THIERRY MULHAUPT – Publicité sur le lieu de vente – Plainte fondée

Avis publié le 7 juin 2022
THIERRY MULHAUPT – 835/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 17 mars 2022, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Thierry Mulhaupt, pour promouvoir son projet de plantation de café en Colombie « Cacao for Good ».

La publicité en cause, diffusée sur le lieu de vente, montre, en son recto, un homme souriant, se tenant devant un paysage vallonné.

En haut de cette image, figure un logo formé d’un arbre dans un cercle autour duquel est  inscrit : « Casa riviera del Cacao. Cacao extra… ».

Le texte accompagnant cette image est « Cacao for good* Le Cacao qui change le monde », « Parrainez un cacaoyer en soutenant un projet d’agroforesterie responsable et équitable en Colombie tout en ravissant vos papilles ».

Au verso de la publicité sont détaillés les axes du projet ainsi que les avantages du parrainage.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité est mensongère car elle incite des personnes bien intentionnées à soutenir un projet qui va peut-être à l’encontre de leurs principes.

Premièrement, la « transformation d’une plantation de platanos existante en une cacaoyère » est en réalité une destruction de la nature préexistante (platanos), ce qui va à l’encontre du principe « d’agroforesterie responsable » et de la « responsabilité environnementale ».

De plus, le chocolatier explique que le parrainage permet, après les deux premières années, de recevoir des « tablettes en provenance [de ce domaine] « si la récolte le permet ». Or un cacaoyer met en moyenne 7 à 8 ans avant de produire ses premières fèves. Ainsi, le chocolatier compte implanter des arbres âgés de 5 ans qui ont donc été retirés de leur sol d’origine.

Le plaignant relève encore que la plantation induit une destruction catastrophique de la faune et la flore et constitue un projet anti-écologique.

La société Thierry Mulhaupt a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 5 avril 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant a confirmé les allégations de la publicité et indiqué que la première récolte de fève était prévue en mai 2022.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury relève que la plainte porte sur plusieurs allégations de la publicité en cause qu’elle qualifie de mensongères en ce qu’elles emploient les termes de « Cacao for good* Le Cacao qui change le monde » et « projet d’agroforesterie responsable et équitable » pour qualifier la « transformation d’une plantation de platanos existante en une cacaoyère » tout en proposant, après les deux premières années, de recevoir des « tablettes en provenance [de ce domaine] si la récolte le permet », ce qui suppose d’implanter des arbres âgés de 5 ans retirés de leur sol d’origine car, selon le plaignant, un cacaoyer met en moyenne 7 à 8 ans avant de produire ses premières fèves.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » ne fait pas obligation à un annonceur de présenter l’ensemble des incidences environnementales de ses activités. Pour autant, la proportionnalité, la clarté et la loyauté du message doivent s’apprécier au regard de la teneur de la ou des allégations écologiques qu’il comporte en matière de développement durable.

Le Jury observe à cet égard que la publicité critiquée présente la plantation d’une cacaoyère en renvoyant au site www.mulhaupt.fr. Le site expose notamment que le projet reprend « un mode de culture traditionnel qui associe différentes variétés de végétaux dans une même plantation. Comme la permaculture, l’agroforesterie permet un co-développement bénéfique entre les espèces. La plantation compte à ce jour plus de 14 000 arbres comme des orangers, citronniers, avocatiers, papayers, bananiers, manguiers, mandariniers, goyaviers, cocotiers, rambutans. Nous venons d’y planter 1 625 cacaoyers en avril 2019. Nous nous engageons à planter 5 300 cacaoyers supplémentaires » et que « CACAO FOR GOOD* s’engage à former les campesinos (paysans) au métier de la culture du cacao sans pesticides ». Si ces éléments de contexte permettent de présenter les avantages de cette plantation, l’annonceur n’a fourni aucun élément permettant de répondre aux critiques sur l’incidence de la replantation d’arbres âgés de 5 ans, ainsi que l’indique le plaignant sans être contredit.

Le Jury constate en outre que les termes « changer le monde » et « agroforesterie responsable et équitable » constituent des formulations globales non relativisées au sens du point 7.3 de la Recommandation précitée, qui ne sont pas justifiées alors que le projet de replantation est de nature à comporter des conséquences négatives sur l’environnement.

Le Jury estime en conséquence que cette communication est de nature à induire en erreur le public sur la réalité de l’impact environnemental, notamment sur la flore et la faune sauvage, du projet d’agroforesterie promu.

Dans ces conditions, et sans sous-estimer l’intérêt du projet en cause, le Jury est d’avis que la publicité critiquée, telle qu’elle est conçue, méconnaît dans cette mesure la Recommandation précitée.

Avis adopté le 6 mai 2022 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Charlot, MM. Lucas-Boursier et Thomelin.

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