Avis publié le 10 octobre 2025
SIGVARIS – 1075/25
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
- La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 juin 2025, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Sigvaris, pour promouvoir son offre de produits de contention.
La publicité en cause, diffusée par affichage, est composée d’une mosaïque d’images montrant notamment différentes personnes portant des chaussettes, bas et collants de compression médicale.
L’un des visuels, situé au centre de la publicité, montre une femme, dont on n’aperçoit pas la tête, assise à califourchon sur une chaise. Elle porte des collants transparents, sans culotte visible.
Une autre photographie située à proximité de cette image montre un homme assis sur une chaise, regardant face à l’objectif, les avant-bras appuyés sur les genoux. Il est intégralement vêtu d’une chemise, un pantalon, une écharpe, de chaussures et de chaussettes que l’on pense être des chaussettes de la marque.
Le texte accompagnant cette image est : « Sigvaris – Douleurs ? Jambes lourdes ? Stations debout et assise prolongées ? Soignez vos jambes avec le n°1 de la compression médicale en France » ainsi que diverses informations situées en petits caractères au bas de la publicité.
- Les arguments échangés
– Le plaignant énonce que publicité est sexiste en ce qu’elle véhicule deux images très différentes entre l’homme et la femme : la femme est considérée comme un objet, anonymisé et sexualisé. La différence de traitement, pour deux situations identiques (être sur une chaise) est frappante.
Le plaignant rappelle que la publicité est un vecteur d’images et de modèles et contribue à ancrer des imaginaires. La plainte estime que les femmes méritent aussi d’être représentées habillées, confiantes, normales et pas uniquement comme des objets de désir.
– La société Sigvaris a été informée, par courriel avec avis de réception du 4 juillet 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle fait valoir, en préambule, que selon le Code pénal et en particulier, les articles L. 222-33-161 et R. 625-8-3, le qualificatif de « sexiste » constitue un délit sanctionné par le Code pénal lequel prévoit que l’outrage sexiste est « le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante« .
En l’espèce, la société considère que le visuel en question n’est en rien dénigrant, ni humiliant et ne contribue pas à une vision dégradante ou réductrice de la femme mais a pour seul objectif de diffuser un message inclusif pour favoriser l’observance d’un produit médical à propos duquel, souvent, les idées reçues sont difficiles à effacer.
L’annonceur met ainsi en avant sa volonté de montrer que les femmes qui doivent porter une compression médicale au quotidien peuvent être sublimées et élégantes et ainsi assumer leur traitement médical sans souffrir du regard des autres.
L’annonceur observe, dans le détail, que, s’il est reproché un traitement sexiste entre deux visuels montrant un homme et une femme assis sur une chaise, et ce, en raison de leur cadrage, de leur posture et de leur tenue vestimentaire, d’autres images de l’affiche montrent des situations inverses avec une femme enceinte, cadrée différemment, enceinte et dont l’attitude est sereine tandis qu’un autre visuel mettant en avant uniquement les jambes d’un homme en situation de sport dont le visage et le reste du corps n’apparaissent pas.
Le visuel pour lequel le plaignant reproche un traitement sexiste de la femme met en avant une gamme de produit bien-être dont le bénéfice majeur était l’esthétique afin de permettre aux femmes de porter des produits de compression médicale élégants et modernes. Ainsi, cette affiche a été créée pour favoriser l’observance des produits de compression pouvant être portés au quotidien, et ce, en réponse à l’image dégradée de la catégorie de produit de contention anciennement dénommé « bas à varices ».
Il est essentiel, en tant que fabricant de chaussettes, bas et collants de compression médicaux de photographier des femmes et des hommes portant les produits de la marque. De plus, il est courant dans le monde des bas de ville et des bas médicaux de compression de photographier et de montrer les produits afin que les patients puissent les visualiser.
Ainsi, il est justifié et en lien direct avec le produit d’afficher des femmes portant des collants de compression sans que cela ne soit interprété comme humiliant ou dénigrant pour les femmes.
Compte tenu de ses éléments, les allégations de sexisme portées contre l’affiche en cause sont, selon la société Sigvaris, infondées.
Toutefois, compte tenu de l’obsolescence de cette affiche, la société propose de contacter la pharmacie en question pour leur proposer nouvelle affiche de l’entreprise.
- L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :
- en son point 1 (Dignité, Décence) que :
- « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
- 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
- en son point 2, (Stéréotypes), que :
- « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.
- 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
- 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »
Le Jury relève que la publicité en cause correspond à une affiche apposée en devanture d’une pharmacie et faisant la promotion de divers produits de contention.
L’affiche présente, en juxtaposition, neuf visuels présentant ces produits à la fois pour homme et pour femme.
Le Jury admet certes qu’une publicité pour un bas de contention puisse justifier le recours à la représentation de jambes féminines dévêtues de sorte qu’une telle représentation, en rapport direct avec le produit, ne soit pas en elle-même contraire à la dignité ou la décence.
Néanmoins, le Jury observe également qu’en l’espèce, l’affiche présente des visuels très différents selon le genre du sujet puisqu’elle met en scène, d’un côté, une femme assise à califourchon sur une chaise, dans une pose coupée en haut du buste et laissant principalement voir ses jambes revêtues uniquement de ses bas, tandis que l’homme, représenté dans la vignette adjacente, est assis sur une chaise, entièrement habillé et visage visible, regardant le passant.
Parmi les autres vignettes, l’on peut également voir des jambes apparemment masculines mais chaussées et en pantalon, tandis que sur une autre vignette, l’on aperçoit des jambes féminines, uniquement revêtues d’un collant, d’une femme qui marche en talon haut sur un trottoir.
Enfin, une autre vignette représente en effet, comme le souligne l’annonceur, une femme enceinte mais elle est, elle aussi, en tenue légère : on aperçoit le bas de son ventre et elle ne paraît porter qu’une culotte et des chaussettes.
Au total, il y a donc bien un traitement différencié des modèles en fonction du genre de ces
derniers qui est révélé par la juxtaposition des vignettes, laquelle crée le sentiment d’un sort particulier fait à la représentation des femmes, sexualisées davantage que les hommes.
En conséquence de ce qui précède, le Jury qui a bien noté, d’une part, que cette publicité est désormais obsolète et, d’autre part, ne correspond pas à ce que l’annonceur qui a d’ailleurs entrepris des démarches pour qu’elle soit retirée, souhaite mettre en avant dans sa communication, est d’avis que cette publicité méconnaît les dispositions déontologiques précitées.
Avis adopté le 12 septembre 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.