MITSUBISHI ELECTRIC

Internet - Affichage

Plainte partiellement fondée

Avis publié le 13 mars 2023
MITSUBISHI ELECTRIC – 893/23
Plainte partiellement fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu, lors de la séance du 6 janvier 2023, les représentants de la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF), plaignante, et les observations de l’ARPP, et, lors de la séance du 10 février 2023, les représentants de la société Mitsubishi, ces séances s’étant tenues sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 8 novembre 2022, d’une plainte émanant de la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire en faveur de la société Mitsubishi Electric, pour promouvoir son offre de pompes à chaleur.

La campagne publicitaire en cause est diffusée sur le site Internet de la société et par affichage.

L’affiche montre, sur un fond blanc et rouge, une main fermant un robinet de gaz, de chaque extrémité duquel s’échappent des pièces de monnaie. A proximité sont présentés un porte-voix et un modèle ancien de poste de télévision sur lequel on distingue un satellite. Le texte accompagnant cette image est, en majuscules et en très gros caractères : « Ne dépendez plus du gaz ». En plus petits caractères, « Pour vous chauffer » et au bas de l’affiche « Ayez l’esprit tranquille, optez pour la pompe à chaleur ».

La publicité en ligne, qui se présente comme un « livre blanc », utilise un visuel similaire accompagné du texte « Ne dépendez plus uniquement du gaz… et optimisez votre consommation de chauffage », « Ayez l’esprit tranquille, optez pour la pompe à chaleur ». Dans un encadré rouge, figure la mention « A partir du 1er janvier 2023, le prix du gaz pourrait augmenter de 15% ! ». La publication comporte en outre des explications et informations sur l’opportunité de recourir à une pompe à chaleur.

2. La procédure

La société Mitsubishi Electric a été informée, dans un premier temps, par courriel avec avis de réception du 7 décembre 2022, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Contacté par le secrétariat du Jury postérieurement à la séance du 6 janvier 2023, son représentant a expliqué qu’il n’avait pas reçu le dossier de plainte, le destinataire des messages ne faisant plus partie de la société. Afin de lui permettre de présenter ses arguments écrits, un nouvel examen de l’affaire a été programmé et l’ensemble des parties ont été invitées à participer à une nouvelle séance.

3. Les arguments échangés

La société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) énonce que la société Mitsubishi Electric exploite le contexte géopolitique international et les tensions nationales actuelles dans le secteur énergétique aux fins de promouvoir ses produits, de manière particulièrement agressive et anxiogène pour les consommateurs.

La portée grand public (affichage sur panneaux fixes géants) et l’affichage en gare de ces communications accentuent le caractère agressif de ces pratiques.

GRDF rappelle que l’article L. 121-1 du code de la consommation interdit les pratiques commerciales déloyales.

En outre, l’article L. 121-6 du code de la consommation encadre également la pratique commerciale agressive. En l’espèce, la société Mitsubishi utilise les codes « de l’ère soviétique » (couleurs, téléviseur/spoutnik, etc) et le contexte géopolitique pour instaurer la peur chez le consommateur de gaz et l’inciter à acheter les produits Mitsubishi fonctionnant à l’électricité. Et ce, alors même que seulement 17 % du gaz consommé en France est d’origine russe.

Plus encore, cette publicité et les autres supports de communication associés (plaquette /site internet dédié) tendent à laisser penser que les consommateurs de gaz soutiendraient la politique « russe » (main avec de la poussière noire qui ferme/ouvre le robinet) et financeraient la politique russe (pièces de monnaie qui sortent des canalisations).

Enfin, la communication utilise des affirmations mensongères en annonçant – sans explication – une hausse du gaz de 15 % à compter du 1er janvier 2023, laissant penser que l’électricité ne subirait, elle, aucune évolution comparable des prix, voire ne subirait aucun impact en termes de disponibilité de manière générale.

L’article L. 121-2 du code de la consommation définit la pratique commerciale trompeuse.

Dans un contexte national et international particulièrement sensible et anxiogène, les professionnels – et en particulier ceux du secteur de l’énergie – ont un devoir de loyauté renforcé à l’égard des clients consommateurs. Il ne saurait être toléré, plus encore de la part d’entreprises renommées, de se servir du climat actuel pour accroître la peur chez les consommateurs pour obtenir qu’ils achètent des produits et biaiser ainsi leur comportement normal.

Lors de la séance, GRDF a insisté sur le caractère tronqué de la publicité, qui ne mentionne ni le risque d’augmentation du prix de l’électricité ni les craintes de « black-out » électrique, alors que les réserves de gaz sont suffisantes pour satisfaire les besoins des consommateurs. Cette campagne joue sur le sentiment de peur, par l’allusion au gaz russe et au risque de pénurie. Il s’agit d’une publicité dénigrante pour le gaz, d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’une source d’énergie complémentaire de la pompe à chaleur, dès lors qu’elle permet notamment de produire de l’eau chaude sanitaire ; or l’affiche ne rappelle pas cette complémentarité.

La société Mitsubishi Electric fait valoir que la succursale française de Mitsubishi Electric Europe B.V (MEE) commercialise des pompes à chaleurs et des systèmes de climatisation en France sous la marque Mitsubishi Electric et souhaite promouvoir les pompes à chaleur, qui sont également encouragées par les pouvoirs publics au travers notamment d’initiatives comme « Ma prim renov » et les certificats d’économie d’énergie (CEE).

C’est dans ce cadre que l’annonceur a lancé une campagne comportant le visuel en cause, en affichage traditionnel, en affichage dynamique et dans une campagne Digiwall Gare de Lyon.

GRDF, qui commercialise du gaz en France et assure la promotion du chauffage au gaz, a réagi avec virulence à la campagne de publicité. La société Mitsubishi Electric indique avoir été contactée par GRDF le 26 octobre 2022 qui lui a exposé ses griefs vis-à-vis de la campagne. Sans partager ces griefs, elle a tenu à montrer qu’elle en tenait compte en modifiant légèrement son message. Cette modification a été effective sur le site de la Gare de Lyon et sur les supports digitaux. Malgré ce geste, une plainte a été adressée au Jury de déontologie publicitaire.

La société relève que cette plainte ne se fonde formellement que sur les dispositions du code de la consommation (que GRDF attribue par erreur au code du commerce) alors que des références précises aux articles du code ICC sembleraient plus logiques devant le JDP, selon l’article 2.2. de son règlement intérieur. Dans le même sens, le 5) de l’article 11.1 de ce règlement énonce clairement que la plainte doit indiquer de façon précise en quoi la publicité en cause soulèverait un problème déontologique.

Sur le fond, le public concerné est avant tout un public « averti » qui étudie un investissement conséquent dans du matériel de chauffage. On peut considérer que ce public ne réalise pas d’achat impulsif sous le coup d’une émotion, de la peur ou d’une passion quelconque. La peur a pu pousser des personnes à acheter de grandes quantités de produits de première nécessité lors du confinement. La chose est peu probable s’agissant de pompes à chaleur.

Selon GRDF, ce visuel « utilise les codes de l’ère soviétique et le contexte géopolitique afin d’instaurer la peur chez le consommateur de gaz et l’inciter à acheter les Produits Mitsubishi Electric ». Cette interprétation est assez subjective.

Tout d’abord, cette publicité ne comporte aucune référence explicite à l’URSS. Il n’y a ni étoile rouge, ni marteau, ni faucille. On pourrait tout autant considérer que ce visuel emprunte aux codes de la réclame et des campagnes de l’époque du choc pétrolier (73-79). Les couleurs rouges et noires sont celles de la marque Mitsubishi Electric et pas nécessairement une référence à la propagande soviétique.

Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle cette publicité provoquerait la peur est assez caricaturale. La « collision » de l’actualité récente avec une époque révolue symbolisée par les codes visuels « kitsch » et « rétro » des années 60-70 est un « clin d’œil » destiné à provoquer le sourire. C’est d’ailleurs la réaction la plus couramment enregistrée.

Sur la combinaison des articles L. 121-1 et L. 121-6 du code de la consommation, GRDF prétend que les visuels seraient constitutifs de pratiques commerciales déloyales et / ou agressives. En l’espèce, nous ne sommes clairement pas dans le cas de sollicitations répétées et insistantes ni dans le cadre d’une véritable contrainte morale conduisant à altérer de manière significative la liberté de choix du consommateur concerné. Il s’agit ici d’un consommateur averti qui n’a pas le couteau sous la gorge.

Le visuel en cause ne saurait donc caractériser, de quelque manière que ce soit, une pratique commerciale agressive ou déloyale.

D’autre part, GRDF cherche à faire croire que les visuels constitueraient des pratiques commerciales trompeuses. Une telle appréciation est incorrecte. En effet, il n’est pas du tout démontré que le visuel en cause altèrerait le comportement économique du consommateur du fait d’une sorte de « terreur » ou de « crainte » ou que le consommateur ciblé par cette publicité serait particulièrement crédule ou naïf.

De plus, le consommateur est habitué aux procédés publicitaires et promotionnels, et de manière générale à l’emphase publicitaire. La société rappelle que la publicité hyperbolique ou exagérée est licite.

Enfin, la référence à l’augmentation des prix du gaz de 15% ne figurait pas sur les affichages publics mais uniquement sur les communications numériques. Quoi qu’il en soit, entre temps, l’affirmation (qui était au conditionnelle) est devenue exacte comme en atteste le lien suivant : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15944#:~:text=La%20loi%20de%20finances%20pour,du%201er%20f%C3%A9vrier%202023.

En d’autres termes, la communication reste clairement dans les limites acceptables de la liberté d’expression et d’évocation, et le visuel en cause ne saurait caractériser une pratique commerciale trompeuse.

La société souligne enfin que Média gares se prévaut d’avis donnés par l’ARPP préalablement à l’affichage et qui semblent avoir conclu à la licéité et à la non-violation des règles déontologiques.

Lors de la séance du 10 février 2023, Mitsubishi a repris en substance ces arguments. Elle a précisé que Mitsubishi proposait des solutions hybrides, incluant le gaz. Le propos de la publicité est d’inciter les consommateurs à ne pas se limiter à un unique mode de chauffage pour des raisons de coût. Il ne s’agit pas de prédire une pénurie de gaz. L’idée générale est la chasse au gaspillage. Mitsubishi n’est pas dans une démarche « collapsioniste » qui annonce la fin du monde. Ce n’était pas le « brief » donné à l’agence de communication. Elle a rappelé que la pompe à chaleur permettait de faire en moyenne des économies de 40 % par rapport au gaz, en rappelant que l’écart pouvait dépendre de plusieurs paramètres. En réponse au grief tiré du caractère anxiogène de la publicité, l’annonceur indique que c’est le chauffage lui-même et la perspective de ne pas en disposer qui sont sources d’anxiété.

La société Média gares estime que la plainte n’est pas recevable dès lors qu’elle n’invoque que des dispositions du code de la consommation que le Jury n’a pas compétence pour appliquer, et non des règles déontologiques. En outre, elle considère que le caractère déloyal de la campagne publicitaire n’est pas avéré. D’une part, les éléments visuels n’évoquent pas spécialement l’ère soviétique, étant précisé que le rouge est la couleur de l’annonceur et que le satellite Spoutnik est représenté très discrètement, sans que le consommateur moyen l’identifie nécessairement. D’autre part, les affiches ne sont pas de nature à instaurer un sentiment de peur chez le consommateur ni à altérer de façon significative son jugement. Il reste libre de son choix, sachant que l’allégation « Ne dépendez plus uniquement du gaz » valorise la complémentarité des deux modes et ne présente donc pas la pompe à chaleur comme une alternative.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été sollicitée, pour conseil sur des projets d’affiches, en version papier et numérique, à partir de septembre 2022. Ce sont directement les supports d’affichage adhérents de l’ARPP qui l’ont interrogée, et non les concepteurs de la campagne, en amont. L’Autorité n’a pas été interrogée non plus concernant les allégations utilisées sur le site Internet.

De manière générale et quel que soit le secteur d’activité, l’ARPP veille au respect des principes déontologiques essentiels applicables à toute publicité et qui visent à préserver une publicité loyale et véridique. Ceux-ci sont inscrits notamment dans les dispositions du Code ICC « Publicité et Communication commerciale », dans ses articles 1, 4, 5, 11 et 12.

En l’espèce, l’ARPP a relevé tout d’abord que la campagne vise à faire la promotion de la pompe à chaleur Mitsubishi en indiquant que, grâce à celle-ci, le consommateur ne dépendra plus du gaz (« Ne dépendez plus du gaz », « Optez pour la pompe à chaleur »). Elle met donc l’accent sur la spécificité du produit en invitant le consommateur à découvrir le chauffage par pompe à chaleur (« Optez ») qui se présente donc comme un choix différent par rapport au gaz proposé sur le marché de l’énergie.

Il s’agit de promouvoir un équipement de chauffage thermodynamique à énergie renouvelable qui aide les consommateurs à aller dans le bon sens en matière de comportement énergétique.

La publicité compare aussi le coût d’un chauffage sans gaz au coût d’un chauffage au gaz, ce qui est admis.

Pour cela, la campagne a recours à une illustration décalée, qui renvoie aux codes visuels d’affiches anciennes. Même si la représentation d’un poste de télévision sur lequel semble apparaître un satellite peut sembler faire référence à l’URSS de l’époque soviétique – mais comme dans tous les foyers équipés alors de ces téléviseurs à tube cathodique -, la publicité ne contient pour autant pas de référence explicite au contexte géopolitique actuel.

Ces représentations ne présentent en elles-mêmes aucun caractère « agressif » et ne sont pas de nature à inquiéter le public auquel le visuel est exposé.

En l’absence d’élément faisant spécifiquement référence à la politique russe ou à la guerre en Ukraine, ce message ne peut, selon l’ARPP, être considéré comme anxiogène ou instaurant la peur chez le consommateur de gaz.

Dans ce contexte, le contenu des affiches soumises n’a pas été analysé comme jetant le discrédit sur une entreprise, en l’occurrence GRDF. Les dispositions du Code ICC précitées ne sont pas enfreintes. Sous réserve d’observations liées à l’application d’autres règles (emploi de la langue française, Recommandations « Mentions et renvois » et « Résultats d’enquête et d’étude de marché »), les projets transmis ont donc été considérés comme acceptables.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la recevabilité de la plainte et les règles déontologiques applicables

Le Jury précise à titre liminaire qu’en vertu du point 2.1. de son règlement intérieur, il lui appartient seulement de se prononcer sur le respect des règles déontologiques énumérées au point 2.2. par les publicités faisant l’objet d’une plainte. Il n’est donc pas compétent pour se prononcer sur le respect des dispositions du code de la consommation, évoquées dans son argumentation par le plaignant, et qui relèvent des juridictions judiciaires compétentes en matière de pratique commerciale trompeuse.

Conformément au 5° du point 11.1 du même règlement intérieur, le plaignant n’est toutefois pas tenu, à peine d’irrecevabilité de sa plainte, d’invoquer formellement l’une des règles déontologiques mentionnées au point 2.2. Il appartient au Jury d’identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables.

En l’espèce, il n’y a pas lieu, comme le demande la société Média gares et comme le suggère Mitsubishi Electric, de déclarer la plainte de GRDF irrecevable. En effet, le Jury peut interpréter la critique en rapprochant les arguments du plaignant des principes généraux repris dans les articles suivants du Code ICC « Publicité et Marketing » de la chambre de commerce internationale :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. »

Article 2 – Responsabilité sociale

Les communications commerciales doivent respecter la dignité humaine et ne doivent pas inciter ou cautionner aucune forme de discrimination, notamment fondée sur l’origine ethnique ou nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle. La communication commerciale, sauf raison justifiable, doit proscrire toute exploitation des sentiments de peur, de malchance ou de souffrance. La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. La communication commerciale doit proscrire toute exploitation de la superstition ».

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

« Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse.

La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur (…). »

« Article 11 – Comparaisons

La communication commerciale contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que la comparaison ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et elle doit respecter les principes de la concurrence loyale. Les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement ».

« Article 12 – Dénigrement

La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public ».

3.2 Sur la conformité des publicités critiquées à ces règles déontologiques

Le Jury relève que les publicités en cause, qui font la promotion de pompes à chaleur, sont diffusées sur le site Internet de la société et par affichage sur de larges panneaux. Les principales caractéristiques graphiques, en mode tricolore noir, blanc et rouge, renvoient manifestement à l’iconographie des années 1950, ce qu’accentue la nature des objets représentés : un téléviseur cathodique où apparaît un satellite artificiel, un porte-voix et une canalisation de gaz qui diffuse des pièces de monnaie et dont la molette est tournée par une main puissante entourée de poussière. Si le satellite figuré dans la télévision peut ressembler au Spoutnik, il présente également la même forme (une sphère et des antennes émettrices) que des satellites américains de la même époque. Ces représentations d’une modernité des années 1950, si elle peut évoquer la période de la guerre froide, ne donnent, en elles-mêmes, aucune indication sur l’origine ou la nationalité des objets représentés. Le Jury estime que, dans l’esprit du consommateur moyen, cette présentation visuelle n’est pas spécifiquement évocatrice de la Russie et du gaz russe, mais peut instiller l’idée que le gaz est une énergie du passé ou, à tout le moins, moins moderne que les pompes à chaleur.

En tout état de cause, à supposer qu’on identifie dans ces communications une référence directe à la situation géopolitique actuelle et aux difficultés d’approvisionnement en gaz russe, en conséquence du conflit armé résultant de l’invasion de l’Ukraine, le Jury constate que ce sont des pièces de monnaie et non du gaz qui s’échappent de la canalisation que la main s’apprête à fermer. Il n’est donc pas allégué qu’une entité extérieure (comme un dirigeant russe) s’apprêterait à priver la France de l’approvisionnement en gaz dont elle a besoin et que les consommateurs pourraient ainsi se trouver dans l’impossibilité de se chauffer. La main semble être celle du consommateur qui met fin à des dépenses excessives en substituant à son chauffage au gaz, trop dispendieux selon l’annonceur, un système de pompe à chaleur.

Le Jury considère ainsi que la campagne publicitaire ne joue pas sur la peur d’une pénurie de gaz, mais sur la crainte liée à l’augmentation de son tarif et à ses fluctuations à l’avenir, quelles qu’en soient la cause (y compris géopolitique). A cet égard, le « Livre blanc », qui évoque les « récentes tensions internationales », fait état d’une augmentation tarifaire qui pourrait être de 15 %, ce qui confirme que, dans l’esprit de l’annonceur, la fourniture de gaz serait toujours assurée, fût-ce à un prix supérieur.

Le Jury constate en outre que ce « Livre blanc » invite les consommateurs à ne plus dépendre « uniquement » du gaz, plaidant ainsi pour une forme de complémentarité entre l’utilisation de la chaudière au gaz, en particulier pour la production d’eau chaude sanitaire, et celle de la pompe à chaleur, afin d’« optimiser » la consommation de chauffage. Par ailleurs, il comporte de nombreuses explicitations sur les atouts de la pompe à chaleur, comparée à d’autres systèmes de chauffage, dont le chauffage au gaz, dont il n’est pas contestable que le coût est étroitement dépendant des cours du gaz. Le Jury estime que, si cette publication comporte des éléments critiques à l’égard du chauffage au gaz, elle ne le dénigre pas et ne procède pas à une comparaison déloyale.

L’annonce d’une possibilité d’augmentation du prix du gaz de 15 % au 1er janvier 2023 est certes de nature à provoquer une inquiétude dans l’esprit du consommateur. Le Jury constate néanmoins que l’emploi du conditionnel permet d’instaurer une distanciation avec cette annonce plutôt que d’accentuer son effet anxiogène. Au demeurant, il relève que l’information correspond aux éléments diffusés par le gouvernement le 14 septembre 2022 dans sa conférence sur la situation énergétique où la limitation de la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité à 15 % était présentée comme un moyen de pallier la forte hausse attendue sur les prix de l’énergie auprès des ménages et des petites entreprises. Il convient au surplus de relativiser l’impact d’une telle information dans le choix d’investir dans une pompe à chaleur dès lors que cet équipement, en raison de son prix d’acquisition relativement élevé, ne peut être amorti que dans la durée, alors que le prix du gaz peut subir d’importantes fluctuations, à la hausse comme à la baisse, au fil du temps.

Enfin, cette information sur le bouclier tarifaire limitant la hausse du prix du gaz à 15 % ayant été largement relayée dans l’ensemble des médias (https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15944) et intégrée dans le projet de loi de finances pour 2023, le Jury estime qu’elle ne nécessitait aucune explication particulière pour être comprise par le grand public, sans devoir être assortie d’une précision relative au prix de l’électricité (par ailleurs nécessaire au fonctionnement de la pompe à chaleur) – lequel est également soumis au même bouclier tarifaire.

En revanche, le Jury relève que les affiches critiquées comportent la mention « Ne dépendez plus du gaz pour vous chauffer » (et non « Ne dépendez plus uniquement du gaz ») et invitent les consommateurs à opter pour la pompe à chaleur afin d’avoir « l’esprit tranquille ». Le propos consiste donc à convaincre le public d’abandonner purement et simplement le chauffage au gaz, trop onéreux ou, à tout le moins, dont le prix est trop fluctuant, et de recourir à une pompe à chaleur, dont on comprend par contraste qu’elle ne serait pas exposée au même aléa.

Or une pompe à chaleur ne peut fonctionner qu’en étant alimentée par l’électricité. A cet égard, le Jury rappelle, d’une part, que la France est également très dépendante des importations pour la couverture de sa consommation électrique, d’autre part, qu’une partie significative de son électricité est produite grâce au gaz et, enfin, que le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz, les variations de prix du second se répercutant sur celui de la première. Le Jury observe sur ce point que la consommation électrique d’une pompe à chaleur est loin d’être négligeable, puisqu’elle peut représenter en moyenne entre 800 et 1000 euros par an, alors que la consommation annuelle moyenne de gaz est d’environ 1500 euros.

Dans un contexte marqué par de fortes inquiétudes du consommateur quant à son pouvoir d’achat, en particulier au regard du prix de l’énergie, et face à la complexité et à la difficulté de choisir le mode de chauffage le plus adapté à ses besoins, le Jury estime que les annonceurs doivent, dans ce domaine, faire preuve de clarté et d’une particulière vigilance dans le respect du principe général repris à l’article 11 du code ICC, qui interdit de procéder à des comparaisons susceptibles d’induire en erreur le public et prescrit de recourir à des éléments de comparaison appuyés sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement. Ce principe doit être lu en lien avec le principe de loyauté repris à l’article 4 du code ICC, selon lequel « Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération ». Ces exigences ne sont pas respectées par la publicité affichée, le consommateur pouvant penser, à tort, que le choix de la pompe à chaleur le prémunit entièrement des fluctuations des prix de l’énergie qui seraient propres au chauffage au gaz.

Le Jury est donc d’avis que l’affiche critiquée méconnaît les principes généraux repris aux points 4 et 11 du code ICC, et que la plainte n’est pas fondée pour le surplus. Il prend note de la modification à laquelle l’annonceur a rapidement et opportunément procédé s’agissant du slogan afin de mettre en évidence la complémentarité entre les deux modes de production de chauffage.

Avis adopté le 10 février 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicités Mitsubishi Electric