NATURNES – Publicis Conseils – Télévision – Internet – Plainte non fondée

Avis publié le 26 juillet 2021
NATURNES – 745/21
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Nestlé Nutrition,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 décembre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Nestlé Nutrition, pour promouvoir son offre de produits d’alimentation infantile bio de marque NaturNes.

Le film publicitaire en cause, diffusé en télévision et sur Internet, sous forme de dessin animé, met en scène :

  • dans sa première partie, un homme et une femme préhistoriques, nourrissant leur bébé grâce à la cueillette, dans une forêt ;
  • puis dans la seconde partie du message, un autre couple dans un parc arboré, dans un décor contemporain, donnant un goûter à leur jeune enfant.

Le texte lu accompagnant ces images est : « Depuis toujours, la nature nous guide pour prendre soin de nos bébés. La nature leur donne tout ce dont ils ont besoin. Alors nous prenons soin de la préserver pour que, longtemps, nos enfants profitent de ses bienfaits » puis « NaturNes, la nature fait bien les choses ». Le dernier visuel, qui représente les produits de la gamme dans leur emballage, comporte le texte : « Découvrez nos engagements sur naturnesbio.fr ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette publicité est mensongère en faisant passer Nestlé pour une entreprise qui protège la nature alors qu’elle est mondialement connue pour son impact extrêmement négatif sur l’environnement (déforestation, pollution des eaux…). Cette publicité induit le consommateur en erreur puisqu’il pense protéger l’environnement en achetant ces produits.

La société Nestlé Nutrition a été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 mai 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que la publicité de produits alimentaires de la marque NaturNes Bio a été diffusée à la télévision notamment du 10 au 31 décembre 2020, et sur Internet du 18 mai au 26 juillet 2020.

Elle fait valoir qu’elle a toujours veillé au respect des textes légaux, réglementaires et déontologiques, et adresse systématiquement une demande d’avis préalable à l’ARPP avant de diffuser ses publicités à la télévision. Ainsi, la publicité objet de la plainte a bien entendu été soumise à l’ARPP en avril 2020, avant sa diffusion.

Le conseil de l’ARPP avait alors estimé que, sur la base des éléments présentés, le projet était « conforme aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur ». Les observations émises sur l’un des films complémentaires (notamment celui relatif aux actions concrètes de la marque NaturNes Bio sur les « haies »), en lien avec la Recommandation ARPP
« Développement durable », elles ont été dûment prises en compte.

La société Nestlé Nutrition considère que, contrairement à ce qui est soutenu, la représentation de la nature n’est pas excessive dans cette publicité, dans laquelle on ne voit que quelques arbres et des fruits, de couleur sombre.

La publicité représente surtout des moments de vie quotidiens en famille avec un enfant : le coucher, la préparation des repas et le repas. Par ailleurs, l’objet même de la publicité est d’inviter le consommateur – via la formule utilisée à la fin du film « Découvrez nos engagements » – à se rendre sur le site internet de la marque Naturnes Bio, qui détaille les actions concrètes en faveur de préservation de la biodiversité. Le renvoi vers le site internet de la marque permet justement de ne pas induire les consommateurs en erreur sur les engagements en matière de développement durable de la gamme Naturnes Bio.

Enfin, il est important de noter que la publicité dont il est question ici doit être considérée non seulement en lien étroit avec ce site internet, mais aussi avec trois films complémentaires qui reprennent les engagements et actions en faveur de la préservation de la biodiversité. En effet, ces vidéos ont été diffusées simultanément sur la chaîne YouTube NestlebebeFr en mai 2020. Elles détaillent les éléments de preuve du discours présenté dans la publicité. Une quatrième vidéo explicitant en détail le projet de plantation de haies en Vendée, en collaboration avec l’association française d’agroforesterie AFAF, a également été diffusée en octobre 2020, après prise en compte des remarques de l’ARPP.

Grâce aux différents supports mis à sa disposition, le consommateur d’attention moyenne est en mesure de comprendre clairement – et ce avant d’éventuellement acheter les produits – à travers quelles actions concrètes la marque NaturNes Bio s’est engagée pour contribuer à la préservation de la nature, et d’en appréhender la réalité écologique.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) qui a examiné la publicité pour conseil avant diffusion, confirme avoir émis un avis favorable pour la diffusion de ce pot en télévision.

L’Autorité indique avoir été interrogée par l’agence Publicis Conseils, membre de l’ARPP dans le cadre du conseil avant diffusion sur un story-board, le 22 avril 2020.

Le projet intitulé Naturnes Bio Vision s’inscrit dans un scénario axé sur la naturalité des produits pour bébé NATURNES qui sont des préparations pour bébé avec des ingrédients bio dont le procédé de fabrication permet de garantir la saveur des fruits et des légumes.

Des hommes et femmes préhistoriques sont mis en scène afin d’illustrer le fait que, depuis toujours, un grand soin est apporté quant aux choix des produits que les bébés vont consommer.

Il a été relevé en particulier que :

  • Les produits présentés sont bio ainsi que la dénomination l’indique : NATURNES BIO.
  • L’argumentation est générale (« La nature leur donne tout ce dont ils ont besoin. … Alors, nous prenons soin … … de la préserver … … pour que longtemps nos enfants profitent de ses bienfaits »)
  • La mise en scène, sous forme de dessins animés, est décalée et accompagne le discours sur la proximité avec la nature
  • Il y a un renvoi explicite vers le site internet « découvrez nos engagements sur Naturnesbio.fr» donnant accès à toutes informations complémentaires.

L’ARPP rappelle que, de manière générale, elle accorde une vigilance toute particulière au recours à des arguments écologiques en publicité. Au quotidien, ses équipes veillent à ce que les messages publicitaires ne contiennent pas de visuels ou d’allégations pouvant être perçus comme contraires aux principes de respect de l’environnement, notamment aux règles contenues dans sa Recommandation « Développement durable ».

En effet, comme le prévoit le texte déontologique, des éléments objectifs, véridiques et vérifiables existent pour soutenir le discours et, le site internet, indiqué dans la publicité, permet d’apporter des compléments d’informations sur les engagements.

En particulier la page https://www.bebe.nestle.fr/nos-marques/naturnes-bio/engagements-biodiversite permet d’obtenir des précisions sur les engagements en matière de biodiversité. Il y est notamment spécifié que, au-delà des engagements en agriculture biologique, Nestlé s’engage à intégrer davantage de biodiversité dans la culture des parcelles avec des projets concrets auprès des agriculteurs.

C’est ainsi que l’argumentaire « La nature leur donne tout ce dont ils ont besoin. … Alors, nous prenons soin … … de la préserver » doit être lu, en lien avec les parcelles de culture et non comme un engagement général de la marque « pour la nature. »

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la recevabilité de la plainte

L’annonceur précise, en premier lieu, que la chaîne YouTube sur laquelle la publicité est diffusée n’appartient pas à Nestlé. Toutefois, dès lors qu’il n’est pas contesté que cette vidéo a été conçue par Nestlé et que sa diffusion participe à sa communication commerciale, cette circonstance est sans incidence sur son caractère publicitaire et sur la recevabilité de la plainte.

En second lieu, la société Nestlé estime que la motivation de la plainte n’est pas suffisante au regard des exigences du règlement intérieur du Jury. Il en ressort toutefois clairement que le plaignant conteste la conformité de la publicité à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dans la mesure où elle allègue que l’annonceur prend soin de préserver la nature alors que son activité entraîne des conséquences environnementales lourdes à ses yeux.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la plainte dont il est saisi est recevable.

3.2. Sur le respect des règles déontologiques

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) :
    • « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :(…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du « vocabulaire » (point7):
    • « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;
    • lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;
    • dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;
    • les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

Le Jury relève que le film publicitaire en cause dresse un parallèle entre une famille préhistorique et une famille contemporaine, dans lesquelles un couple donne à manger à leur bébé – dans le premier cas, des fruits, dans le second, des produits NaturNes. Le propos est appuyé par le texte lu selon lequel la nature nous aide à prendre soin de nos bébés depuis toujours et qu’en retour, Nestlé prend soin de la préserver, pour que les enfants profitent longtemps de ses bienfaits. Y figurent le slogan « NaturNes, la nature fait bien les choses » et un renvoi au site internet de la marque pour découvrir ses engagements en matière environnementale.

Le site indique dans une rubrique « Préserver » que « en faisant le choix d’une agriculture biologique, nous nous engageons pour transmettre un environnement préservé à nos enfants. Nous travaillons aussi sur des projets qui favorisent la biodiversité avec les producteurs. ». Des précisions sont apportées sur les conditions de culture et d’élevage des matières premières utilisées dans la confection des produits alimentaires pour bébés. En outre, le site fait état de deux projets pour favoriser la biodiversité : la recréation de haies par la plantation de 22 000 arbres en Vendée (lieu de culture des fruits et légumes utilisés), en décembre 2020, et l’installation, à partir de mai 2021, de nichoirs à mésanges et chauve-souris en vue de réguler naturellement la présence de nuisibles dans les cultures. Enfin, il est indiqué que les emballages utilisés (cartons, bols, couvercles…) sont recyclables, à l’exclusion des opercules qui ne le seront qu’en 2022.

Le Jury estime que l’expression « nous prenons soin de préserver » la nature peut s’interpréter, dans le contexte de la production, de la distribution et de la consommation de produits alimentaires qui sont clairement représentés dans leur emballage dans la publicité critiquée, comme alléguant que l’annonceur fait ses meilleurs efforts pour limiter l’impact écologique de ses produits et de ses activités, et non que son action aurait par elle-même pour objet et pour effet de protéger l’environnement contre des menaces extérieures, à l’instar de celle d’associations de défense de l’environnement. Elle ne suggère donc pas indûment une absence totale d’impact négatif. En outre, elle n’est pas équivalente à l’expression « nous préservons la nature », qui serait prohibée par le point 7.3 de la Recommandation « Développement durable » dès lors que l’annonceur n’est pas en mesure de justifier une telle formulation globale.

Dans la mesure où ces produits alimentaires procèdent de l’agriculture biologique, que l’annonceur conduit en outre des projets locaux destinés à concilier autant que possible les activités agricoles et l’environnement, et que les emballages sont composés quasi exclusivement de matières recyclables, le Jury considère que, en dépit des visuels bucoliques utilisés et de la comparaison audacieuse entre le rapport à la nature des consommateurs de produits NaturNes et la cueillette des hommes préhistoriques, l’exigence de proportionnalité posée par le point 3 de cette Recommandation n’est pas méconnue, non plus que le principe de véracité résultant de son point 2.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité ne méconnaît pas les dispositions précitées de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 4 juin 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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