TOYOTA YARIS CROSS – Radio – Plaintes partiellement fondées

Avis publié le 17 mai 2022
TOYOTA YARIS CROSS – 821/22
Plaintes partiellement fondées 

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu deux plaignants et les représentants de la société Toyota France, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence le 4 février 2022,
  • l’avis délibéré ayant été adressé aux plaignants ainsi qu’à la société Toyota France, laquelle a introduit une demande de révision partielle,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 de ce règlement ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes intéressées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 6 mai 2022, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants de la société Toyota France,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 14 et le 17 janvier 2022, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en radio, en faveur de la société Toyota, pour promouvoir son modèle de véhicule Toyota Yaris Cross Hybride.

Le spot publicitaire en cause, diffusé sur France Inter, énonce :

  • HOMME : « T’es devenue super calme dans les bouchons. Tu t’es mise au yoga ? »
  • FEMME : « Tu sais rouler en électrique, ça détend. »
  • FEMME : « Roulez en mode zéro émissions avec la Nouvelle TOYOTA YARIS CROSS à partir de 209 € par mois, entretien inclus. 100 % SUV compact, 100 % Hybride ! Portes ouvertes ce week-end. (Jingle) VOIX TOYOTA ! … »

2. Les arguments échangés

Les plaignants énoncent, en reprenant des arguments similaires, que cette publicité laisse entendre que le Toyota Yaris Cross n’émet aucune émission à l’échappement, ce qui est faux. Un véhicule hybride consomme de l’essence et de l’électricité.

La consommation et les émissions de CO2 du Toyota Yaris Cross sont d’ailleurs précisées dans la brochure du constructeur et sont loin d’être nulles (Modèle 2WD : de 4,4 à 5l/100 km ; 100 à 116 g de CO2/km ; Modèle AWD-i : de 4,7 à 5,1 l/100 km ; 107 à 116 g de CO2/km).

Ils estiment que cette publicité ne peut s’interpréter comme une référence exclusive au mode 100 % électrique du véhicule. En effet, la formule « Roulez en mode zéro émission » est trompeuse. L’expression « en mode » étant aujourd’hui utilisée à tout propos, elle ne permet pas de comprendre que l’annonceur se réfère uniquement à un mode d’utilisation du véhicule. Par ailleurs, la formule « zéro émission » est trompeuse, car elle crée une confusion entre les émissions à l’échappement et les émissions de gaz à effet de serre liées au produit, qui ne sont pas liées uniquement à son utilisation, mais à l’ensemble de son cycle de vie.

Les plaignants ajoutent que, même en conduisant en ville à faible vitesse (ce qui semble être le cas des personnages de la publicité, pris dans les embouteillages), si le niveau de charge de la batterie est trop faible, le véhicule passera en traction hybride ou 100% essence, sans compter les autres situations de conduite qui nécessitent la combustion de carburant fossile.

Par conséquent, ils estiment que cette publicité ne respecte pas la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP et, plus particulièrement, les points 1.1 c, 3.1, 3.3 b, 7.1, 7.4.

En outre, depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience le 25 août 2021, l’article L.121-2 du code de la consommation précise qu’« une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental. ». Cette publicité n’est donc pas seulement une affaire de déontologie, puisque ce genre de pratiques commerciales trompeuses constitue désormais un délit.

Lors de la séance, les plaignants ont rappelé que Toyota bénéficiait d’une force de frappe publicitaire importante en raison des budgets qu’elle y consacre. Ils ont ajouté que, à supposer que la publicité ne fasse référence qu’à la phase de roulage, l’allégation serait fausse puisque la batterie du véhicule se recharge grâce à l’utilisation du moteur thermique. Ils ont également fait valoir que l’annonceur ne pouvait se retrancher derrière la nécessaire brièveté d’un message radio alors que « zéro émission » est plus long à prononcer qu’« électrique ».

La société Toyota a été informée, par courriel avec accusé de réception du 20 janvier 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société Toyota fait valoir que la publicité, diffusée à la radio, met en avant une situation où le véhicule (Yaris Cross) roule en 100% électrique sur une section de trajet embouteillé.

Elle explique que la motorisation hybride de la Yaris Cross permet de passer automatiquement en 100% électrique ou de choisir de le sélectionner par soi-même. Ce mode électrique s’enclenche par la pression du conducteur sur un bouton dédié (MODE EV), ou automatiquement, dans ces deux cas, le voyant EV apparait sur le tableau de bord.

La société relève qu’est mise en scène une situation fictive où le mode électrique aurait pu être enclenché manuellement ou automatiquement et avait assurément la possibilité de rouler en mode électrique dans la situation jouée.

Elle ajoute que la précision selon laquelle la Yaris Cross est « 100% Hybride » lève tout doute  sur le fait que Toyota fait bien la promotion de son dernier véhicule hybride et non d’un véhicule électrique.

La société précise que son message n’a pas été perçu de la manière qu’elle souhaitait et s’engage à ne plus diffuser ce spot radio et à ne plus associer la formulation de « zéro émission » aux motorisations hybrides.

Lors de la séance du 4 février 2022, la société a reconnu que l’expression « mode zéro émissions » était malencontreuse. Elle a précisé que la notion de 100 % hybride se référait au fait que l’électricité est produite en phase de décélération et non en utilisant le moteur thermique.

Radio France a fait valoir que la plainte portait sur des éléments techniques du véhicule qu’elle n’était pas en mesure de vérifier.

3. L’avis délibéré par le Jury le 4 février 2022

 Lors de sa séance du 4 février 2022, le Jury a adopté un avis qui accueille les deux plaintes au motif que :

  • l’allégation « roulez en mode zéro émission» est contraire aux points 2.1, 2, 4.1, 4.3 et 7.1 de la Recommandation « Développement durable » ;
  • l’expression « 100 % hybride » est de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques du véhicule promu et méconnaît les points 7.1 et 7.2 de la même Recommandation.

4. La demande de révision et les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

La société Toyota a introduit une demande de révision partielle contre l’avis délibéré le 4 février 2022. L’affaire a été réexaminée, dans la limite de la demande, lors de la séance du 6 mai 2022 au cours de laquelle le Réviseur de la déontologie publicitaire a présenté les conclusions suivantes :

« Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) a été saisi, entre le 14 et le 17 janvier 2022, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée par radio, en faveur de l’annonceur Toyota, pour promouvoir son modèle de véhicule Toyota Yaris Cross Hybride.

Le spot publicitaire en cause, diffusé sur France Inter, énonce :

  • HOMME : « T’es devenue super calme dans les bouchons. Tu t’es mise au yoga ? »
  • FEMME : « Tu sais, rouler en électrique, ça détend. »
  • FEMME : « Roulez en mode zéro émissions avec la Nouvelle TOYOTA YARIS CROSS à partir de 209 € par mois, entretien inclus. 100 % SUV compact, 100 % Hybride ! Portes ouvertes ce week-end. (Jingle) VOIX TOYOTA ! … »

Le JDP, par son avis délibéré le 4 février 2022 et aujourd’hui contesté en Révision, a estimé que cette publicité comportait des manquements à la Recommandation Développement durable de l’ARPP :

  • d’une part dans l’allégation “zéro émission” (texte de l’avis : “Tout en prenant acte de l’engagement de la société de ne plus associer la formulation générale « zéro émission » aux motorisations hybrides, le Jury constate que l’allégation critiquée est contraire aux points 2.1, 2.2, 4.1, 4.3 et 7.1 de la Recommandation « Développement durable ») ;
  • d’autre part dans l’allégation “100 % hybride” (texte de l’avis : “Cette formulation, qui rend le texte ambigu, est donc également de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques du véhicule en question et méconnaît les points 7.1 et 7.2 de la même Recommandation”).

Dans son recours en Révision, l’annonceur circonscrit avec précision le débat, et par suite le champ de sa demande, en les limitant à la partie de l’avis qui concerne l’allégation “100 % hybride”. Il en résulte que les appréciations du Jury estimant que l’allégation “zéro émission” est contraire à la Recommandation Développement durable seront confirmées en Révision.

Cette demande de Révision, introduite dans les délais requis, soulève une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury.

Le Réviseur de la déontologie publicitaire ayant estimé que ce recours en Révision remplit l’une des conditions mentionnées au Règlement intérieur du JDP (Article 22.1), il l’a communiqué à toutes les personnes concernées et sollicité leurs éventuelles observations. Pour des raisons de fond qu’on précisera plus loin, le Réviseur a également sollicité les observations de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).

Les diverses parties consultées n’ont fait valoir aucun élément ou argument en réponse à cette communication qui leur a été faite de la demande de Toyota.

Quant à l’ARPP, elle a d’abord indiqué qu’elle n’avait “pas été interrogée spécifiquement concernant le spot radio en cause dans cette affaire”. Elle a toutefois précisé “que l’ARPP s’est notamment prononcée favorablement lors de la soumission, pour Avis avant diffusion, de spots TV en faveur de TOYOTA YARIS CROSS, comportant le texte « Profitez de l’offre Easy Flex, … sur la Nouvelle Toyota Yaris Cross Made In France, à partir de 209 €/mois… – 100% SUV Compact100% hybride – Hello Hybrid Happiness”. L’ARPP a donc considéré que cette allégation ne contrevenait pas aux dispositions de sa Recommandation Développement durable“.

A partir de ces divers éléments, le Réviseur s’est rapproché du Président de la séance du Jury qui a élaboré l’avis Toyota dont la révision est demandée et il a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur a demandé au Jury (Article 22.2 du Règlement) de procéder à une seconde délibération sur l’affaire en cause, pour laquelle il présente au JDP ses conclusions publiques figurant ci-dessous.

A) A titre liminaire, Toyota souhaite souligner que, “usuellement (et notamment pour l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité́ – ARPP), c’est en se plaçant par rapport « à un consommateur moyen (c’est-à-dire « normalement informé, raisonnablement attentif et avisé » au sens par exemple des précisions apportées dans la Recommandation «Mentions et Renvois» de l’ARPP) et non pas par référence à « un consommateur moyennement attentif » que s’apprécie en principe la portée d’un message publicitaire”.

C’est à juste titre que l’annonceur fait remarquer que l’avis contesté, pour apprécier la publicité litigieuse, se réfère en effet à « un consommateur moyennement attentif » et non pas, de manière plus précise, « à un consommateur moyen (c’est-à-dire « normalement informé, raisonnablement attentif et avisé »).

Mais le Réviseur observe que ces deux expressions, au-delà de la menue différence de vocabulaire qui les distingue, sont en fait réellement synonymes ; toutes deux traduisent que le consommateur visé par une publicité est supposé n’être ni expert, ni ignorant ou stupide : il n’est pas censé décortiquer dans le détail chaque allégation publicitaire, mais plutôt en retirer brièvement (car la rapidité est l’un des traits de la publicité) un sens général ou global, sans avoir le temps d’entrer dans l’interprétation minutieuse que le professionnel de la publicité, lui qui maîtrise les subtilités linguistiques qu’il manie, peut de bonne foi chercher à exprimer.

Au fond, il s’agit là d’un débat très ancien sur le décalage entre le sens qu’entend exprimer l’émetteur d’un message et le sens qu’en perçoit le récepteur. Il est clair que, dans l’appréciation d’une publicité par le Jury, celui-ci – tout en tenant compte des intentions ou des explications de l’annonceur – ne peut toutefois se fonder au final que sur la perception que ressent le public visé ou touché par cette publicité.

Au cas particulier du message Toyota Yaris, le Jury – en se référant à “un consommateur moyennement attentif” – n’a pas méconnu les principes d’interprétation qui s’imposent à lui pour apprécier l’incidence de la publicité sur le public en cause.

B) Sur le sens de l’allégation “100 % hybride”, l’annonceur fait valoir – contrairement à ce qu’estime l’avis contesté – que cette expression :

  • renvoie bien à une signification précise,
  • ne peut donc être assimilée par un consommateur moyennement attentif à l’expression “100% électrique”
  • n’est donc pas “ambiguë” et par suite n’est pasde nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du véhicule en question”.

Certes, prise au pied de la lettre, la formule “100 % hybride” ne renvoie, comme l’indique l’avis contesté, “à aucune signification précise” ; on peut même y voir, littéralement, une sorte d’oxymoron. En effet, si l’on comprend bien qu’un véhicule puisse aisément être présenté soit comme “100 % électrique” soit comme “100 % thermique” (avec le pétrole pour carburant), on voit mal en revanche ce que recouvre la mention “100 % hybride” (qu’on pourrait traduire par : “100 % mixte”). On peut donc comprendre la critique qu’exprime formellement le JDP.

Pour autant, dans le contexte automobile d’aujourd’hui, marqué par le fort développement de nouveaux modes de motorisation (par rapport aux carburants traditionnellement dérivés du pétrole), l’annonceur ne manque pas d’arguments pour discuter l’analyse développée dans l’avis en cause.

1) Toyota explique d’abord que cette expression “100 % hybride” n’est que la francisation de  la terminologie anglaise “full hybrid”,  laquelle “est elle-même entrée dans le langage courant depuis de très nombreuses années à l’échelle mondiale pour désigner les véhicules dont le ou les moteurs électriques ont effectivement une puissance suffisante pour assurer à eux seuls, lors de certaines phases de roulage, le déplacement dudit véhicule (à la différence notamment des véhicules dits “Mild Hybride” ou hybrides léger, qui ne peuvent se déplacer qu’en recourant en permanence à leur moteur thermique, qui se trouve ponctuellement aidé par l’apport du moteur électrique)”.

Ces explications précises sont en effet – comme le souligne Toyota – confirmées par les informations accessibles au public, notamment sur divers sites Internet.

2) En deuxième lieu, pour ce qui est de la notion même de véhicule “full hybrid”, Toyota, dans sa demande de Révision, tient “à souligner que, dès le 08 juin 2011, soit il y a déjà̀ près de 11 ans, la Commission Générale de Terminologie et de Néologie a pu préciser que les termes anglais “full hybrid” ou “full hybrid vehicle” désignaient un véhicule à motorisation hybride complète (ou un « véhicule hybride complet » ou encore un « hybride complet »).

Cette Commission a également donné une définition précise de ce qu’est un véhicule « full hybride ».

Loin de s’arrêter à cette seule notion, la Commission a pris le soin de préciser ce qu’il fallait par ailleurs comprendre par “mild hybrid, mild hybrid vehicle” (mais aussi bien sûr par “micro hybrid, micro-hybrid vehicle” et par “plug-in hybrid, plug-in hybrid vehicle”).

Les travaux de la Commission en la matière ont fait l’objet d’une publication au Journal Officiel n°0132 [Avis joint à la présente demande en Révision].

Et l’annonceur de conclure : “C’est donc dans ce contexte que l’utilisation de la terminologie « 100% hybride » est apparue il y a plusieurs années et s’est largement imposée dans le langage courant pour désigner les véhicules à motorisation hybride complète”.

3) En dernier lieu, et bien que Toyota déclare parfaitement comprendre que les avis émis par l’ARPP lorsque lui sont soumis des films publicitaires TV ne puissent lier le JDP (lequel adopte et rend souverainement ses propres avis), l’annonceur tient “à souligner que l’utilisation de l’expression “100% hybride” dans les films publicitaires de la marque Toyota n’a jamais fait l’objet d’observations particulières et/ou de demandes de modifications de la part de l’ARPP”.

Sur ce point, les services de l’ARPP interrogés par le Réviseur lui ont confirmé :

  • qu’ils n’ont pas été saisis pour donner un conseil préalable sur la publicité Yaris en débat ;
  • mais qu’ils ont auparavant, dans un message télévisé Toyota, considéré l’allégation “100 % hybride” comme “acceptable, non trompeuse et imagée”.

4) A ce stade, le Réviseur constate :

a) que le Jury s’est fondé, pour estimer que la formule “100 % hybride” méconnait la Recommandation Développement durable, sur le caractère “ambigu” de ces termes ;

b) mais qu’il ressort des pièces du dossier fournies par l’annonceur lors de la Révision que cette formule est aujourd’hui employée de manière courante et constante dans la publicité automobile et qu’elle a en quelque sorte été accréditée par la Commission générale de Terminologie et de Néologie (dans un “Vocabulaire de l’automobile” publié au J.O.R.F. du 8 juin 2011. Pour être tout à fait rigoureux, précisons que c’est le terme “hybride complet” (comme “équivalent” français de “full hybrid”) qui a été reconnu dans ce Vocabulaire, et non le terme “100 % hybride” ; mais ce n’est pas faire un effort excessif que d’admettre que, dans le contexte automobile dont il s’agit, la formulation “100 % hybride” peut être assimilée à “hybride complet”, l’une ou l’autre constituant une francisation de l’anglais “full hybrid” ;

c) que cette même formule “100 % hybride” n’a pas été refusée par les services de l’ARPP dans un précédent message télévisé de Toyota – étant toutefois entendu que cette décision de l’ARPP est sans influence sur les avis que le Jury adopte, en toute indépendance ;

d) que le JDP n’a jamais été amené, dans ses avis antérieurs, à se prononcer sur la formule en débat.

Par suite, et en application de l’article 22.2 du Règlement intérieur du JDP, le Réviseur demande au Jury de procéder à une seconde délibération sur l’affaire en cause, afin de clarifier l’interprétation à donner à cette formule en litige. 

Sur le fond de cette question, le Réviseur observe que, littéralement parlant, la formule “100 % hybride” certes ne parle pas de soi (comme on l’a indiqué plus haut) ; elle a toutefois l’avantage d’indiquer clairement au consommateur que les véhicules dont il s’agit ne sont ni “100 % électriques”, ni “100 % thermiques”, mais qu’ils associent les deux modes de motorisation/propulsion – de manière “hybride” ou “mixte”. Cette mixité est aujourd’hui connue dans le domaine automobile, ne serait-ce qu’à cause des multiples campagnes publicitaires déployées par les constructeurs ou les revendeurs.

Par suite, il paraît difficile de soutenir – comme l’estime l’avis contesté – que cette mention 100 % hybride ne peut qu’être assimilée, [c’est le Réviseur qui souligne ces quelques mots] dans l’esprit d’un consommateur moyennement attentif, à l’expression “100 % électrique”.

On doit plutôt considérer que cette “assimilation” n’est ni automatique ni systématique.

Par suite, le Réviseur – compte tenu de la précision des éléments fournis par l’annonceur, lesquels ont pu être détaillés lors de la procédure de Révision – demande au Jury d’approfondir sa position initiale et de considérer que, à la lumière du vocabulaire publicitaire utilisé aujourd’hui dans le domaine automobile, la formule “100 % hybride”, telle qu’utilisée dans le message Toyota en litige :

  • n’est pas porteuse d’une ambiguïté telle qu’elle serait de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques du véhicule en question ;
  • dans les circonstances de l’espèce, cette formule ne méconnait donc pas les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP invoquées à son encontre.

C) En conclusion, et pour toutes les raisons qui précèdent, le Réviseur demande au JDP, au terme de ce second examen de l’affaire en cause :

a) de déclarer recevable la demande de Révision ;

b) sur le fond :

  • d’approfondir son analyse de la formule “100 % hybride” dans la publicité en cause en déclarant que, au regard notamment du vocabulaire publicitaire utilisé aujourd’hui dans le domaine automobile, cette expression ne méconnait pas la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;
  • de confirmer les autres points de son Avis initial qui ne sont pas contraires à l’alinéa précédent, notamment sur la formulation “zéro émission” ».

5. Les arguments présentés lors de la séance du 6 mai 2022

 Lors de cette séance, la société Toyota a indiqué partager l’analyse du Réviseur. Elle a précisé qu’il existait sur le marché aussi bien des véhicules hybrides complets que des véhicules hybrides légers et qu’elle veillait à éclairer le consommateur sur les caractéristiques du véhicule, y compris par un renvoi sur son site internet.

6. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le respect des dispositions législatives et réglementaires, comme celles du code de la consommation citées dans les plaintes.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable ».
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; (…) »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « 1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • (…) 4.3. lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
    • 2 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire. »

Sur l’allégation « Roulez en mode zéro émission »

A titre préalable, le Jury rappelle qu’il lui appartient de déterminer, indépendamment du sens que l’annonceur a entendu lui conférer dans sa publicité, celui que le public perçoit de la manière la plus intuitive.

Le Jury relève que l’expression « Roulez en mode zéro émission » se rapporte, dans le spot publicitaire en cause, à un modèle « TOYOTA YARIS CROSS » qui est un véhicule « hybride ». Le Jury observe que la publicité laisse entendre que ce modèle produit « zéro émission », sans que le texte permette clairement de comprendre qu’il ne serait fait référence qu’à la phase de roulage en mode électrique, ce qui est de nature à induire en erreur le consommateur sur les propriétés réelles d’un véhicule hybride, dont il n’est pas contesté que la motorisation thermique est productrice de CO2. Tout en prenant acte de l’engagement de la société de ne plus associer la formulation générale « zéro émission » aux motorisations hybrides, le Jury constate que l’allégation critiquée est contraire aux points 2.1, 2.2, 4.1, 4.3 et 7.1 de la Recommandation « Développement durable ». Ce constat, qui figurait dans l’avis du Jury délibéré le 4 février 2022, n’a pas été contesté dans le cadre de la procédure de révision.

Sur l’allégation « 100 % hybride »

Le Jury rappelle que le mot « hybride » qualifie la motorisation d’un véhicule comportant un moteur thermique et un moteur électrique (Dictionnaire Larousse). Il ressort de l’argumentation présentée par l’annonceur à l’appui de la demande de révision, éclairée par les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire, que la notion générique de « véhicule hybride » recouvre des réalités diverses selon le rôle dévolu au moteur électrique. En particulier, il est d’usage de distinguer les modèles « full-hybrid » (traduit par « véhicule à motorisation hybride complète » par l’avis de la commission générale de terminologie et de néologie du 8 juin 2011), dont la puissance du moteur électrique permet de rouler sur une certaine distance sans recourir au moteur thermique (et, ainsi, sans rejeter de CO2 au roulage), et les modèles « mild-hybrid » (traduit par le même avis par « véhicule à motorisation semi-hybride »), dans lesquels le moteur électrique, de faible puissance, permet seulement d’apporter un complément de puissance au moteur (thermique) principal, notamment en phase d’accélération, afin de moins solliciter ce dernier, sans permettre à lui seul le déplacement du véhicule.

Il ressort de la publicité critiquée et des explications de l’annonceur que le véhicule Toyota Yaris Cross qui fait l’objet de la publicité relève de la catégorie des « hybrides complets ».

En dépit de l’absence d’explicitation dans la publicité elle-même, qui serait particulièrement bienvenue alors que le consommateur moyen peut légitimement ignorer la distinction entre les différents types de véhicules hybrides, le Jury estime que l’expression « 100 % hybride » peut être admise comme une référence à un véhicule hybride complet et, ainsi, à la possibilité dont dispose son utilisateur de ne recourir qu’au moteur électrique (à 100 %) sur une certaine distance, en fonction de la puissance et de l’autonomie de ce dernier.

Dans ces conditions, tout en incitant l’annonceur à expliciter les caractéristiques du produit promu afin de lever toute ambiguïté, le Jury est d’avis, à l’issue de la procédure de révision, que, dans les circonstances précédemment rappelées, cette publicité ne méconnaît pas sur ce second point la Recommandation « Développement durable ».

Avis définitif adopté le 6 mai 2022, en présence de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain et MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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