REGLO PETFOOD – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 26 mai 2021
REGLO PETFOOD – 728/21
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 25 janvier 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités en faveur de la société Reglo Petfood, pour promouvoir ses produits d’alimentation pour animaux familiers.

Les publicités, diffusées sur le site Internet et la page Facebook de la marque, font état d’un produit « éco-responsable », « délicieux et écologique », « naturel » ou « 100 % naturel », « éthique » et « sans sous-produits animaux ». Figurent également :

  • la mention « respect de la biodiversité» accompagnée d’un logo composé de feuilles stylisées – en précisant à ce dernier titre que « les élevages d’insecte de nos partenaires sont totalement hermétiques et sans impact sur les écosystèmes » ;
  • le texte : « Sauvez la planète, une gamelle à la fois», explicité par le texte : « Remplacer la viande par des insectes est le meilleur moyen pour réduire l’impact de nos chiens sur l’environnement » et par un chiffrage de la réduction de la consommation d’eau et de l’émission de CO2 ;
  • la question « Prêt à prendre soin de votre chien et de la planète» ;
  • et l’allégation « Ils sont meilleurs pour la planète».

En outre, les publicités comportent les allégations suivantes : « Parfait pour les estomacs sensibles » et « fini les problèmes de peau, de poil ou de digestion », en raison de l’absence de bœuf, de poulet, d’agneau, de poisson et de céréales responsables de 80 % des réactions allergiques. Il est en outre indiqué que les insectes qui entrent dans la composition des croquettes « mangent et valorisent des déchets alimentaires ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que ces publicités présentent les aliments pour animaux familiers à base d’insectes comme éthiques, éco-responsables, respectueux de la biodiversité, par des élevages sans impact sur les écosystèmes. Elles mentionnent des insectes élevés « avec douceur » et justifie le sauvetage de la planète par des comparaisons entre élevage d’insectes et élevage de bétail alors que le petfood n’élève pas d’animaux mais utilise les sous-produits animaux de la consommation humaine.

Il dénonce l’allégation selon laquelle ces aliments seraient « sans sous-produits animaux » alors que les insectes relèvent de ce qualificatif, étant eux-mêmes nourris avec des coproduits et non des « déchets alimentaires » comme mentionnés. Enfin, la publicité prétend que l’aliment convient aux « estomacs sensibles » et annoncent la fin des « problèmes de peau, de poils et de digestion » sans faire état d’études scientifiques justifiant ces allégations.

Le plaignant considère ainsi que ces publicités contreviennent aux exigences de proportionnalité et de loyauté résultant de la Recommandation « Développement durable » et aux règles figurant dans la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers », en particulier celles relatives aux allégations santé.

La société Reglo Petfood a été informée, par courriel avec accusé de réception du 10 mars 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que la plainte l’incitera à suivre mieux encore les règles déontologiques en la matière et qu’elle modifiera sa publicité si l’avis du Jury l’estime nécessaire.

Toutefois, elle conteste la position prise dans la plainte selon laquelle le « petfood » n’élève pas d’animaux. En effet, l’alimentation pour animaux familiers utilise les sous-produits animaux de la consommation humaine, qui sont propres à la consommation humaine et habituellement consommées par l’homme, mais simplement reclassées comme sous-produits destinées à l’industrie petfood.

Elle rappelle en outre la part de ces produit « petfood » dans la production de viande en France et aux Etats-Unis, qui démontre l’importance de cette industrie sur l’élevage. Par suite, l’affirmation selon laquelle « le petfood n’élève pas d’animaux » est factuellement fausse.

Concernant la comparaison du caractère écologique de l’élevage d’insecte et de l’élevage de bétail, l’annonceur estime qu’elle est proportionnée. Les deux points sur lesquels la comparaison est fondée sont la consommation d’eau et l’émission de CO2.

Le Global Water Footprint Assessment Standard permet de calculer la consommation directe et indirecte d’eau des activités humaines et est aujourd’hui le standard pour mesurer l’impact réel de ces activités pour définir les stratégies de développement durable. Selon cette méthode il a été calculé qu’un gramme de protéine d’insectes consomme 23 litres d’eau alors que ce chiffre est de 34 quand il s’agit de poulet, 57 de porc et 112 de bœuf. Les chiffres sur la consommation par type de viande par nos animaux de compagnie n’existant pas, l’annonceur doit se contenter d’une moyenne non pondérée : l’élevage de bétail consomme 2,9 fois plus d’eau que l’élevage d’insectes.

Concernant l’émission de CO2, il a été calculé que la production d’un kilogramme d’insectes en émet 2 fois moins que pour du poulet, 2,7 fois moins que pour du porc et 9 fois moins que pour du bœuf ; en faisant une moyenne non pondérée, il est exact d’affirmer que l’élevage de bétail émet 4,6 fois plus de CO2 que l’élevage d’insectes.

Concernant les allégations de santé, les insectes – notamment la mouche soldat noire (Hermetia illucens), utilisée par la marque – sont reconnus comme sources de protéines non pathogènes et propres à la nutrition canine, par la réglementation européenne. Ce qui est décrit comme « estomacs sensibles » et « problèmes de peau, de poils et de digestion » sont simplement les symptômes d’intolérances et d’allergies alimentaires, pour lesquels les vétérinaires recommandent de mettre en place un régime d’éviction, c’est-à-dire sans l’allergène concerné. Dans ce cadre, les croquettes sont présentées comme une alternative – aux recettes contenant certains allergènes communs tel que le poulet ou le poisson – et non comme un traitement curatif à ces pathologies. Aucun terme faisant référence à un potentiel caractère curatif n’est d’ailleurs présent dans la communication de la marque.

Concernant le vocabulaire employé, l’annonceur comprend au regard de la plainte que certains points de vocabulaire posent problème, car ne correspondant pas aux définitions légales, notamment en ce qui concerne les termes « sous-produits animaux » et « déchets alimentaires ». Il s’engage à revoir ces points dans sa communication.

3. L’analyse du Jury

3.1. S’agissant des griefs tirés de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers »

Le Jury rappelle que la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose, dans son point 2. VOCABULAIRE, que :

« 2.1 Sans préjudice de l’utilisation réglementaire de la catégorie « viandes et sous-produits animaux » dans la composition (liste des ingrédients), les termes « viande ou viandes » ne peuvent être employés que si la matière utilisée est du muscle squelettique. »

Et dans son point 3. SANTE, que :

« 3.1 Les allégations faisant référence au traitement, à la guérison ou à la prévention d’une maladie sont considérées comme des allégations médicales. Le produit est alors un « aliment médicamenteux » ce qui le place dans la catégorie des médicaments vétérinaires. / En conséquence, pour les aliments n’entrant pas dans cette catégorie, les termes tels que « traite, soigne, soulage ou guérit » sont prohibés.

3.2 Les allégations fonctionnelles sont autorisées lorsqu’elles soulignent l’apport bénéfique d’un aliment, d’un nutriment, composant ou additif portant sur la croissance, le développement ou les fonctions normales du corps.

Par exemple : contient du calcium pour des os forts et des dents saines / prévient la formation de tartre / limite l’apparition de boules de poils

3.3 Les allégations diététiques sont autorisées dès lors que les produits entrent dans le cadre de la réglementation communautaire concernant les aliments à objectifs nutritionnels particuliers (également dénommés « aliments diététiques »). Pour la communication commerciale de ces aliments, les termes tels que « aide, apporte, contribue, prévient, protège…» sont acceptés et font référence à une pathologie spécifique.

Par exemple : réduit les récidives de signes de cystite idiopathique féline / réduit le risque de formation des calculs d’oxalate de calcium et de struvite / enrichi en taurine et en L-Carnitine pour aider à soutenir le muscle cardiaque

3.4 L’utilisation du terme « santé » doit être nécessairement contextualisée ou relativisée. »

En premier lieu, le Jury estime que les allégations selon lesquelles les produits Réglo Petfood conviendrait aux « estomacs sensibles » et permettrait d’en finir avec les « problèmes de peau, de poils et de digestion », constituent des allégations médicales au sens du point 3.1. de la Recommandation. En effet, cette qualification recouvre non seulement les allégations faisant référence au traitement ou à la guérison d’une pathologie, mais aussi à sa prévention. Or l’instruction n’a pas fait ressortir que ces produits constitueraient des médicaments vétérinaires, bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché à ce titre, ou des aliments diététiques au sens de la réglementation européenne.

En second lieu, la société Réglo Petfood ne conteste pas que les insectes utilisés constituent des « sous-produits animaux » au sens de la réglementation européenne, ce qui ressort en effet du Guide de classification des sous-produits animaux et de leurs devenirs, publié par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, au titre des « sous-produits animaux constitués d’invertébrés aquatiques ou terrestres non pathogènes pour l’homme et les animaux ». Par conséquent, l’allégation selon laquelle les aliments commercialisés seraient « sans sous-produits animaux » méconnaît le point 2 de la Recommandation et, en tout état de cause, le principe général de véracité repris à l’article 5 du code ICC Publicité et marketing.

3.2. S’agissant des griefs tirés de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP

Cette Recommandation prévoit :

– au titre de la proportionnalité des messages (point 3), que :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.

3.3 En particulier : / (…) b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif ».

En outre, le point 5 « Loyauté » de la même Recommandation dispose que :

« 5.1 La publicité ne doit pas attribuer à un produit ou à un annonceur l’exclusivité de vertus au regard du développement durable alors que celles des concurrents seraient analogues ou similaires. ».

Il résulte enfin du point 7.3 de la même Recommandation que « dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

Le Jury constate que la publicité en cause met en avant le caractère éthique, éco-responsable et respectueux de la biodiversité des aliments pour animaux promus, lesquels contribueraient au sauvetage de la planète. La société explique que l’élevage d’insectes présente un bilan écologique nettement supérieur à l’élevage de bétail dont des sous-produits sont utilisés dans la fabrication de produits concurrents.

Le Jury estime que cette présentation est de nature à induire en erreur le consommateur sur l’impact écologique respectif des produits Réglo Petfood, à base d’insectes, et des aliments pour animaux issus des carcasses ou d’autres parties d’autres animaux d’élevage (poulets, bovins…), alors qu’il est constant que ces derniers ne sont pas élevés spécifiquement en vue de la fabrication de ces aliments, mais, à titre principal et déterminant, pour l’alimentation humaine. Seuls des sous-produits issus de ces animaux sont employés dans l’industrie du petfood. On ne saurait en conséquence imputer les conséquences écologiques de l’élevage de bétail à la fabrication des aliments pour animaux familiaux.

En outre, et pour la même raison, le Jury considère que la seule circonstance, mise en avant par la société, que les produits promus sont fabriqués à base d’insectes ne permet pas de les qualifier d’éthique, d’éco-responsable ni de respectueux de la biodiversité, et encore moins    de les présenter comme un moyen de sauver la planète. A l’évidence, les élevages d’insectes ne sont pas dépourvus d’impact négatif sur l’environnement. Ces formulations globales ne font en outre l’objet d’aucune relativisation. Dans ces conditions, cette publicité n’est pas conforme aux exigences de proportionnalité posées aux point 3.1 à 3.3. de la Recommandation ainsi qu’à la règle de vocabulaire posée à son point 7.3.

Il résulte de tout ce qui précède que les publicités en cause méconnaissent les points précités des Recommandations « Alimentation pour animaux familiers » et « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 2 avril 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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