Avis publié le 4 janvier 2022
LAITERIE SEVRE & BELLE – 796/21
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 octobre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée en affichage, en faveur de la Coopérative Laitière de la Sèvre, pour promouvoir son offre de lait de marque Sèvre & Belle.
L’affiche en cause se présente en deux parties séparées. A gauche, elle représente un homme accroupi devant une vache. Au-dessus de lui est écrit « Naturellement bon… ». La partie droite du visuel montre un pack du lait de marque « Lait de nos fermes », au-dessous duquel est écrit « … et responsable ». Le texte figurant au bas de l’affiche est « Emballage carton zéro carbone ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant indique qu’il a vu cette affiche dans une rue de la ville d’Angers. Il considère que, hormis la mention relative aux OGM, aucune précision ne vient expliquer en quoi le lait promu serait « responsable », notamment, s’il est labellisé bio ou équitable.
Par conséquent, l’allégation « naturellement bon et responsable » ne respecte pas les points 4 et 7 de la Recommandation « Développement durable ».
De surcroît, aucune explication ne vient étayer l’allégation « Emballage carton zéro carbone ». Celle-ci ne respecte donc pas non plus le point 9 de la Recommandation relative aux dispositifs complexes.
– La Coopérative Laitière de la Sèvre a été informée, par courriel avec accusé de réception du 2 novembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 (antérieurement article 12) du règlement intérieur du Jury.
La Coopérative Laitière de la Sèvre indique qu’elle est une petite coopérative laitière indépendante depuis plus de 127 ans. Ancrée sur le terroir de l’ancien Poitou-Charentes, elle représente 60 producteurs de lait de vache et 50 producteurs de lait de chèvre localisés dans un rayon de 50 km autour des deux laiteries. La coopérative est l’outil de valorisation du lait local, fraîchement collecté toutes les 48 heures par les laitiers. La vente des produits des marques Sèvre & Belle, Echiré et Atelier de la Sèvre permet de faire vivre le groupe de producteurs et au-delà. Elle emploie 160 collaborateurs dans ses deux usines, une moyenne d’1,6 salariés par ferme et génère divers emplois indirects au niveau local, national et international.
Tous les producteurs de la coopérative adhérent à La Charte Qualité de Production de Lait, créée par les coopérateurs en 1997. Un point incontournable de ce document concerne l’alimentation garantie sans OGM des animaux. La nourriture des vaches est majoritairement produite sur les fermes de la coopérative.
Pour la partie venant de l’extérieur, la coopérative se fournit auprès de fabricants certifiés « SSTNO », prioritairement dans la région. En 2021, elle a réalisé des audits internes et externes dans les fermes productrices de lait de vache, ce qui a permis leur adhésion au cahier des charges non OGM agrée par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière.
Formellement engagés dans une démarche RSE depuis 2019, l’impact environnemental des emballages de lait a été un critère important dans la prise de décision. Après une longue période d’étude et réflexion, la coopérative a choisi de travailler avec les fournisseurs Elopak et DS Smith, qui proposent des solutions en harmonie avec ses valeurs. Le Lait des fermes est conditionné dans une brique certifiée neutre en carbone. Elle est composée de carton recyclable, issu de ressources gérées de façon responsable. L’emballage a été développé par Elopak afin de faciliter son pliage et son tri vers les circuits de recyclage. En ce qui concerne le pack de regroupement, ceci est composé de carton 100% recyclable, certifié FSC éco-responsable.
Ces trois points centraux soutiennent l’argument « responsable » : une soixantaine de producteurs locaux de lait de vache, des animaux nourris sans OGM et un lait de vache commercialisé dans un emballage éco-conçu neutre en carbone.
Tous ces points sont identifiés sur le visuel de la campagne de communication :
- l’image d’un des producteurs avec ses vaches, l’indication de son nom et la localisation de sa ferme ;
- l’image de la brique éco-conçue suivie de la mention « emballage carton zéro carbone » ;
- le logo « sans OGM »
Malheureusement la place a manqué pour ajouter un argumentaire plus important au visuel. Néanmoins, la totalité des arguments est présentée sur le site internet (https://www.sevre-belle.fr/lait/) ainsi que sur les réseaux sociaux.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit :
- en son point 2.1 relatif à la véracité des actions, que : « La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable» ;
- en son point 4. relatif à la clarté du message, que :
- « 4.1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées. »
- en son point 7 sur le vocabulaire, que :
- « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
- 7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.
- 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.
- 7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »
Le Jury constate en premier lieu que la publicité en cause, en faveur d’une coopérative laitière, présente le lait produit comme « responsable ». Il relève certes que l’annonceur justifie de multiples actions traduisant une démarche d’éco-responsabilité, parmi lesquelles figurent l’absence de recours aux OGM et l’utilisation d’un emballage en carton recyclable. Pour autant, il résulte des termes mêmes du point 7.3 de la Recommandation qu’une formulation globale telle que « responsable », qui ne peut être justifiée de manière générale eu égard aux incidences environnementales des activités en cause, y compris d’ailleurs l’élevage des vaches laitières, doit être relativisée pour ne pas méconnaître ces dispositions.
Le Jury observe en second lieu que l’allégation « Emballage carton zéro carbone » est de nature à induire en erreur le public sur l’impact écologique réel de cet emballage, lequel implique nécessairement, pour sa production comme pour les opérations de recyclage après usage, l’émission de gaz à effet de serre. En outre, aucune mention de la publicité en cause, fût-ce un simple renvoi au site internet de l’annonceur – lequel peut matériellement y figurer en dépit de la contrainte d’espace inhérente à un tel affichage – ne précise en quoi le produit promu présenterait les qualités revendiquées.
Il résulte de ce qui précède que, en dépit des efforts consentis par l’annonceur pour limiter l’empreinte écologique de son activité, cette publicité méconnaît les règles déontologiques précitées de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Avis adopté le 10 décembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, et Mme Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.
