UNION DES AEROPORTS FRANÇAIS – Internet – Plaintes non fondées

Avis publié le 16 juin 2021
UNION DES AEROPORTS FRANÇAIS – 735/21
Plaintes non fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant et les représentants de l’Union des Aéroports Français, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 22 et le 25 mars 2021, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication de l’Union des Aéroports Français (UAF) relative à l’avion à hydrogène.

La communication en cause, diffusée sous forme de publication sur le réseau social LinkedIn, représente l’image d’une carlingue d’avion en travaux dans un hangar.

Ce visuel est accompagné des textes : « #LeSaviezVous ? En 2019, le #TransportAérien représentait 2.1% des émissions de CO2 liées aux activités humaines. Avec “l’avion vert”, le transport aérien pourrait atteindre le #NetZero d’émission carbone d’ici à 2050 et serait donc aussi propre qu’un vélo ! #ClimatResilience ».

La communication renvoie à un article publié dans le journal Les Echos, intitulé : « Comment faire décoller l’avion « vert » ? ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que cette publicité est mensongère et relève du « greenwashing ».

L’un des plaignants soutient que l’allégation environnementale « Avec “l’avion vert”, le transport aérien pourrait atteindre le #NetZero d’émission carbone d’ici à 2050 et serait donc aussi propre qu’un vélo !» ne respecte pas les règles déontologiques en vigueur et en particulier les points 1, 2, 3 et 7 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

D’une part, l’expression « Avion vert », même entre guillemets, et la comparaison « aussi propre qu’un vélo » laissent accroire au lecteur que l’avion n’aurait aucun impact sur l’environnement. Pourtant, les émissions de CO2 ne sont pas les seuls impacts sur l’environnement associés à la fabrication, à l’usage et à la fin de vie d’un avion. Même s’il vole à l’hydrogène, les impacts sont très nombreux, bien plus élevés que ceux d’un vélo compte tenu de leur volume et de leur composition.

En outre, l’expression « aussi propre qu’un vélo » suggère une absence totale d’impact négatif. D’autant plus que le conditionnel dans la phrase « le transport aérien pourrait atteindre le Netzéro d’émission carbone » laisse entendre que l’obtention d’un tel résultat n’est absolument pas certain et qu’il est impossible pour le lecteur de comprendre quel est le degré d’incertitude dès lors que l’article cité en référence est en accès payant.

Un autre plaignant relève que l’élément publicitaire visé est un post LinkedIn qui a été publié par l’Union des Aéroports Français fin mars 2021 et a été modifié depuis sa version originale pour faire disparaitre la phrase litigieuse. Il est trompeur d’affirmer que le transport aérien pourrait être « aussi propre qu’un vélo » en 2050. A supposer même que l’avion, en 2050, n’émettrait pas de gaz à effet de serre pendant le vol, celui-ci nécessite d’être construit. Or les émissions de gaz à effet de serre à la construction de l’avion sont naturellement bien supérieures à celles de la construction d’un vélo. De même, les infrastructures et la phase amont nécessaires au fonctionnement du transport aérien (aéroports, conditionnement du carburant) sont largement plus dommageables pour l’environnement que le vélo. Ainsi, le transport aérien ne peut pas être qualifié de « propre », ni aujourd’hui, ni en 2050.

L’Union des Aéroports Français a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 avril 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations écrites.

Elle soutient, lors de la séance, que la communication critiquée n’est pas une publicité, l’UAF n’étant pas une société commerciale faisant la promotion d’un produit.

Elle considère que le terme « avion vert » est connu et insusceptible d’induire en erreur le public, dès lors qu’il est fait référence dans la communication à un article des Echos portant précisément sur l’avion vert.

En outre, l’avion à hydrogène ne produit pas plus de CO² que le vélo. Il ressort clairement de la communication qu’elle n’évoque que les émissions produites par l’avion lui-même, et non au cycle de vie. L’objectif est de valoriser cette technologie, en s’inscrivant dans la démarche de transition écologique portée par les pouvoir publics.

L’UAF précise toutefois que, ne souhaitant pas créer une polémique mais contribuer au débat d’idées, elle a décidé de retirer la communication critiquée à la suite de la plainte.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (édition 2018), ou ne revêtir aucun caractère commercial (promotion d’une action caritative, d’une politique publique…).

En l’espèce, le Jury relève que la communication litigieuse est un post de l’Union des aéroports français (UAF) sur le réseau social Facebook qui vise à sensibiliser le public aux vertus de l’avion à hydrogène. S’il se présente d’abord sous un angle informatif (avec le #LeSaviezVous ?, un rappel factuel sur la part du transport aérien dans les émissions de dioxyde de carbone et un renvoi à un article des Echos), il vise manifestement à faire la promotion de « l’avion vert », présenté sous un angle flatteur par la comparaison avec les émissions d’un vélo. La formulation et le point d’exclamation utilisé attestent de l’emphase d’un message qui vise à convaincre ses destinataires de la possibilité de concilier transition écologique et transport aérien, alors que les médias se font l’écho d’une réticence croissante des consommateurs à prendre l’avion pour des raisons écologiques (phénomène dit d’ « avihonte » illustré notamment en Suède).

Dans ces conditions, le Jury considère que la communication visée, bien qu’elle ne présente pas de caractère directement commercial dès lors qu’elle ne fait pas la promotion d’un produit ou d’un service précis, offert par l’UAF, revêt un caractère publicitaire. Le Jury est donc compétent pour se prononcer sur cette plainte.

3.2.  Sur le respect des règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

– en son point 1 (Impacts éco-citoyens) que « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité » et qu’elle doit « éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement » ;

– en son point 2, relatif à la véracité des actions, que : « 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. /

2.2 Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. /

2.3 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus. ».

– en son point 3, relatif à la proportionnalité du message, que : « 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) » et que « 3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. ».

– et en son point 7 que : «7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” / 7.4. Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur ».

Le Jury relève que la publicité litigieuse, qui renvoie à un article accessible moyennant paiement, évoque la perspective que le transport aérien soit « aussi propre que le vélo » à l’horizon 2050, grâce à « l’avion vert ».

En premier lieu, Le Jury constate que le terme « avion vert » est couramment utilisé pour désigner l’avion à hydrogène. Les contenus accessibles depuis un moteur de recherche, à partir de la saisie de cette expression, renvoient d’emblée à cette technologie. En outre, le post litigieux renvoie à un article de presse qui utilise lui-même cette notion pour désigner l’avion fonctionnant grâce à l’hydrogène. De surcroît, il ressort clairement de la communication critiquée qu’est visé un concept en développement, qui ne serait généralisé qu’en 2050. En aucun cas la publicité ne prétend que le transport aérien serait actuellement écologique, ou que les vols proposés par une compagnie aérienne seraient « verts ». Dans ces conditions, le Jury considère que l’utilisation de la formulation globale « vert », qui est au surplus relativisée par l’emploi des guillemets, est ici justifiée. Le public ne saurait donc être induit en erreur.

En second lieu, le Jury constate que cette publicité se réfère aux émissions de CO2 en prenant comme point de référence la part du transport aérien dans le total de ces émissions en 2019, soit 1,5 %. Or ce chiffre ne tient compte que des émissions liées à l’utilisation même de l’avion (décollage, vol, atterrissage et déplacements au sol), résultant principalement de la combustion du kérosène, à l’exclusion des émissions inhérentes au cycle de vie de l’avion, de sa fabrication à son élimination ou son recyclage. En outre, la communication compare l’avion au vélo, présenté comme un moyen de déplacement sans émission de CO2. Or le cycle de vie de ce dernier implique nécessairement de telles émissions. L’article des Echos auquel il est renvoyé confirme et explicite la portée de l’allégation. Il en résulte que cette publicité entend uniquement se référer aux émissions en phase d’utilisation, sans prétendre que l’impact environnemental de la fabrication d’un avion ou de la gestion de la fin de vie des pièces qui le composent serait équivalent à celui d’un vélo. Le Jury observe de surcroît qu’il n’existe aucune substituabilité entre l’avion et le vélo pour un même trajet, de sorte que cette publicité ne peut être regardée comme une incitation à prendre l’avion là où l’usage du vélo aurait été possible. Dans des conditions, il considère que le texte litigieux n’est pas susceptible d’induire en erreur le public sur la réalité des actions promues ni d’encourager à des modes de consommation excessivement polluants.

Le Jury estime en troisième et dernier lieu que, compte tenu de l’éloignement de l’échéance annoncée (2050), des investissements massifs consentis pour le développement de l’hydrogène dans le secteur des transports, et du recours au conditionnel « pourrait », la publicité litigieuse ne peut être regardée comme contraire aux exigences de véracité et de proportionnalité qui découlent de la Recommandation « Développement durable ».

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les  dispositions précitées de cette Recommandation.

Avis adopté le 7 mai 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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