TAGLIAVINI

Presse

Plainte non fondée / Demande de révision rejetée

Avis publié le 15 novembre
TAGLIAVINI – 950/23
Plainte non fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la société Tagliavini, annonceur, ainsi qu’à la société Bongard, plaignante, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 mai 2023, d’une plainte émanant de la société Bongard, fabricant de matériels de boulangerie, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Tagliavini, pour promouvoir son offre de four professionnel électrique de marque Tronik.

La publicité en cause, diffusée sur la version presse et en ligne du magazine La Tribune des Métiers, montre une photographie du four accompagnée du texte : « Inquiets pour les hausses du coût de l’énergie ? Passez au Tronik le four à sole électrique qui consomme le moins du marché ». Au bas de la publicité sont mentionnées les coordonnées de la société.

2. Les arguments échangés

La société Bongard SAS, plaignante, constate que la société Tagliavini a publié, dans plusieurs numéros du magazine « La Tribune des métiers », des publicités comportant l’allégation litigieuse : « le four à sole électrique qui consomme le moins du marché ».

Elle relève qu’aucune référence à la méthodologie de réalisation d’une étude, permettant à la société Tagliavini d’avancer une telle affirmation, n’y figure.

Dans un contexte d’incertitude des professionnels de la boulangerie quant aux coûts de l’énergie, une confusion est entretenue entre puissance de raccordement électrique (tarif jaune vs.tarif bleu) et consommation énergétique en kWh. A ce titre, les allégations environnementales ne contribuent pas à une information transparente des consommateurs (professionnels de la boulangerie en l’espèce).

Il ajoute que des allégations de type « publicité comparative » qui jouent sur les inquiétudes du public cible, ne respectent pas la déontologie publicitaire.

La société plaignante précise avoir envoyé à la société Tagliavini un courrier de mise en demeure dans lequel elle fait état d’un « sérieux préjudice », compte tenu de l’audience du magazine, de nombreux clients, attirés par cet argument, ayant préféré conclure des contrats avec la société Tagliavini plutôt qu’avec Bongard. Elle considère que cette pratique relève d’infractions pénales qu’elle mentionne, et engage la responsabilité civile de l’annonceur.

La société Tagliavini a été informée, par courriel avec accusé de réception du 22 juin 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société s’étonne de l’instruction de la plainte par le Jury, dans la mesure où l’autorité italienne compétente (IAP) est déjà saisie de la même publicité par la même plaignante, et de l’invocation de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête », qu’elle considère comme contraire au principe d’unicité de qualification des faits et aux droits de la défense.

Elle considère que le JDP est incompétent et doit se dessaisir en faveur de son homologue italien. Si le Jury devait néanmoins se prononcer, il lui reviendrait de surseoir à son avis dans l’attente de la réponse de l’IAP.

En outre, elle estime, d’une part, que les nouveaux griefs qui lui ont été notifiés sont irrecevables, et, d’autre part, que la plainte elle-même l’est pour trois motifs. En premier lieu, la société plaignante, qui vient d’être condamnée à une lourde amende par l’Autorité de la concurrence, ne respecte pas elle-même les règles de la déontologie publicitaire. En deuxième lieu, la société Bongard a engagé une action contentieuse contre la même publicité, de sorte qu’elle ne peut saisir le Jury d’une plainte contre celle-ci selon le point 11.2 du règlement intérieur. En troisième et dernier lieu, la plainte a été signée d’une salariée de la société Bongard, qui n’a pas qualité pour la représenter.

Enfin, la société Tagliavini s’en remet, sur le fond, aux observations qu’elle a présentées à l’IAP.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Selon le 2ème alinéa du point 2.3. du règlement intérieur du Jury, « dans le cadre du système de traitement des plaintes transfrontalières de l’EASA, le JDP transmet à l’instance compétente au sein d’un pays les plaintes contre des publicités digitales diffusées en France par ou pour le compte d’un annonceur dont le siège se trouve dans ce pays (…) ». Sur le fondement de cette règle, le secrétariat du Jury a transmis à l’autorité de régulation professionnelle de la publicité en Italie (IAP) la plainte de la société Bongard dont elle a été saisie contre les communications publicitaires digitales de la société Tagliavini comportant l’allégation « le four à sole électrique qui consomme le moins du marché ».

La société Bongard a alors saisi le JDP d’une plainte dirigée contre les mêmes communications, mais diffusées dans le magazine papier La Tribune des Métiers, distribué en France. Or le Jury est par principe compétent pour connaître des plaintes contre les publicités figurant sur des supports papier diffusés en France. Aucune disposition du règlement intérieur ne permet au JDP de transmettre de telles plaintes à d’autres autorités de régulation relevant de l’EASA, ni ne lui font obligation d’attendre qu’une autre autorité saisie se prononce. Il y a lieu d’observer à cet égard que chaque autorité s’est dotée de règles déontologiques qui lui sont propres, et que chaque instance chargée de traiter les plaintes a vocation à porter une appréciation propre sur les mérites de celles-ci, compte tenu notamment de la sensibilité du corps social dans son pays.

Le Jury est donc compétent pour se prononcer sur la présente plainte, en tant seulement qu’elle porte sur les supports papier.

3.2. Sur la recevabilité de la plainte

En premier lieu, la circonstance alléguée par la société Tagliavini que certaines publicités de la société plaignante ne seraient pas conformes aux règles de la déontologie publicitaire ne prive pas cette dernière de la possibilité de présenter une plainte au Jury.

En deuxième lieu, dès lors qu’il ne fait pas de doute que la société Bongard a entendu saisir le JDP d’une plainte contre la publicité litigieuse, la qualité du signataire est sans incidence sur la recevabilité de celle-ci.

En troisième et dernier lieu, selon le point 11.2. du règlement intérieur : « Le Jury peut déclarer une plainte irrecevable lorsqu’elle émane d’une entité concurrente de l’annonceur et que l’instruction fait ressortir que celle-ci a, parallèlement, engagé une action contentieuse, notamment devant une juridiction civile, portant sur la même publicité ».

Si l’annonceur indique que la société Bongard, qui en est une concurrente, a introduit une action contentieuse contre la société Tagliavini, portant sur la publicité litigieuse, cette allégation n’est étayée que par un courrier de mise en demeure et elle est expressément contestée par la société plaignante, qui indique ne pas avoir introduit de contentieux et privilégier la voie de la déontologie publicitaire. Par suite, il n’y a pas lieu de déclarer la plainte irrecevable pour ce motif.

La plainte dont le JDP est saisi est donc recevable.

3.3. Sur les règles déontologiques applicables

En premier lieu, si la société plaignante fait état d’allégations environnementales, le Jury constate que l’allégation litigieuse selon laquelle le four à sole électrique de la société Tagliavini – qui est un appareil utilisé par les professionnels de la boulangerie pour cuire le pain – serait le moins consommateur d’électricité fait écho à la question posée par la publicité : « Inquiets pour les hausses du coût de l’énergie ? ». Il ne s’agit donc pas d’un argument écologique, mais d’un argument budgétaire qui s’adresse aux boulangers soucieux de préserver leurs marges en dépit de l’augmentation du prix de l’électricité. En l’absence d’autres allégations susceptibles de justifier l’applicabilité de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, celle-ci n’est pas applicable.

En deuxième lieu, la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » n’est pas davantage applicable. En effet, elle dispose en son préambule que « La publicité qui utilise des résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes. (…) ». Or l’allégation selon laquelle le four à sole électrique de Tagliavini est celui qui consomme le moins d’électricité du marché ne repose pas sur une étude de marché ou enquête visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion, mais seulement, le cas échéant, une consommation électrique.

En revanche, la Recommandation « Vocabulaire publicitaire » de l’ARPP prévoit en son point 1 que l’utilisation de termes comme « le premier », « le meilleur, « le numéro 1 », « le spécialiste » ou tout terme analogue doit reposer sur des justificatifs précis. Lorsqu’une justification peut être apportée, il est recommandé de corriger le caractère vague et général de la formule en précisant en quoi la prestation ou le bien possède la qualité qu’on lui attribue. L’allégation litigieuse, selon laquelle le four à sole électrique commercialisé par Tagliavini est celui qui consomme le moins d’électricité du marché, est analogue à l’allégation selon laquelle ce produit est le meilleur du marché en termes de performance énergétique. Cette règle déontologique est donc applicable.

Le principe de véracité repris à l’article 5 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerciale internationale (dit code ICC) prévoit que la communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. L’article 11 du code ICC sur les « Comparaisons » prévoit que « La communication commerciale contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que la comparaison ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et elle doit respecter les principes de la concurrence loyale. Les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement ». Ces règles s’appliquent à toute publicité, notamment à une publicité commerciale comme celle qui est visée par la plainte.

3.4. Sur la conformité de la publicité critiquée à ces règles déontologiques

Il ne résulte pas des règles mentionnées au point 3.3. que l’annonceur serait tenu de faire figurer, dans la publicité elle-même, la méthodologie utilisée pour affirmer que le four à sole électrique Tronik qu’il commercialise est celui du marché qui consomme le moins d’électricité. Ce grief ne peut donc être retenu.

De même, aucune règle déontologique n’interdit par principe la « publicité comparative », celle-ci devant en revanche respecter les règles déontologiques et, notamment, le principe général qui encadre les comparaisons, explicité à l’article 11 du code ICC.

Il résulte en particulier des règles mentionnées au point 3.3. qu’il appartient à l’annonceur de démontrer, à l’aide de justificatifs précis, la véracité de l’allégation selon laquelle le four à sole électrique qu’il commercialise est le moins consommateur d’électricité du marché, à la date de diffusion de la publicité en litige.

Le Jury rappelle à cet égard qu’il n’est pas une juridiction, mais une instance associée de l’ARPP qui fait partie du dispositif de l’autorégulation professionnelle de la publicité. A ce titre, il ne lui appartient pas de trancher des débats d’ordre scientifique ou de diligenter une expertise aux fins de déterminer la valeur d’études produites par les professionnels concernés. Il lui revient seulement d’apprécier, à la lumière des critiques élevées par le plaignant, si l’allégation litigieuse est étayée par des justificatifs précis, pertinents et crédibles, notamment en ce qu’ils reposent sur des hypothèses raisonnables et une méthodologie qui n’est pas manifestement viciée. En raison de cet examen distant, l’avis du Jury, quel qu’en soit le sens, ne peut être interprété comme établissant ou excluant qu’une assertion publicitaire relève de la publicité comparative illicite ou d’une pratique commerciale trompeuse.

Il ressort des éléments produits par la société Tagliavini devant l’IAP et auxquels elle se réfère que le four Tronik est présenté par celle-ci comme une référence mondiale en matière de performance. Elle fait état d’une technologie de pointe et, en particulier, d’un système exclusif de gestion électronique de l’alimentation permettant d’assurer une très faible absorption, et d’un système d’isolation de la chambre de cuisson extrêmement efficace, ainsi que d’un « Super saver ». Elle indique que l’allégation litigieuse est étayée par une certification adéquate. La méthodologie utilisée consiste à diviser la « puissance électrique installée » par la surface de cuisson de chaque plaque, et à comparer le résultat obtenu aux données publiques concernant les principaux acteurs du marché de référence. Elle précise qu’aucun d’eux ne rend public le chiffre de consommation réelle du four, mais seulement la puissance installée.

Selon les chiffres produits par l’annonceur, le four Tronik promu aurait une puissance électrique installée de 18,36 kW pour une surface de cuisson de 6,3 m², soit une consommation de 2,91 kW/m². En comparaison, le four Bongard Orion aurait une puissance électrique installée de 44,7 kW pour une surface de cuisson de 7,90 m², soit une consommation de 5,65 kW/m². Le concurrent qui viendrait en deuxième position dans ce classement commercialiserait un modèle dont la consommation est de 4,59 kW au m².

Le Jury constate que la « puissance installée » d’un appareil, qui se mesure en kilowatts (kW) correspond à sa capacité à consommer une certaine quantité d’énergie par unité de temps (lorsque cette unité de temps est l’heure, la quantité d’électricité consommée se mesure en kilowattheure – kWh). Les données relatives à la consommation réelle des fours concurrents n’étant pas disponibles, l’utilisation de la puissance installée apparaît pertinente en l’espèce, même si la consommation réelle est susceptible d’être affectée par d’autres paramètres. Le Jury constate que ce choix n’est pas sérieusement critiqué par la société plaignante, qui se borne à faire état d’une confusion entre consommation énergétique en kWh et puissance de raccordement électrique (tarif jaune, applicable aux compteurs dont la puissance est comprise entre 36 et 250 kVA, et tarif bleu, applicable aux compteurs dont la puissance est inférieure à 36 kVA). De même, la société Bongard ne critique pas le choix méthodologique consistant à rapporter la puissance installée à la surface de cuisson.

Le Jury constate en outre que la société plaignante n’indique ni la consommation réelle du four qu’elle commercialise, ni ne remet en cause le chiffre de puissance installée que Tagliavini attribue au modèle Orion auquel elle compare son four Tronik. Elle ne fait par ailleurs état d’aucun autre modèle sur le marché qui présenterait de meilleures performances énergétiques et qui tendrait à remettre en cause l’allégation litigieuse. Le Jury observe enfin que l’écart allégué entre la performance affichée du four Tronik et celle des produits concurrents comparés, notamment celui de la société Bongard, est très significatif, de sorte qu’il est douteux que d’éventuelles imperfections méthodologiques ou un éventuel décalage entre les données catalogue et la consommation en situation réelle puissent affecter le classement établi et, ainsi, et la véracité de l’allégation litigieuse.

Dans ces conditions, le Jury, qui n’a pas vocation à discuter ou contre-expertiser la fiabilité des chiffres en cause, non contestés par le plaignant, estime que l’allégation litigieuse ne peut être regardée comme méconnaissant les règles déontologiques mentionnées au point 3.3. et applicables au présent litige.

Avis adopté le 5 juillet 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


La société plaignante, Bongard, à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 25 juillet 2023, a adressé, le 8 août suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 14 novembre 2023.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

A) Instruction :

Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) est saisi, le 11 mai 2023, d’une plainte émanant de la société Bongard (ci-dessous “la plaignante” ou “Bongard”), fabricant de matériels de boulangerie, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Tagliavini (ci-dessous “Tagliavini” ou “l’annonceur”), pour promouvoir son offre de four professionnel électrique de marque Tronik.

La publicité en cause, diffusée dans la version presse et en ligne du magazine La tribune des métiers, montre une photographie du four accompagnée du texte : « Inquiets pour les hausses du coût de l’énergie ? Passez au Tronik le four à sole électrique qui consomme le moins du marché ». Au bas de la publicité sont mentionnées les coordonnées de la société.

Par un avis délibéré le 5 juillet, le Jury estime que l’allégation litigieuse ne peut être regardée comme méconnaissant les règles déontologiques mentionnées au point 3.3. de cet avis et applicables au présent litige ; par voie de conséquence, la plainte de Bongard est rejetée.

Dans le délai prévu par le Règlement intérieur du JDP, Bongard introduit, contre cet avis provisoire, une demande de Révision.

Cette demande est, le 22 août, transmise à La tribune des métiers et à Tagliavini, laquelle répond le 6 septembre.

Par suite, et conformément au Règlement, le Réviseur se rapproche alors du Président du Jury et procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision.

B) Discussion :

Cette demande de Révision s’appuie (à partir de l’article 22.1 du Règlement) sur une “critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury”.

1) Mais avant d’examiner le fond du dossier, il faut se prononcer sur une irrecevabilité expressément soulevée par Tagliavini à l’encontre de la demande de Révision présentée par Bongard.

Plus précisément, l’annonceur invoque une autre disposition de l’article 22.1 du règlement, qui prévoit que : “Pour la procédure de révision, le Réviseur de la Déontologie Publicitaire pourra écarter les arguments, faits ou circonstances qui sont soulevés pour la première fois au soutien de la demande de Révision, mais qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale.”

En s’appuyant sur cette disposition, Tagliavini demande au Réviseur de faire usage de la faculté qui lui est donnée de prononcer cette irrecevabilité.

Pour apprécier si cette faculté doit ou non être utilisée dans la présente affaire, il convient d’abord d’analyser de manière générale l’esprit de cette disposition de procédure, puis d’examiner comment l’appliquer à notre dossier.

a) Cette règle ne figurait pas dans le règlement initial du Jury quand ce dernier fut créé.

Elle a été introduite lors d’une révision dudit Règlement, pour tenir compte de la pratique observée.

Ne pas saisir le Jury de certains moyens ou griefs, puis attendre, pour le faire, le stade de la Révision peut certes découler de la légèreté ou de la négligence d’une des parties prenantes. Mais il est aussi apparu, dans certains litiges soumis au JDP, que des protagonistes (plaignant ou annonceur) omettaient délibérément de soumettre au Jury certains arguments essentiels à la solution au litige, et attendent, pour les faire valoir, une éventuelle demande en Révision formulée contre l’avis initial du JDP.

Or cette forme de procrastination présente de multiples inconvénients :

  • tout d’abord elle retarde sans raison utile la rédaction de l’avis définitif destiné à mettre un terme au litige ;
  • cette perte de temps est contradictoire avec les exigences de la matière en cause, la publicité, qui est gouvernée par la rapidité et la réactivité ;
  • l’insécurité qui résulte de ces retards est préjudiciable aux intérêts des parties prenantes ;
  • une publicité non conforme à la déontologie publicitaire porte forcément atteinte à divers objectifs dont le JDP est garant (loyauté de la publicité, équité de la concurrence, protection du consommateur), toutes atteintes auxquelles il convient de mettre fin au plus vite ;
  • cette procrastination est une arme déloyale offerte à une partie prenante qui serait de mauvaise foi.

Ajoutons que le fait de renvoyer à l’appréciation du seul Réviseur “les arguments, faits ou circonstances qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale” revient à soumettre à une seule personne (le Réviseur) ce qui aurait gagné à être délibéré à plusieurs (le Jury). Pour échapper à cet inconvénient, le Réviseur n’aurait alors comme solution, dans de telles situations, que de renvoyer systématiquement l’examen de la demande de Révision à une seconde délibération de l’affaire par le Jury (Article 22.2 du Règlement) – avec toutes conséquences en termes de retard pour l’affaire en cause et de surcharge dans les ordres du jour des séances du JDP.

Enfin, le fait d’attendre de saisir le Réviseur d’éléments pourtant déjà connus lors du premier examen par le Jury, tend à transformer le Réviseur en une entité d’appel, alors qu’il n’a été conçu que comme une instance de Révision.

Pour toutes ces raisons, le Règlement initial du JDP a été complété, il y a plusieurs années, par cette disposition donnant au Réviseur la faculté de soulever une telle irrecevabilité.

b) comment convient-il d’appliquer cette règle au cas particulier de ce dossier Tagliavini ?

Les arguments échangés par les parties prenantes au stade de la Révision sont à caractère délibérément technique, ce qui ne surprend pas puisque les protagonistes sont deux professionnels concurrents en matière de fours destinés aux boulangers-pâtissiers ; qui plus est, il s’agit de controverses à caractère méthodologique portant notamment sur les procédures à utiliser pour mesurer la consommation d’énergie de tel ou tel four.

C’est ainsi que dans le présent litige sont débattues, entre autres, des notions telles que “consommation surfacique” ou “puissance maximale de raccordement” ; de même sont discutés les modes de calcul de certains critères.

Nombre de ces considérations techniques avaient été exposées, lors de l’examen initial de la plainte Bongard par le Jury, dans plusieurs documents présentés par l’annonceur Tagliavini en réponse à cette plainte.

Ces documents Tagliavini ont été, dans le souci de respecter le contradictoire, transmis le 3 juillet par le Jury à Bongard, dont la plainte initiale était peu développée. Le 12 juillet, Bongard remercie le JDP pour cet envoi et lui adresse une réponse assez sommaire signée de son Directeur général : il en ressort qu’aucune contestation n’y est opposée aux affirmations techniques de Tagliavini, lesquelles ne sont nullement discutées par Bongard. Cette absence de discussion ou de contradiction est d’ailleurs notée par le Jury dans l’avis contesté.

Ce n’est qu’au stade de la Révision que Bongard, pour la première fois dans cette affaire, argumente, avec précisions, sur les considérations techniques qu’il estime être au cœur du litige publicitaire soumis au Jury et au Réviseur.

Ce retard est d’autant plus dommageable, et regrettable pour la transparence du débat, que Bongard est, comme on l’a dit, un opérateur professionnel qui est censé maitriser les données qu’il soumet finalement au débat, que les données dont il fait état en Révision existaient lors de l’instruction initiale devant le Jury, et qu’au surplus Bongard est assisté d’un avocat.

Pour ces différentes raisons, et attentif à respecter la lettre et l’esprit de la disposition de l’article 22.1 citée plus haut, le Réviseur estime devoir écarter la demande de Révision de Bongard en ce qu’elle repose sur des” arguments, faits ou circonstances qui sont soulevés pour la première fois au soutien de la demande de Révision, mais qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale.”

Les arguments nouveaux présentés par Bongard en Révision et qui auraient pu sans difficulté être examinés lors de l’examen de la plainte initiale sont donc, en vertu de l’article 22.1 du règlement du JDP, irrecevables. Il s’agit, en l’occurrence des griefs portant “sur les justificatifs apportés par la société Tagliavini” (§1 de la demande de Révision)

2) L’examen de la demande de Révision se poursuit donc par l’examen des deux autres critiques formulées par Bongard à l’encontre de l’avis provisoire (§§ 2 et 3 de la demande de Révision).

a) Bongard critique d’abord cet avis en ce qu’il a estimé que la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » n’est pas applicable à la publicité en litige.

Pour critiquer ce raisonnement du Jury, Bongard soutient que certains “termes litigieux” de la publicité Tagliavini faisant “référence au marché, ils ne peuvent par conséquent qu’être le résultat d’une enquête ou étude de marché”.

L’avis en litige expose en effet que :

  • cette Recommandation régit une “publicité qui utilise des résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion” ;
  • l’allégation contenue dans la publicité en débat selon laquelle le four à sole Tagliavini “est celui qui consomme le moins d’électricité du marché ne repose pas sur une étude de marché ou enquête visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion, mais seulement, le cas échéant, une consommation électrique”.

N’étant fondée que sur un glissement sémantique qui fait passer du mot “marché” à l’expression “étude de marché”, l’argumentation de Bongard ne permet pas d’établir que le Jury aurait irrégulièrement interprété la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » afin d’en écarter l’application au présent litige.

b) Dans sa demande de Révision, Bongard, de façon laconique, demande au Jury (ou au Réviseur – ce point est obscur) que la publicité Tagliavini soit “modifiée”, “corrigée” ou “amendée” par le JDP.

Outre que ces demandes excèdent les pouvoirs dont dispose le Jury ou le Réviseur, elles reposent, de manière très succincte, sur des arguments qui sont déclarés ci-dessus soit comme irrecevables soit comme non fondés.

Les critiques de fond contenues dans la demande de Révision Bongard ne peuvent donc être retenues.

III) Conclusion :

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de l’annonceur Bongard sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • elle est déclarée partiellement irrecevable et pour le surplus non fondée.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause ni de réformer l’Avis contesté (sauf pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus).

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause (mentionnant en outre la requête en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié – accompagné du présent courrier, lequel constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de Bongard.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire


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