TOYOTA – The & Partnership – Radio – Plaintes fondées

Avis publié le 4 janvier 2021
TOYOTA – 692/20
Plaintes fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les sociétés Toyota et The&Partnership France, ainsi que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 octobre 2020, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Toyota pour promouvoir son modèle de véhicule Toyota Hybride.

La publicité en cause, diffusée à la radio, énonce :

    • « L’hybride Toyota l’électrique sans aucune limite. Toyota !
    • ENFANT Papa, quand est-ce qu’on arrive ?
    • PERE Ben, papa doit d’abord recharger sa voiture.
    • ENFANT Papa, quand est-ce qu’on repart ?
    • PERE Dans 30 minutes !
    • ENFANT C’est long d’attendre de repartir.
    • PERE Je sais.
    • FEMME L’Hybride Toyota. Préférez l’électrique sans aucune limite ! Toyota s’engage et renforce sa prime à l’hybride Toyota jusqu’à 5000 €.
    • FEMME Offre aux particuliers non cumulable et sous condition de reprise. 5000 € pour la commande d’un Toyota CHR HYBRIDE neuf jusqu’au 31 octobre, dans le réseau participant. Autres modèles et détails sur Toyota.FR. »

2. La procédure

La société Toyota a été informée, par courriel avec accusé de réception du 2 novembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le Jury de Déontologie Publicitaire a par ailleurs pris connaissance de l’action menée par l’ARPP concernant cette publicité, en particulier de la réponse apportée par Toyota dans son courriel du 8 octobre 2020 par lequel l’annonceur indique avoir immédiatement mis en place une action corrective suite à cette intervention.

Compte tenu de ces éléments, la procédure de règlement amiable prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury a été mise en œuvre. Toutefois, les plaignants ont souhaité maintenir leur plainte.

3. Les arguments échangés

L’un des deux plaignants relève que cette publicité contrevient au point 1.2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. En effet, les véhicules 100% électriques sont plébiscités par les pouvoirs publics et sont l’un des leviers pour réduire les émissions de CO2 et améliorer la qualité de l’air en milieu urbain. Il n’est pas acceptable qu’un argument publicitaire discrédite l’achat et l’usage d’un véhicule 100% électrique, en mettant en avant le temps de charge, pour promouvoir un véhicule hybride rechargeable, qui émet plus de CO2.

L’autre plaignant estime qu’il est faux d’affirmer qu’une voiture hybride roule à l’électricité alors que la totalité de l’énergie mise en œuvre dans un tel véhicule est d’origine thermique, y compris l’énergie cinétique récupérée sous forme d’électricité dans les phases de décélération.

La société Toyota France fait valoir que la marque Toyota est notoirement engagée, depuis de très nombreuses années, dans une démarche environnementale et sociétale responsable notamment dans le cadre de notre engagement « Toyota Environnemental Challenge 2050 ».

Elle précise qu’il n’a jamais été dans l’intention de la marque de discréditer la technologie électrique ; Toyota est elle-même engagée dans cette voie qui fait en effet partie des différentes technologies et solutions de mobilité présentes à son catalogue.

L’annonceur se dit navré que ce spot radio ait pu être perçu par certains auditeurs comme étant de nature à discréditer le recours à la technologie 100 % électrique pour les motorisations automobiles. Il est construit sur la base d’une rhétorique publicitaire humoristique dramatisant l’une des réalités de l’utilisation des véhicules électriques et dans laquelle une petite part d’autodérision est donc nécessairement présente.

L’annonceur s’engage néanmoins à ne plus le diffuser en radio et à le retirer sans délai de ses serveurs internes.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que, sur les enjeux liés au respect de l’environnement, les préoccupations actuelles de l’interprofession publicitaire rejoignent celles des pouvoirs publics et de la société civile quant au respect de l’environnement en général.

La bonne application des dispositions de la Recommandation de l’ARPP « Développement durable » en est un des gages.

Il a été ainsi confié à l’ARPP la responsabilité de ne pas autoriser des messages qui seraient de nature à aller à l’encontre des préconisations en matière de respect de l’environnement ou contraires aux règles déontologiques en vigueur et d’alerter les professionnels concernés sur les réactions suscitées par des publicités diffusées.

En l’occurrence, l’ARPP a, dans un premier temps, été interrogée par l’agence de communication The & Partnership en février 2020, au stade du conseil préalable, sur deux scripts de messages radio dont celui en cause, assortis d’offre promotionnelle. Il a été noté, à ce stade, que ce message s’inscrivait dans le cadre d’une campagne plus générale de la marque pour mettre en avant la spécificité du véhicule Hybride Toyota, à savoir un modèle hybride électrique totalement autonome qui n’a pas besoin d’être branché pour être rechargé, la batterie se rechargeant toute seule durant les différentes phases de conduite. L’objet de la publicité était surtout de mettre en avant une offre commerciale. C’est à ce titre que le script soumis a été validé.

Par la suite, le ministère de la transition écologique a fait part à un représentant de l’interprofession publicitaire de sa désapprobation à la suite de la diffusion du spot à la radio. Le dialogue ainsi que la signature « Préférez l’électrique sans aucune limite » ont été perçus comme donnant une image négative de la voiture électrique auprès du public en pointant le temps de rechargement trop long alors que, pour réduire l’impact des transports sur l’environnement, le Gouvernement promeut justement le développement de la mobilité électrique et favorise la voiture électrique.

Le conseil d’administration de l’ARPP, réuni le 7 octobre 2020, a pris connaissance de cette saisine du ministère et demandé aux équipes opérationnelles de redoubler de vigilance sur ce sujet sensible. Les manquements à la déontologie publicitaire, en ce qui concerne tout particulièrement l’environnement, sont de nature à fragiliser le secteur de la publicité aux yeux des pouvoirs publics, des associations de défense de l’environnement et des consommateurs.

Les services de l’ARPP sont donc intervenus auprès de la Direction Marketing de Toyota France et de l’agence pour leur demander de ne plus diffuser le spot en cause en faveur du véhicule Hybride Toyota.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes du point 1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, consacré aux « Impacts éco-citoyens » :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité. / (…) une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit : / (…) 1.2 La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. (…) ».

Selon le point 2 « Véracité des actions » de la même Recommandation : « 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ». Le point 3 de cette Recommandation dispose en outre que : « 3.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles / 3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. ».

Le Jury relève, en premier lieu, que le véhicule hybride dont la publicité litigieuse fait la promotion est présenté comme une façon d’adopter « l’électrique sans aucune limite ». Or le fonctionnement d’un tel véhicule repose, pour partie au moins, sur une motorisation thermique. Si cette publicité entend tirer argument d’une « limite » des véhicules 100 % électriques tendant à la nécessité de les recharger plus fréquemment à trajets équivalents, il ne peut être allégué, sans aucune nuance ou explication, que l’utilisation du véhicule promu ne rencontrerait « aucune limite » tenant, notamment, à la nécessité de le recharger, fût-ce de façon moins fréquente, ou qu’il présenterait pour le surplus des caractéristiques équivalentes aux véhicules exclusivement électriques. Cette publicité méconnaît donc à cet égard les points 2.1, 3.1 et 3.2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury précise en second lieu que cette Recommandation, notamment son point 1.2, n’interdit pas par principe de faire la promotion d’un produit ou d’un service en faisant état d’un ou plusieurs inconvénients s’attachant à l’utilisation d’une autre catégorie de produits ou de services répondant aux mêmes besoins mais qui est communément admise comme une meilleure solution du point du développement durable. Toutefois, la plus grande précaution s’impose dans la mobilisation d’un tel argument comparatif, qui ne saurait, sans méconnaître les dispositions précitées, jeter le discrédit sur l’utilisation de ce second produit ou service. En particulier, si un argument objectif, factuel et purement informatif, touchant aux caractéristiques intrinsèques du produit ou du service de référence est susceptible d’être admis, il n’en va pas de même s’il procède d’un jugement de valeur, d’une exagération ou d’une extrapolation. De même, il convient d’éviter de présenter le ou les inconvénients en cause comme un élément déterminant du choix du consommateur, qui témoignerait au final de la supériorité générale du produit ou du service promu.

En l’occurrence, le Jury constate que la publicité litigieuse repose de manière principale, sinon exclusive, sur l’argument selon lequel le véhicule hybride promu ne présente pas le même inconvénient qu’un véhicule 100 % électrique, dont la recharge peut s’avérer longue, et en déduit directement qu’il est préférable d’acheter le premier. Cet argument est appuyé par une mise en scène dans lequel le fils du conducteur du véhicule électrique, pressé d’arriver à destination, s’impatiente alors que ce dernier lui annonce que la recharge prendra une demi-heure. Alors que l’enfant insiste sur la longueur du délai, l’échange se termine par une forme d’acquiescement résigné du père, manifestement las. Si cette mise en scène peut évoquer des situations vécues, le désagrément subi par le père ne résulte pas nécessairement de l’utilisation d’un véhicule exclusivement électrique et a pour effet de présenter les limites de ce dernier sous un jour particulièrement pénible et désavantageux. Dans ces conditions, et tout en prenant note que telle n’est pas été l’intention des responsables de la publicité, le Jury estime que celle-ci peut être perçue comme dissuadant l’achat de véhicules exclusivement électriques et comme jetant ainsi le discrédit sur cette catégorie de produits, dont l’achat est largement encouragé, notamment par les pouvoirs publics, pour des raisons environnementales et qui correspond à une solution communément admise comme préférable du point de vue environnemental.

Il résulte de ce qui précède que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées. Le Jury prend note de ce que la société a, dès l’intervention de l’ARPP, mis fin à la diffusion de ce spot radio.

Avis adopté le 4 décembre 2020 par M. Lallet, Président, Mme Lenain et MM. Depincé, Lacan et Leers.

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