TOMOJO – Internet – Plainte fondée 

Avis publié le 3 août 2021
TOMOJO – 763/21
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 5 mai 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités diffusées sur le site Internet et les réseaux sociaux de la société Tomojo, pour promouvoir son offre de produits d’alimentation pour chiens et chats.

Le site internet en cause montre des sachets de croquettes accompagnés des textes « Les croquettes aux insectes qui font mouche pour la planète », « Protéines durables approuvées par la planète », « Pour une alimentation… écologique ».

La page Facebook de la société indique « Tomojo, c’est des croquettes et des friandises saines et naturelles… ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant conteste les allégations « Les croquettes aux insectes qui font mouche pour la planète », « Protéines durables approuvées par la planète », « Pour une alimentation… écologique ».

Selon lui, la société Tomojo compare la production d’insectes à la production de viande sur sa page Instagram, sans tenir compte de l’utilisation des co-produits du petfood standard. Elle utilise également la déforestation et la faim dans le monde pour promouvoir ses produits.

De plus, les croquettes Tomojo contiennent de la graisse de canard et la marque s’exporte en Corée du Sud, informations qui sont omises dans la considération de l’impact négatif sur l’environnement.

La marque annonce également fabriquer des croquettes et friandises « naturelles » alors que ses produits contiennent des additifs nutritionnels.

Enfin, Tomojo propose des friandises pour chat dénommées « pipi heureux » mentionnant sur l’emballage une « action rénale » et décrivant la prévention des problèmes rénaux grâce à des nutriments aux propriétés inflammatoires qui relèvent du médicament.

La publicité en cause méconnaît ainsi les points de la Recommandation de l’ARPP sur le développement durable relatifs à la proportionnalité des messages et la véracité des propos.

Elle méconnait également certains points de la Recommandation de l’ARPP sur l’alimentation des animaux familiers, notamment le qualificatif « naturel » et les allégations santé.

La société Tomojo a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 juin 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle fait valoir, en premier lieu, que, conformément à l’article 3 de son règlement intérieur, le Jury de Déontologie Publicitaire n’est pas compétent pour rendre un avis sur les messages figurant sur son compte Instagram dès lors que celles-ci ont été émises plus de deux mois avant la date de la plainte. A ce titre, le post Instagram publié et diffusé sur le compte le 25 janvier 2021 ne devrait pas être pris en compte par le Jury.

En tout état de cause, la société Tomojo considère que les reproches du plaignant ne sont pas justifiés. En effet, les publicités en question ne sont pas susceptibles de contrevenir aux règles déontologiques en vigueur dans la mesure où les allégations qu’elles comportent sont justifiées et ne sont pas susceptibles de tromper le public.

Elle fait valoir que l’impact environnemental et la santé animale sont au cœur de son projet, en tant que jeune entreprise. Avec ses croquettes aux protéines d’insectes elle fait partie des marques les plus innovantes et les plus responsables dans le secteur de la petfood en France, qui consomme chaque année plus de 300 000 tonnes de produits issus de viande conventionnelle.

Sur la première partie de la plainte concernant le développement durable, Tomojo fait preuve d’une particulière vigilance pour respecter ces recommandations.

Sur l’impact éco-citoyen, loin de faire une présentation susceptible de banaliser ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs de développement durable, la publicité les dénonce et incite à adopter des comportements positifs sur l’environnement.

Sur la véracité des actions, l’action revendiquée par Tomojo est significative puisque la société a vendu plus de 100 tonnes de croquettes à base d’insectes depuis sa création. Elle est justifiée puisque Tomojo est en mesure d’apporter des sources et études étayées pour chacune de ses publicités. Les publications et arguments sont basés sur une analyse de cycle de vie de produit réalisée par l’Imperial College de Londres. Ce n’est pas une opération de greenwashing car chacune des allégations est justifiée par des études. Ainsi, l’ensemble des études, dont les références sont fournies, permettent d’étayer les raisons pour lesquelles les croquettes « font mouche pour la planète » ou autrement dit sont « meilleures » pour la planète par comparaison à d’autres produits d’alimentation animale à base de viande. En particulier, 1 kilo d’insectes représente 200 fois moins d’eau consommée. D’autres photos dans le post développent la méthode utilisée pour arriver à ce chiffre.

Concernant l’utilisation de la graisse de canard, celle-ci est prise en compte dans l’analyse de cycle de vie. Tomojo n’a jamais caché la présence de la graisse de canard et le défi nutritionnel que cela représentait de la retirer, défi relevé avec succès puisque les nouvelles recettes (chat sorgho) sont et seront sans graisse de canard.

Sur la clarté du message, il est notoire que la réduction de consommation de la viande est l’un des principaux combats pour l’écologie, de telle sorte que toute mesure prise pour y participer y compris celle utilisée pour les animaux domestique contribue nécessairement à la protection de la planète. En outre, la communication visée a clairement pour objectif de comparer les croquettes Tomojo à base d’insectes aux croquettes à base de viande fraîche, qui sont en plein essor, et non aux coproduits du pet food standard.

Sur la proportionnalité du message, Tomojo parle d’une « contribution » à la préservation de la planète, conformément au point 7.3 de la Recommandation de l’ARPP. En aucun cas, la société ne prétend être 100 % écologique. Elle soutient seulement que son action est meilleure sur l’environnement que des aliments pour chiens et chats comparables. Tomojo ne présente à aucun moment ses croquettes comme la seule et unique solution pour lutter les effets néfastes pour l’environnement de la consommation industrielle de la viande. A cet égard, contrairement à ce qui est soutenu, la société n’a jamais dissimulé sa présence en Corée. En outre, le post Instagram mis en cause est purement informatif et non promotionnel.

Au-delà de la protéine d’insectes évoquée dans la plainte, les packagings utilisés sont par ailleurs biodégradables et les ingrédients sont locaux. La société a organisé en équipe des opérations de ramassage de déchets. Elle travaille en partenariat avec l’ONG de préservation de la biodiversité Fauna and Flora International pour financer des opérations de sauvegardes d’espèces en voie de disparition (chien sauvage d’Afrique et tigre de Sumatra).

Enfin, Tomojo souligne que ses publications Facebook et Instagram ne sont diffusées qu’à destination des membres des pages Facebook et Instagram de  Tomojo, et non à l’ensemble des utilisateurs Facebook, Les abonnés du compte Instagram et Facebook ne constituent pas des publics à convaincre puisqu’ils ont déjà démontré leur adhésion à la marque. Ces publications ont donc un impact très limité.

S’agissant de l’utilisation du qualificatif « naturel », la société précise que seules des substances naturelles, mais complémentées, sont utilisées. Il n’est en aucun cas écrit que les croquettes sont 100 % naturelles. Cependant, Tomojo indique être consciente des modifications à apporter sur ce point et avoir changé ses publications en conséquence.

Sur les allégations de santé, l’ANSES explique que pour les opérateurs qui ont recours à des mentions valorisantes, ceux-ci doivent être en mesure d’apporter la preuve scientifique de leur véracité et précise qu’il n’existe pas une liste d’allégations autorisées pour l’alimentation animale. L’intégration des feuilles de pissenlit à plus de 4 % dans la recette de friandises pour chat autorise à alléguer de son effet diurétique et donc d’une action sur les reins. Cependant, la société est également consciente des modifications à apporter sur ce point, notamment sur les propriétés inflammatoires. Elle a donc, là encore, modifié ses publications en conséquence.

Tomojo remercie le JDP d’avoir pu en tout état de cause l’aider à progresser dans la connaissance de cette réglementation, sa préoccupation principale étant de maintenir la confiance de ses clients et de respecter la déontologie publicitaire et commerciale.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la recevabilité de la plainte

Le Jury rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 3 de son règlement intérieur, reprises à l’article 11 du règlement adopté par le conseil d’administration de l’ARPP le 9 juin 2021, une publicité ne peut faire l’objet d’une plainte recevable que si elle a été diffusée moins de deux mois avant l’introduction de cette dernière.

En l’occurrence, si le post Instragam a été diffusé pour la première fois le 25 janvier 2021, le dossier ne fait pas ressortir que sa diffusion aurait cessé plus de deux mois avant l’introduction de la plainte. Par conséquence, la plainte est recevable.

3.2. Sur la conformité des publicités en cause aux règles déontologiques

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit que :

« 2. VÉRACITÉ DES ACTIONS

2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable.

2.2 Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées.

2.3 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité.

Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul.

La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus

2.4 La publicité ne peut exprimer une promesse globale en matière de développement durable si l’engagement de l’annonceur ne porte pas cumulativement sur les trois piliers du développement durable.

« 3. PROPORTIONNALITE

3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.

3.3 En particulier : / (…) b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif ».

Il résulte en outre du point 7.3 de la même Recommandation que « dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

D’autre part, le Jury rappelle que la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP dispose :

– dans son point 2. VOCABULAIRE, que :

« 2.3. Le terme « naturel » peut être emploiyé uniquement pour décrire une substance (issue de plantes ou d’animaux, micro-organisme, minéraux) à laquelle rien n’a été ajouté, mais qui peut avoir été l’objet d’un traitement physique rendant possible son utilisation en petfood, tout en maintenant sa composition d’origine. / L’allégation, comme par exemple « produit/fabriqué/formulé avec des composants naturels » peut être utilisée dès lors que la liste de composition, identifiant les  substances naturelles, est mise à disposition du public, par tout moyen. (…) / Le terme « naturel » ne peut s’appliquer à un aliment que si la totalité des substances utilisées sont naturelles, selon la définition donnée ci-dessus ».

– et dans son point 3. SANTE, que :

« 3.1 Les allégations faisant référence au traitement, à la guérison ou à la prévention d’une maladie sont considérées comme des allégations médicales. Le produit est alors un « aliment médicamenteux » ce qui le place dans la catégorie des médicaments vétérinaires. / En conséquence, pour les aliments n’entrant pas dans cette catégorie, les termes tels que « traite, soigne, soulage ou guérit » sont prohibés. (…) / 3.2. Les allégations fonctionnelles sont autorisées lorsqu’elles soulignent l’apport bénéfique d’un aliment, d’un nutriment, composant ou additif portant sur la croissance, le développement ou les fonctions normales du corps. / Par exemple : contient du calcium pour des os forts et des dents saines / prévient la formation de tartre / limite l’apparition de boules de poils… ».

Le Jury constate en premier lieu que les publicités mises en cause, diffusées sur le site internet de la société Tomojo et sur ses comptes Facebook et Instagram, allèguent que les croquettes aux insectes qu’elle commercialise « font mouche pour la planète », participent à une « alimentation (…) écologique », sont composées de protéines « durables » qui sont « approuvées par la planète » (allégation appuyée par une représentation stylisée de la planète avec deux yeux et un sourire). De telles formulations globales, qui ne peuvent pas être justifiées et ne sont pas relativisées, sont contraires au point 7.3 de la Recommandation « Développement durable ».

Le Jury relève en deuxième lieu que ces publicités comparent la production d’insectes pour la fabrication de croquettes pour animaux familiers à l’élevage de bétail pour la production de viande. Or cette comparaison est de nature à induire en erreur le public, dans la mesure où l’industrie du petfood recourt à des sous-produits animaux et que, à la connaissance du Jury, les bovins, ovins ou volailles ne sont pas élevés spécifiquement pour cette industrie, mais d’abord pour la consommation humaine, contrairement aux insectes. Au surplus, certains des produits commercialisés contiennent de la graisse de canard, et non seulement des insectes.

Le Jury considère en troisième lieu que l’allégation figurant sur le post Facebook selon laquelle Tomojo commercialise des « croquettes et des friandises (…) naturelles », méconnaît le point 2.3. de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP. En effet, le terme « naturel » ne peut s’appliquer à un aliment que si la totalité des substances utilisées sont naturelles. Or il ressort des éléments fournis par l’annonceur lui-même que certains ingrédients entrant dans la composition des produits qu’il vend sont complémentés. Le Jury prend note que la société a rectifié ses communications en ce sens.

Le Jury constate enfin que le site internet de la marque indique que les friandises pour chats commercialisés sous la dénomination « Pipi Heureux » contiennent des feuilles de pissenlit qui ont des « vertus anti-inflammatoires » et « contribuent à prévenir les problèmes rénaux ».

De telles allégations, qui font référence à la prévention de pathologies et aux vertus thérapeutiques des aliments commercialisés, constituent des allégations médicales qui ne peuvent être associées à des produits ne constituant pas des médicaments vétérinaires. Elles contreviennent donc au point 3 de la même Recommandation. Le Jury prend acte, là encore, de ce que la société a mis en conformité ses communications avec les règles.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les publicités en cause méconnaissent les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 2 juillet 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin

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