RENAULT SCENIC VISION – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 3 août 2022
RENAULT SCENIC VISION – 860/22
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,  

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

  1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 mai 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Renault, pour promouvoir son modèle de véhicule Renault Scénic Vision.

La publicité en cause, diffusée sur la page du réseau social Linkedin de la marque, montre un couple à l’intérieur du véhicule en circulation.

Le texte accompagnant cette image est : « Renault Scénic Vision le 1er concept car H2-Tech hybride, électrique et hydrogène, bas carbone. Paris-Marseille sans recharge électrique avec un arrêt de – de 5 mn pour un plein d’hydrogène vert. »

En incrustation sur l’image est écrit : « zéro CO2 à l’usage, en production ».

  1. Les arguments échangés

Le plaignant énonce d’une part que le terme « hydrogène vert » induit en erreur sur l’empreinte carbone de l’hydrogène, dont la production dépend de la source d’énergie primaire sur laquelle Renault n’a pas la main.

D’autre part, la notion de « zéro CO2 à l’usage » est mensongère puisque la production de l’hydrogène impliquera des émissions de CO2. De plus, le message « en production » n’est pas clair et laisse entendre que la production du véhicule n’a pas émis de CO2, ce qui est impossible.

Il ajoute que dire que l’usage du véhicule n’émet pas de CO2 est trompeur car bien que le véhicule soit électrique et donc n’émettent effectivement pas de CO2 en phase de roulage, il en émet en phase de recharge car il consomme de l’électricité ou de l’hydrogène liquide, ce qui génère bien des émissions de CO2. Une production qui n’émet pas de CO2 est impossible, car elle implique de la consommation de matériaux et d’énergie et donc des émissions de CO2.

La société Renault a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 3 juin 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société Renault fait valoir qu’elle est attachée aux principes de la discipline et de l’autorégulation en matière de publicité, Renault représentant à elle seule, 6% des consultations avant diffusion auprès de l’ARPP en 2021. Les campagnes de communication sont quasi-systématiquement soumises à son approbation et ce, au-delà du seul support télévisuel.

La publication Linkedin litigieuse, fait d’ailleurs partie d’une communication plus globale relative au Renault Scenic Vision, ayant fait l’objet d’un avis favorable de la part de l’ARPP

Renault Scenic Vision est un concept car qui par essence n’est pas susceptible de constituer un bien, produit industriellement et destiné à une commercialisation auprès du public. Le concept car Scenic Vision est une approche visionnaire et exploratoire. Il concrétise les perspectives technologiques les plus avancées en matière de décarbonation et incarne les trois piliers de la stratégie de développement durable de Renault Group : environnement, sécurité et inclusion.

La publication LinkedIn visée est une projection illustrative de ces perspectives technologiques. Elle n’a pas vocation à promouvoir ce produit puisque le Concept Car n’est pas destiné à être commercialisé.

D’autre part, Renault n’est pas à l’origine des termes « hydrogène vert ». Il s’agit des termes idoines pour désigner l’hydrogène fabriqué par électrolyse de l’eau à partir d’électricité provenant uniquement d’énergie renouvelable. Il existe différents types d’hydrogène : l’hydrogène vert, gris, bleu ou jaune. Ces termes sont employés par l’IFP Energies nouvelles (IFPEN), établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère de l’énergie ainsi que par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Récemment, l’ADEME a suggéré de changer la terminologie : à l’hydrogène « vert » est désormais préféré « renouvelable », l’hydrogène « gris » devient « fossile », et enfin, les hydrogènes « bleu » et « jaune » sont regroupés sous l’appellation « bas-carbone ». Il s’agit néanmoins d’une suggestion et non d’une appellation officielle ou d’une obligation.

Ces termes sont toujours couramment utilisés par l’IFPEN précité, les fournisseurs d’énergie (www.engie.com/activites/renouvelables/hydrogene-vert), les associations de lutte contre le changement climatique (https://www.orygeen.eu/docs-actus/glossaire/hydrogene-vert/), ils bénéficient d’ une page wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Hydrog%C3%A8ne_vert) et sont utilisés par des médias dont la fiabilité n’est plus à prouver (https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/15/hydrogene-vert-l-argent-afflue-et-les-ambitions[1]sont-la_6130409_3234.html).

Ainsi, contrairement à ce qu’indique le plaignant, Renault n’a nullement cherché à induire en erreur ses clients et la publication Linkedin fait état d’un plein « d’hydrogène vert » pour le Concept Car dont la motorisation permet la recharge par ce type d’hydrogène. C’est ce qui est indiqué au sein de la page 11 du Dossier de Presse: « Motorisation hybride et hydrogène Le transport est responsable de 23 % des émissions de CO2 dans le monde, dont 45 % liés au transport routier de passagers. Pionnier de la mobilité électrique en Europe depuis plus de 10 ans, Renault cherche des solutions alternatives pour répondre à tous les types d’usage. Le concept-car Renault Scénic Vision embarque ainsi une motorisation hybride unique, à la fois électrique et hydrogène. Utilisant un moteur nouvelle génération, une batterie de taille réduite – minimisant ainsi son empreinte carbone – et une pile à combustible alimentée par de l’hydrogène dit « vert », il fait entrer la mobilité dans une ère inédite, que le Groupe estime viable pour la prochaine décennie. Cette polyvalence électrique/ hydrogène est pensée pour réduire l’empreinte carbone et répondre à tous les usages. Grâce à l’utilisation d’hydrogène produit avec de l’énergie renouvelable sans émettre de CO2, les usagers bénéficient à la fois d’une grande facilité d’usage et d’une empreinte carbone faible. S’il est produit de manière durable (hydrogène « vert »), l’hydrogène peut être utilisé comme énergie propre pour de nombreuses applications, notamment pour la mobilité. »

Concernant la justification de l’emploi de la mention « 0 C02 à l’usage, en production », il faut réintégrer cette mention au sein de l’intégralité du message diffusé sur la publication : «Renault Scenic Vision, plus qu’un concept car, une ambition, 1er concept car H2-tech hybride, électrique et hydrogène, zéro C02 à l’usage, en production. Réinventons Renault ».

Au-delà de ce qui a été précédemment indiqué au sujet de la spécificité des Concept cars qui constitue une vision exploratoire et ne concerne pas un véhicule de série, il est expressément indiqué au sein du message que le zéro C02 à l’usage et lors de la production constitue une ambition.

En tout état de cause, il est précisé que cette publication n’induit pas en erreur le public sur la véracité des actions de Renault en matière de développement durable, le dossier de presse fait état des avancées de Renault à ce titre :

– Concernant « 0 C02 lors de la production »: « Renault Scénic Vision a été imaginé comme un véhicule s’appuyant sur une production locale et responsable, assemblé dans des usines décarbonées. En 2025, les trois manufactures du pôle ElectriCity seront neutres en carbone. Toutes les usines européennes de Renault Group le seront à horizon 2030. La Re-Factory de Flins sera la première usine d’Europe dédiée à l’économie circulaire. De nombreuses activités sont prévues ou déjà engagées : le reconditionnement voire le rétrofit des véhicules, le recyclage des pièces, des matières et des batteries électriques. Tout le cycle de vie du véhicule est ainsi prolongé et valorisé pour éviter de nouvelles émissions de gaz à effet de serre. »

– Concernant « 0 C02 à l’usage » : Il s’agit de la mention exigée par l’ARPP pour les publicités de véhicules mettant en avant une absence de C02. Cette absence est justifiée au sein de la page 5 du Dossier de presse : « Complémentaire à l’offre 100 % électrique, la technologie hybride électrique/hydrogène présente l’avantage de combiner des temps de recharge en énergie réduits et une empreinte carbone neutre à l’échappement ». En outre, le plaignant prétend que les termes « 0 C02 à l’usage, en production » seraient mensongers puisque la production d’hydrogène impliquerait des émissions de C02. Or, il n’est fait nulle mention d’une quelconque production d’hydrogène par Renault.

L’annonceur rappelle que Renault est un constructeur automobile et non un fournisseur d’énergie. La mention « zéro C02 » à l’usage et lors de la production des véhicules est bien justifiée au sein du dossier de presse.

  1. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »
  • au titre de la clarté du message (point 4) :
    • « 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…)
    • 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP
    • 4.4 Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations. (…) »
  • au titre du vocabulaire (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.
    • 7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.
  • Au titre des dispositifs complexes (point 9) :
    • « Certains dispositifs reconnus peuvent reposer sur des démonstrations très techniques ou sur des montages complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect (ex. dispositifs dits “électricité verte”, “compensation carbone”, “Investissement Socialement Responsable”, etc.).

Lorsque la publicité fait référence à ce type de dispositif :

    • 9.1 Elle doit veiller à ne pas induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme.
    • 9.2 Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte. (…) ».

A titre liminaire, le Jury relève que les messages publicitaires par lesquels une entreprise affiche une ambition quant à la performance de ses produits ou services en matière de développement durable à un horizon de temps éloigné doivent respecter les exigences déontologiques applicables. D’une part, afin de respecter les exigences de véracité, de proportionnalité et de loyauté, l’objectif annoncé doit reposer sur des éléments solides, objectifs et vérifiables attestant de la crédibilité de la trajectoire qu’il implique. A défaut d’un tel encadrement, toute entreprise pourrait en effet librement afficher des ambitions environnementales flatteuses à long terme, quand bien ne reposeraient-elles sur aucune réalité, en en recueillant les bénéfices à court terme sur le plan marketing. D’autre part, le point 4.2 de la Recommandation « Développement durable », qui prévoit que, « si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement », implique que, dans la mesure où cela serait nécessaire et pertinent, la publicité présente clairement les conditions particulières qui devraient être réunies pour que l’objectif puisse être atteint, ou procède à un renvoi à un support les exposant.

Le Jury constate que la publicité en cause, qui s’inscrit dans une campagne publicitaire plus vaste dont l’annonceur a donné le sens, porte les seules mentions suivantes : « Renault Scénic Vision le 1er concept car H2-Tech hybride, électrique et hydrogène, bas carbone. Paris-Marseille sans recharge électrique avec un arrêt de – de 5 mn pour un plein d’hydrogène vert. » et, en incrustation sur l’image « zéro CO2 à l’usage, en production ».

Si le Jury comprend le sens de l’expression « concept car », qui traduit une vision exploratoire, il considère que le concept même ne suffit pas à lever l’ambiguïté du message évoquant « zéro CO2  à l’usage, en production ». En effet, l’expression « en production » peut être entendue comme signifiant soit que le concept car est en cours de production, soit, ainsi que cela ressort des observations de l’annonceur, que la société projette une production dans des usines « neutres en carbone ». Toutefois, outre qu’aucune échéance, même approximative, n’est fournie, qui permettrait au consommateur d’apprécier la portée et la crédibilité de l’annonce, le Jury relève surtout que la seule neutralité carbone d’une usine de production ne permet pas d’utiliser l’allégation « zéro CO2 » (qui diffère de la formulation
« net zéro carbone ») dès lors que du dioxyde de carbone sera émis, fût-il compensé par ailleurs.

Le Jury estime donc qu’en l’absence de mention visant à expliciter ou relativiser le message, notamment par un renvoi à un site internet permettant au public de prendre connaissance de la teneur du projet et d’apprécier la crédibilité de l’annonce, l’allégation expression « zéro CO2  à l’usage, en production » ne répond pas à l’exigence de clarté du message prévue aux points 4.1, 4.3 et 4.4 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et est donc, à ce titre, de nature à induire en erreur le public au sens des points 2.1, 2.2, 2.3, 7.1, 7.3, 9.1 et 9.2.

Le Jury considère en revanche que l’expression « hydrogène vert », dont l’emploi est courant chez les acteurs du secteur et les autorités scientifiques et politiques qu’elles soient nationales ou internationales, désigne une catégorie de dihydrogène qui est fabriqué à l’aide d’énergies renouvelables, voire par de l’énergie nucléaire. Dans le contexte de cette publicité, le renvoi à ce terme n’est donc pas de nature à créer une confusion dans l’esprit du public.

En conséquence de ce qui précède, et sous les limites énoncées ci-dessus, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions précitées.

Avis adopté le 1er juillet 2022 par, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Boissier et MM. Depincé et Lucas-Boursier.


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