SODASTREAM

Internet

Plainte fondée

Avis publié le 29 juin 2023
SODASTREAM – 937/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 22 avril 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société SodaStream, pour promouvoir son offre de machine à eau pétillante.

La vidéo publicitaire en cause, diffusée sur Youtube, montre le rappeur Snoop Dogg s’exprimant face à la caméra tout en déambulant dans un intérieur domestique. En fin de vidéo, il dialogue avec une tortue marine.

Les textes accompagnant ces images sont notamment « …Je pense que les petites choses sont les plus importantes », « Je n’ai pas besoin d’en faire des tonnes pour aider à sauver la planète des déchets plastiques », « J’aime simplement boire de l’eau fraîche et pétillante avec mon amie bientôt en voie d’extinction », « Au fait, une bouteille de SodaStream permet d’économiser des milliers de bouteilles en plastique à usage unique », « Je viens juste de sauver la planète ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que, comme cela a été souligné dans le bilan ADEME-ARPP des quatre premiers mois d’application de la version 3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP à la page 47 : « L’allégation « Je viens de sauver la planète » est trompeuse, excessive et globalisante pour qualifier la machine SodaStream même si cela permet d’éviter d’utiliser des milliers de bouteilles en plastique à usage unique. De plus, l’utilisation du visuel représentant une tortue associée à la phrase “mon ami en voie d’extinction” renforce l’idée selon laquelle l’utilisation du système SodaStream aurait un impact pour sauvegarder des espèces en voie de disparition. Ce type de mise en scène, y compris avec un trait humoristique, n’est pas acceptable pour mettre en avant un système même plus vertueux ».

La société SodaStream a été informée, par courriel du 11 mai 2023 et par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 mai 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société précise que la publicité visée par la plainte concerne une vidéo publicitaire d’une durée de 30 secondes disponible sur la chaîne YouTube. Cette vidéo, remontant à 2020, est à diffusion internationale (le contenu est en anglais) et ne cible donc pas spécialement un public français.

D’autres campagnes publicitaires ultérieures, datant de 2021 et 2022, ont été lancées par SodaStream dans le cadre de la promotion de ses produits. Ces campagnes n’ont pas repris les expressions « Je viens de sauver la planète » et « Mon amie en voie d’extinction » tels qu’utilisés dans la vidéo de 2020 et visés par la plainte du 21 avril 2023 et ne semblent donc pas encourir les griefs qui ont été formulés au sujet de cette publicité antérieure.

La société fait valoir que les informations contenues dans le « clip vidéo » incriminé ont volontairement été présentées de manière hyperbolique, ludique et humoristique. La présence, dans la vidéo, du rappeur Snoop Dogg illustre notamment le caractère légèrement « décalé », voire caricatural du message souhaitant être diffusé. Ce choix de présentation, ainsi que le ton adopté dans cette campagne, ne sauraient en toute hypothèse remettre en cause la véracité des informations qui y sont mentionnées, et notamment les avantages réels des produits SodaStream en termes d’impact sur l’environnement.

En dépit de ces considérations et au vu des attentes sociétales qui ont changé entre 2020 et aujourd’hui, la société déclare accepter, en gage de sa bonne volonté de coopération et des bonnes relations qu’elle souhaite maintenir avec le Jury de Déontologie Publicitaire, de cesser la diffusion de cette campagne publicitaire.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) explique qu’elle est mandatée par l’ensemble de l’interprofession représentant les annonceurs, les agences, ainsi que les supports publicitaires, pour préserver la confiance du public dans la publicité. Pour ce faire, l’interprofession lui a confié la mission de veiller à la bonne application des règles éthiques dans la publicité.

Dans ce cadre, et comme chaque année depuis 2006, l’ARPP a reconduit, avec l’Agence de la Transition Écologique, anciennement nommée l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), une étude de la conformité à sa Recommandation « Développement durable » des publicités diffusées sur les quatre derniers mois de 2020 sur plusieurs supports dont YouTube.

Lors de cette étude, la publicité pour les bouteilles SodaStream diffusée en web vidéo a été considérée comme non conforme à la Recommandation « Développement durable », en ses points 2.1, 7.1, 8.1 et 8.4.

En effet, l’allégation « Je viens de sauver la planète » est trompeuse, excessive et globalisante pour qualifier la machine SodaStream même si cela permet d’éviter d’utiliser des milliers de bouteilles en plastique à usage unique. De plus, l’utilisation du visuel représentant une tortue associée à la phrase « Mon ami en voie d’extinction » renforce l’idée selon laquelle l’utilisation du système SodaStream aurait un impact pour sauvegarder des espèces en voie de disparition.

Ce type de mise en scène, y compris avec un trait humoristique, n’est pas acceptable pour mettre en avant un système même plus vertueux. Aucune activité de l’homme y compris les moins impactantes pour l’environnement ne saurait prétendre avoir une innocuité pour l’environnement, voire de permettre d’épargner des espèces.

En conséquence, l’ARPP est intervenue auprès de la société SodaStream, par courrier du 21 janvier 2022 pour lui demander de modifier la publicité en cause.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […] ».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) : « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable» ;
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) : « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable » ;
  • au titre de la « présentation visuelle » (point 8) :
    • « 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.
    • 2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.
    • 3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur ».

Le Jury relève que la publicité critiquée vise à promouvoir les machines à eau gazeuse SodaStream, et les bouteilles réutilisables qui la contiennent, en valorisant leurs qualités environnementales, en comparaison de l’utilisation de bouteilles d’eau jetables.

S’il est vrai que de tels produits contribuent à réduire la consommation d’eaux en bouteilles plastiques, ils ne sont pas eux-mêmes dépourvus d’incidence environnementale négative, en tenant compte de l’ensemble de leur cycle de vie. Cet impact est d’ailleurs supérieur à la simple consommation d’eau plate du robinet.

Dans ces conditions, l’allégation, même présentée sous une forme humoristique, selon laquelle l’utilisateur d’une telle machine « sauve la planète » et la mise en scène qui laisse entendre, de façon disproportionnée, que ce choix de consommation permettrait de prévenir l’extinction des tortues marines menacées par la pollution plastique minimisent les conséquences de la consommation de ce produit sur l’environnement et sont de nature à induire en erreur le public sur les propriétés environnementales de l’activité de l’annonceur.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées. Il prend note de la décision de la société SodaStream de cesser la diffusion de ce film publicitaire afin de tenir compte de l’analyse de l’ARPP et de la procédure engagée devant le Jury.

Avis adopté le 9 juin 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicité SodaStream