Avis publié le 8 novembre 2021
SKODA ENYAQ iV – 775/21
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 juillet 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le réseau social Linkedin, par la société Skoda, pour promouvoir son véhicule électrique de type SUV, Enyaq iV.
La publicité en cause montre le véhicule circulant sur une route longeant un bois.
Le texte accompagnant cette image est « Le roi de la forêt. Ne cherchez pas, il n’y a pas de cerf sur la photo, on parle bien de l’Enyaq iV ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant considère que cette publicité est constitutive de greenwashing et de banalisation de la perte de la biodiversité.
Selon lui, le message sous-entend, sans justification, que le véhicule est le roi de la forêt, en lieu et place du cerf.
Il relève que, dans l’imaginaire collectif, cette image du cerf est associée à un rôle de protecteur de la forêt et de figure naturelle. Cependant, selon lui, l’utilisation de véhicules nécessite de bâtir des routes et donc souvent, de déforester, ce qui détruit le milieu naturel du cerf.
Il souligne que, sur la photo, il semble évident que la route a été construite sur un ancien territoire forestier. Par conséquent le cerf a été dépossédé de son habitat.
Le plaignant considère que le véhicule Skoda n’est en rien le roi de la forêt puisqu’il pollue de plusieurs manières : la déforestation pour construire les routes, la déforestation pour explorer les mines, de métaux rares constituant la batterie, la production d’électricité, la pollution liée à la construction des routes (goudron, etc.) et utilisation par d’autres véhicules thermiques.
Il ajoute que les véhicules ont été la cause de 23500 accidents avec des mammifères (sanglier, cervidés, etc.) dont 5% avec des cervidés.
Il conclut que les véhicules, y compris ces gros véhicules électriques, sont tout sauf bons pour la forêt.
– La société Skoda a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 septembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle indique que ce post sur le réseau social Linkedin a été publié par l’agence Rosapark pour Skoda France le 13 juillet 2021.
La société Skoda souhaite réaffirmer l’engagement, au quotidien, de Skoda France, de toujours respecter les recommandations de l’ARPP, et de collaborer avec elle en vue d’assurer la diffusion d’une publicité fiable et loyale à l’égard des consommateurs.
Elle fait valoir que ce post a été retiré du réseau social Linkedin dès réception du courriel l’informant de la plainte déposée auprès du Jury de la Déontologie Publicitaire et n’a fait l’objet, à ce jour, que de ce seul signalement.
Ce post reproduit le visuel du véhicule qui circule sur une route en bordure de parc urbain et non dans un environnement forestier. Le véhicule circule sur une voie ouverte à la circulation et respecte de ce fait la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP, l’espace naturel du parc se situant clairement en arrière-plan.
L’intention n’a jamais été de faire passer le cerf comme pouvant être « remplacé » par un véhicule, tout électrique qu’il soit. Il était question d’une mise en avant de ce nouveau véhicule électrique, fierté de Skoda France et partie prenante de sa feuille de route orientée vers la production croissante de véhicules 100% électriques.
Ce post adoptait à dessein un ton décalé, reposant sur la compréhension qui en serait faite dans la pensée collective.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :
- En son point 2, relatif à la véracité des actions, que :
« 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. /
2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. / (…)
2.4 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles.
- En son point 3, relatif à la proportionnalité du message, que :
« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /
3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. ».
La même Recommandation dispose en son point 8.4 que « Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure ».
Le Jury constate que la publicité en cause, diffusée par la société Skoda sur son réseau social Linkedin, montre la photographie du véhicule Enyaq iV circulant sur une route longeant un bois. Le titre proposé est : « Le roi de la forêt », il est suivi d’un émoticône figurant un cœur vert. Le texte suivant renvoie clairement à la photographie en indiquant : « Ne cherchez pas, il n’y a pas de cerf sur la photo, on parle bien de l’Enyaq iV ».
Le Jury considère, ce qui au demeurant n’est pas contesté, que le qualificatif de « roi de la forêt » s’applique au véhicule. La phrase suivante conforte le lecteur dans cette analyse en lui confirmant, d’une part qu’il n’y a pas de photographie de cerf qui pourrait correspondre au titre, dans l’imaginaire collectif, d’autre part, que c’est bien du véhicule qu’il est question.
Le Jury estime que si la promotion d’un véhicule électrique peut faire référence aux avantages de ce produit en termes de développement durable, c’est à la condition que cette référence corresponde à une description factuelle du produit promu et de ses propriétés au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. Tel n’est pas le cas d’une comparaison entre un véhicule et un cerf, qui assimile sans justification à un animal un produit causant des nuisances environnementales, y compris sur les espaces forestiers, et renvoie ainsi renvoie l’image d’une innocuité de l’automobile sur le milieu naturel que constitue la forêt. Le procédé qui, sous couvert d’emphase, n’est pas proportionné aux propriétés du produit, est de nature à induire le public en erreur sur les avantages à caractère environnementaux du véhicule au sens des points 2 et 3 de la Recommandation « Développement durable ».
Le Jury relève, en outre, que la présence d’un émoticône figurant un cœur vert renforce l’argument écologique accompagnant la promotion du véhicule électrique circulant dans un espace boisé, argument qui, au-demeurant, semble revendiqué par l’annonceur lorsqu’il indique que sa « feuille de route est orientée vers la production croissante de véhicules 100% électriques ». Or dans un tel contexte, l’assimilation directe du véhicule à un animal méconnaît également le point 8.4 de la même Recommandation.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation « Développement durable » précitée.
Avis adopté le 8 octobre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, et Mme Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.