Avis publié le 6 mai 2025
NAALI – 1053/25
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 février 2025, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, de publicités de la société Naali, pour promouvoir son offre de compléments alimentaires, sous forme de gommes à ingérer de marque Zenkids.
Les publicités en cause sont diffusées sur le site Internet et la page Facebook de la marque.
- La vidéo diffusée sur Facebook, montre une femme en blouse blanche, désignée comme étant : « Estelle, Directrice scientifique », s’exprimant, assise, face à la caméra.
Le texte prononcé par la femme, apparaissant également en incrustation à l’écran est : « Les effets secondaires des médicaments TDAH sont souvent lourds. Pourtant, il existe une solution naturelle, validée par la science. Les traitements conventionnels du TDAH tel que le méthylphénidate que l’on trouve dans la Ritaline améliore certes la concentration et l’attention mais peuvent aussi créer dépendance, insomnie, pertes d’appétit, irritabilité. Ces effets secondaires bouleversent non seulement la vie des enfants mais aussi celle de toute la famille ».
Pendant son propos, une boite de médicaments portant la mention : « Ritalin 10 – Novartis » apparaît à l’image, depuis laquelle des flèches désignent les termes : « dépendance », « insomnie », « pertes d’appétit », « irritabilité ».
La femme poursuit, en présentant une boite de gommes, puis : « C’est pourquoi nous avons développé Zenkids des gummies qui sont à la fois efficaces et 100% naturels », « Au centre de la formule, se trouve le safran, scientifiquement reconnu comme l’un des plus puissants anxiolytiques naturels au monde. Son secret ? il régule naturellement le cortisol l’hormone du stress tout en stimulant la sérotonine, favorisant ainsi la concentration et la sérénité… », « Les études cliniques le confirment, le safran s’avère être aussi efficace que le méthylphénidate mais sans les effets secondaires » (…).
La fin de la vidéo montre des enfants présentant ou consommant le produit, accompagnés des précisions : « … avec un bon goût d’orange », « ces gummies sont parfaites pour s’intégrer facilement dans la routine d’un enfant ».
- Le site Internet Naali.fr affiche, quant à lui, les allégations suivantes : « Le safran démontre une grande efficacité dans le traitement des symptômes d’hyperactivité et favorise une meilleure qualité de sommeil chez l’enfant », « Les gommes Zenkids … améliorent la concentration et réduisent naturellement l’anxiété et l’hyperactivité de votre enfant… favorisent une harmonie et un développement serein », « la formule TDAH Naali a été formulée pour être efficace sur les deux types de symptômes du TDAH : l’inattention et l’hyperactivité. Les ingrédients comme le safran et les oméga-3 DHA ciblent ces aspects spécifiquement », « Notre produit TDAH pour enfants est une alternative plus naturelle. Il cible les symptômes courants du TDAH, sans les effets secondaires des ingrédients artificiels. Notre formulation synergique est exempte de médicaments stimulants et rassemble des ingrédients éprouvés … tous conçus pour soutenir les enfants atteints de TDAH… ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant fait valoir que les affirmations de la société Naali, qui promeut un complément alimentaire nommé « ZenKids Gomme TDAH », en prétendant, qu’il serait efficace pour traiter les symptômes du TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité) et du TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme), sont en contradiction avec les recommandations des autorités sanitaires françaises et européennes (HAS, ANSM, EFSA, Commission européenne).
Selon lui, certaines allégations employées sur le site Internet Naali.fr constituent des promesses exagérées et trompeuses concernant une efficacité sur les symptômes du TDAH. Or, aucune autorité sanitaire reconnue ne valide ces allégations. Au contraire, la Commission européenne et l’EFSA (European Food Safety Authority) ont strictement encadré les allégations autorisées pour les oméga-3 DHA et EPA. En particulier, les aliments et compléments contenant des oméga-3 ne peuvent pas prétendre « Contribuer au fonctionnement normal du système immunitaire ou des fonctions intellectuelles », « Réduire le risque de troubles de l’attention chez les enfants atteints de TDAH », « Améliorer la mémoire, la concentration ou la mobilité des articulations ».
Il ajoute que la société Naali diffuse des contenus alarmistes sur les traitements médicamenteux du TDAH, induisant en erreur les parents et les incitant à se détourner des traitements recommandés par la HAS et l’ANSM. Dans une vidéo Facebook, Naali propage l’idée fausse que le méthylphénidate provoquerait une dépendance, en le comparant à tort à une drogue issue des amphétamines. Cette désinformation va à l’encontre des conclusions des autorités de santé françaises et internationales, qui considèrent que le méthylphénidate est un traitement sûr et efficace lorsqu’il est prescrit et suivi médicalement. Dans une autre vidéo, Naali diffuse une fausse affirmation selon laquelle le DHA aurait un effet prouvé sur le TDAH et la concentration, ce qui est inexact et interdit dans les allégations de santé.
Il observe, pour finir, que la société Naali joue sur la détresse des parents d’enfants avec TDAH ou TSA en insinuant que leur complément alimentaire serait une alternative aux traitements conventionnels. Cette approche est particulièrement préjudiciable car elle peut retarder la prise en charge adéquate des enfants et induire des choix de traitement inappropriés.
Le plaignant estime que ces pratiques contreviennent aux principes fondamentaux du Code ICC de la Chambre de Commerce Internationale en matière de publicité et de communication commerciale, notamment les points relatifs à l’interdiction des allégations non fondées scientifiquement, l’interdiction de créer une peur injustifiée ou d’exploiter la vulnérabilité des consommateurs.
Il communique par ailleurs le contenu de la réponse de l’entreprise à son signalement sur le site Internet https://signal.conso.gouv.fr/fr le 23 février 2025 :
« … Notre produit est dûment déclaré auprès des autorités compétentes françaises, notamment la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), conformément à la réglementation applicable aux compléments alimentaires. …
Nos gommes sont fabriquées selon des normes strictes, en conformité avec les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) en vigueur pour les compléments alimentaires. Transparence sur les ingrédients et les études disponibles ZenKids Gomme TDAH est formulé à partir d’ingrédients reconnus pour leurs propriétés bénéfiques générales sur la sphère cognitive et le bien-être : Safran (Crocus sativus) : Plusieurs travaux de recherche suggèrent un intérêt du safran dans la prise en charge des troubles de l’attention. Par exemple, une étude publiée dans le Journal of Child and Adolescent Psychopharmacology (2019) a montré que le safran pouvait présenter des effets comparables au méthylphénidate chez des enfants présentant un TDAH, tout en étant bien toléré. Oméga-3 (DHA/EPA) : Les oméga-3 ont fait l’objet de multiples études examinant leurs liens avec le développement cérébral et l’attention. Une méta-analyse (Bloch & Qawasmi, Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 2011) 2 2 souligne un effet bénéfique modeste de l’apport en oméga-3 sur l’amélioration de certains symptômes de l’hyperactivité et de l’inattention.
Magnésium : Des études indiquent qu’une carence en magnésium pourrait être associée à l’hyperexcitabilité neuromusculaire et à des troubles de l’humeur ou du comportement 3 3. Vitamine B6 : Essentielle à de nombreuses fonctions métaboliques, elle intervient notamment dans la synthèse de neurotransmetteurs (dopamine, sérotonine, GABA), liés à la régulation de l’humeur et de l’attention.
Nous soulignons que, comme pour tout complément alimentaire, les études disponibles sont menées sur des populations diverses et présentent des résultats qui peuvent varier d’un individu à l’autre.
Nous ne prétendons pas remplacer un suivi médical individualisé, et recommandons toujours de consulter un professionnel de santé en cas de doute. Positionnement de ZenKids Gomme TDAH … Il est important de préciser que notre produit est un complément alimentaire et non un médicament. Son rôle est d’apporter des nutriments spécifiques (plantes, vitamines, minéraux, acides gras) qui peuvent contribuer, chez certains individus, à un meilleur équilibre nutritionnel et au soutien du bien-être.
…Nous précisons systématiquement à notre clientèle que nos gommes ne se substituent pas aux traitements médicamenteux prescrits par un professionnel de santé. Toute modification d’un traitement médical doit être réalisée sous supervision médicale. Réponse aux accusations de publicité trompeuse et d’allégations de santé Communication prudente et encadrée : Nous veillons à employer des termes conformes à la législation sur les compléments alimentaires. Dans nos supports de communication, nous mettons en avant les études existantes suggérant l’intérêt de nos ingrédients, tout en restant prudents quant aux résultats qui peuvent varier selon les profils. Aucune incitation à abandonner un traitement : Nous n’incitons en aucun cas les consommateurs à renoncer aux recommandations et prescriptions émanant des autorités de santé ou de leur médecin traitant. Au contraire, nous encourageons systématiquement le dialogue avec les professionnels de santé.
Conclusion … Notre produit ZenKids Gomme TDAH est déclaré conformément à la réglementation française. Il est élaboré selon des standards de qualité stricts. Il s’inscrit dans une démarche de complémentation nutritionnelle, en s’appuyant sur des ingrédients ayant fait l’objet de recherches scientifiques. Nous … nous engageons à continuer d’améliorer nos pratiques de transparence et de communication, dans le respect de la réglementation en vigueur et dans l’intérêt des consommateurs… »
Le plaignant considère que, bien que la société affirme clairement dans sa réponse que ses gommes ne remplacent pas un traitement médical prescrit, ce message n’apparaît pas explicitement sur la page produit. Au contraire, certaines formulations laissent entendre que leur produit pourrait être une alternative au méthylphénidate, en suggérant une efficacité similaire sans effets secondaires.
Cette présentation peut induire en erreur des parents en recherche de solutions, renforçant l’idée qu’il s’agit d’une option équivalente aux traitements médicamenteux classiques, ce qui contredit leur position officielle. Avec ces phrases :
- « Les résultats suggèrent que le traitement avec le safran présente la même efficacité que celui par méthylphénidate (Ritaline) et sans effet secondaire. »
- « Bien que la Ritaline soit un médicament pharmaceutique éprouvé, Naali offre une alternative naturelle qui peut être efficace pour certains enfants. »
- « Notre produit TDAH pour enfants est une alternative plus naturelle. Il cible les symptômes courants du TDAH, sans les effets secondaires des ingrédients artificiels. Notre formulation synergique est exempte de médicaments stimulants et rassemble des ingrédients éprouvés comme le Safran, les Oméga-3 DHA, le Magnésium et la Vitamine B6, tous conçus pour soutenir les enfants atteints de TDAH. »
– La société Naali a été informée, par courriel avec accusé de réception du 3 mars 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle n’a pas présenté d’observations.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions déontologiques, notamment celles contenues dans le code de la Chambre de commerce internationale que :
- Article 1 – Principes de base
« Toutes les communications commerciales doivent être légales, décentes, honnêtes et véridiques.
Toutes les communications commerciales doivent être préparées avec un sens aigu de la responsabilité sociale…
Aucune communication ne doit, par son contenu et ses modalités, saper la confiance du public dans les communications commerciales. »
- Article 2 – Responsabilité sociale et environnementale
« … Les communications commerciales ne doivent pas :
-
- sans raison valable, jouer sur la peur ou exploiter le malheur ou la souffrance
…»
- Article 4 – Honnêteté
« Les communications commerciales doivent être structurées de manière à ne pas profiter de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter leur inexpérience ou leur compréhension limitée.
Les facteurs pertinents susceptibles d’influer sur les décisions des consommateurs doivent être communiqués d’une manière et à un moment qui leur permettent de les prendre en considération de manière efficace.
…
Les communications commerciales ne doivent pas abuser de la confiance des consommateurs en recourant à des pratiques trompeuses ou en diffusant de la désinformation à l’aide d’éléments tels que de faux témoignages ou endossements, des théories du complot, comme l’appât et l’échange ou le piège à clics. … ».
- Article 5 – Véracité
« Les communications commerciales doivent être véridiques et non trompeuses.
Les communications commerciales ne doivent contenir aucune allégation susceptible d’induire le consommateur en erreur, quelle que soit la manière dont elle est véhiculée – par le texte, le son, les éléments visuels ou toute combinaison de ces éléments – et quelle que soit la manière dont l’effet trompeur se produit – directement ou par implication, omission, ambiguïté ou exagération. La combinaison des éléments utilisés dans une communication commerciale contribue à l’interprétation d’une allégation….»
- Article 9 – Utilisation de données et de terminologie techniques ou scientifiques
Les communications commerciales ne doivent pas :
-
- utiliser abusivement des données techniques, par exemple des résultats de recherche ou des citations tirées de publications techniques et scientifiques
- présenter des statistiques de manière à exagérer la validité d’une affirmation
- utiliser une terminologie ou un vocabulaire scientifique de manière à suggérer faussement qu’une allégation a une validité scientifique, ou abuser d’un label, d’un symbole, d’un logo ou d’un sceau à cet effet.
- Article 21 – Sécurité et santé
Les communications commerciales ne doivent pas, sans justification d’ordre éducatif ou social, contenir de représentation visuelle ou de description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations témoignant d’un mépris pour la sécurité ou la santé, telles qu’elles sont définies par les normes nationales locales.
Le Jury relève que la vidéo diffusée sur Facebook promeut les gommes Zenkids de l’annonceur en mettant en scène une « directrice scientifique », vêtue d’une blouse blanche, et qui vante les propriétés de ces dernières, destinées à se substituer avantageusement, car elles sont « naturelles » et sans effets secondaires, à un médicament prescrit pour traiter le syndrome du trouble de l’attention chez l’enfant (la Ritalin).
Or, en dépit de la mise en scène (blouse blanche, directrice scientifique) et du vocabulaire employé (« effets secondaires », TDAH, « scientifiquement reconnu »), ces gommes ne sont pas des médicaments et la vidéo ne renvoie à aucune étude scientifique susceptible d’appuyer ou démontrer son propos s’agissant, précisément, des gommes vendues par l’annonceur.
Ces allégations, non accompagnées de preuve médicale ou scientifique, constituent des promesses excessives sur les bienfaits et la performance du produit promu et sont, ainsi, de nature à abuser la confiance du consommateur, dans un domaine particulièrement sensible qui touche à la santé et, plus précisément, la santé des enfants.
Le site internet de l’annonceur, s’il est plus mesuré et permet, par le biais, notamment d’une foire aux questions, de nuancer l’efficacité affichée du produit, notamment en rappelant, contrairement à la vidéo diffuse sur Facebook, que les gommes Zenkids n’ont pas vocation à se substituer à un médicament et qu’il est nécessaire de consulter un médecin, promet néanmoins, sans s’appuyer sur des preuves scientifiques s’agissant des gommes vendues, l’amélioration de la concentration et du sommeil d’un côté, la réduction de l’anxiété et de l’hyperactivité de l’autre.
Par ailleurs, le site indique que : « Certains ingrédients peuvent également être bénéfiques pour les enfants avec TSA (troubles du spectre autistique), », ce qui est particulièrement problématique car, ce faisant, il laisse entendre, sans la moindre preuve scientifique, que les gommes vendues auraient un effet sur ces pathologies alors même que la prise en charge de ces troubles est souvent délicate, suscitant espoirs et attentes des proches de ceux qui en sont atteints.
En conséquence, le Jury considère que la publicité contrevient aux dispositions précitées.
Avis adopté le 11 avril 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.