PATAGONIA – Courriel publicitaire – Plainte fondée

Avis publié le 3 août 2022
PATAGONIA – 862/22
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

  1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 mars 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Patagonia, pour promouvoir son offre de vêtements.

La publicité en cause, diffusée par courriel publicitaire, montre un groupe de personnes dans un décor de nature, utilisant des canoës pour voyager.

Le texte indique « Patagonia. Comment protéger les océans avec des vêtements cet été ?» et « Transformer en vêtements plus de 84 tonnes de filets de pêche usagés, c’est le pari un peu fou relevé par Patagonia depuis 2 ans. Grâce à son partenaire Bureo et sa fibre de nylon recyclé Netplus, la marque californienne entend minimiser son impact sur l’environnement tout en limitant la pollution des océans pour la conception de toujours plus de pièces iconiques retro et colorées pour l’été 2022… Un joli coup de filet ! ».

  1. La procédure

La société Patagonia a été dans un premier temps, par courriels du 12 avril 2022 puis du 22 avril 2022, interrogée sur le caractère publicitaire de l’envoi en cause, dont l’intitulé est « Communiqué ».

En l’absence de réponse, elle a par suite été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 10 juin 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury. 

  1. Les arguments échangés

Le plaignant considère que si le partenariat permet à Patagonia de minimiser son impact sur l’environnement et de limiter la pollution des océans, il est abusif d’affirmer que l’achat du vêtement « protège les océans » de façon globalisante.

Au-delà de la fibre utilisée pour le confectionner, un vêtement génère de nombreux impacts environnementaux et sociaux sur la totalité de son cycle de vie : extraction des matières premières, fabrication, transports divers, émissions de polluants et de gaz à effet de serre, utilisation de matières chimiques, consommation d’énergie et d’eau lors des lavages à domicile, utilisation d’une lessive, fin de vie… Avec certainement des impacts potentiels sur les océans : l’utilisation d’une lessive conventionnelle pollue les eaux et donc les océans, les émissions de gaz à effet de serre qui contribuent à l’augmentation du CO2 dans les océans et donc à leur acidification et au blanchissement des coraux, la possibilité que le vêtement usagé soit jeté dans la nature et se retrouve dans la mer…

Selon le plaignant, cette allégation est donc contraire au point 3 relatif à la proportionnalité des messages et au point 7 concernant le vocabulaire, de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Il relève, sans remettre en question les engagements de la marque Patagonia, qui sont connus et reconnus dans le monde entier, qu’acheter un produit, quel qu’il soit, ne sera jamais un geste protecteur de l’environnement.

La société Patagonia n’a pas présenté d’observations.

L’agence 187 Com fait valoir qu’elle est une agence de communication indépendante.

Elle explique que les propos, et notamment le titre du communiqué de presse visé par la plainte ont été rédigés par un employé de l’agence et non par les employés de la société Patagonia. La marque ne saurait être tenue responsable pour ces éléments de langage que 187 Com a, de sa propre initiative, volontairement et délibérément rédigés.

Le communiqué de presse n’a jamais été relu ou approuvé par un quelconque personnel ou membre de l’entreprise Patagonia.

L’agence endosse donc l’entière responsabilité de cette tournure qui a visiblement été mal interprétée par une personne faisant partie de la sélection de personnes à qui le communiqué de presse a été envoyé.

  1. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »
  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :
    • « 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /
    • 3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».
  • au titre du vocabulaire (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.»

Le Jury considère que l’expression « Patagonia. Comment protéger les océans avec des vêtements cet été ? », en l’absence de mention visant à l’expliciter ou la relativiser, constitue une allégation générale disproportionnée, qui n’est en rien justifiée et doit être considérée comme de nature à induire en erreur le public sur les conséquences des achats de vêtements de la marque sur l’environnement, au sens des points 2.1, 2.2, 2.3, 3.1, 3.2, 7.1 et 7.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP

En conséquence de ce qui précède, et constatant que les règles déontologiques sont mises en œuvre dès qu’une publicité est diffusée par un annonceur ou pour son compte, indépendamment des modes de validation de ses campagnes par l’annonceur, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il prend note que l’annonceur n’a pas approuvé la formulation de cette publicité, qui procède d’une initiative de l’agence.

Avis adopté le 1er juillet 2022 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Boissier et MM. Depincé et Lucas-Boursier.


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