Avis publié le 13 décembre 2018
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de la société annonceur, de la Fédération Française du Négoce de l’Ameublement et de l’Equipement de la Maison (FNAEM) et de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 mars 2018, d’une plainte émanant de la Fédération Française du Négoce de l’Ameublement et de l’Equipement de la Maison (FNAEM), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire télévisée, en faveur d’une société d’ameublement, pour promouvoir sa gamme de canapés et fauteuils.
Le spot publicitaire principalement mis en cause dans la plainte et diffusé à plusieurs reprises sur les chaînes de télévision, dans une version courte ou longue, met en scène deux hommes dans un atelier de fabrication de meubles, portant un tablier professionnel et qui semblent réaliser des finitions sur un canapé. Le message audio accompagnant ces images est : « Chez X, le sens du détail est unico, le savoir faire est unico » (le terme « unico » étant simultanément accompagné de la traduction française écrite « unique ») et « Chez X, les soldes sont doubles ».
La publicité énonce, par la suite, à l’audio et à l’écrit, les conditions d’offres promotionnelles proposées pour différents produits. Les termes « Fait main en Italie » soulignés d’un trait vert, blanc et rouge, sont apposés en haut à droite de l’écran. En fin de film, les deux hommes déclarent face à la caméra, en italien, sous-titré en français, le texte « X, artisans de la qualité ! ».
2. La procédure
A la réception de la plainte, la Présidente du Jury est intervenue auprès de la société annonceur, par courrier du 13 avril 2018, afin de recueillir ses explications concernant les allégations contestées par la plainte, dont copie lui a été transmise. Elle en a informé la Fédération plaignante.
Par courrier du 24 mai 2018, l’annonceur a adressé des arguments écrits, par l’intermédiaire de son conseil, en précisant que ceux-ci étaient transmis à l’avocat adversaire.
Ces échanges ne constituant pas une tentative de règlement amiable de la plainte, celle-ci a été inscrite pour examen en séance par les membres du Jury.
La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 8 juin 2018, été informée de l’examen de la plainte et des dispositions dont la violation est invoquée.
Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du 6 juillet a ensuite fait l’objet d’une demande de report de la part de la FNAEM afin de permettre à ses représentants de présenter oralement des observations. La séance a été reportée au 5 octobre 2018.
Le Réviseur de la Déontologie publicitaire a été saisi d’une demande de révision formulée par la FNAEM le 29 novembre 2018. Le Réviseur a examiné cette demande conformément à l’article 22.1 du Règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire et lui a apporté la réponse jointe en annexe du présent Avis.
3. Les arguments échangés
– La Fédération Française du Négoce de l’Ameublement et de l’Equipement de la Maison, (créée en 2002 et rassemblant plus de 3000 magasins du secteur de la distribution de meubles, dont les parts de marché sont estimées à 80% du marché français), considère que la présentation faite dans les publicités est trompeuse sur la prétendue fabrication de manière artisanale des meubles vendus par la société annonceur.
Elle indique que la société annonceur, créée en 1995, est devenue l’entreprise leader en Italie en matière de distribution spécialisée de canapés et fauteuils en tissu. En France, par le biais de ses 41 magasins, elle capte une part croissante du marché.
La FNAEM ajoute que, le 19 juillet 2016, l’Instituto dell’ Autodiciplina Publicitaria, régulateur italien de la publicité, a censuré pour tromperie les publicités de l’annonceur, en raison de l’utilisation du slogan « X, artisans de qualité » et par la représentation, dans ses campagnes publicitaires, d’équipes et de contextes laissant supposer une fabrication artisanale des produits vendus. La cessation de ces campagnes promotionnelles a été expressément ordonnée dans cette décision.
Le 1er décembre 2017, alerté par ses adhérents, par les récentes condamnations de l’annonceur en Italie et par la multiplication de campagnes promotionnelles similaires en France, le conseil d’administration de la FNAEM a autorisé son Président à agir en justice, au nom et pour le compte de la Fédération.
Sur la qualité à agir et la recevabilité de la plainte de la FNAEM
La FNAEM précise que des publicités de l’annonceur sont diffusées sur plusieurs chaînes télévisées françaises et que la publicité en cause a notamment été diffusée les 14, 16, et 19 février 2018 sur ces chaînes. La plainte du 30 mars est donc formée dans le délai de deux mois imposé par l’article 3 du Règlement intérieur du Jury.
Elle estime avoir intérêt à agir, de par ses statuts et son objet, qui est de « représenter et défendre les intérêts du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison auprès des pouvoirs publics, des administrations compétentes, des groupements interprofessionnels et des organismes internationaux, ainsi qu’auprès des Tribunaux » (Titre II). Son président, qui aux termes de l’article V-III de ses statuts « représente la Fédération vis-à-vis vis des tiers, de l’autorité publique, et en justice », et d’une délibération du 22 mars 2018 du conseil d’administration de la FNAEM l’autorisant « à agir au nom et pour le compte de la FNAEM et à représenter la FNAEM devant l’Autorité de Régulation des Professionnels de la
Publicité, dans les actions menées à l’encontre de l’annonceur, conformément aux pouvoirs conférés par l’article V-III des Statuts au Président et à l’objet social de la FNAEM, défini par l’article II », a qualité à agir.
Sur les manquements dénoncés
L’examen du site internet de l’annonceur, en français et à destination du marché français, révèle que l’ensemble de son discours commercial repose sur la prétendue fabrication par cette société et de manière artisanale des meubles vendus dans ses 41 points de vente, ainsi que le montrent des mentions figurant dans les rubriques « Qui sommes nous? », « Qualité artisanale » ou encore dans la rubrique « FAQ », vantant, entre autres, photographies à l’appui, la mise à disposition d’« un produit haut de gamme, de haute qualité artisanale, totalement italien et meilleur marché », « Les Artisans du Made in Italy », ou encore la « gamme de modèles, fruit d’un grand soin artisanal, (…) faite main en Italie : dans les établissements de X et X, nous réalisons nos canapés en tissu, tandis que les pièces en cuir sont produites dans les X ».
Or, selon la FNAEM, l’examen de la documentation de l’annonceur révèle qu’elle a pour unique activité la vente de meubles et ne procède aucunement à la fabrication de ces derniers et ce, encore moins, de manière artisanale :
– l’extrait K-bis de la société annonceur indique exclusivement comme activité « la vente de meubles et de tous objets afférents à l’aménagement intérieur d’une manière générale, sous quelque forme que ce soit, et toutes opérations d’import-export et opérations intra-communautaires; la vente sous quelque forme que ce soit pour son compte ou le compte de tiers de tous produits pour la maison ou le jardin (…) » ;
– la liste des établissements et des effectifs français du RCS confirme que l’activité de l’annonceur est uniquement dédiée à l’achat/vente de meubles, et aucunement à leur production artisanale. Tous les établissements listés sont en effet enregistrés sous l’activité « commerce de détail d’ameublement » et emploient entre 3 et 15 salariés, soit des effectifs correspondant à des activités de négoce/distribution, sur des surfaces de locaux comprises entre 150 et 700 m2, soit des surfaces et des effectifs de magasins et non d’usines ;
– les bilans comptables de l’annonceur révèlent également, selon la FNAEM, un important poste au titre de « l’achat de marchandises et de droits de douane » et aucune dépense au titre de l’achat de matières premières ;
– le contrat de franchise entre les franchisés français et la société annonceur, siège italien, ne fait référence à aucun procédé ou lieu de fabrication, mais à un seul savoir-faire en matière de marketing et oblige le franchisé à s’approvisionner exclusivement auprès du siège italien.
Au surplus, aucune des personnes apparaissant dans les spots télévisés n’est un artisan ou un salarié de l’annonceur. La FNAEM en déduit que la publicité diffusée a pour effet d’altérer le choix du consommateur de manière substantielle, dès lors qu’il pense acheter un produit fabriqué de manière artisanale par la société annonceur elle-même et qu’il acquiert en réalité un produit standard fabriqué industriellement par des sous-traitants.
Par ailleurs, dans sa décision du 19 juillet 2016, l’Instituto dell’Autodiciplina Publicitaria, régulateur italien de la publicité, a ordonné la cessation des campagnes publicitaires de l’annonceur, au motif de leur caractère trompeur, dans les termes suivants :
« [L’annonceur] a développé une argumentation séduisante tendant à justifier l’utilisation du slogan « X. Artisans de qualité » en identifiant le témoin qui se déclare artisan, à X, de sorte que c’est pour cela qu’il indique travailler ‘chez’ [l’annonceur]. (…) ».
Le Jury est d’avis que la publicité contestée produit un résultat trompeur (…) par la présentation emphatique, dans les publicités, des différents membres d’une supposée équipe, qui indiquent être « artisans » (et certains « maîtres artisans » avec une longue expérience), ainsi que par la disposition scénique dans laquelle ils sont présentés, à l’intérieur de locaux où apparaissent des panneaux « X », portant des tabliers « X » en cuir (selon l’usage d’autrefois dans les ateliers), occupés à concevoir personnellement et « créer » manuellement des éléments de canapés, ou encore leur présentation à tous ensemble comme dans une photo de groupe (…) ».
Par ces formules, la publicité de [l’annonceur] laisse supposer qu’à l’intérieur de l’entreprise en qualité de salariés, travaillent des artisans aux compétences prouvées, dont certains pouvant se qualifier officiellement de « maîtres » ; que ces personnes travaillent comme une équipe ; et que donc les canapés offerts par [l’annonceur] sont le résultat direct de l’expérience et de la fabrication soignée de l’équipe de salariés de [l’annonceur].
Or, l’ensemble de cette présentation et ce contexte ne correspondent pas à la situation réelle et sont donc trompeurs, parce qu’ils entraînent chez le consommateur un décodage irréaliste de l’identité d’entreprise de [l’annonceur], qui est perçue comme ayant des équipements et une organisation internes selon ces caractéristiques particulières qui, au moins dans l’imaginaire du public, correspondent à des entreprises artisanales et des petites productions provenant directement de celles-ci.
Par ailleurs, comme il a été dit, [l’annonceur] n’est pas formellement une entreprise artisanale et, comme il a été montré par des documents et il n’est pas contesté dans l’ensemble, l’activité effectivement réalisée n’a pas non plus matériellement des caractéristiques artisanales, parce que la société mène une activité commerciale et ne possède aucun cycle de production organisé en son sein. Dans cette procédure ne peut pas non plus être accueillie favorablement l’argumentation de [l’annonceur], selon laquelle les personnes qui témoignent seraient effectivement artisans. L’allégation n’est pas prouvée de manière appropriée pour ce qui est de ceux qui se déclarent ‘titulaires’ d’une entreprise autonome (…)
Par ces motifs le Jury, après avoir examiné les actes et entendu les Parties, (…) b) déclare également que la publicité contestée est contraire à l’art. 2 du CA relativement au contexte de représentation dans lequel est véhiculé le slogan « Siamo gli artigiani della qualità – Nous sommes les artisans de la qualité ». Dans ces limites, en ordonne la cessation. »
La FNAEM souligne l’homothétie des slogans et des procédés sanctionnés par le régulateur italien avec ceux utilisés dans les publicités télévisées objets de la présente procédure : les campagnes télévisées reprennent, postérieurement à cette condamnation, le slogan « nous sommes les artisans de la qualité », adoptent la même mise en scène en faisant figurer des personnes désignées comme artisans par ce slogan avec des tabliers de la marque, illustrent ces slogans d’images d’ateliers ou de mains d’artisans au travail.
Dans son deuxième mémoire, la FNAEM précise cependant que l’annonceur a procédé à des modifications, mais qui ne sont que purement cosmétiques et de mauvaise foi, démontrant sa volonté de tromper à la fois les consommateurs et le régulateur. En effet elle continue à mettre en scène une production artisanale et des artisans totalement étrangers à son fonctionnement et à la fabrication de ses produits : les campagnes télévisées reprennent la même mise en scène en faisant figurer des personnes désignées comme artisans par ce slogan ; si les tabliers ne sont plus marqués « X », le slogan « X, les artisans de la qualité » apparaît néanmoins au niveau du torse des deux prétendus artisans présentés dans les publicités ; ceux-ci sont d’ailleurs mis en scène en train de confectionner de leurs mains, de manière artisanale, les produits en cause.
Quant au slogan « artisan de la qualité », il va au-delà du sens figuré de « responsable » de la qualité, alors que seules les personnes ayant la qualification requise peuvent se prévaloir auprès de leur clientèle de la qualité d’artisan ou du titre de maître artisan. En outre on voit mal quelle différence peut être faite entre le slogan
Ces mêmes slogans et procédés avaient d’ailleurs déjà fait l’objet d’une large diffusion sur les chaînes télévisées en 2016 et 2017. Ces pratiques n’ont donc pas cessé et ont même été étendues sur le territoire et à destination des consommateurs français. Les publicités diffusées par la société annonceur apparaissent d’autant plus gravement trompeuses à l’égard du consommateur moyen au regard de leur fréquence et de leur large diffusion sur de nombreuses chaînes télévisées.
La FNAEM estime que dans ces conditions, les publicités diffusées par l’annonceur contreviennent à l’article L. 121-1 du code de la consommation et, en conséquence, ne sont pas conformes à la loi au sens de l’article 1er du Code ICC.
Elle ajoute que les publicités en cause diffusées sur les chaînes françaises comportent aussi des manquements aux principes de loyauté et de véracité dès lors qu’elles utilisent le slogan « nous sommes des artisans », qu’elles mettent en scène des personnes désignées comme artisans ou maître artisan portant des tabliers de la marque ; qu’elles contiennent la mention « Fait main en Italie » ; qu’elles recourent à des images d’ateliers de fabrication – tous éléments qui incitent le consommateur à penser, de manière déloyale et mensongère, par des assertions directes, mais également par le biais d’images, que les produits proposés par l’annonceur sont issus d’une fabrication artisanale et d’un savoir-faire particulier propre, et entièrement maîtrisé par celui-ci. Alors qu’en réalité il ne dispose d’aucune capacité de production et ses produits ne revêtent aucune qualité artisanale, son activité se limitant à la vente de meubles.
Elle précise toutefois dans son mémoire ultérieur que les publicités en cause diffusées sur les chaînes françaises utilisent le slogan « artisan de la qualité », et mettent en scène des personnes désignées comme artisans ou maître artisan portant des tabliers avec l’apposition de la marque sur leur torse.
En résumé, les publicités diffusées par l’annonceur, induisent le consommateur en erreur sur la qualité et la méthode de fabrication des biens présentés et sur l’identité de celui-ci, et constituent une pratique commerciale qui peut être qualifiée de déloyale. En effet, en se présentant, de manière mensongère, comme fabricant artisanal, l’annonceur se place en concurrent de véritables fabricants de meubles et de fabricants artisanaux. Le contenu des publicités en cause est donc trompeur et contraire aux lois ainsi qu’aux règles déontologiques énoncés aux articles 1er, 3 et 5 du code ICC.
Enfin la FNAEM demande au Jury d’ordonner la cessation immédiate des spots publicitaires litigieux et d’ordonner la publication de son avis dans plusieurs organes de presse.
Et elle précise que sont responsables de la diffusion des spots poursuivis :
– La société annonceur, en qualité de franchiseur à l’origine de la conception, de la coordination et du financement des campagnes publicitaires en France;
– La société annonceur en France, personne morale au nom de laquelle les publicités sont
diffusées en France et les consommateurs français trompés
– Le dirigeant et actionnaire majoritaire de de la société annonceur, mais également signataire des conventions signées par sa main avec les franchisés français.
– La société annonceur a présenté des observations en réponse.
Elle relève tout d’abord l’incompétence du JDP à statuer sur le présent litige : en effet, le JDP n’est compétent, ainsi qu’il ressort de son règlement intérieur, que pour se prononcer sur le non-respect des principes déontologiques. Il n’examine que le contenu des publicités et en aucun cas, le produit ou service concerné. Il n’est pas habilité à se prononcer sur le bon fonctionnement ou la composition d’un produit.
Or en l’espèce, la FNAEM saisit le JDP afin de lui demander de constater que la société annonceur ne peut se prévaloir de la qualité « d’artisan ». En réalité, ce litige ne porte en aucun cas sur le contenu de la publicité mais bien d’une part, sur la qualité des produits concernés à savoir s’ils ont été fabriqués par des artisans et, d’autre part, sur la qualité d’artisan ou non de l’annonceur. Si la FNAEM invoque des règles déontologiques de la profession et notamment du Code ICC pour fonder ses demandes, il s’agit d’un stratagème pour amener le JDP à se prononcer sur un problème de droit de la consommation.
L’annonceur ajoute que la réclamation de la FNAEM ayant été introduite le 30 mars 2018, le JDP ne peut, en tout état de cause, se prononcer que sur des publicités diffusées entre le 30 décembre 2017 et le 30 mars 2018.
Sur l’intérêt à agir de la FNAEM et la capacité à agir de son président : l’annonceur s’interroge sur ce qui, au vu des agissements qui lui sont reprochés dans la plainte, pourrait relever de la défense des intérêts communs des membres de la FNAEM. Par ailleurs, la FNAEM ne rapporte pas la preuve d’un mandat valable permettant à son Président d’agir en son nom et pour son compte dans le cadre du présent litige.
Sur le caractère infondé des demandes de la FNAEM : l’annonceur constate que la FNAEM ne rapporte pas la preuve que les spots publicitaires litigieux seraient contraires d’une part, aux dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation et, d’autre part, aux principes de loyauté et de véracité du code ICC.
Selon lui, la plainte de la FNAEM procède à un examen détaillé de son site internet pour soutenir que l’annonceur tiendrait un discours commercial global reposant sur « la prétendue fabrication par cette société et de manière artisanale des meubles vendus ». Or à aucun moment, la FNAEM ne rapporte la preuve qu’il tiendrait un tel discours. Bien au contraire, la FNAEM fournit des extraits du site internet de « X.com » desquels il ressort simplement qu’il informe les consommateurs que les produits ont une qualité artisanale, ce qui est vrai. Les produits en question sont réalisés par des artisans italiens et ne sont pas issus d’une production industrielle.
En outre, la FNAEM ment purement et simplement sur certains points aux termes de sa plainte et, d’autre part, elle ne parvient pas à rapporter la preuve que le public serait induit en erreur par les spots publicitaires litigieux. En effet, il ressort d’une analyse de la pièce n°15 adverse (constat et vidéos) que les spots ne reproduisent pas :
– le slogan « Nous sommes les artisans de la qualité » mais le slogan « Les artisans de la qualité », slogan qui a signification tout autre ;
– une mise en scène faisant figurer des personnes désignées comme artisans avec des tabliers « X ». Les personnes présentes dans les spots sont dotées de tabliers neutres sans aucune inscription afin justement de ne pas induire en erreur le consommateur.
De surcroît, selon la définition du terme « artisan » – à savoir « personne exerçant un travail de fabrication manuelle, seule ou avec des compagnons et apprentis » et au sens figuré « personne qui est à l’origine de » – l’utilisation du terme « artisans » dans le slogan « les artisans de la qualité » est utilisé au sens figuré pour signifier « responsable » et donc indiquer au consommateur que l’annonceur veille à la qualité de ses produits. En d’autres termes, les membres de l’équipe de l’annonceur sont à l’origine de la qualité des produits vendus du fait de leur exigence dans la sélection et le suivi de leurs prestataires. C’est d’ailleurs ce qui ressort de son discours commercial sur son site internet : « Depuis toujours, notre objectif est de mettre la qualité à disposition de tous, en garantissant à nos clients un produit haut de gamme, de haute qualité artisanale, totalement italien et meilleur marché ».
Par ailleurs, il ne peut être reproché à l’annonceur la reproduction de la mention « fait main en Italie » car tous les prestataires intervenant dans la conception de ses produits sont des artisans implantés en Italie.
Enfin, le recours à des images d’ateliers de fabrication n’a pas pour conséquence d’induire en erreur le consommateur du fait de l’absence d’éléments d’identification à la marque (tabliers, écriteaux portant le nom de la marque etc).
L’annonceur constate en sus que la FNAEM se fonde exclusivement, pour tenter de démontrer un quelconque manquement, sur une décision de l’Instituto dell’Autodiciplina Publicitaria du 16 juillet 2016 portant sur des spots télévisés diffusés en Italie. En effet, la FNAEM tente de justifier ses demandes en estimant que les spots publicitaires litigieux diffusés en France sont similaires dans leur contenu aux spots publicitaires italiens ayant fait l’objet d’une sanction au terme de celle décision.
Au regard de cette décision, l’Instituto dell’Aurodiciplina Publicitaria a retenu en 2016 que les spots publicitaires étaient trompeurs en se fondant sur un ensemble d’éléments contenus dans la publicité qui laissaient à penser que l’annonceur était doté d’équipements et d’une organisation interne de production, à savoir :
– la présence de panneaux « X » dans les locaux présentés dans la publicité ;
– les tabliers des personnes présentes marquées « X » ;
– les propos des personnes présentes dans la publicité.
Or, suite à cette condamnation et afin d’éviter que le public soit de nouveau induit en erreur, l’annonceur a modifié ses spots publicitaires en supprimant de ceux-ci les éléments susvisés laissant à penser qu’il fabriquait au sein de ses ateliers ses produits. Ce sont d’ailleurs les spots publicitaires modifiés qui ont été introduits en France et qui font aujourd’hui l’objet du litige. L’annonceur attire donc l’attention du JDP sur sa bonne foi. L’analogie faite par la FNAEM entre les spots publicitaires ayant fait l’objet d’une condamnation en Italie et ceux diffusés en France est donc totalement erronée, ces spots étant foncièrement différents. Les spots publicitaires diffusés en France n’ont jamais fait l’objet de condamnation. Enfin, le slogan litigieux ayant fait l’objet d’une condamnation en Italie est « Nous sommes les artisans de la qualité », et non « Artisans de la qualité ».
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JDP ne pourra que constater que les spots publicitaires litigieux n’induisent pas le consommateur en erreur sur la qualité et la méthode de fabrication des biens présentés et ne constituent pas une pratique commerciale déloyale car ils n’altèrent pas le choix du consommateur de manière substantielle, en laissant à penser que les produits sont fabriqués de manière artisanale par l’annonceur.
La société estime par ailleurs que, quand bien même les agissements qui lui sont reprochés seraient avérés, une mesure de diffusion renforcée de l’avis du JDP serait disproportionnée.
– Le Syndicat National de la Publicité télévisée (SNPTV) fait valoir que, conformément à la procédure d’avis préalable dans le cadre de l’autodiscipline mise en place depuis 1990 par l’interprofession publicitaire sur délégation du CSA, ce film a été diffusé dans la mesure où il a reçu un avis favorable de l’ARPP sans commentaire.
– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir identifié la campagne publicitaire télévisée principalement mise en cause comme étant :
– un spot de 10 secondes identifié n° FR_HRZI_PLTS_FATL_0015_010_F et portant le titre « Dernier jour mardi week 7 TV »,
– cette version correspondant à une déclinaison d’un spot + long de 30 secondes (identifiant n° FR_HRZI_PLTS_FATL_0014_030_F), les 2 ayant été soumis et validés par l’ARPP le 8 février 2018.
Ces spots finalisés font suite à des projets transmis au stade du conseil préalable par l’agence de communication de l’annonceur, adhérent de l’ARPP, en janvier 2018 ; ces projets correspondants eux-mêmes à une adaptation de campagnes antérieures en raison de modifications apportées aux offres promotionnelles. Depuis l’année 2013, de nombreuses publicités télévisées pour la société annonceur ont été soumises à l’ARPP pour conseil préalable et avis de diffusion et ont été ainsi diffusées sur les chaînes de télévisions à de nombreuses reprises, celles-ci utilisant, pour la plupart :
– le slogan « Artigiani della qualita », traduit en français par « Les artisans de la qualité » ;
– la mention « fait main en Italie », soulignée d’un liseré vert, blanc et rouge,
– des images montrant des personnages portant un tablier sur lequel figure le nom de l’annonceur, travaillant dans des sites de confection de fauteuils ou canapés.
Lors de l’examen des premiers projets, l’ARPP a interrogé l’annonceur sur sa qualité de fabricant. En effet, eu égard aux restrictions visant la communication des distributeurs en télévision et en particulier sur l’interdiction de présenter des offres promotionnelles, cette société aurait été dans l’impossibilité de faire mention de prix promotionnels valables sur une durée déterminée, comme c’est le cas dans la plupart des spots de l’annonceur.
De plus, dans le cadre de la mission de conseil préalable de l’ARPP, celle-ci s’attache à alerter ses membres sur la nécessité de respecter les principes élémentaires contenus dans le Code ICC, en particulier concernant la véracité des allégations utilisées. A ce titre, il a été confirmé à l’ARPP que l’annonceur était bien fabricant de ses produits.
A l’appui de ces éléments, il n’appartient pas à l’ARPP de contester cette qualité. En effet, conformément à ses statuts et procédures, la réponse de l’ARPP se réfère exclusivement à la publicité : la véracité des informations et/ou justifications fournies par l’annonceur quant aux caractéristiques des produits et/ou services reste sous son entière responsabilité.
En tout état de cause, force est de constater que les différentes campagnes diffusées dans les écrans publicitaires télévisés n’ont fait l’objet, depuis 2014, d’aucune contestation ou action de la part du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, en charge du contrôle de la publicité télévisée, ou d’autres autorités publiques de contrôle telles que la DGCCRF, sur cette base.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que le Code ICC dispose :
– à son article 1er – Principes élémentaires :
« Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing ».
– à son article 3 – Loyauté :
« La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération ».
– à son article 5 – Véracité :
« La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : / – des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».
Sur la compétence du Jury et l’intérêt à agir de la FNAEM :
Le Jury rappelle qu’en vertu de l’article 3 de son règlement intérieur, il n’est compétent que pour connaître des questions relatives au non-respect des règles de déontologie publicitaire, et statue exclusivement sur la conformité ou la non-conformité des messages publicitaires contestés avec les règles professionnelles publiées par l’ARPP, les principes généraux contenus dans le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, ainsi que les engagements publiés, pris par l’interprofession à l’égard des pouvoirs publics et dont l’ARPP est cosignataire.
Il en résulte que, hors le cas où une règle déontologique y renvoie expressément, le Jury n’a pas, en principe, à examiner la conformité des publicités dont il est saisi aux dispositions législatives et réglementaires. Un tel examen relève de la seule compétence des juridictions, auxquelles il ne saurait se substituer, ses décisions ne présentant d’ailleurs elles-mêmes aucun caractère juridictionnel.
Il n’entre pas non plus dans ses attributions de vérifier le statut de distributeur ou de fabricant de l’annonceur, ni la composition des produits ou leur mode de fabrication.
En revanche, le Jury est pleinement compétent pour apprécier le respect, par la publicité litigieuse, des règles de la déontologie publicitaire et, en l’espèce, des principes de loyauté et de véracité résultant du code ICC invoqués par la plainte de la FNAEM, dont le Jury estime, au vu de son objet tel que défini par ses statuts, qu’elle a intérêt à agir et que son président, dûment mandaté, a qualité pour agir.
Sur la qualité de fabricant de l’annonceur
Comme il a été dit ci-dessus, le Jury n’est pas compétent pour vérifier si l’annonceur a la qualité de fabricant, qu’il allègue.
Le Jury relève que l’ARPP, avant de délivrer un avis préalable pour ces spots publicitaires destinés à la télévision, a demandé à l’annonceur s’il était bien fabricant de ses produits – seuls les fabricants ayant la possibilité, pour des publicités télévisées, de présenter des offres promotionnelles, cette possibilité étant interdite, en revanche, aux distributeurs. L’annonceur a confirmé à l’ARPP qu’il était le fabricant de ses produits, et il n’appartenait pas à l’ARPP de contester cette qualité dans le cadre d’un avis portant exclusivement sur la publicité de l’annonceur.
Il n’appartient pas davantage au Jury de contester cette qualité, ni de vérifier la véracité des informations fournies par l’annonceur quant aux caractéristiques de ses produits, qui reste sous son entière responsabilité.
Sur les publicités concernées :
Le Jury se prononce, conformément à l’article 3 de son règlement intérieur, sur les seuls spots publicitaires diffusés moins de deux mois avant la plainte, soit pendant la période du 30 janvier au 30 mars 2018.
Le Jury constate que la FNAEM et l’annonceur se réfèrent à un avis du 19 juillet 2016 de l’Instituto dell’Autodiciplina Publicitaria (Institut d’autodiscipline publicitaire), qui a estimé qu’une version antérieure de la publicité ici en cause était contraire à ses règles déontologiques en raison du contexte de représentation dans lequel apparaissait le slogan alors utilisé « Nous sommes les artisans de la qualité », parce qu’il entraînait chez le consommateur un décodage irréaliste de l’identité de l’entreprise, perçue comme ayant des équipements et une organisation interne correspondant, dans l’imaginaire du public, à ceux d’une entreprise artisanale.
Ce contexte est décrit au point 88 de l’avis : « (…) par la présentation emphatique (…) des différents membres d’une supposée équipe, qui indiquent être « artisans » (et certains « maîtres artisans » avec une longue expérience), ainsi que par la disposition scénique dans laquelle ils sont présentés, à l’intérieur de locaux où apparaissent des panneaux « X », portant des tabliers « X » en cuir (selon l’usage d’autrefois dans les ateliers), occupés à concevoir personnellement et « créer » manuellement des éléments de canapés, ou encore leur présentation à tous ensemble comme dans une photo de groupe, (…), par ces formules, la publicité de [l’annonceur] laisse supposer qu’à l’intérieur de l’entreprise, en qualité de salariés, travaillent des artisans aux compétences prouvées, dont certains pouvant se qualifier officiellement de « maîtres » ; que ces personnages travaillent comme une équipe ; et que les canapés proposés par [l’annonceur] sont donc le résultat direct de l’expérience.
Le Jury relève, comme l’indiquent d’ailleurs les écritures tant de l’annonceur que de la FNAEM, que les publicités faisant l’objet de la plainte ne sont pas identiques à celles qui ont fait l’objet de la décision de l’Instituto dell’Autodiciplina Publicitaria.
Ainsi, les films publicitaires ici en cause montrent deux hommes dans un atelier de fabrication de meubles, portant un tablier professionnel et qui semblent réaliser des finitions sur un canapé. Le message audio accompagnant ces images est : « Chez X, le sens du détail est unico, le savoir faire est unico » et « Chez X, les soldes sont doubles ». Sont ensuite annoncées des conditions d’offres promotionnelles pour différents produits. Les termes « Fait main en Italie » soulignés d’un trait vert, blanc et rouge, sont apposés en haut à droite de l’écran. A la fin du film, les deux hommes déclarent face à la caméra, en italien, sous-titré en français, le texte « X, artisans de la qualité ! ».
Le Jury constate que ces nouvelles publicités ne comportent pas certains éléments qui avaient été particulièrement relevés par l’instance italienne : aucun personnage ne se réfère à sa qualité de ‘maître artisan’ ; le nom de la marque n’apparaît plus dans les lieux représentant l’atelier où travaillent les deux personnages du film ; ce nom n’est pas non plus inscrit sur les tabliers qu’ils portent. Enfin, le slogan a été modifié puisque, au lieu de « Nous sommes les artisans de la qualité », il est devenu « X, artisans de la qualité ».
Les films en cause ne comportent donc plus les ambiguïtés figurant dans des publicités antérieures de la marque. Le Jury remarque, en particulier, qu’il n’est plus mentionné que les produits présentés seraient fabriqués de manière artisanale.
Seul le slogan employé, « X, artisans de la qualité », se réfère expressément au terme « artisan ». Toutefois, le Jury estime que cette expression peut être comprise comme le fait que l’entreprise « concourt à » la qualité des produits, et non comme le fait qu’elle recourt à une fabrication artisanale.
Dans ces conditions, le Jury estime que la mise en scène employée relève d’une hyperbole acceptable en publicité, qui n’est pas de nature, en l’absence de toute mention expresse en ce sens, à laisser penser au consommateur que les produits présentés sont fabriqués de manière artisanale.
Par conséquent, le Jury considère que ces publicités ne méconnaissent pas les dispositions des articles précités 1er, 3 et 5 du Code ICC.
Avis adopté le 5 octobre 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.