TOURCOM – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 31 mars 2021
TOURCOM – 720/21
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 8 janvier 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Tourcom, pour promouvoir son offre de séjours touristiques.

La publicité en cause, diffusée par voie d’affichage digital sur la vitrine d’une agence de voyages, se compose de quatre images présentant :

  • un couple dans un véhicule cabriolet circulant sur une route. Ils ont les deux bras levés, la femme étant assise sur le dossier du siège ;
  • un véhicule circulant dans un désert de sable ;
  • un couple circulant à scooter, sur un chemin. Ils ne portent ni casque ni gants ;
  • un personnage circulant à moto sur une plage.

Ces images sont accompagnées de textes et informations relatifs aux destinations, tels que « TourCom présente Tahiti et ses îles ».

2. La procédure

La société Tour Com a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 février 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Compte tenu des éléments de réponse transmis par l’annonceur, le plaignant a été informé de la possibilité de mise en œuvre de la procédure de règlement amiable prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire. Il n’a cependant pas souhaité donner une suite favorable à cette possibilité de règlement amiable et a maintenu sa plainte.

Par suite, la société Tour Com a, par courriel avec accusé de réception avec avis de réception du 24 février 2021, été informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury. La société Passion Voyages en a été informée par courriel avec accusé de réception avec avis de réception du 25 février 2021.

3. Les arguments échangés

Le plaignant relève que, concernant les deux personnes à bord d’une voiture cabriolet, le passager, une femme, est debout les bras en l’air : elle ne porte pas de ceinture de sécurité, le conducteur, un homme, lève lui aussi les deux bras en l’air et il n’applique pas les règles élémentaires de sécurité, à savoir, tenir le volant du véhicule. Concernant l’image du 4×4 qui roule sur des dunes de sable, celui-ci circule donc sur un espace naturel. Concernant le couple sur un scooter, celui-ci est sans casque ni gants.

Concernant l’image d’une moto circulant sur une plage (à proximité du Mont Saint Michel, le plan d’après), au bord de l’eau, le conducteur ne porte pas de casque.

Ces séquences sont en infraction avec diverses recommandations déontologiques de l’ARPP :

  • la Recommandation Sécurité qui prévoit que « la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées »,
  • la Recommandation Automobile qui stipule que la publicité « ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du Code de la route ou les impératifs de sécurité »,
  • la Recommandation Deux-roues à moteur qui prévoit de « Ne pas mettre en scène des deux-roues à moteur en contravention avec les règles du Code de la route, ou les impératifs de sécurité (notamment, les utilisateurs de deux-roues à moteur porteront toujours un casque homologué). »
  • et la Recommandation développement durable selon laquelle « La représentation d’un véhicule à moteur sur un espace naturel est interdite. »

La société Tourcom indique qu’elle a immédiatement pris en compte les éléments mis en avant dans la plainte qui lui a été adressée le 9 février dernier.

La société Tourcom a, d’abord, dès réception de la plainte, retiré les vidéos litigieuses, faisant valoir sa bonne foi et s’engageant à ne plus utiliser les vidéos visées par la plainte dans le cadre de sa communication.

Dans un second temps, la société a présenté l’argumentation développée suivante :

A titre principal, elle soutient que les vidéos litigieuses ne sont pas des communications publicitaires.

Elle relève que les vidéos en cause sont des « séquences qui illustrent des moments de détente ou de découverte » et ne constituent pas des éléments publicitaires pour la promotion de produit ou services particuliers ni pour la promotion d’une marque dès lors qu’aucun service, aucun prix, aucune marque ne figurent sur ces vidéos. Ces vidéos sont de simples illustrations de l’ordre de la décoration visuelle d’une agence de voyage comme le démontrent les photographies communiquées.

A titre subsidiaire, la société considère que les recommandations de l’ARPP « Automobile » et « Deux-roues à moteur » ne sont pas applicables à la société Tourcom et que cette dernière n’a pas enfreint les recommandations développement durable et sécurité.

En premier lieu, selon elle, les deux recommandations sont des dispositions sectorielles, respectivement limitées dans leur champ d’application à une « publicité pour véhicule de tourisme » et une « publicité pour un deux-roues à moteur ».

Or, un réseau d’agences de voyage ne vend pas de voiture ni de deux roues, de sorte que les vidéos en cause ne sont pas soumises à ces recommandations.

En second lieu, la société relève que les recommandations développement durable ont bien été respectées dans la vidéo en cause.

Elle souligne que la piste sur laquelle le véhicule roule n’est pas un espace naturel, puisque de nombreuses traces montrent que des véhicules sont passés sur cette même piste.

Par ailleurs, ces vidéos constituent de simples « séquences qui illustrent des moments de détente ou de découverte ». Elles doivent, selon la société, être perçues comme des illustrations de vies rêvées, d’aventures.

4. L’analyse du Jury

4.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit.

En l’espèce, le Jury relève que le message diffusé par affichage digital présente des photographies de destinations et activités de tourisme en lien avec les voyages vendus par l’annonceur.

Le Jury considère que ces visuels font la promotion des services proposés par la société Tourcom qui les a diffusés.

Le Jury est donc compétent pour connaître de la plainte dont il a été saisi, qui est recevable au sens de l’article 12 de son règlement intérieur.

4.2 Sur les règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle, en premier lieu, que, selon la Recommandation « Deux-roues à moteur » de l’ARPP :

« En plus des dispositions législatives et réglementaires applicables, la publicité pour un deux- roues à moteur doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes :

4. CODE DE LA ROUTE

Ne pas mettre en scène des deux-roues à moteur en contravention avec les règles du Code de la route, ou les impératifs de sécurité (notamment, les utilisateurs de deux-roues à moteur porteront toujours un casque homologué). »

Le Jury relève que le message publicitaire de Tourcom n’a pas pour objet de promouvoir un véhicule mais les destinations et activités proposés par une agence de voyage. A cet égard, la communication ne constitue pas une publicité pour un deux-roues à moteur. Dès lors, la Recommandation « Deux-roues à moteur » de l’ARPP ne trouve pas à s’appliquer à la campagne publicitaire et la plainte n’est pas fondée en ce qu’elle vise cette Recommandation et les règles inspirées du code de la route.

En deuxième lieu, le Jury relève que la Recommandation « Sécurité – Situations et comportements dangereux » dispose :

  • dans son préambule, que « Sauf justification pour des motifs éducatifs ou sociaux, la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées, selon les définitions des normes nationales locales » ;
  • et dans son point 1 « Principes généraux », que : « Les communications commerciales ne doivent pas mettre en scène des situations ou des comportements dangereux, susceptibles de l’être ou encore de nature à les encourager ».

Le Jury constate que la publicité en cause présente le caractère d’une communication commerciale. Par suite, ces règles déontologiques s’y appliquent.

En troisième lieu, la Recommandation « Développement durable » prévoit en son point 1. « impacts éco-citoyens » que « la publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

[…] e/ La représentation d’un véhicule à moteur sur un espace naturel est interdite. En revanche, sa représentation sur une voie ou zone publique ou privée ouverte à la circulation, reconnaissable comme telle et se distinguant clairement de l’espace naturel est admise. »

Ces dispositions déontologiques s’appliquent à la publicité litigieuse.

3.3 Sur l’application en l’espèce

Le Jury considère, en premier lieu, que les deux vidéos représentant, d’une part, le conducteur d’un véhicule cabriolet levant ses bras tandis qu’il circule sur une route et que la passagère est assise sur le dossier du siège, d’autre part, un couple circulant à scooter sans porter de casque ni de gants, constituent des représentations mettant en scène des pratiques potentiellement dangereuses, non seulement pour la sécurité des conducteurs et passagers, mais également pour celle des autres usagers de la route s’agissant de la conduite d’un véhicule sans tenir le volant. Ces deux visuels, qui ne sont justifiés par aucune considération éducative ou sociale, méconnaissent à ce titre la Recommandation « Sécurité – Situations et comportements dangereux ».

En second lieu, le Jury estime que les deux autres vidéos en cause, qui montrent respectivement un véhicule circulant dans un désert de sable et une moto roulant sur une plage, présentent manifestement des véhicules à moteur sur un espace naturel clairement identifié. Le seul constat que des traces visibles sur l’image démontrent le passage d’autres véhicules sur la même piste n’est pas de nature à justifier l’utilisation en publicité d’une telle représentation qui véhicule un message contraire aux principes communément admis du développement durable, au sens de la Recommandation « Développement durable ».

En conséquence, le Jury, qui se félicite de l’engagement de l’annonceur de ne plus utiliser les vidéos visées par la plainte, est d’avis que cette campagne publicitaire méconnaît les dispositions des Recommandations « Sécurité – Situations et comportements dangereux » et « Développement durable » précitées.

Avis adopté le 5 mars 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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