RENOVA – Affichage – Plaintes fondées

Avis publié le 5 octobre 2021
RENOVA – 757/21
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de l’association Les Chiennes de garde et une autre plaignante, ainsi que la représentante de la société Renova Fábrica de Papel do Almonda, par visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, entre le 26 mai et le 5 juin 2021, de plusieurs plaintes émanant de particuliers et, d’autre part, le 8 juin 2021, d’une plainte de l’association Les Chiennes de garde, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Renova Fábrica de Papel do Almonda, pour promouvoir son papier toilette.

La publicité en cause, diffusée en affichage, représente un homme nu, dont le visage se situe en-dehors du cadre, se tenant debout devant un fond de couleur variable selon les affiches (rose, bleu, orange). L’homme tient devant son sexe un rouleau de papier toilette qu’il laisse dérouler autour de ses index.

Cette image est accompagnée du texte : « L’été va bien se dérouler – Renova ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants particuliers considèrent que cette publicité est choquante, voire obscène en ce qu’elle utilise la nudité sans lien avec le produit. Elle est sexiste car elle objectise le corps de l’homme.

En outre, son exposition dans l’espace public, sur des abribus, pose problème vis-à-vis des enfants qui peuvent y être confrontés sur le chemin de l’école.

L’Association Les Chiennes de garde considère également que cette publicité constitue une utilisation stéréotypée du corps des hommes, très musclés, en morceaux, sans tête et nus, sans rapport avec le produit.

La société Renova Fábrica de Papel do Almonda a été informée, par courriel avec accusé de réception du 2 juin 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a également été informée que celles-ci seraient examinées dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du JDP, lequel prévoit une procédure sans audition. Toutefois, le représentant de la société a, comme le permet le règlement intérieur, demandé expressément la tenue d’une séance.

La société Renova a, par suite, été informée, par courriel du 17 juin 2021, de l’examen des plaintes lors de la séance du 3 septembre 2021.

Son représentant fait valoir, à titre liminaire, que la campagne publicitaire, diffusée pendant deux semaines, ne l’est plus à ce jour.

Par ailleurs, la publicité ne constitue aucunement un manquement aux dispositions de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité.

Tout d’abord, et comme le souligne le rapport de 2001 remis à la Secrétaire d’Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle « la publicité n’est pas de la morale : rien à voir entre elles sans doute car la publicité est là pour faire vendre un produit et non pour faire la morale », « la publicité ne crée pas le mouvement social, elle s’en fait l’écho ». Au titre de la liberté d’expression, la représentation de la nudité ne saurait, par principe, être interdite.

Ensuite, il est à noter que cette représentation ne montre aucune partie intime de la personne et ne peut être considérée comme de nature sexuelle ou pornographique. Le sexe de l’individu est caché par le papier toilette. Seules ses jambes et son torse sont dénudés, au même titre qu’une publicité pour des sous-vêtements ou des maillots de bain. La publicité ne peut être choquante pour aucune personne, y compris pour les enfants.

L’individu n’est aucunement placé ou présenté dans une situation obscène, dégradante ou avilissante ou portant atteinte à sa dignité : au contraire, il se tient droit dans une position neutre. La nudité s’assimile plus à l’état naturel de l’homme, ou au côté artistique des nus.

L’individu ne fait pas l’objet d’une objectivation ou n’est pas placé comme un « homme objet » mais au contraire comme un acteur. L’humain est utilisateur de papier toilette, peu importe son âge, sa taille, son état d’esprit. L’individu ne peut être différencié, ici du fait de sa nudité, par ses habits ou son niveau social ou son âge : tout le monde utilise du papier toilette.

L’annonceur souligne également que la nudité est en lien avec le produit : le papier toilette est utilisé une fois que l’on est déshabillé, d’où la nudité.

La nudité est ensuite associée au slogan lui-même, basé sur un jeu de mots précisant « l’été va bien se dérouler ». En été, les individus sont en général sur les plages ou au bord des piscines, en maillot de bain (donc torse nu et jambes nues). Le jeu de mots est en lien également avec la période qui vient d’être traversée ou plutôt les périodes qui viennent d’être traversées : confinement, couvre-feu… où le papier toilette était la star des journaux télévisés suivi du déconfinement total e du retour aux libertés ! Le papier toilette se déroule bien… tout comme l’été qui s’annonce. La nudité s’inscrit donc dans le registre de la parodie et de l’humour.

La nudité et les couleurs sont enfin l’image de marque de la société Renova, la première à avoir lancé le papier toilette de couleur.

Ainsi la publicité critiquée respecte la Recommandation « Image et respect de la personne » dans la mesure où elle ne propage pas une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence, la représentation de l’individu ne pouvait être considérée comme avilissante ou aliénante et a fortiori ne réduisant pas la personne à un objet.

La société Renova souligne que ses prestataires (agence Media, agence de création et afficheurs) n’ont pas estimé non plus qu’il s’agissait d’un manquement, ni les collectivités territoriales qui ont été interrogées avant la diffusion.

Lors de la séance, la société Rénova a confirmé son argumentation. Elle a insisté sur le fait que le papier toilette haut de gamme de la marque se conçoit comme un bijou et l’ensemble de la publicité comme une œuvre d’art. Elle a précisé que l’homme représente la force, ce qui fait référence à la résistance du papier toilette commercialisé. La mention « L’été va bien se dérouler » est quant à elle une allusion à la levée des restrictions sanitaires, alors que le premier confinement de mars 2020 avait été marqué par une pénurie de papier toilette.

La société Médiatransports, à laquelle la plainte a été transmise, a informé le Jury que le visuel litigieux n’a pas fait l’objet d’une diffusion sur les réseaux dont elle assure la régie publicitaire. Sollicitée par l’annonceur, elle a en effet refusé de procéder à cette diffusion, au terme d’une analyse convergente avec le conseil délivré par l’ARPP le 2 juin 2021, qui a estimé que cette publicité contrevenait à la Recommandation « Image et respect de la personne ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose en son point 2 que :

« 2. Stéréotypes.

2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet. (…) »

Le Jury relève que cette publicité en faveur d’un papier toilette coloré représente un homme entièrement nu, dont le visage n’apparaît pas, doté de pectoraux saillants et d’abdominaux bien dessinés, qui tient entre ses index tendus et devant son sexe un rouleau de papier toilette légèrement déroulé. Le visuel est accompagné du texte : « L’été va bien se dérouler ».

Le Jury rappelle à titre liminaire que la circonstance que la campagne publicitaire critiquée n’est plus diffusée ne saurait priver la plainte d’objet ou l’entacher d’irrecevabilité, dès lors qu’elle a été introduite moins de deux mois après la fin de sa diffusion.

Le Jury constate que, si l’utilisation normale de papier toilette implique de se dévêtir partiellement, au niveau de la partie basse de son corps, la nudité représentée dans la publicité litigieuse, qui porte essentiellement sur la partie haute du corps du modèle, ne présente qu’un lien très distant avec le produit promu. La référence à l’été, qui va « bien se dérouler », n’apparaît, à cet égard, que comme un prétexte pour exhiber le corps nu d’un homme très musclé, dont le sexe est caché, sinon « remplacé », par le rouleau de papier toilette partiellement dévidé, le tout dans une allusion transparente à des amours estivales torrides. Surtout, le Jury constate que la manière dont le modèle tient le papier toilette l’assimile très directement à un présentoir. L’occultation du visage renforce cette réification du corps de l’homme, ainsi réduit à une double fonction d’objet sexuel et de porte-papier toilette.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité litigieuse méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP, sans que le caractère humoristique du message puisse être invoqué pour écarter un tel manquement.

Avis adopté le 3 septembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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