PETTY WELL – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 9 novembre 2020
PETTY WELL – 678/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Isa Well, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 juillet 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités en faveur de la société Isa Well, pour promouvoir ses produits d’alimentation pour animaux familiers de marque Petty Well.

Les publicités, diffusées sur le site Internet de la marque, montrent différentes illustrations de découpes de poulet ou de canard ainsi que des légumes et céréales en accompagnement.

2. Les arguments échangés

Le plaignant soutient que ces publicités utilisent le terme « viande » pour qualifier les pâtées ainsi que des images trop valorisantes de morceaux de filets de viande, non utilisés dans l’alimentation animale. Les illustrations et termes utilisés trompent le consommateur.

La société Isa Well a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 septembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Celle-ci estime tout d’abord que la plainte n’est pas recevable dès lors, d’une part, qu’elle est anonyme et, d’autre part, que deux des trois visuels transmis par le plaignant correspondent à des captures d’écran du site internet (assiette et recette au canard) et ne sont pas des publicités au sens du règlement intérieur. La photographie du troisième visuel (blancs de poulet) est également extraite du site, mais sa composition finale par l’ajout de commentaires est d’origine indéterminée, et ne présente, sauf autre information non portée à la connaissance de la société, aucune indication d’un caractère publicitaire (ni logo, ni sponsor, ni lien dans la barre de recherche). Or, il est explicitement mentionné sur le formulaire de dépôt de plainte que « une plainte doit porter sur le contenu d’une publicité ».

Sur le fond, la société considère que cette publicité ne méconnaît pas les règles ou recommandations de l’ARPP protégeant le consommateur.

Concernant l’utilisation du terme « viande », il relève que la recette mise en cause est celle au poulet, dont les compositions sont claires et transparentes sur les images et sur le site auquel il est fait renvoi. Le cahier des charges transmis par le fournisseur distingue deux catégories de produits, reprises dans les recettes : « meat » désignant de la viande, et « meat by products » désignant les abats (cœur ou gésiers).

Concernant l’image « trop valorisante de morceaux de filets de viande », sur un visuel unique, la société indique que la viande est présentée à la fois dans sa forme naturelle avant transformation (en filets) et dans sa forme travaillée (effilochée), telle qu’elle peut apparaître à l’ouverture de la boîte.

Selon l’annonceur, un consommateur normalement attentif et habitué à de l’alimentation pour animaux (généralement en croquettes), auquel il n’est pas présenté un poulet entier mais seulement la partie entrant dans la composition finale, comprend aisément qu’il ne trouvera pas dans la boîte pour son chien des filets de viande en entier. Sur l’une des photographies, les morceaux de filets de poulet effilochés, de cœur de poulet, et les légumes sont identifiables rapidement, sur l’image, comme à l’ouverture de la boîte. Or, il s’agit du même repas (sur le visuel sur fond jaune et dans l’assiette grise), de sorte que le produit n’est pas « sublimé ».

La société précise que la composition des recettes montre qu’elle utilise réellement de la viande au sens de la recommandation (muscle strié squelettique). Les matières premières (carnées et végétales) sont fraîches comme en atteste le fabriquant au sens de la recommandation. Elles sont conservées sous températures dirigées positives ou négatives, de telle sorte que 100 % des matières carnées soient fraîches. La composition ne contient aucune farine animale.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la nature du message en cause, la compétence du Jury et la recevabilité de la plainte

Le Jury relève, en premier lieu, que si l’article 11 du règlement intérieur du Jury prévoit que : « Toute plainte doit être accompagnée du nom complet et des coordonnées du plaignant », il résulte de son article 12 que, dans le cas où la plainte émane d’un particulier, l’identité de celui-ci n’est pas divulguée aux professionnels en cause. En l’espèce, la plainte reçue par le Jury comporte le nom complet et les coordonnées du plaignant, mais elle a été anonymisée par le secrétariat du Jury préalablement à sa communication à l’annonceur, conformément à cet article 12. Par suite, le motif d’irrecevabilité relevé par l’annonceur, tiré du caractère anonyme de la plainte, ne peut être retenu.

Le Jury rappelle, en second lieu, qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel ou éditorial, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (édition 2018), ou ne revêtir aucun caractère commercial (promotion d’une action caritative, d’une politique publique…).

Le Jury constate qu’il n’est pas contesté que les visuels sont issus du site internet de la marque et ont pour objet de vanter les mérites des produits vendus sous l’appellation « Petty Well », par des mises en scène colorées, une présentation flatteuse et des mentions valorisantes telles que : « une alimentation saine pour votre chien ». Les messages en cause présentent donc un caractère publicitaire au sens de son règlement intérieur.

Le Jury est donc compétent pour connaître de la plainte dont il a été saisi, qui est recevable.

3.2. Sur la conformité de la publicité litigieuse aux règles déontologiques

Le Jury rappelle que la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose, dans son point 1, que:

« 1. TOUTE CONFUSION AVEC DES PRODUITS DESTINES A L’ALIMENTATION HUMAINE DOIT ETRE EVITEE

« 1.1 La publicité doit proscrire toute tromperie dans la représentation graphique ou photographique des matières d’origine animale entrant dans la composition des produits, en particulier par l’insertion dans la communication commerciale, d’images suggestives trop valorisantes par rapport aux matières premières réellement utilisées.

Exemples :

  • darnes de saumon, pour des sous-produits de saumon, destinés à l’alimentation animale
  • poulet entier, pour des sous-produits de poulet ou des protéines animales transformées (farines), destinés à l’alimentation animale
  • côte de bœuf, pour des sous-produits bovins, destinés à l’alimentation animale

1.2 La représentation graphique ou photographique de matières végétales (céréales, légumes, fruits) par des matières entières, est tolérée.

Exemples :

  • gerbe de blé pour de la farine de blé
  • gousse de petits pois pour de la farine de pois
  • pomme pour des pommes déshydratées »

et dans son point 2. VOCABULAIRE, que :

« 2.1 Sans préjudice de l’utilisation réglementaire de la catégorie « viandes et sous-produits animaux » dans la composition (liste des ingrédients), les termes « viande ou viandes » ne peuvent être employés que si la matière utilisée est du muscle squelettique. »

Le Jury constate que les trois visuels en cause mettent en scène les produits de la marque dans les conditions suivantes :

  • une première photographie présente trois tranches de magret de canard disposées sur une assiette et accompagnées d’une branche de persil au-dessus d’une boîte de conserve de la marque portant la mention « canard et quinoa ». Figurent également une mangue entière, des morceaux de mangue dans une assiette, du quinoa dans une petite coupe et ce qui apparaît comme le produit final dans un bol. Le texte accompagnant l’image est « notre recette de canard sans céréale ».
  • une deuxième photographie représente une assiette bordée d’un filet vert remplie d’un mélange de viande et des légumes, dont des petits pois. L’image est accompagnée de l’allégation « 100 % viande fraîche… ».
  • une troisième photographie montre une autre conserve de la marque « poulet et courgette » entourée de trois assiettes contenant respectivement des courgettes et des feuilles, des filets de poulet et le produit fini. Apparaissent également des carottes entières et une coupe de petits pois. Sous l’image, il est inscrit : « une alimentation saine pour votre chien ».

Le Jury considère, en premier lieu, que la présentation esthétique des produits commercialisés, sous forme de filets ou magrets entiers disposés dans de la vaisselle du même type que celle qu’utilisent les humains, et, de surcroît, entourés de feuilles d’aromates, d’un fruit ou de légumes sous diverses formes (entiers et crus, dans un petit bol, découpés dans une assiette…) est directement en contradiction avec le principe énoncé au point 1 de la Recommandation précitée, selon lequel la publicité doit éviter toute confusion avec des produits destinés à l’alimentation humaine.

Le Jury rappelle en second lieu qu’il résulte du point 2 de la Recommandation précitée que « les termes « viande ou viandes » ne peuvent être employés que si la matière utilisée est du muscle squelettique ». Sous réserve du cas, qui ne semble d’ailleurs pas exister en l’état des produits mis sur le marché, où l’ensemble des ingrédients d’origine animale composant le produit seraient constitués de muscles squelettiques, cette Recommandation fait ainsi obstacle à ce qu’une publicité en faveur de produits d’alimentation animale se prévale de ce qu’un tel produit est constitué de « viande », sans autre précision. En revanche, elle n’interdit pas de mentionner, sous cette appellation, la proportion de muscles squelettiques dans le produit, sous réserve, d’une part, qu’il soit clairement précisé si cette proportion se rapporte à l’ensemble des ingrédients composant ce produit ou aux seuls ingrédients d’origine animale et, d’autre part, que l’allégation soit véridique, ce qu’il appartient à l’annonceur de démontrer.

En l’espèce, l’expression « 100 % viande fraîche » utilisée pour promouvoir un produit dont les ingrédients d’origine animale ne sont pas exclusivement constitués de muscles squelettiques, est de nature à induire en erreur le consommateur sur la composition exacte de ce produit. Cette publicité est, à l’évidence, contraire au point 2 de la Recommandation.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que les publicités en cause méconnaissent les points 1 et 2 de la Recommandation « Alimentation pour animaux familiers » de l’ARPP.

Avis adopté le 2 octobre 2020 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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