RENAULT ZOE – Courriel – Plainte fondée

Avis publié le 14 août 2020
RENAULT ZOE – 671/20
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu lors de sa séance du 23 juillet 2020,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 juin 2020, d’une plainte émanant de l’ADEME, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un courriel publicitaire diffusé par le groupe Renault, pour promouvoir son modèle de véhicule Renault Zoé.

Le courriel publicitaire en cause porte en objet la mention « M. ……., en vélo, ce serait bien mais on a mieux ».

Le corps du courriel présente le véhicule, à l’arrêt, accompagné de la phrase « ZOE, tu m’emmènes au travail ? » et, sous le véhicule : « Et vous, combien de kilomètres faites-vous chaque semaine ? ».

2. Les arguments échangés

– L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie (ADEME) souligne à titre liminaire que la publicité litigieuse intervient dans le contexte de la crise sanitaire que connaît le pays et d’un très fort engagement des pouvoirs publics et des collectivités territoriales en faveur du vélo. La France accuse un retard important dans l’usage de la bicyclette au sein de l’Union européenne et ambitionne, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, de tripler sa part dans les déplacements du quotidien afin de concourir à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, des nuisances sonores et de la congestion urbaine, et d’améliorer la qualité de l’air.

L’ADEME soutient que la publicité du groupe Renault méconnaît plusieurs règles déontologiques édictées par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

En premier lieu, l’allégation selon laquelle la voiture électrique serait « mieux » que le vélo est contraire au principe de véracité des actions. En effet, l’usage du vélo, mode de mobilité active, pour se rendre sur son lieu de travail présente de nombreux avantages par rapport à la voiture, notamment sur le plan écologique, économique et sanitaire.

En deuxième lieu, le message publicitaire contrevient au principe de clarté du message dès lors qu’il n’explicite pas les critères sur la base desquels elle établit une comparaison entre le vélo et la voiture électrique Zoé, ne précise pas les hypothèses, en particulier les caractéristiques du trajet, dans lesquels le second moyen de locomotion serait préférable au premier, ni n’indique les bénéfices attendus du recours à la voiture électrique.

En troisième et dernier lieu, cette publicité est de nature à induire en erreur le public sur les incidences environnementales de la voiture électrique et constitue une incitation à la substituer à l’usage du vélo, ce qui est contraire à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, notamment à son point 9 relatif aux impacts éco-citoyens. D’une part, à rebours des efforts des pouvoirs publics, elle encourage le recours à la voiture, qui est le principal facteur d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et dioxyde d’azote, tout particulièrement en zone urbaine. D’autre part, si le véhicule électrique présente des avantages indéniables à l’usage, son impact environnemental est loin d’être négligeable en raison, d’une part, des conditions de production de l’électricité nécessaire à son fonctionnement et, d’autre part, des émissions et nuisances de toutes natures qui accompagnent le cycle de vie du véhicule. Quel que soit le kilométrage, la géographie et le mode de propulsion (électrique ou musculaire), le bilan écologique reste favorable au vélo.

– Le groupe Renault a été informé, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 juillet 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur fait valoir que le but de cette campagne emailing était de mettre en avant l’autonomie de la voiture Renault Zoé et en aucun cas de discréditer le vélo ni de mettre en compétition deux modes de déplacement. Cet élément est d’ailleurs corroboré par le corps de l’email qui ne reprend pas cette comparaison, qui est circonscrite au titre du courriel.

Cependant, l’annonceur admet que l’objet du mail était équivoque et pouvait prêter à interprétation et exprime ses regrets. Il confirme que la campagne n’est plus diffusée depuis le mois de juin et qu’il n’envisage pas de reprendre la formulation critiquée dans ses prochaines campagnes.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dans sa version applicable en l’espèce, prévoit :

  • Dans son point 1 (Véracité des actions) que : « 1. La publicité ne doit pas induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable (…) » ;
  • Dans son point 3 (Clarté du message) que : « 1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées (…) » ;
  • et dans son point 9 (Impacts éco-citoyens) que : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

9.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple: 

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique etc…), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. (…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement. (…)

9.2 La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. (…). ».

Le Jury relève que la publicité sur laquelle porte la plainte de l’ADEME fait la promotion de la voiture électrique Renault Zoé pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Il ressort de l’objet du courriel publicitaire que l’utilisation de cette voiture à cette fin est présentée comme « mieux » que l’usage du vélo, qualifié de « bien ».

Cette publicité ne fait état d’aucun critère de comparaison ni, plus largement, d’aucune méthodologie comparative, et laisse entendre que l’utilisation de la Renault Zoé serait en tous points préférable à celle du vélo pour rejoindre son lieu de travail. Si le consommateur peut intuitivement penser que ce mode de locomotion présente certains avantages, notamment en termes de vitesse, de confort voire de sécurité, la référence au vélo et à la voiture électrique renvoie aussi implicitement, en l’absence de mention contraire, à l’argument environnemental, tout particulièrement dans le contexte actuel où le corps social manifeste une sensibilité particulière à la protection de l’environnement. Ainsi, le courriel litigieux instille l’idée que la voiture électrique serait moins polluante, ou à tout le moins pas davantage, que le vélo.

Or comme l’indique l’ADEME, et ainsi qu’il est communément admis, le recours au vélo présente, à trajet identique, un impact environnemental nettement moindre que la voiture électrique. En effet, le fonctionnement de cette dernière repose sur la production d’électricité dont les sources ne sont pas entièrement renouvelables en l’état du parc de production français et des importations, génère diverses nuisances en conditions normales d’utilisation (émissions liées au freinage, dégradation de la chaussée…) – bien qu’elles soient sensiblement inférieures à celles des véhicules thermiques, et son cycle de vie, depuis la production jusqu’au recyclage ou à l’élimination de ses composants, a des incidences environnementales réelles.

Le Jury estime par conséquent que cette publicité est de nature à induire en erreur le public quant aux incidences environnementales de la voiture Renault Zoé, en les minimisant, valorise une pratique contraire aux objectifs du développement durable, en incitant à recourir à la voiture électrique plutôt qu’au vélo, et contribue à discréditer l’utilisation de ce dernier alors qu’il constitue une solution communément regardée comme vertueuse au regard de la protection de l’environnement.

Dans ces conditions, le Jury considère que, si le visuel, pris isolément, ne soulève aucune difficulté de nature déontologique, le courriel publicitaire, pris dans son ensemble, en particulier par le rapprochement de ce visuel et de l’intitulé de son objet, méconnaît les dispositions précitées de la Recommandation Développement durable de l’ARPP, en particulier son point 9.

Le Jury prend note de l’absence de volonté de l’annonceur de dénigrer l’usage du vélo et de son engagement de ne plus utiliser la formule litigieuse dans ses futures campagnes publicitaires.

Avis adopté le 23 juillet 2020 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq et MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

Pour visualiser la publicité Renault Zoé cliquez ici.