au compte, sans qu’on puisse y voir une incitation à la violence ni même à un manquement aux convenances sociales.

Enfin, la société considère que la publication dans la presse d’un avis qui déclarerait la plainte fondée serait clairement disproportionnée.

Le plaignant n’a pas souhaité donner suite à la proposition de règlement amiable formulée par la société Winamax.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la nature du message en cause, la compétence du Jury et la recevabilité de la plainte

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel ou éditorial, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (édition 2018), ou ne revêtir aucun caractère commercial (promotion d’une action caritative, d’une politique publique…).

En l’espèce, le tweet critiqué émane du compte twitter de Winamax (@Winamax Sport) dont le logo est représenté. Il fait directement référence à la qualification du Paris Saint-Germain et de l’Olympique lyonnais en demi-finales de la Ligue des champions de football. Il ne comporte en lui-même aucune information autre que, de manière allusive, cette qualification déjà largement connue et relayée par les médias, ni prise de position sur un débat d’actualité. S’il peut avoir été motivé par les velléités humoristiques de son auteur, il est de nature à inciter ses destinataires à utiliser le site de pari en ligne que gère la société à l’occasion des matchs auxquels il fait implicitement mais clairement référence. En tout état de cause, il s’inscrit dans une stratégie de notoriété de la marque. Dans ces conditions, le Jury considère que le tweet litigieux constitue une publicité au sens de son règlement intérieur.

Le Jury est donc compétent pour connaître de la plainte dont il a été saisi, qui est recevable au sens de l’article 12 de son règlement intérieur.

3.2. Sur la conformité de la publicité litigieuse aux règles déontologiques

La partie I du code ICC Publicité et Marketing de la Chambre de commerce internationale (édition 2018), définit la communication commerciale comme « toute forme de communication produite directement par un professionnel ou en son nom et destinée principalement à promouvoir un produit ou à influencer le comportement des consommateurs ». Il précise que ce terme doit être interprété de manière large, incluant la publicité et toute autre technique, telle que la promotion, le parrainage ainsi que le marketing direct, et les communications commerciales numériques. Pour les raisons indiquées au point 3.1 du présent avis, le Jury estime que le tweet litigieux constitue une communication commerciale au sens du code ICC et entre ainsi dans le champ d’application de ce dernier.

Le Jury rappelle que le code ICC prévoit en son article 1er, consacré aux principes élémentaires, que « Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique » et « être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale ». Son article 2, intitulé « Responsabilité sociale », prévoit que : « La communication commerciale ne doit pas sembler ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. » et son article 3, consacré à l’exigence de « décence », que : « La communication commerciale doit proscrire toute déclaration […] contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés. »

En outre, l’article 1/2 de la Recommandation « Jeux d’argent » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité dispose que la publicité pour les jeux d’argent ne doit pas, de quelque manière que ce soit, inciter à des comportements incivils, violents voire illicites.

Le Jury relève que la publicité en cause, dont le visuel est directement inspiré de la couverture d’un des albums du groupe de rap PNL, entend détourner les paroles de la chanson « Celsius » de cet album (« On prend l’rap, on l’encule à deux »), afin d’illustrer l’exploit du Paris Saint-Germain et de l’Olympique lyonnais, qui se sont qualifiés pour la demi-finale de la Ligue des champions de football, laquelle est la compétition européenne la plus prestigieuse dans ce sport.

Le Jury rappelle, en réponse aux arguments de la société Winamax, que si les citoyens, notamment les compositeurs de chansons de rap dans l’écriture des paroles et leurs interprètes, bénéficient de la liberté d’expression garantie par la Constitution, laquelle doit d’ailleurs s’exercer dans les limites fixées par la loi et sous le contrôle des juridictions, les professionnels du secteur de la publicité ont souhaité, au-delà du cadre juridique en vigueur, élaborer des règles de nature déontologique, dépourvues de caractère législatif ou réglementaire et dont la méconnaissance n’est pas sanctionnée judiciairement, destinées à promouvoir une publicité responsable et largement acceptée au sein de la société, et mettre en place un dispositif d’auto-régulation, dont le Jury fait partie, afin d’en garantir le respect. La circonstance que les paroles d’une chanson, bien que grossières ou outrancières, seraient juridiquement acceptables au regard de la liberté d’expression est, en elle-même, sans incidence sur la conformité d’une publicité à ces règles déontologiques plus contraignantes.

De surcroît, le Jury relève que la notoriété du groupe PNL et, en particulier, celle de la phrase détournée, extraite d’une de leurs nombreuses chansons, n’est pas telle que toute personne exposée à cette publicité, y compris parmi les abonnés de Winamax Sport, serait, de manière immédiate et évidente, amenée à opérer le rapprochement entre cette chanson et le message qui accompagne le visuel.

Le Jury considère que le message qui accompagne le visuel de la publicité litigieuse présente un caractère ordurier qui, en soi, traduit un manquement aux exigences de responsabilité sociale et de décence posées par le code ICC. En outre, une telle phrase, émanant au surplus d’un des principaux acteurs du secteur des jeux en ligne, est de nature à cautionner une forme de violence physique et verbale, d’autant plus regrettable que le football professionnel est un sport dans lequel la violence entre supporters constitue une préoccupation majeure des pouvoirs publics, des instances dirigeantes et des clubs.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît, à l’évidence, les dispositions précitées.

Sur la publication de l’avis :

Il résulte de l’article 21 du règlement intérieur du Jury que les avis définitifs de ce dernier font l’objet d’une publication sur son site internet.

En outre, l’avant-dernier alinéa de cet article prévoit que le président du Jury a la possibilité, si la situation le justifie, de diffuser un communiqué sur le site internet du Jury ou de demander à l’ARPP une diffusion renforcée de l’avis par voie de communiqué sur son site internet, voire de demander la publication de l’avis, par voie d’encart dans la presse par exemple.

Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles confèrent un pouvoir propre au président du Jury. Il n’appartient donc pas au Jury de se prononcer sur la demande formulée par le plaignant sur ce point, ce d’autant que la faculté ainsi ouverte ne peut être exercée que lorsque l’avis devient définitif, ce qui n’est, par construction, pas le cas à la date d’adoption de l’avis par le Jury.

Avis adopté le 2 octobre 2020 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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