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Plainte partiellement fondée / Demande de révision partiellement acceptée

Avis publié le 18 septembre 2023
PAMPERS HARMONIE – 924/23
Plainte partiellement fondée
Demande de révision partiellement acceptée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu, d’une part, les représentants et le conseil de la société Green Family, plaignante, d’autre part, les représentants et le conseil de la société Procter & Gamble, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la société Procter & Gamble, annonceur ainsi qu’à la société Green Family, plaignante, laquelle a introduit une demande de révision auprès du Réviseur de la déontologie publicitaire, ci-dessous annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 28 mars 2023, d’une plainte émanant de la société Green Family tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur la société Procter & Gamble, pour promouvoir ses couches pour bébés de la marque Pampers Harmonie.

Le film publicitaire en cause, diffusé à la télévision et visible sur le site Internet Youtube, met en scène un jeune enfant et un homme cueillant des carottes dans un potager puis un bébé avec deux femmes assis dans l’herbe, ainsi qu’une séquence de démonstration des propriétés d’absorption du produit.

Le texte accompagnant ces images est : « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature. Les couches Pampers Harmonie contiennent des ingrédients d’origine végétale et garde la peau de votre bébé bien au sec ».

Le plan de fin montre le paquet de couches ainsi que le dessin de deux arbres, de couleur verte, avec la mention : « 1 paquet = 1 action pour planter des arbres en ville avec ReforestAction – Du 1er janvier 2023 au 31 mars 2023, pour chaque paquet Pampers Harmonie vendu, 0.5 ct reversé à reforest’Action. Modalités sur Pampers.fr ».

2. Les arguments échangés

La société Green Family, plaignante, indique à titre liminaire qu’elle a été créée en 2011 avec pour objectif de proposer aux consommateurs des couches pour bébé plus naturelles et plus saines, en recherchant toutes les alternatives aux composants plastiques d’origine pétrochimique qui entrent traditionnellement dans la composition de ces produits de grande consommation.

En 2018, après avoir inondé le marché mondial, pendant plus de 50 ans, de couches pour bébé composées essentiellement de matières premières d’origine pétrochimique, appuyé par un slogan « Doux comme du coton », le leader du secteur, Pampers a finalement pris le virage
« écologique », en mettant sur le marché sa nouvelle gamme de couches dites « écologiques », sous la marque Harmonie en France et Pure aux Etats-Unis.

Cette nouvelle gamme de couches est « composée de matériaux que vous auriez choisis vous-mêmes, comme du coton de qualité et des matières d’origine végétale » précisait la publicité de Procter & Gamble en 2019, lors de la sortie de sa nouvelle gamme de couches. Les tests de décomposition pondérale démontrent cependant que ces dernières sont composées à 83,3% de matières premières d’origine pétrochimique, gravement polluantes. Ainsi, on ne trouve que 16,7 % de matières premières d’origine végétale dans les couches Harmonie – taux d’ailleurs inférieur à celui, de 22 %, des couches « Pure » produites par la même société aux Etats-Unis, en raison d’une légère différence de composition.

En outre, les rapports des ONG permettent aujourd’hui d’établir l’écart irréconciliable existant entre les engagements pris publiquement par Procter & Gamble et ses pratiques sur le terrain, notamment en matière de déforestation, de pollution et de violation des droits humains, lesquels ont été au centre de débats houleux à l’occasion de la dernière assemblée générale des actionnaires de l’entreprise. Certains d’entre eux, s’appuyant sur le rapport d’ONG notoirement reconnues, se sont inquiétés ouvertement de la responsabilité que pourrait avoir à supporter le groupe, en l’absence d’actions fortes pour se mettre en cohérence avec ses engagements et promesses environnementales, après que le groupe a été au centre, ces dernières années, d’importants scandales de déforestation sauvage des forêts primaires, essentielles à la préservation de notre écosystème.

Concernant les pratiques de l’annonceur en matière de développement durable, la société Green Family fait ainsi valoir que depuis 15 ans, Procter & Gamble est dénoncé dans la presse, à échéance régulière, pour ses pratiques de déforestation sauvages des forêts primaires essentielles à notre écosystème, de pollution de l’environnement et de violation des droits humains. En outre, le rapport Rain Forest Action pour l’année 2022 recense Procter & Gamble comme le plus mauvais élève en la matière, parmi les principales multi-nationales. Comme tous les acteurs influents, cette société a pris beaucoup d’engagements et adopté toutes les chartes utiles en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Ces engagements et obligations ne sont pas mises en œuvre en l’absence de process permettant d’en garantir le respect. Procter & Gamble se voit affubler en conséquence de la plus mauvaise note possible en matière de RSE. En énonçant que Pampers participe au programme Reforest’Action en vertu duquel un arbre sera planté en France pour chaque paquet de couches acheté, la publicité litigieuse fournit une bonne illustration des pratiques d’éco-blanchiment développées par Procter & Gamble. Plus largement, la compensation carbone, sur laquelle s’appuie ces programmes et qui instaure une symétrie entre des activités polluantes et des forêts qui poussent, constitue une arnaque écologique et sociale.

La dernière campagne de publicité de Pampers, diffusée depuis plusieurs semaines aux heures des plus fortes audiences, fait la promotion des couches Pampers Harmonie, dans un cadre naturel, donnant à croire que l’achat de couches Harmonie permettrait de répondre aux désirs des parents de voir leur bébé vivre « en harmonie avec la nature ».

Pour un leader tel que Procter & Gamble dont les activités ont un impact mesurable à l’échelle planétaire, faire la promotion d’un produit à usage unique composé à 83,3% de matières premières d’origine fossile – qui n’est ni compostable, ni biodégradable, ni même recyclable dans des conditions écologiquement acceptables et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature et pour l’homme – en mettant ce produit en scène dans un environnement naturel et en donnant à croire que l’usage d’un tel produit permettrait à l’enfant de vivre « en harmonie avec la nature » relève d’une pratique de greenwashing inacceptable.

La société Green Family s’étonne que l’ARPP a pu laisser diffuser cette campagne publicitaire dans le contexte des directives récemment prises pour lutter contre le « greenwashing ». Depuis la loi climat et résilience n°2021-1104 du 22 août 2021, les pratiques de greenwashing sont désormais sévèrement sanctionnées, tant civilement que pénalement. L’ARPP s’est elle-même doté d’un corpus de règles déontologiques destinées à sensibiliser le secteur au périmètre de ces pratiques prohibées.

A cet égard, cette publicité contrevient gravement aux règles édictées par l’ARPP en la matière (Recommandation « Développement durable ») et notamment aux dispositions suivantes :

  • article 1.1 (c) : en faisant la promotion d’un produit à usage unique, composé essentiellement de matières premières d’origine fossile gravement polluantes (83%) et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature, la publicité concernée, par son discours, minimise les conséquences de la consommation d’un produit susceptible d’affecter l’environnement et marginalise les solutions plus durables pouvant exister (couches lavables notamment) ;
  • article 2.1 : la publicité concernée induit le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur et sur les propriétés de ses produits;
  • article 2.2 : les actions de l’annonceur et les propriétés de ses produits en matière de développement durable sont insuffisamment significatifs pour que l’annonceur puisse se prévaloir d’une telle vertu ;
  • article 3.3 : cette publicité suggère indument une absence totale d’impact négatif de la consommation du produit concerné, alors qu’il s’agit d’un produit à usage unique, qui n’est ni compostable, ni biodégradable, ni même recyclable et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature ;
  • article 7.1 : les termes et expressions utilisés sont de nature à induire en erreur le consommateur sur la portée des propriétés du produit en matière de développement durable;
  • article 7.4 : les termes et expressions utilisés traduisent indûment une absence d’impact négatif du produit, alors qu’il s’agit d’un produit à usage unique, qui n’est ni compostable, ni biodégradable, ni même recyclable et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature;
  • article 8.1 et 8.3 : la mise en scène dans des espaces naturels et la revendication prétendument plus naturelle de cette gamme de couches est excessive et disproportionnée et de nature à induire en erreur le consommateur, au vu des résultats des tests de décomposition pondérale démontant que les couches HARMONIE sont composées à 83,3% de matières premières d’origine fossile et moins de 16,7% seulement de matières d’origine végétale.

La société Green Family indique que la publicité en cause été diffusée en France, jusqu’au 22 mars 2023 et qu’à ce jour elle n’a initié aucune action contentieuse à l’encontre de son concurrent Procter & Gamble, au titre de cette publicité. Une action de groupe est actuellement instruite aux Etats-Unis contre Procter & Gamble, sur le même fondement du greenwashing à l’occasion de la sortie de sa gamme Harmonie, commercialisée sous la marque Pure aux Etats-Unis.

Dans ses observations complémentaires, la société Green Family donne des informations relatives au marché des couches pour bébé, notamment le taux d’utilisation des couches jetables qui représente environ 95-97 % en France. Selon l’ADEME, un bébé au tout jetable consomme entre 4,16 et 5 couches par jour en moyenne pendant 2 ans et demi (Source, « Etude d’évaluation des gisements d’évitement, des potentiels de réduction de déchets et des impacts environnementaux évités », 2016), soit 4.106 couches, en prenant pour base de calcul 4,5 couches/jour. Pour les adeptes des couches réutilisables/lavables, il faut compter l’acquisition d’environ 30 couches lavables jusqu’à la propreté (Source, ADEME 2012).

3,5 milliards de couches bébés jetables sont consommées chaque année (Source, ADEME, Etude Compic, 2020). Jusqu’à l’acquisition de la propreté (vers l’âge de 2 ans et demi), un bébé produit aux alentours d’une tonne de déchets de couches (Source, Zero Waste France, 2017). La France a compté 723 000 naissances, en 2022.

La principale composante des couches pour bébé une fois usagée, ce sont les excrétas, tels que l’urine et les fèces, et le recyclage matière et/ou organique n’étant à ce jour pas maîtrisé dans des conditions écologiquement responsables, la plupart des couches jetables usagées finissent en enfouissement ou en incinération.

En conclusion, les couches jetables disponibles sur le marché sont quasi-exclusivement non-compostables, non biodégradables et non-recyclables.

Entre les couches lavables et les couches jetables, l’ADEME ne tranche pas et met en lumière les leviers d’action existants dans l’un et l’autre cas, et les acteurs susceptibles d’actionner ces leviers :

  • L’impact environnemental et les leviers d’action pour les couches lavables sont très dépendants de leur condition d’utilisation : consommation d’eau et d’énergie liée au lavage et au séchage des couches, utilisation de détergents pour le lavage qui sont rejetés dans les eaux de lavage.
  • L’impact environnemental et les leviers d’action pour les couches jetables sont liés aux étapes de fabrication du produit et de traitement des déchets qui relèvent de la responsabilité des fabricants ; c’est donc à ces derniers qu’il appartient d’apporter les évolutions utiles à leur produit, par l’utilisation de matières premières renouvelables, par l’allégement du poids de la couche, notamment (Source, « Fiche Technique de l’ADEME, Impacts environnementaux des couches pour bébé, » juin 2012).

Le projet COMPIC dont l’objet portait sur « l’expérimentation de la valorisation organique de couches jetables et l’analyse des impacts sanitaires et environnementaux », a mis en lumière des résultats encourageants en compostant des couches conventionnelles. A ce stade, des freins persistent néanmoins en raison de la présence des polymères super-absorbants, d’indésirables plastiques et de pathogènes dans le compost final, le rendant non conforme à la norme NFU 44 051. Ces résultats pourraient cependant ouvrir la voie à une solution compostable.  En l’état de la science, cette étude conclut à la nécessité de tendre vers des couches éco-conçues 100% compostables en filière industrielle (EN 13 432) (Source, « Les couches pour bébés jetables continuent de faire chier », Janvier 2023).

La société ajoute que les couches Harmonie ne bénéficient d’aucun des labels reconnus par les pouvoirs publics pour attester des qualités environnementales du produit : EU Ecolabel, Nordic Swan, ou Nordic Ecolabel (Source, « Pourquoi penser à la prévention des déchets lorsqu’on prend soin d’un bébé », Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire).

Au total, la publicité litigieuse de Procter & Gamble donne donc à croire aux consommateurs que la couche Harmonie serait un produit éco-conçu, dont la composition accorderait une large part aux matières premières d’origine végétale, ce qui est faux, ces dernières représentant moins de 20 % de la couche. Du reste, les couches Harmonie ne bénéficient d’aucun des labels reconnus par les pouvoirs publics pour attester du respect des exigences environnementales, ce qui confirme la violation des articles 2.1 et 2.2, et des articles 7.1, 8.1 et 8.3.

En outre, l’achat et l’usage des couches Pampers Harmonie permettraient de « vivre en harmonie avec la nature », permettant de consommer sans sacrifier aux exigences environnementales et de développement durable, ce qui est faux, ces couches pour bébé jetables constituant un produit à usage unique, qui n’est ni compostable, ni biodégradable, ni même recyclable et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature au cas de Procter & Gamble.

En conclusion, la société Green Family considère que l’éco-blanchiment est caractérisé, tant par les allégations résultant de la publicité, que par le choix opéré de représenter le produit dans un environnement naturel, et la représentation de cette même nature sur l’emballage du produit.

Lors de la séance, la société plaignante a repris en substance son argumentation. Elle estime qu’il est impossible, compte tenu des caractéristiques de ces produits, d’affirmer qu’ils permettraient de vivre en harmonie avec la nature. Cette publicité relève du « greenwashing » et s’inscrit dans une campagne de communication de grande ampleur. Elle rappelle qu’une couche ne peut être considérée comme « écologique » que si elle bénéficie des labels correspondants. La publicité laisse entendre que les couches Pampers Harmonie seraient très majoritairement composées de matières premières naturelles, ce qui n’est pas le cas, y compris en tenant compte des améliorations récemment apportées. Cette communication « dé-conscientise » les consommateurs, qui pensent, en voyant ce spot, qu’ils peuvent consommer ces couches sans scrupule. Cette publicité dépasse le produit promu : elle vise à redorer l’image des couches à usage unique en général, sachant que le public croit toujours que ces couches sont essentiellement composées de coton. Elle rappelle qu’elle est une entreprise à mission qui se bat pour un autre modèle de consommation des couches.

La société Procter & Gamble (P&G) a été informée, par courriel avec avis de réception du 4 avril 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que la publicité critiquée a fait l’objet de deux avis de diffusion favorables de l’ARPP en date du 15 décembre 2022, la diffusion télévisuelle ayant pris fin le 22 mars 2023, comme P&G l’a indiqué à Green Family en réponse à la mise en demeure qu’elle a cru pouvoir lui adresser.

Sur les griefs formulés dans la plainte, P&G entend faire valoir les observations suivantes.

Après avoir porté des accusations générales infondées à l’encontre de P&G, la plainte prétend que la publicité en cause relèverait « d’une pratique de greenwashing inacceptable » et allègue qu’elle contreviendrait à différentes dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Pour soutenir ses critiques, la plainte dénature la sens et la portée de la Publicité et se fonde sur des pièces qui n’ont manifestement aucune pertinence.

L’ensemble des griefs de Green Family reposent en effet sur deux pièces censées établir le caractère « gravement polluant » des couches Harmonie et des pratiques « en matière de déforestation, de pollution et de violation des droits humains ».

La pièce n° 2 est un rapport du Laboratoire Eurofins réalisé en novembre 2020 sur des couches Pampers Harmonie produites en juillet 2020. La composition des couches Pampers Harmonie a été modifiée depuis cette date et la publicité diffusée en 2023 ne vise donc pas les produits objets de ce test. Ce test n’a donc aucune valeur probante, ni aucune pertinence. Par ailleurs, en ce qui concerne l’impact environnemental, Procter & Gamble utilise une approche scientifique, et notamment l’analyse du cycle de vie. De plus, les chiffres avancés ne correspondent pas à la réalité : les tests effectués ne permettent pas de caractériser les matériaux utilisés ou leurs propriétés, car ils se fondent uniquement sur une analyse visuelle du matériau (il est d’ailleurs indiqué dans le test “Nos analyses actuelles ne permettent pas de vérifier certains matériaux comme le Green PE et le PLA1 ” et “Il serait souhaitable de lancer des analyses complémentaires pour vérifier les données théoriques fournies“). La méthode évalue uniquement le poids de chacune des caractéristiques et détermine un pourcentage au regard de ce poids. Aucune propriété chimique ou physique n’est mesurée. Par conséquent, cette méthode n’est pas appropriée pour déterminer le type de matériaux contenus dans le produit et les matières premières dont ils sont issus.

Au-delà du fait que cette méthode de test n’a aucune valeur probante ni pertinence pour évaluer l’impact environnemental d’une couche jetable, le chiffre avancé par Green Family est erroné. En réalité, selon cette méthode, il ressortirait que 20 % (et non 16,7%) de la couche Harmonie est fabriquée à partir d’ingrédients d’origine végétale. Surtout, la composition actuelle de la couche Harmonie contient 40,7 % de matériaux non issus de sources fossiles.

La pièce n° 3 est un document émanant de Rainforest Action Network mettant en cause de manière globale P&G pour son rôle allégué dans la déforestation et présentant des indicateurs dont on ignore la méthode de mesure. Au-delà d’une critique générale que P&G conteste fermement, ce document n’a aucun lien spécifique ni avec les couches Pampers Harmonie en cause ni avec la publicité. Là encore, cette pièce ne peut raisonnablement caractériser une quelconque violation de la Recommandation de l’ARPP.

Green Family inclus de plus dans sa plainte plusieurs affirmations fausses et sans rapport avec la publicité contestée concernant les pratiques d’approvisionnement responsable de la société P&G, y compris plusieurs pièces qui n’ont aucune incidence sur l’appréciation de la véracité ou de l’exactitude des allégations publicitaires contestées. P&G nie ces affirmations, qui n’ont rien à voir avec les allégations publicitaires en cause dans la présente affaire.

Enfin, il faut noter que l’affaire judiciaire évoquée par la société Green Family (pièce n° 9), qui se rapporte à d’autres produits que ceux ici promus, a été classée, le plaignant ayant retiré sa plainte. Cette pièce ne présente encore une fois aucune pertinence en l’espèce.

Par ailleurs, et contrairement à ce qui est allégué, la publicité ne contrevient pas à la Recommandation « Développement durable ». Si la plainte liste une série de griefs, elle ne précise cependant à aucun moment quels termes ou présentations de la publicité justifieraient ces allégations, se contentant de viser systématiquement les mêmes pièces, dont on a vu qu’elles n’ont aucune pertinence.

En réalité, les griefs formulés ne sont absolument pas fondés et tentent par une argumentation vague de faire interdire la publicité d’un concurrent.

Sur la prétendue violation de l’article 1.1 c), contrairement à ce qui est allégué, la publicité en cause ne comporte aucune minimisation des conséquences de la consommation du produit ni dans son discours, ni dans sa présentation. Elle présente simplement un bébé dans un jardin, la voix off indiquant « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature » (expression utilisée d’ailleurs depuis des années dans la publicité Pampers Harmonie sans que cela ait jamais suscité de quelconques réactions), puis le produit, précisant que les couches « contiennent des ingrédients d’origine végétale » et un test comparatif de performance avec les couches du principal concurrent sur le segment des couches contenant des ingrédients d’origine végétale. Le film se termine sur la présentation d’une opération “Plantez des arbres en ville”.

Aucun élément du discours n’est de nature à minimiser les conséquences de la consommation du produit au sens de l’article 1.1 c) de la Recommandation. En particulier, contrairement à ce qu’indique la plainte, il n’est à aucun moment affirmé que les couches commercialisées par P&G seraient « écologiques », qu’elles seraient « éco-conçues » ou que leur composition accorderait « une large part aux matière d’origine végétale » : il est simplement indiqué qu’ils contiennent des « ingrédients d’origine végétale », ce qui est strictement conforme à la réalité.

Il n’est pas plus prétendu que l’achat de couches permettrait de « consommer sans sacrifier aux exigences environnementales ».

En réalité, Green Family souhaite voir interdire toute publicité pour les couches Pampers Harmonie, puisqu’elle prétend de manière générale que « c’est en faisant la promotion d’un produit à usage unique, composé essentiellement de matières premières d’origine fossile gravement polluantes et dont la production induit des agissements gravement préjudiciables pour la nature » que la publicité minimiserait les conséquences pour l’environnement et même qu’elle marginaliserait les solutions plus durables (comme les couches lavables (sic), étant rappelé que Green Family commercialise également des couches jetables…).

Sur la prétendue violation des articles 2.1 et 7.1, la plainte prétend encore, à deux reprises et en citant toujours les mêmes pièces censées justifier son propos, que la publicité induirait en erreur les consommateurs sur les actions de l’annonceur et les propriétés du produit en matière de développement durable.

Green Family ne prend cependant pas le soin de préciser quels passages de la publicité elle entend mettre en cause à ce titre. Or, il faut observer que le narratif de la publicité ne mentionne aucune action de l’annonceur en matière de développement durable. La publicité présente simplement, à la fin du spot, une opération « Plantez des arbres en ville avec Pampers Harmonie », en précisant ses modalités. A aucun moment cette opération n’est présentée comme relevant de la compensation carbone.

Sur la prétendue violation des articles 2.2, 8.1 et 8.3, la plainte procède par extrapolation : la publicité ne revendique pas d’action de l’annonceur en matière de développement durable, elle comporte une simple phrase d’introduction « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature » qui ne constitue ni la revendication d’une action de P&G, ni celle d’une qualité des couches.

Elle présente par ailleurs un bébé dans un jardin, ce qui est parfaitement banal. En effet, il est d’usage pour de nombreuses marques de la catégorie (comme d’ailleurs plus généralement dans tous les secteurs publicitaires), que les créations publicitaires mettent en scène des bébés dans des espaces ouverts, ce qui ne comporte en soi aucun élément de nature à induire en erreur sur les propriétés du produit ou les actions de l’annonceur.

Les seules revendications qui sont effectuées sont conformes à la réalité et sobrement évoquées : seule la voix off évoque la présence d’ingrédients d’origine végétale et l’opération « Plantez des arbres en ville » est présentée sur la dernière image de la publicité, montrant simplement un paquet de couches, le logo du partenaire Reforest’Action, et précisant les modalités de l’opération.

Sur la prétendue violation des articles 3.3 b/ et 7.4, la plainte relève encore d’une parfaite extrapolation de la publicité, qui ne contient aucune allégation, ni aucune présentation laissant penser que le produit aurait une absence d’impact négatif. Les caractéristiques reprochées aux produits Pampers (« un produit à usage unique, ni compostable, ni biodégradable, ni même recyclable ») sont valables pour l’ensemble des produits de la catégorie, y compris ceux de Green Family qui intègrent également des ingrédients d’origine fossile.

P&G rappelle également que les couches Harmonie bénéficient de nombreuses certifications dont le sérieux ne peut être remis en cause (FSC, Oeko Tex, Skin Health Alliance…).

En conclusion, la société Procter & Gamble, qui conteste fermement les allégations et accusations graves visant l’entreprise (notamment ses actions de reforestation) et ses produits (notamment leur sécurité), et non la publicité en cause, estime que cette dernière n’est pas contraire à la Recommandation « Développement durable ». C’est d’ailleurs la position qui a été retenue par l’ARPP, la publicité ayant fait l’objet d’avis favorables de diffusion. Selon l’annonceur, la plainte de Green Family, qui est un concurrent, procède d’une instrumentalisation du Jury.

Lors de la séance, la société Procter & Gamble a elle-même repris en synthèse son argumentation, en insistant sur le fait que le Jury n’a vocation à se prononcer que sur la publicité elle-même, laquelle ne dit nullement que les couches Pampers Harmonie seraient « écologiques » ou qu’elles seraient « largement » composées d’ingrédients d’origine végétale. La formule « en harmonie avec la nature » est d’ordre très général, il ne s’agit pas d’une allégation écologique. Par ailleurs, l’allégation relative à la composition partiellement végétale des couches est factuelle et s’explique d’elle-même, sans qu’il y ait à rechercher d’intention particulière de l’annonceur.

Le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) a également été informé de la plainte, par courriel avec avis de réception du 4 avril 2023. Il n’a pas produit d’observations.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) explique que, comme toute publicité destinée à être diffusée en télévision, cette campagne, en faveur de son adhérent PROCTER & GAMBLE pour le produit PAMPERS HARMONIE, a bien fait l’objet d’une soumission à l’ARPP dans le cadre du dispositif d’avis avant diffusion de l’ARPP. Plusieurs Avis favorables ont en effet été délivrés à l’attention des régies TV, membres de l’ARPP, en décembre 2022.

De manière générale, une attention toute particulière est apportée par l’ARPP aux messages publicitaires comportant des présentations ou allégations pouvant être perçues comme contraires au respect de l’environnement. A ce titre, l’ARPP s’attache tout particulièrement au respect des dispositions applicables en la matière, contenues dans la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dans le code ICC relatif à la Publicité et aux communications commerciales ainsi que, bien sûr, de celles imposées par les textes de droit positif.

En l’espèce, il a été relevé, que ce message s’inscrit dans le prolongement de publicités similaires précédemment soumises à l’ARPP pour approbation, puis diffusées : par exemple, en décembre 2021, un spot utilisant la même mise en scène, la même argumentation, mais sans le positionnement comparatif relatif à l’absorption ; ou encore, fin 2018, un film utilisant la mise en scène d’un bébé utilisant un arrosoir dans un jardin accompagné du texte annonçant la composition « … à partir de matières d’origine végétale…… ».

Concernant le contenu du message, l’ARPP a relevé qu’il s’agit essentiellement de présenter les propriétés d’absorption des couches pour bébé Pampers Harmonie, informer sur la présence d’ingrédients d’origine végétale dans le produit et annoncer en fin de spot l’opération organisée avec l’association Reforest’Action.

Si les textes « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature » et « Les couches PAMPERS HARMONIE contiennent des ingrédients d’origine végétale » sont accompagnés de la mise en scène des bébés porteurs de couches, assis dans le jardin ou le potager d’une maison, aucune autre revendication excessive en lien avec un éventuel impact réduit sur l’environnement n’est utilisée.

L’allégation « En ce moment, plantez des arbres en ville avec Pampers Harmonie » relative à l’action de l’annonceur en termes de protection de l’environnement est accompagnée de mentions écrites détaillant les modalités et ce, conformément aux exigences de lisibilité imposée par la Recommandation de l’ARPP « Mentions et renvois ».

Les autres illustrations utilisées reprennent les symboles et couleurs figurant sur le paquet de couches ou extraites du logo de la marque (cœur vert et jaune). La visualisation du paquet de couches permet de relever la présence du logo « OekoTex 100 » indiquant que le produit a obtenu le label international attribué par un organisme de certification indépendant qui garantit que le produit fini ne contient aucune substance toxique.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’ARPP a donc considéré que la nouvelle version du film publicitaire PAMPERS HARMONIE/Reforest’Action en cause ne contrevenait pas aux dispositions en vigueur, en particulier à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et l’a donc validée avant sa diffusion sur les chaînes et services de médias audiovisuels à la demande.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire que, conformément au point 2 de son règlement intérieur, il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur une entreprise, un produit ou un service, ou encore sur la politique de communication d’un annonceur et ses choix d’investissement en la matière, mais seulement de s’assurer que la publicité critiquée devant lui est conforme aux règles déontologiques invoquées. Il n’est pas davantage compétent pour traiter de litiges commerciaux ou trancher un débat scientifique ou politique concernant les modes de consommation des couches pour bébés et leur compatibilité avec les objectifs fixés par les pouvoirs publics en matière de développement durable. Par conséquent, le présent avis ne se prononcera que sur les griefs visant la publicité elle-même.

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP s’applique notamment aux publicités comportant un argument écologique, défini comme « toute revendication, indication ou présentation, sous quelque forme que ce soit, utilisée à titre principal ou accessoire, établissant un lien entre les marques, produits, services ou actions d’un annonceur, et le respect de l’environnement ».

Cette Recommandation dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…) c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la « véracité des actions » (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la « proportionnalité des messages » (point 3) :
    « 3.3. b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif ».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable / (…)
    • 7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur ».
  • au titre de la « présentation visuelle ou sonore » (point 8) :
    • 1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient. / (…)
    • 3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.

Le Jury relève que le spot publicitaire litigieux fait la promotion des couches Pampers Harmonie :

  • en représentant un bébé dans un jardin, associé aux propos suivants : « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature… » ;
  • puis, dans le plan suivant, plusieurs couches empilées à côté d’un paquet, avec les propos : « …Les couches Pampers Harmonie contiennent des ingrédients d’origine végétale…» ;
  • la séquence suivante compare la capacité d’absorption de ce produit avec celui du « principal concurrent », avec les propos : « … et garde la peau de votre bébé deux fois plus au sec…», et elle est suivie d’un plan sur un bébé portant une couche avec les mots : « … pour garantir 100 % d’absorption Pampers » ;
  • après d’autres plans non critiqués, le spot se conclut par une image en forme d’équation « 1 paquet = 1 action pour planter des arbres en ville avec reforestAction», avec la mention en petits caractères (« Du 1er janvier 2023 au 31 mars 2023, pour chaque paquet Pampers Harmonie vendu, 0,20ct reversés à Reforest’Action. Modalités sur pampers.fr »), associée aux propos suivants : « En ce moment, plantez des arbres en ville avec Pampers Harmonie ».

Le Jury estime que, à tout le moins, l’opération de financement d’actions de reforestation mise en avant à la fin du film publicitaire, dont l’annonceur ne peut sérieusement alléguer qu’elle serait étrangère à la compensation carbone alors que Reforest’Action la présente comme telle sur son site, établit un lien entre le produit promu et le respect de l’environnement et constitue ainsi un argument écologique au sens de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il considère qu’il en va de même de l’allégation relative à la composition partiellement végétale du produit, pour les raisons indiquées à la fin du présent avis (« En cinquième et dernier lieu »). Par suite, cette Recommandation est applicable à cette publicité.

En premier lieu, le Jury rappelle qu’aucune règle déontologique ne fait obstacle à la promotion publicitaire de couches à usage unique, en dépit des inconvénients qu’elles peuvent présenter pour l’environnement – les couches lavables et réutilisables étant elles-mêmes loin d’être dépourvues d’impact écologique, comme l’admet la société plaignante. En outre, la Recommandation précitée n’interdit pas à une entreprise qui commercialise des couches non réutilisables et non recyclables d’utiliser, dans le respect des exigences précédemment mentionnées, des arguments écologiques pour promouvoir ses produits. Sous réserve du respect des dispositions relatives notamment à la proportionnalité des messages, ces règles déontologiques n’obligent pas l’annonceur à faire état des conséquences dommageables pour l’environnement des produits promus, ni à mentionner les solutions alternatives existantes.

Le Jury constate, en deuxième lieu, que la publicité en cause ne prétend pas que les couches Pampers Harmonie seraient exclusivement composées de matières bio-sourcées, mais seulement qu’elles contiennent « des » ingrédients d’origine végétale. Cette mention non explicitée, fût-ce par un renvoi au site internet de Pampers, est certes vague dès lors qu’elle ne précise pas la proportion de ces ingrédients dans la composition de la couche. Toutefois, et en tout état de cause, la plainte ne met pas en cause le manque de clarté du message au regard du point 4 de la Recommandation précitée. En outre, dès lors que l’annonceur indique, sans être sérieusement contesté sur ce point par la société plaignante qui se réfère à des produits différents en citant le chiffre de 16,7 %, que la proportion des matières bio-sourcées dans ces couches est de l’ordre de 40 %, le Jury estime que cette proportion est suffisamment significative pour justifier le recours à une telle allégation, laquelle n’est pas de nature à induire en erreur le public sur la composition de ces produits et ne suggère pas indûment une absence totale d’impact négatif sur l’environnement.

En troisième lieu, contrairement à ce que laisse entendre la société plaignante, ce spot publicitaire ne présente pas formellement les couches Pampers comme « écologiques » ou comme présentant une totale innocuité environnementale.

En quatrième lieu, la publicité critiquée ne revendique pas le bénéfice de certifications. Si au moins l’un d’entre eux figure, de façon discrète, sur un paquet de couches posé sur une table, il n’appartient pas au Jury de porter une appréciation sur ce conditionnement lui-même, et il ressort en tout état de cause des observations circonstanciées de la société Procter & Gamble que les couches Pampers Harmonie bénéficient effectivement de la certification qui y est mentionnée (Oeko Tex).

En cinquième et dernier lieu, toutefois, le Jury constate que le message sonore « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature » se prête, en raison précisément de son caractère général que revendique l’annonceur, à différentes interprétations, de sorte qu’il y a lieu de rechercher celle qu’un consommateur moyen est le plus enclin à retenir. Or le Jury observe que cette formule précède immédiatement l’allégation selon laquelle les couches Pampers Harmonie « contiennent des ingrédients d’origine végétale », dont l’annonceur n’a pas soutenu, en séance, qu’elle viserait seulement à appuyer l’argument tenant aux vertus hypoallergéniques du produit. Cette dernière allégation se présente ainsi comme une illustration de ce propos introductif. Cette interprétation est confortée par le fait que, sur son site internet, l’annonceur énonce que « Nous intégrons la préservation des ressources naturelles et de l’environnement à chaque étape du cycle de vie de nos produits » et que « A titre d’exemples (…) Nous avons développé une gamme, Pampers Harmonie, avec des ingrédients d’origine végétale (…) Nous n’allons pas nous arrêter là : nous allons continuer à réduire notre empreinte environnementale (…)  ».

Ces arguments, à caractère écologique, sont appuyés par l’utilisation de très nombreux éléments naturels ou évoquant la nature dans l’ensemble de la séquence (jardin, légumes, arbres, feuillages, pelouse ; pictogramme représentant une feuille ; liquide et tampon de couleur verte utilisés pour le test comparatif d’absorption et reproduction du conditionnement des couches qui comporte lui-même des éléments naturels…), ainsi que, accessoirement, par l’utilisation du verbe « grandir » qui suggère un processus s’inscrivant dans la durée.

Le Jury estime que, compte tenu de la construction de la publicité et de cette présentation visuelle d’ensemble, l’allégation critiquée (« bébé en harmonie avec la nature ») ne peut être simplement comprise, par un consommateur moyen, comme une référence au bien-être qu’éprouve le bébé à porter des couches confortables lorsqu’il évolue dans un environnement naturel (équivalent à : « imaginez votre bébé épanoui dans le jardin »), mais induit l’idée que le recours aux produits promus se conjuguerait harmonieusement avec le respect de l’environnement. Or d’une part, la circonstance qu’un produit serait, en tout ou partie, composé de matériaux bio-sourcés ne justifie en rien une telle revendication, a fortiori lorsque le produit n’est pas recyclable. D’autre part, et plus largement, eu égard à l’ampleur et à la nature de l’impact environnemental des couches à usage unique sur l’ensemble de leur cycle de vie, et quand bien même les couches réutilisables présentent elles aussi des inconvénients non négligeables sur le même plan, l’utilisation d’une telle expression, si elle ne traduit ni ne suggère une absence totale d’impact négatif sur l’environnement, est de nature à induire en erreur le public sur les propriétés des produits promus et est donc contraire aux points 2.1 et 7.1. de la Recommandation « Développement durable ». Il en résulte nécessairement une méconnaissance du c/ du point 1.1 de la même Recommandation qui prescrit de manière générale à la publicité d’éviter de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement.

En conséquence, le Jury considère que la publicité critiquée méconnaît la Recommandation « Développement durable » dans cette dernière mesure, mais que la plainte n’est pas fondée pour le surplus. Il rappelle qu’en aucun cas son avis ne prétend trancher un litige entre entreprises concurrentes ni s’immiscer dans des appréciations qu’il appartient seulement aux juridictions de porter, le cas échéant.

Avis adopté le 12 mai 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

La société Green Family, à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 22 mai 2023, a adressé, le 5 juin suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été partiellement rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 18 septembre 2023.


DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

 

I) Procédure

Le Jury de déontologie publicitaire (JDP) est saisi, le 28 mars 2023, d’une plainte de la société Green Family (ci-dessous “Green Family” ou “la plaignante”) afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Procter & Gamble (ci-dessous “Procter” ou “l’annonceur”), pour promouvoir ses couches pour bébés de marque Pampers Harmonie.

Le film publicitaire en cause, diffusé à la télévision et visible sur le site Internet YouTube, met en scène un jeune enfant et un homme cueillant des carottes dans un potager puis un bébé avec deux femmes assis dans l’herbe, ainsi qu’une séquence de démonstration des propriétés d’absorption du produit.

Le texte oral accompagnant ces images indique : « Imaginez votre bébé grandir en harmonie avec la nature. Les couches Pampers Harmonie contiennent des ingrédients d’origine végétale et garde la peau de votre bébé bien au sec pour garantir 100 % d’absorption Pampers ».

Le dernier plan montre le paquet de couches ainsi que le dessin de deux arbres, de couleur verte, avec la mention : « 1 paquet = 1 action pour planter des arbres en ville avec reforestACTION – Du 1er janvier 2023 au 31 mars 2023, pour chaque paquet Pampers Harmonie vendu, 0.5 ct reversé à Reforest’Action. Modalités sur Pampers.fr ».

Par un avis délibéré le 12 mai, le JDP “considère que la publicité critiquée méconnaît ces deux points [2.1 et 7.1] de cette Recommandation déontologique [“Développement durable” de l’ARPP], mais que la plainte n’est pas fondée pour le surplus”.

Cet avis ayant fait l’objet, de la part de la plaignante, d’une demande de Révision, cette dernière, qui est recevable, est alors transmise, pour observations, aux parties prenantes : l’annonceur, le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) et l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).

Cette transmission est l’occasion de nouveaux échanges entre la plaignante et l’annonceur.

Sur ces bases, le Réviseur de la déontologie publicitaire se rapproche alors du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis contesté, pour procéder avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels est fondé cet avis.

A partir de ces éléments et de l’ensemble des pièces du dossier, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision de Green Family.

II) Révision

A) Sur le fond de sa demande de Révision, la plaignante soulève une “critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury” (article 21.1 du règlement du JDP).

Plus précisément, la plaignante :

  • certes prend acte, avec satisfaction, des manquements aux points 2.1 & 7.1 de la Recommandation applicable que l’avis contesté retient à l’encontre de la publicité en cause,
  • mais regrette “que le JDP n’ait pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations, notamment en écartant la violation additionnelle des règles résultant de l’article 3.3 b/ ou, à tout le moins, de l’article 1.1 c/ “ de cette même Recommandation, et elle demande donc la Révision de l’avis pour qu’il retienne un manquement à ces deux règles.

1) On rappelle que, au titre du point 3.3.b/, une publicité “ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif” (sur l’environnement).

Pour établir que la publicité Pampers en cause ne méconnait pas ce point 3.3 b/, l’avis contesté analyse avec précision le message, et pour ce faire mentionne notamment que :

  • la proportion des matières bio-sourcées dans ces couches (…) n’est pas de nature à induire en erreur le public sur la composition de ces produits et ne suggère pas indûment une absence totale d’impact négatif sur l’environnement” ;
  • “ce spot publicitaire ne présente pas formellement les couches Pampers comme « écologiques » ou comme présentant une totale innocuité environnementale” ;
  • “l’utilisation d’une telle expression (…) ne traduit ni ne suggère une absence totale d’impact négatif sur l’environnement”.

[Les termes soulignés ci-dessus le sont par le Réviseur]

Plutôt que de discuter le fond du raisonnement ci-dessus qui sous-tend l’avis contesté, la plaignante, en Révision, se borne à lui opposer diverses allégations ayant trait aux importantes quantités de couches jetables “vendues chaque jour en France”, à la forte part de marché de Procter dans cette catégorie de produits, ou aux importantes dépenses publicitaires de l’annonceur.

Force est de constater que ces considérations sont sans influence sur le seul point qui importe dans cette affaire, celui de savoir si, par son contenu publicitaire, le message Pampers Harmonie est ou non conforme à la déontologie en vigueur. La plaignante n’est donc pas fondée à soutenir que ces éléments, qu’elle qualifie elle-même d’“extrinsèques de cette publicité”, devraient être mentionnés dans l’avis du JDP, et encore moins retenus comme “de nature à aggraver le caractère intrinsèquement trompeur du message publicitaire” en cause.

En outre et comme on l’a montré plus haut, le Jury a expressément examiné la conformité de la publicité à ce point 3.3. b/ et il a écarté ce grief à juste titre dès lors qu’à aucun moment cette communication commerciale ne prétend que les couches Pampers Harmonie n’auraient strictement aucun impact environnemental négatif.

2) Dans l’hypothèse où elle ne serait pas accueillie sur le terrain du point 3.3 b/ (innocuité totale pour l’environnement) ci-dessus, la demande de Révision, à titre subsidiaire, invoque un manquement au point 1.1 c/, qui interdit à une publicité “de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]“.

Au soutien de ce grief, la plaignante allègue les mêmes arguments (importantes quantités de couches jetables vendues chaque jour en France ; forte part de marché de Procter dans cette catégorie de produits ; importantes dépenses publicitaires de l’annonceur), qui ne sont pas plus opérants sur ce terrain que sur le précédent.

Il est vrai que l’avis du Jury, pris à la lettre, ne mentionne pas explicitement la méconnaissance de ce point 1.1.c/, ; mais les divers constats sur lesquels l’avis se fonde conduisent nécessairement à la conclusion que la publicité en cause, en ce qu’elle induit en erreur le consommateur sur la réalité de l’impact écologique des couches promues, revient à “minimiser les conséquences environnementales” de leur consommation.

Cette omission littérale du point 1.1.c/ est donc purement formelle, dans la mesure où, sur le fond, l’avis fait droit à l’argumentation dont la plaignante a saisi le Jury sur ce sujet, en retenant une méconnaissance des points 2.1 et 7.1 de la Recommandation, lesquels posent des règles plus spécifiques que la règle générique du point 1.1.c/.

Par suite, la mention finale de l’avis selon laquelle la plainte n’est pas fondée pour le surplus” ne peut s’interpréter que comme visant les seuls griefs que le Jury, dans ses analyses, écarte expressément et de façon motivée – soit les appréciations qui vont de “En premier lieu” à “En quatrième lieu” ainsi que le grief tiré du point 3.3, mais non le grief tiré du point 1.1.c/.

Dans ces conditions, le Réviseur considère que la critique élevée dans la demande de révision, qui revêt un caractère formel dès lors que l’avis donne raison à la plaignante sur le fond, ne peut donc être regardée comme “sérieuse et légitime” au sens de l’article 22 du règlement intérieur du Jury et par suite ne justifie pas une seconde délibération du JDP.

Il en résulte que, pour la rédaction de l’avis définitif de cette affaire, le Réviseur demande au Jury (art. 22.2 du Règlement du JDP) d’apporter “les modifications rédactionnelles nécessaires”, lesquelles ne remettent pas en cause “le sens de l’avis initial” (en l’occurrence : “plainte partiellement fondée”).

3) S’agissant du sondage commandé par la plaignante et produit par elle, il est en tout état de cause inopérant dans l’affaire en cause, puisqu’il porte non sur la publicité contestée mais sur le produit lui-même (sur lequel il n’appartient pas au Jury de porter une appréciation).

4) Quant aux procédés d’éco-blanchiment reprochés à l’annonceur par sa concurrente, ils ont déjà été pris en compte par l’avis contesté – ce qui a conduit le Jury à retenir, à l’encontre de la publicité litigieuse, des manquements visant explicitement deux dispositions de la Recommandation applicable.

Pour toutes ces raisons, la demande de Révision de Green Family ne peut être accueillie.

B) Face à cette demande en Révision de la plaignante, de son côté Procter n’estime pas devoir solliciter la Révision de l’avis sur les manquements que retient le Jury à l’encontre de sa publicité.

L’annonceur se borne à réclamer le rejet de la demande de Révision de la plaignante.

A vrai dire, Procter ajoute une modification rédactionnelle : il demande que l’avis, dans sa rédaction définitive, porte en son en-tête la mention “Plainte partiellement fondée” et non “Plainte fondée”.

Cette correction paraît conforme au contenu de l’avis tel qu’il sera rédigé à l’issue du processus de Révision, et devra donc être accueillie par le Jury pour cette rédaction finale.

III) Conclusion :

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande en Révision de la société Green Family est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’avis du Jury ;
  • la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée par la plaignante contre l’avis en litige ne peut être considérée comme fondée ;
  • plusieurs modifications rédactionnelles conformes aux appréciations figurant plus haut doivent être apportées par le Jury en vue de la rédaction finale de l’Avis.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’avis contesté, sauf :

  • pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • pour remplacer, dans l’en-tête, la mention “Plainte fondée” par la mention “Plainte partiellement fondée”,
  • pour apporter les modifications rédactionnelles mentionnées plus haut,
  • pour y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’avis en cause ainsi corrigé deviendra définitif et il sera publié sur le site du JDP – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de Green Family.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la Déontologie Publicitaire


Publicité Pampers Harmonie