VALJOLY

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Plainte fondée / Demande de révision rejetée

Ais publié le 27 février 2024
VALJOLY – 983/24
Plainte fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à l’Office de Tourisme de l’Avesnois, annonceur, lequel a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 16 novembre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de l’Office de Tourisme de l’Avesnois, pour promouvoir l’offre de voitures électriques pour enfants proposée par la station touristique du Val Joly.

La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la station, montre différentes images de petites filles utilisant ou présentant des voiturettes électriques.

L’une des photographies montre cinq voiturettes disposées les unes à côté des autres, sur une pelouse. Les fillettes, vêtues de shorts et de tee-shirts, se tiennent debout, en prenant une pose à destination de l’objectif du photographe : une main appuyée sur une voiture, l’autre posée sur la hanche ou laissée le long du corps, une jambe fléchie, l’épaule en avant…etc.

2. Les arguments échangés

La plaignante estime que cette publicité montre des petites filles qui posent devant des voiturettes de façon suggestive, comme des adultes au salon de l’auto.

La Station touristique du Valjoly a été informée, par courriel avec accusé de réception du 29 novembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant fait valoir, à titre liminaire que la société Vert Marine a conclu un contrat de délégation de service public avec le Département du Nord pour la gestion et l’exploitation de la Station Touristique du Valjoly qui est confiée depuis 1992 à la Société Vert Marine laquelle accompagne les collectivités locales dans la gestion déléguée et la valorisation de leurs équipements « sport-loisirs » et « culturels » et dont l’ambition est de demeurer un partenaire de référence des collectivités locales et d’offrir à tous les publics de véritables espaces de vie où se crée du lien social, à travers l’échange et la convivialité.

L’annonceur indique que c’est dans ce contexte qu’a été prise la photographie visée par la plainte, toute une série de photographies ayant été prises par un photographe professionnel venu prendre des clichés sur le site du Valjoly.

L’annonceur précise que le groupe d’enfants présenté en photos est entièrement volontaire, les parents ayant signé une autorisation de droit à l’image, et pratiquait des activités sur la station au moment de nos prises de vue. Aucune recommandation n’a donc été faite aux petites filles quant à leur tenue s’agissant de shorts tout ce qu’il y a de plus classique pour la saison estivale (la prise de vue à eu lieu au plus fort de l’été) : ce ne sont en aucun cas des mini-shorts. Les enfants sont habillés dans leur tenue de tous les jours et le fait qu’elles soient toutes en short est un simple hasard.

L’annonceur ajoute que si les enfants ont bien été invités à se mettre devant leur véhicule, en posant la main sur la voiture avant le lancement de l’activité, il n’y voit aucune pose suggestive. La photographie est prise en pleine nature, devant des jeux gonflables pour enfants, bien loin des podiums, des paillettes du show business et des femmes objets. Le site est un environnement simple, ou les enfants s’amusent en famille. Des valeurs chères au ValJoly, une destination touristique familiale.

L’annonceur indique que le visuel est visible en miniature sur le site internet, intégré dans un slider de photos avec deux autres photos, la photo concernée par la plainte étant la dernière de la série. Les deux autres photos recontextualisent le dernier visuel. Les enfants sont montrées pendant leur activités entre copines. Elles conduisent des véhicules tout terrain de manière autonome, bien loin des clichés de masculinité du monde automobile visé par la plainte.

Néanmoins, compte tenu du retour fait et afin d’écarter toutes suggestions éventuelles d’idées qui ne correspondent pas à ses valeurs, l’annonceur a décidé de retirer du site internet, la photographie visée par la plainte.

La Station touristique du Valjoly affirme accorder un soin particulier à la cible familiale et infantile via son domaine d’activité de tourisme et de loisir. Le ValJoly est une destination qui prône un certain retour à la nature en famille, aux choses simples et la station souhaite une communication la plus responsable possible.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que le Code ICC « Publicité et Marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit code ICC) comporte les principes généraux suivants :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle (…) »

Les dispositions relatives aux enfants et adolescents contenues dans le Code ICC et reprises dans la Recommandation « Enfant » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) prévoient que : « La communication commerciale ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique » (Art. 18.3 Prévention des dommages du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).

En outre, la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. /

1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet. / (…)

2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. / (…) ».

Il n’est en outre pas inutile de citer la recommandation du Conseil paritaire de la publicité (CPP) qui, dans un avis en date du 16 avril 2013 (« Sexualisation précoce des enfants dans la publicité »), concluait sur la question :

« Le CPP souhaite, toutefois, mettre en garde, à titre préventif, les professionnels sur l’utilisation des enfants qui seraient présentés dans des postures d’adultes dans les publicités afin d’éviter une dérive vers la représentation d’enfants sexualisés / hypersexualisés. »

Le Jury relève en l’espèce que la photographie litigieuse représente cinq fillettes, habillées d’un short et posant, chacune, appuyée sur une voiturette électrique, en mettant en avant une partie de leur corps, en particulier leurs jambes et, pour certaines, également leur épaule.

Si le jury constate avec l’annonceur qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le contexte de ce visuel, la photographie ayant été prise dans un environnement naturel évoquant clairement une aire de jeux pour enfants, équipée de jeux gonflables, l’ensemble, à raison de la tenue et de la pose des fillettes, n’est pas sans évoquer également des publicités vantant des véhicules automobiles et mettant en scène des femmes adultes dans des poses suggestives.

Le Jury comprend certes l’intention humoristique qui résulte de ce décalage et qui a conduit au choix de cette photographie.

Néanmoins cette intention ne suffit pas à justifier, pour promouvoir une activité ludique proposée par la station du Valjoly et destinée aux enfants, le recours exclusivement à des fillettes mises en scène dans des postures de nature à sexualiser leur corps, en les incitant à prendre des poses inadaptées à leur âge, le tout dans des tenues, certes estivales, mais faisant ressortir la nudité de leurs jambes, étant observé sur ce point que, s’il peut être donné acte à l’annonceur du caractère fortuit de ces tenues estivales en ce qu’elles résultent uniquement de la météo favorable le jour de la prise de vue, le choix de réunir ces fillettes sur une photographie dans cette mise en scène d’une part, et de publier cette photographie particulière, d’autre part, relèvent bien de la seule intention éditoriale de l’annonceur.

Le Jury estime que cette mise en scène est contraire à la dignité et à la décence par l’exploitation du corps des fillettes à laquelle elle se livre à leur insu.

En conséquence de ce qui précède, le Jury qui prend acte du retrait volontaire de la photographie litigieuse par l’annonceur, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées du code ICC et de la Recommandation « Enfant » de l’ARPP.

Avis adopté le 12 janvier 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Lucas-Boursier et Thomelin.


L’Office de Tourisme de l’Avesnois auquel l’avis du JDP a été communiqué le 15 janvier 2024, a adressé, le 26 janvier suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 26 février 2024.

 DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

I) Instruction

Le Jury de Déontologie Publicitaire est saisi, le 16 novembre 2023, d’une plainte par laquelle un particulier, (ci-dessous “la plaignante”) lui demande de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de l’Office de Tourisme de l’Avesnois (ci-dessous “ValJoly” ou “l’annonceur” ou “la station”), pour promouvoir l’offre de voitures électriques pour enfants proposée par la station touristique du ValJoly.

La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la station, montre différentes images de petites filles utilisant ou présentant des voiturettes électriques.

L’une des photographies montre cinq voiturettes disposées les unes à côté des autres, sur une pelouse. Les fillettes, vêtues de shorts et de tee-shirts, se tiennent debout, en prenant une pose à destination de l’objectif du photographe : une main appuyée sur une voiture, l’autre posée sur la hanche ou laissée le long du corps, une jambe fléchie, l’épaule en avant…

Par un avis délibéré le 12 janvier 2024, le Jury estime que la publicité en cause méconnaît certaines dispositions du code ICC et de la Recommandation Enfant de l’ARPP.

Par une demande reçue dans les délais prévus, l’annonceur demande la Révision de cet avis provisoire ; cette demande, transmise à la plaignante, ne fait l’objet d’aucune observation de la part de cette dernière.

Par suite, et conformément au Règlement intérieur du JDP, le Réviseur se rapproche alors de la Présidente du Jury, sous la présidence de laquelle a été adopté l’avis provisoire, et il procède avec elle à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision de ValJoly.

II) Discussion

Ce litige, qui repose sur une “critique sérieuse et légitime” de l’avis provisoire du JDP (au sens de l’article 22.1 du Règlement), soulève le problème de l’interprétation à donner à la photo en débat.

En l’occurrence, l’analyse que, dans son avis provisoire, le Jury fait de la publicité litigieuse, se fonde sur la manière dont cette photographie peut être interprétée par le public exposé à ce message, tandis que Valjoly se retranche derrière les intentions de l’annonceur qui ont présidé à la réalisation du cliché.

Dans son analyse, le Jury – tout en constatant “avec l’annonceur qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le contexte de ce visuel” – estime toutefois que “l’ensemble [du message], à raison de la tenue et de la pose des fillettes, n’est pas sans évoquer également des publicités vantant des véhicules automobiles et mettant en scène des femmes adultes dans des poses suggestives”.

Au soutien de cette constatation, le Jury fait notamment valoir “le recours exclusivement à des fillettes mises en scène dans des postures de nature à sexualiser leur corps, en les incitant à prendre des poses inadaptées à leur âge, le tout dans des tenues, certes estivales, mais faisant ressortir la nudité de leurs jambes.

Le Jury en conclut “que cette mise en scène est contraire à la dignité et à la décence par l’exploitation du corps des fillettes à laquelle elle se livre à leur insu”.

En conséquence de ce qui précède, le Jury (…) est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées du code ICC et de la Recommandation Enfant de l’ARPP”.

Dans sa demande en Révision, l’annonceur ne soutient nullement que les analyses du Jury dans l’avis provisoire seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation ou grossièrement déformées, ni qu’elles auraient dénaturé les faits de la cause, ni méconnu les principes de la déontologie professionnelles applicables à l’affaire.

Il expose, avec une précision et une sincérité que rien ne permet de mettre en cause, dans quel contexte artistique et professionnel la photographie litigieuse a été réalisée. Il plaide les bonnes intentions qui ont prévalu lors de ces prises de vue.

Mais dans l’analyse de conformité à laquelle il est tenu de procéder, le Jury ne peut s’en tenir aux seules intentions des professionnels, lesquelles sont normalement ignorées du public : ce dernier ne perçoit que ce qu’il voit (ou entend). La conformité d’un message publicitaire à la déontologie en vigueur ne peut donc s’apprécier qu’au regard de la perception du public.

Il convient d’être d’autant plus vigilant à ce décalage éventuel entre “intentions” de l’annonceur et “perception” du public qu’une telle photo, diffusée sur le site Internet de la station, est de fait accessible à tous les publics, incluant de jeunes enfants.

On ajoutera encore que l’annonceur indique (dans sa réponse à la plainte initiale) avoir, “compte tenu du retour fait”, retiré de son site internet la photo litigieuse (après la plainte déposée devant le Jury), afin notamment “d’écarter toutes suggestions éventuelles d’idées qui ne correspondent pas à [ses] valeurs” ; ce retrait, dont l’avis provisoire donne d’ailleurs acte à ValJoly, confirme que cette dernière n’avait probablement pas perçu ou prévu à l’origine quelle perception pouvaient avoir de cette image les familiers de la station (que l’annonceur qualifie lui-même de “destination touristique familiale”) et qu’elle en a pris conscience à l’occasion de l’instruction de la présente plainte.

Enfin, l’annonceur ne peut se retrancher derrière les circonstances, notamment climatiques, qui ont entouré les prises de vue pour expliquer certains des éléments de cette photo, alors que, comme l’a relevé à juste titre le Jury, “le choix de réunir ces fillettes sur une photographie dans cette mise en scène d’une part, et de publier cette photographie particulière d’autre part, relèvent bien de la seule intention éditoriale de l’annonceur”.

De tout ce qui précède il résulte que la “critique sérieuse et légitime” (au sens de l’article 22.1 du Règlement du Jury) soulevée à l’encontre de l’avis provisoire n’est, dans les circonstances de l’espèce, pas fondée.

III) Conclusion

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de ValJoly est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée à l’encontre de l’Avis en litige ne peut être considérée comme fondée.
  • par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • à y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • à y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause, complété comme indiqué ci-dessus, devient définitif et sera publié sur le site du JDP – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de ValJoly.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire


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