WEMED – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 10 novembre 2022
WEMED – 873/22
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le représentant de la société WeMed, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 juillet 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication en faveur de la société WeMed, pour promouvoir son offre d’équipements médicaux.

La communication diffusée sur la page LinkedIn de la société mentionne « … Née du constat que la médecine de proximité n’est pas accessible à tous, WeMed porte l’étendard de la démocratisation de la téléauscultation et de la #télémédecine grâce à ses dispositifs simples, biomimétiques, low-tech et low-cost. »

Le plaignant met également en cause le titre du site Internet de la société indiquant : « WeMed – Low-tech and Biomimicry medical devices… ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que selon l’ADEME, l’approche low-tech « est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires. La démarche low-tech implique un questionnement du besoin visant à ne garder que l’essentiel, la réduction de la complexité technologique, l’entretien de ce qui existe plutôt que son remplacement. La démarche low-tech permet également au plus grand nombre d’accéder aux réponses qu’elle produit et d’en maîtriser leurs contenus ».

Les solutions proposées par WeMed n’ont donc rien de low-tech, puisqu’elles enrichissent technologiquement nos vies, et complexifient encore un peu plus nos sociétés.

Enfin, l’ADEME classe les low-tech comme sous-domaine de l’économie circulaire et toute high-tech nous éloigne de l’économie circulaire. Quand bien même les solutions proposées par WeMed peuvent avoir un intérêt, elles ne peuvent être considérées comme des low-tech.

La société WeMed indique que, selon la définition communément admise de la low-tech, elle et ses dispositifs entrent parfaitement dans le cadre d’une extrême sobriété énergétique et dans le but notable de réduire l’empreinte carbone par réduction de l’utilisation de moyens de transport. En effet, WeMed, conçoit et développe des dispositifs médicaux permettant l’auscultation des malades de manière objective via la téléconsultation.

Les dispositifs sont fabriqués avec un minimum de matière première par fabrication additive en opposition à la fabrication par moulage, usinage ou injection, grosse consommatrice de matière première. Les équipements et matières sont recyclables et recyclées.

L’entreprise a fait le choix d’une technologie électronique la plus simple possible (PCB simple couche, une résistance, un microphone dont la durée de vie en utilisation et pleine capacité est supérieure à 14 ans, ainsi que deux ports Jack). Cette conception a été choisie afin de minimiser l’impact écologique contrairement aux dispositifs de même ordre utilisant des circuits intégrés avec amplificateurs électroniques, systèmes embarqués et batteries li-ion ou li-po.

98% des composants des dispositifs sont réalisés en France ainsi que la conception et l’assemblage. L’entreprise va même plus loin puisque les composants les plus lourds et volumineux sont fabriqués à moins de 60 km de l’usine d’assemblage.

Les dépenses de transports de santé représentant actuellement une dépense financière de plus de 5 milliards d’euros par an, avec une augmentation annuelle de 1,3%. La désertification médicale, qui est une des préoccupations principales du gouvernement, ne fait qu’amplifier les flux de transports médicaux et ainsi, au-delà de toute question financière, a un coût écologique non négligeable. C’est justement ce que combat quotidiennement WeMed, avec le souhait que chaque foyer français puisse s’équiper de ce dispositif médical et, ainsi, permettre d’assurer une continuité des soins primordiaux de manière objective sans que la distance pèse à la fois sur le porte-monnaie des patients ni sur l’écologie.

La société WeMed assure ainsi de son implication dans une démarche de développement durable à partir d’outils de basse technologie.

Lors de la séance, l’annonceur a repris ces éléments et rappelé que le terme « low-tech » est très mal défini. Il existe plusieurs publications sur ce concept, assez contradictoires entre elles voire en elles-mêmes. La plainte lui apparaît donc surprenante en ce qu’elle prétend imposer une définition de cette notion. La démarche de la société s’inscrit dans une optique durable et soucieuse de l’environnement, dès lors qu’elle permet d’éviter des transports longs et coûteux dans les déserts médicaux. Elle indique avoir essayé de réduire au strict minimum la technologie utilisée, en particulier pour la production. L’amplification sonore est purement mécanique. Les composants électroniques sont peu nombreux et très limités et ils peuvent être retirés et recyclés en fin de vie du produit, sans détruire ce dernier. La durée de vie limitée du produit est quant à elle imposée par l’ANSM. La société a expliqué que, si la création d’une entité juridique avait été nécessaire pour la création d’un objet à usage médical, le stéthoscope avait été développé en « open source », sans brevet et que toute personne physique ou morale pouvait, dans le respect de la réglementation en vigueur, imprimer un tel produit. Ainsi, les stéthoscopes ne sont pas exportés mais fabriqués sur place. Elle a enfin indiqué que la notion de « low-tech » n’avait été utilisée que sur le réseau LinkedIn et non sur le site internet, à vocation commerciale.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».

  • au titre de la clarté du message (point 4) :

« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP (…) »

  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.

7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.

  • au titre de la présentation visuelle ou sonore (point 8) :

« 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.

8.2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.

8.3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.

8.4 Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure. »

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée sur la page LinkedIn de la société WeMed, fait la promotion des produits de cette société et, en particulier, du « SKOP », qui est un stéthoscope connecté permettant de réaliser des actes de téléausculation. Elle allègue que les produits proposés par l’entreprise sont « low-tech ».

S’agissant de l’utilisation du terme low-tech en publicité

Le Jury constate qu’il n’existe ni définition officielle de l’expression « low-tech » (qui se traduit littéralement par « basse technologie »), laquelle n’appartient pas au « vocabulaire technique, scientifique, ou juridique » mentionné au point 7.5 de la Recommandation « Développement durable », ni de norme encadrant le recours à cette notion au sens du point 7.2. Dans son rapport de mars 2022 « Démarches « Low-tech » – Etat des lieux et perspectives », l’ADEME indique ainsi que « le concept de low-tech est mouvant et en construction », que « les définitions existantes sont diverses et parfois floues » et que « Bien que plusieurs acteurs aient déjà proposé des éléments de définition, il n’en existe actuellement pas qui soit unanimement partagée ». La définition proposée par l’ADEME dans ce document (« L’approche low-tech, parfois appelée innovation frugale, est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires ») n’a fait l’objet d’aucune forme d’homologation ou de reconnaissance officielle, et constitue seulement une contribution à la réflexion sur ce concept.

Il ressort toutefois de ce document et de sources publiquement disponibles que la qualification de « low-tech » est en général attachée à des démarches qui répondent à trois critères : l’utilité, la durabilité et l’accessibilité. Chacun de ces critères comporte des exigences qui peuvent ne pas toutes être remplies :

  • l’utilité consiste à satisfaire un besoin social avéré et d’une certaine importance, en excluant le superflu et les « gadgets » ;
  • la durabilité suppose une certaine robustesse, une réparabilité aisée, soit par le détenteur lui-même, soit par des services aisément accessibles, la recyclabilité du produit et la sobriété énergétique ;
  • l’accessibilité passe par la recherche de la simplicité ou, à tout le moins, de la complexité technique la plus limitée possible pour satisfaire le besoin, la recherche d’une certaine autonomie de l’utilisateur dans la fabrication, l’utilisation et/ou la maintenance du produit (qui fait écho au critère de durabilité), ainsi qu’un coût aussi abordable que possible.

Peuvent y être associées, selon les points de vue, des considérations tenant à la recherche du compromis entre efficacité et convivialité, au questionnement sur l’intérêt même d’une technologie et sur la notion d’innovation, à la « frugalité », ou encore à l’utilisation de ressources locales et à l’abondance de celles-ci. Si la démarche low-tech entend s’inscrire dans l’effort collectif de limitation de l’impact environnemental des produits et services et se déployer en tenant compte des contraintes de ressources et des conséquences écologiques de la production et de la consommation de biens, et si, en conséquence, une telle allégation constitue en principe un argument écologique au sens de la Recommandation « Développement durable », elle n’équivaut pas, dans l’esprit du public, à l’idée que le produit ou le service qui en relève serait respectueux de l’environnement, dépourvu d’incidence environnementale ni même écologiquement viable sur le long terme.

En présence d’une notion particulièrement nébuleuse et en construction, dont la définition est, en elle-même, un objet de débat, le Jury considère qu’un annonceur peut, dans une communication publicitaire, recourir à l’allégation « low-tech » pour désigner sa démarche à une double condition :

  • d’une part, conformément aux règles de clarté du message (point 4.1 en particulier), la publicité doit indiquer en quoi les activités, les produits ou les services promus présentent la qualité ainsi revendiquée : il peut s’agir d’une définition du concept ou de précisions sur le sens que l’annonceur entend lui conférer dans le contexte de sa publicité, qui peuvent figurer dans celle-ci ou dans un contenu tiers auquel elle renvoie de façon claire, dans le respect des exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ;
  • d’autre part, afin de ne pas induire en erreur le public et de respecter le principe de véracité, ces éléments d’information et les éléments de justification « sérieux, objectifs et vérifiables» que l’annonceur est tenu de fournir en vertu du point 2.3. de la Recommandation, doivent présenter un lien suffisant avec les critères mentionnés précédemment, en particulier avec le critère central d’accessibilité et, à ce titre, l’exigence de simplicité au regard de l’état de l’art et des pratiques. Le Jury considère en effet que, même si, selon la même étude de l’ADEME, les acteurs de cette démarche répugnent à opposer « low-tech » et « high-tech », le consommateur moyen est naturellement porté à penser, à tout le moins en l’absence de précisions contraires dans la publicité, que l’activité, le produit ou le service auquel l’allégation « low-tech » est attachée se distingue, par la simplicité de sa conception et la minimisation du recours à des procédés techniques de pointe, en particulier dans le domaine du numérique, d’autres activités, produits ou services répondant à un besoin analogue mais relevant, en raison de leur sophistication, de la haute technologie. En outre, ne peut être considérée comme présentant un lien suffisant avec les critères usuellement admis du « low-tech » une publicité qui se borne à promouvoir des produits et services permettant de réaliser des économies d’énergie ou d’autres ressources.

Il ressort des observations de l’annonceur que ce dernier a entendu utiliser l’allégation « low-tech » comme un argument écologique, en lien avec l’objectif de sobriété énergétique et de réduction de l’empreinte carbone. La Recommandation « Développement durable » est donc applicable.

Le Jury constate que ni la page LinkedIn en cause, ni le site internet de la société auquel elle renvoie ne définit clairement l’acception de la notion de « low-tech » que l’annonceur entend retenir et qu’il attache aux dispositifs médicaux eux-mêmes. La page LinkedIn énonce seulement, de façon générique, que la philosophie de la société repose sur quatre axes : le respect de l’humain, le respect de la nature (dispositifs réalisés à partir de matériaux biosourcés), le respect des utilisateurs et le respect des partenaires. Le Jury observe d’ailleurs que, hormis son « titre » tel qu’il est référencé par les moteurs de recherche, le site internet ne reprend pas formellement l’allégation « low-tech », pour les raisons indiquées par l’annonceur en séance. Dans ces conditions, faute d’expliciter en quoi les produits commercialisés présenteraient la qualité ainsi revendiquée, cette publicité méconnaît le point 4.1 de la Recommandation « Développement durable ».

En revanche, l’annonceur a fourni, dans ses observations, plusieurs éléments de justification de l’utilisation de cette allégation.

En premier lieu, au titre du critère d’utilité, il apparaît que le stéthoscope répond à un besoin social avéré qui consiste à permettre au plus grand nombre et, en particulier, aux personnes vivant dans des « déserts médicaux », de bénéficier d’une téléausculation par un médecin généraliste ou un cardiologue, sans avoir à se déplacer et à émettre du CO2 en conséquence.

En deuxième lieu, au titre du critère d’accessibilité, l’annonceur indique avoir fait le choix de la technologie électronique la plus simple possible, par opposition à des dispositifs de même ordre utilisant des procédés plus complexes (circuits intégrés avec amplificateurs électroniques, systèmes embarqués et batteries li-ion ou li-po…). L’amplification sonore repose ainsi sur un procédé purement mécanique. A cet égard, si la complexité technique du dispositif reste relativement élevée, celle-ci apparaît difficilement réductible pour satisfaire le besoin auquel le produit est destiné. De même, si le SKOP est réalisé par impression 3D, selon une méthode particulière (LSPc), qui constitue une technologie de pointe, celle-ci vise à limiter la quantité de matières premières utilisées, par ailleurs biosourcées, et permet, sur la base des plans et procédés disponibles publiquement et gratuitement, une fabrication locale du produit dès l’instant que la personne dispose du matériel nécessaire. Le Jury estime ainsi que la présentation de la conception, notamment la mise à disposition du procédé libre de brevet, peut être prise en considération pour évaluer la simplicité d’une démarche. Enfin, il apparaît que le produit est très simple d’utilisation pour l’usager.

En troisième lieu, au titre du critère de durabilité, l’annonceur a indiqué en séance que les composants électroniques du produit, peu nombreux, peuvent être retirés et recyclés en fin de vie du produit, sans détruire ce dernier.

En quatrième et dernier lieu, l’annonceur indique que la quasi-totalité des composants des dispositifs sont réalisés en France.

Le Jury estime ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, que la démarche de WeMed présente un lien suffisant avec les critères d’utilité, de durabilité et d’accessibilité pour justifier l’utilisation du terme « low-tech » en publicité sans méconnaître les règles déontologiques rappelées ci-dessus. Il précise toutefois qu’il serait plus pertinent d’attacher cette notion non au produit lui-même, mais à la démarche d’ensemble de la société.

Il résulte de ce qui précède que la publicité critiquée méconnaît seulement le point 4.1 de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 7 octobre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain et Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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