Avis publié le 17 décembre 2025
MICROSOFT – 1087/25
Plainte fondée
Demande de révision rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentantes de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP) lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
- l’avis délibéré ayant été adressé à l’association plaignante, au support de diffusion, ainsi qu’à l’annonceur, lequel a introduit une demande en révision, rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
- La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 septembre 2025, d’une plainte émanant de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités de la société Microsoft, pour promouvoir son offre de logiciels Windows 11.
Les publicités en cause, diffusées sur les écrans d’ordinateurs comportent les textes suivants :
- « Le support de Windows 10 prendra bientôt fin»
- « Que vous passiez à un nouveau PC Windows 11 avec des mises à jour de sécurité continue, ou que vous planifiez toujours vos prochaines étapes, Microsoft fournit des ressources pour faciliter votre transition le plus simplement possible»
- « Restez protégé : préparez-vous à la fin du support de Windows 10 »
- « Si vous êtes prêt à vivre de nouvelles expériences, Microsoft vous recommande de passer à un nouveau PC Windows 11, qui offre des fonctionnalités de sécurité améliorées pour protéger votre vie numérique. Visitez Microsoft.com pour explorer les avantages de Windows 11 et planifier vos prochaines étapes pour être sûr de continuer à recevoir les mises à jour et le support essentiels»
- « Les PC obsolètes exposent votre entreprise à des risques »
- Faites-en plus avec un nouveau PC Windows 11 »
- « Vous voulez profiter du meilleur de Windows 11 ? Passez au niveau supérieur avec les nouveaux Copilot+ PC, les ordinateurs Windows les plus rapides et les plus intelligents jamais conçus »
- Les arguments échangés
– L’association plaignante énonce que, sans avoir été sollicités par les utilisateurs, des ordinateurs fonctionnant sous Windows 10 (y compris certains compatibles avec Windows 11) affichent régulièrement en plein écran des fenêtres à caractère a priori informatif, mais les incitant à changer d’équipement.
Elle indique que, par exemple, le 11 septembre 2025, un ordinateur Lenovo affichait en plein écran une fenêtre indiquant : « Le support de Windows 10 prendra bientôt fin », avec un texte s’affichant : « Que vous passiez à un nouveau PC Windows 11 avec des mises à jour de sécurité continue, ou que vous planifiez toujours vos prochaines étapes, Microsoft fournit des ressources pour faciliter votre transition le plus simplement possible ».
Le 30 juin 2025, le même ordinateur affichait une fenêtre indiquant « Restez protégé : préparez-vous à la fin du support de Windows 10 ». Après une courte remise en contexte rappelant la fin des mises à jour gratuites de Windows 10 prévue pour le 14 octobre 2025 par Microsoft, le message était le suivant : « Si vous êtes prêt à vivre de nouvelles expériences, Microsoft vous recommande de passer à un nouveau PC Windows 11, qui offre des fonctionnalités de sécurité améliorées pour protéger votre vie numérique. Visitez Microsoft.com pour explorer les avantages de Windows 11 et planifier vos prochaines étapes pour être sûr de continuer à recevoir les mises à jour et le support essentiels ».
Selon l’association, ce message, qui pourrait avoir un caractère uniquement informationnel, oriente l’utilisateur vers l’acquisition d’un nouvel ordinateur car le lien vers lequel renvoie le bouton « Découvrez Windows 11 » renvoie vers une page promouvant ces nouveaux ordinateurs.
Elle précise que ces communications sont régulièrement diffusées depuis des fenêtres similaires, toujours sans sollicitation de la part de l’utilisateur, depuis le mois de janvier 2025, parfois en mettant en avant des arguments sécuritaires : « Les PC obsolètes exposent votre entreprise à des risques », ou encore suscitant la désirabilité technique des nouveaux ordinateurs : « Faites-en plus avec un nouveau PC Windows 11 ».
Cette dernière publicité mentionne explicitement les ordinateurs Copilot+, dans le paragraphe suivant : « Vous voulez profiter du meilleur de Windows 11 ? Passez au niveau supérieur avec les nouveaux Copilot+ PC, les ordinateurs Windows les plus rapides et les plus intelligents jamais conçus ».
L’association estime que ces publicités jouent sur des ressorts insidieux pour faire croire à l’utilisateur que l’achat d’un nouveau PC Windows est la seule option qui s’offre à lui, alors que le PC en cours d’utilisation est encore fonctionnel.
Elle fait valoir que ce moyen de promotion semble contrevenir à la section « Identification » de la Recommandation « Communication publicitaire numérique » V5 de l’ARPP car les messages affichés dans ces publicités prennent en effet d’abord l’apparence d’un message informationnel, voire d’une alerte sur la sécurité de l’ordinateur.
Par ailleurs, cette campagne semble enfreindre la section 1.1.b/ de la Recommandation « Développement Durable » V3 de l’ARPP. Cette section rejoint l’article 50 de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui dispose que « Toute publicité ou action de communication commerciale visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage. / Est interdite toute publicité ou action de communication commerciale incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou réutilisation. »
Par les publicités signalées, Microsoft encourage le remplacement prématuré d’équipements en état de fonctionnement, en jouant sur des arguments sécuritaires pouvant être anxiogènes pour des utilisateurs non avertis (“Restez protégé”, “Les PC obsolètes exposent votre entreprise à des risques”, “menaces de sécurité”).
L’absence de mention par Microsoft dans certaines communications des alternatives telles que l’installation d’un système d’exploitation libre, ou la souscription à l’Extended Security Update laisse penser que le renouvellement de l’équipement non compatible avec Windows 11 est l’unique option.
Certaines de ces communications sous-entendent donc que les ordinateurs non compatibles avec Windows 11 ne seront plus fonctionnels passé le 14 octobre 2025, malgré l’existence de l’Extended Security Update : programme permettant l’extension des mises à jour de sécurité jusqu’en octobre 2026.
Elles ne comportent par ailleurs aucune mention du réemploi, de la réparation ou du recyclage des équipements.
Par ces publicités, Microsoft semble ainsi, selon l’association, encourager le renouvellement accéléré des équipements, et donc un comportement de surconsommation, ne respectant pas la logique d’économie circulaire recommandée par l’ARPP et les pouvoirs publics, la firme paraissant utiliser les ressorts de l’obsolescence marketing, incitant au renouvellement prématuré d’objets fonctionnels, malgré les impacts sociaux et environnementaux délétères.
Sur ce point, l’association plaignante rappelle que plus de 90% de l’impact environnemental des ordinateurs est généré à leur fabrication (Ademe) et fait valoir que pousser à leur renouvellement prématuré, en plus de produire des déchets évitables, en accélère le rythme de production de telle sorte que la décision de Microsoft de mettre fin aux mises à jour gratuites du système d’exploitation de Windows 10, conjointement à sa campagne publicitaire axée sur l’incitation à l’achat de nouveaux ordinateurs Windows 11, pourrait être à l’origine de la mise au rebut de jusqu’à 400 millions d’ordinateurs dans le monde, soit 72 millions de tonnes de CO2 émis.
L’association HOP appelle à l’interruption de cette campagne publicitaire. Elle demande par ailleurs la diffusion par Microsoft, sur tous les équipements concernés, d’un message informatif à propos des alternatives au renouvellement des ordinateurs non compatibles avec Windows 11, mentionnant la possibilité de passage à des logiciels d’exploitation tiers.
L’association ajoute que Microsoft a récemment annoncé permettre aux utilisateurs de Licences Famille de Windows 10 un sursis d’un an à la condition de se connecter à un compte Microsoft sur leur ordinateur (ESU). Cette annonce a d’abord été faite de manière relativement confidentielle, et a été ajoutée très récemment sur la page internet dédiée aux Extensions de mises à jour sur le site de Microsoft.HOP attend de Microsoft qu’elle transmette une information transparente et lisible concernant l’existence de l’ESU, et sa gratuité, à tous les consommateurs et entités concernés.
Il incombe également à Microsoft d’indiquer clairement que des possibilités de réemploi, de réutilisation et de reconditionnement existent en France, et que les ordinateurs opérant sous Windows 10 peuvent parfaitement fonctionner sous d’autres logiciels.
– La société Microsoft a été informée, par courriel du 23 septembre 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle n’a pas présenté d’observations.
- L’analyse du Jury
L’association plaignante critique la publicité selon deux axes, le premier axe porte sur la question de l’identification de cette communication numérique en tant que publicité, le second axe porte sur la compatibilité du message avec les préconisations en matière de développement durable.
4.1 Conformité aux règles déontologiques en matière de communication numérique :
La Recommandation « Communication publicitaire numérique » prévoit, en son point 1 (Identification) que :
« 1.1 L’identification de la publicité.
La publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente.
Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message.
On distinguera deux cas de figure :
a/ cas où le caractère publicitaire du message est manifeste, que ce soit par le recours à un format publicitaire usuellement utilisé par la profession ou bien par le contenu du message. Il n’est alors pas nécessaire de prévoir d’éléments supplémentaires d’identification.
b/ cas où le caractère publicitaire du message ne se manifeste pas clairement :
b1 – Il est alors recommandé d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier la publicité comme telle. Lorsque le message est diffusé au milieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté de manière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément. Cette indication doit être lisible ou audible, et intelligible.
b2 – Lorsque le mode de communication employé est, par nature, incompatible avec une identification instantanée du caractère publicitaire, cette identification sera mise en œuvre conformément aux recommandations décrites dans la grille d’interprétation figurant en annexe.
Les présentations publicitaires de nature à créer une confusion chez le public quant à la nature du message reçu sont à proscrire (ex. : par imitation du graphisme de messages non publicitaires émanant de logiciels installés sur un ordinateur).
Et le Code ICC sur la publicité et la communication commerciale, prévoit :
- En son article 4 – Honnêteté, que :
« Les communications commerciales doivent être structurées de manière à ne pas profiter de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter leur inexpérience ou leur compréhension limitée. Les facteurs pertinents susceptibles d’influer sur les décisions des consommateurs doivent être communiqués d’une manière et à un moment qui leur permettent de les prendre en considération de manière efficace.
Les tactiques de marketing à haute pression qui pourraient être interprétées comme du harcèlement ou entraver le choix du consommateur ne devraient pas être utilisées. »
- En son article 7 – Identification et transparence, que :
« Les communications commerciales, quel que soit leur format ou leur support, doivent être facilement identifiables, ce qui permet aux consommateurs de distinguer clairement le contenu commercial du contenu non commercial.
Les mentions d’identification doivent être bien visibles, claires, facilement lisibles et figurer à proximité immédiate du message publicitaire, à un endroit où elles ne risquent pas d’être négligées par les consommateurs.
Les communications commerciales doivent être transparentes quant à leur véritable objectif commercial et ne pas le dénaturer. Ainsi, une communication promouvant la vente de biens ou la fourniture d’un service ne doit pas être déguisée, par exemple sous la forme d’informations, d’articles rédactionnels, d’études de marché, d’enquêtes auprès des consommateurs, d’avis de consommateurs, de contenu généré par les utilisateurs, de blogs privés, de messages privés sur les médias sociaux ou d’avis indépendants, etc.
Dans le cas d’un contenu mixte, par exemple avec des actualités, des articles rédactionnels ou des médias sociaux, l’élément de communication commerciale doit être clairement distingué en tant que tel et sa nature commerciale doit être transparente. Il doit être présenté de telle sorte qu’il soit facilement et immédiatement reconnaissable en tant que communication commerciale et, le cas échéant, étiqueté comme tel. »
Dans la présente affaire, la plainte vise une campagne correspondant à diverses communications s’affichant directement et spontanément sur les postes d’ordinateur équipé d’un système d’exploitation de la société Microsoft.
Le Jury constate sur l’une de ces communications que celle-ci se présente, au premier abord, comme de nature purement informationnelle puisqu’elle propose, en accroche liminaire :
« Fin du support de Windows 10, Windows 8.1 et Windows 7
Cette page contient les informations, les outils et les astuces dont vous avez besoin pour passer facilement de Windows 10, Windows 8.1 et Windows 7 à Windows 11. »
La page renseigne ensuite sur la date de fin du « support de Windows 10 » puis développe une comparaison entre ce dernier et le nouveau « Windows 11 » puis invite le lecteur : « Découvrez les nouvelles fonctionnalités de Windows et faites-vous aider pour choisir l’ordinateur le plus adapté à vos besoins. »
La page poursuit en proposant « d’en savoir plus sur la sécurité sous Windows 11 », avant d’offrir au lecteur : « Comment choisir un ordinateur portable » puis, de l’interroger directement, dans une question qui s’apparente à une injonction d’achat de ce nouvel équipement : « Prêt pour un nouveau PC ? ».
La page développe ensuite une sorte de tutoriel en cas de changement d’ordinateur (transfert des données, recyclage, échange…) avant d’inviter plus concrètement le lecteur à « trouver son PC sous Windows 11 » avec des liens vers des sites de revendeurs. Un guide d’achat renvoie d’ailleurs sur autre page de l’annonceur sur lequel apparaissent trois ordinateurs portables Copilot + PC, commercialisés par celui-ci.
En bas de la page, après une foire aux questions techniques, un encart propose à nouveau des « conseils et astuces pour Windows 11 » et une « aide et support de Windows / Recevez des procédures faciles à suivre pour installer et mettre à jour des programmes, vous connecter aux réseaux, résoudre des problèmes et plus encore ».
Au total, il en ressort que cette page qui est diffusée spontanément par la société à ses clients dont les postes sont équipés de son système d’information, tout en se présentant au premier abord comme ayant un contenu purement informatif, et même technique avec des modes d’emploi, et ce, en jouant ainsi sur la confiance établie avec ces derniers, répond bien en réalité à une démarche commerciale à la fois pour promouvoir la marque (« Bénéficiez d’une sécurité renforcée, d’une meilleure productivité, de nouvelles fonctionnalités innovantes…» ; « découvrez les fonctionnalités exceptionnelles de Windows 11 » ; « c’est une nouvelle ère pour la sécurité ») mais aussi pour vendre des ordinateurs équipés du système d’exploitation de la marque, sans que le caractère publicitaire de cette communication soit clairement identifiée sur ce second versant.
En outre la page de l’annonceur, visée par la plainte, mêle l’ensemble des informations à la fois techniques et commerciales qui sont présentées tour à tour sur un même plan, ce qui concourt à entretenir la confusion chez le lecteur moyennement attentif, non seulement sur le statut des informations qui lui sont données, mais aussi sur la réponse à y apporter, l’ensemble suggérant largement un renouvellement du matériel parallèlement à l’arrivée de ce nouveau système d’exploitation, sans que le consommateur normalement éclairé ne discerne immédiatement le caractère non impératif de cette injonction.
Cette communication n’est donc pas conforme à la Recommandation « Communication publicitaire numérique », ainsi qu’aux dispositions du Code ICC, précitées qui exigent une identification non équivoque du caractère publicitaire de cette dernière.
4.2 Conformité aux règles déontologiques en matière de développement durable :
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, aux termes mêmes de cette dernière, « a vocation à s’appliquer à toutes publicités utilisant :
- une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence ;
- un argument faisant référence au développement durable ;
- un argument écologique, en renvoyant ou non au concept du développement durable ;
- un argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable. »
Et la Recommandation prévoit :
- au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1) :
« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
(…)
b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire. A ce titre, elle ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage.
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
Le Jury relève que la page internet de l’annonceur, déjà décrite, incite, par l’association qu’elle entretient entre Windows 11 et la nécessaire acquisition d’un nouvel équipement, à remplacer son ordinateur à l’occasion du passage à ce nouveau système d’exploitation.
C’est ainsi que la société Microsoft invite d’un côté, à rechercher un nouvel ordinateur compatible avec son nouveau produit (« Si votre PC ne peut pas être mis à niveau vers Windows 11 ou si vous êtes prêt à acheter un nouvel ordinateur, voici quelques étapes que vous pouvez suivre pour vous aider à vous préparer. » et, surtout : « Trouvez votre PC Windows 11 ») et, de l’autre, à se débarrasser de son équipement actuel (« échangez ou recyclez votre PC »).
Or le message n’est pas parfaitement clair en lui-même sur la possibilité de conserver son ancien matériel avec ce nouveau système d’exploitation dès lors que les conditions techniques minimales exigées de l’ordinateur pour être compatible avec Windows 11 ne sont consultables que par le biais de la foire aux questions et en cliquant sur un lien proposé en réponse à la question suivante : « Puis-je changer mon matériel pour que l’appareil réponde à la configuration minimale requise pour Windows 11 ? », laquelle question présuppose que l’on souhaite renouveler son équipement alors même qu’il est peut-être tout à fait compatible avec Windows 11, d’une part, que le consommateur pourrait aussi choisir de changer de système d’exploitation, d’autre part.
Au total, sous couvert de présenter un nouveau système d’exploitation et d’informer ses propres clients, l’annonceur incite fortement à la mise au rebut d’un produit alors que celui-ci fonctionne encore et qu’il demeure utilisable : en ce sens, la publicité incite indirectement à un mode de consommation qui peut paraître excessif.
En conséquence, le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît donc également les dispositions précitées de la Recommandation « Développement durable ».
Avis adopté le 10 octobre 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.
DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE
I) Instruction
Le Jury de Déontologie Publicitaire (ci-après « le Jury » ou « le JDP ») est saisi, le 11 septembre 2025, d’une plainte par laquelle l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (ci-après « l’association », « la plaignante » ou « HOP »), lui demande de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de plusieurs publicités de la société Microsoft (ci-après « l’annonceur » ou »Microsoft » ou « la société »), pour promouvoir l’offre de logiciels Windows 11 de cette dernière.
Les publicités en cause, diffusées sur les écrans d’ordinateurs comportent les textes suivants :
- « Le support de Windows 10 prendra bientôt fin»
- « Que vous passiez à un nouveau PC Windows 11 avec des mises à jour de sécurité continue, ou que vous planifiez toujours vos prochaines étapes, Microsoft fournit des ressources pour faciliter votre transition le plus simplement possible»
- « Restez protégé : préparez-vous à la fin du support de Windows 10 »
- « Si vous êtes prêt à vivre de nouvelles expériences, Microsoft vous recommande de passer à un nouveau PC Windows 11, qui offre des fonctionnalités de sécurité améliorées pour protéger votre vie numérique. Visitez Microsoft.com pour explorer les avantages de Windows 11 et planifier vos prochaines étapes pour être sûr de continuer à recevoir les mises à jour et le support essentiels»
- « Les PC obsolètes exposent votre entreprise à des risques »
- Faites-en plus avec un nouveau PC Windows 11 »
- « Vous voulez profiter du meilleur de Windows 11 ? Passez au niveau supérieur avec les nouveaux Copilot+ PC, les ordinateurs Windows les plus rapides et les plus intelligents jamais conçus ».
Par un avis provisoire délibéré le 10 octobre, le Jury expose en quoi la publicité en cause méconnait plusieurs dispositions en vigueur (Code ICC sur la publicité et la communication commerciale ; Recommandation Communication publicitaire numérique de l’ARPP ; Recommandation Développement durable de l’ARPP).
Dans les délais requis, cet avis fait l’objet, de la part de l’annonceur, d’une demande en Révision.
Le Réviseur se rapproche alors de la Présidente et du vice-Président du Jury, sous la présidence desquels a été adopté l’avis provisoire, et il procède avec eux à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels est fondé cet avis.
Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision de Microsoft.
II) Discussion
Cette demande est fondée, d’abord sur une question de procédure, ensuite sur une critique (au sens de l’Art. 22-1 du Règlement intérieur du JDP) au fond de l’avis provisoire.
A) Procédure
Sur ce point, Microsoft soutient d’abord qu’il « n’avait pas eu préalablement connaissance du courrier du JDP daté du 17 septembre 2025, lequel comprenait une copie de la plainte datée du 11 septembre 2025 (la « Plainte ») émanant de l’association Halte à l’Obsolescence Programme (HOP) (la « Plaignante ») et invitant Microsoft à soumettre ses observations écrites et à être entendue lors d’une séance du JDP. »
« Ce n’est qu’à la réception de l’Avis provisoire rendu par le JDP, le 15 octobre 2025, que Microsoft a pris connaissance de la procédure engagée à son encontre et du contenu de la Plainte à son encontre ».
En conséquence, poursuit l’annonceur, « Microsoft n’a pas été en mesure de présenter sa position au JDP, aussi bien concernant les faits que l’interprétation et l’application correctes à donner aux règles déontologiques de l’ARPP et de l’ICC en question dans la présente affaire ».
L’annonceur en conclut que « la présente Demande de révision constitue ainsi la première occasion pour Microsoft de présenter ses observations au JDP. En demandant au JDP de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause, le Réviseur s’assurera que Microsoft puisse présenter sa position de manière complète et que celle-ci soit dûment prise en considération par le JDP.
Par suite, la question se pose ainsi :
- soit Microsoft établit qu’elle n’a effectivement pas été en mesure de présenter au Jury ses observations lors du premier examen de l’affaire, et elle est recevable, au titre de la Révision, à les développer lors d’une seconde délibération décidée par le Réviseur ;
- soit ce défaut de communication dont se plaint Microsoft n’est pas établi, et la demande de Révision doit alors être écartée, au bénéfice de l’Art. 22.1 – 2° du Règlement du JDP qui permet au Réviseur de la Déontologie Publicitaire d’« écarter les arguments, faits ou circonstances qui sont soulevés pour la première fois au soutien de la demande de Révision, mais qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale. »
1) au soutien de ses allégations, Microsoft allègue qu’elle « s’est alors immédiatement rapprochée de son prestataire de services en charge de la gestion de son courrier, et ses vérifications lui ont notamment permis de retrouver ledit courrier du JDP daté du 17 septembre 2025, lequel n’avait pas été adressé au service compétent chez Microsoft et était demeuré non traité ».
A l’appui de ces affirmations, Microsoft ne fournit ni précision ni justification. Elle n’établit notamment pas en quoi, ni pourquoi, ni par qui, ledit courrier était « demeuré non traité ».
Face à tant de flou, le Réviseur a demandé au Secrétariat du JDP de lui produire l’ensemble des pièces du dossier – de l’examen approfondi desquelles ressortent les conclusions suivantes.
a) le courrier dont Microsoft prétend n’avoir pas eu « connaissance » lui a d’abord été envoyé, par courriel, le 15 septembre 2025 (à 10 h 58), courriel adressé à l’adresse électronique suivante : MmeL@microsoft.com.
Cette collaboratrice de Microsoft avait été identifiée par le secrétariat du Jury, à partir de la plateforme de prospection qu’utilisent la plupart des professionnels de la communication et des médias ; Mme L. figure dans ce document sous sa qualité d’Assistante à la Direction générale.
A ce titre, elle est apparue au Jury comme étant en mesure de transmettre au service « compétent » de Microsoft un courrier, signé par la Présidente du JDP et mettant en cause une publicité de son employeur.
Ce choix, dans les circonstances de l’espèce, n’apparait pas critiquable et n’est d’ailleurs pas contesté par l’annonceur dans sa demande de Révision.
b) quoi qu’il en soit, le secrétariat du Jury, par surcroit de sécurité, a estimé utile et prudent de doubler son courriel du 15 septembre par une LRAR (dématérialisée) en date du 17 septembre.
Cette LRAR (22 pages au total) contient notamment :
- une copie du courriel du 15 septembre ;
- la plainte dirigée contre la publicité Microsoft en cause ;
- les visuels de la publicité Microsoft qui sont critiqués par la plainte.
Enfin, et pour accroitre les chances de cette LRAR d’être prise en compte chez Microsoft, ce second envoi a été volontairement adressée à un autre destinataire : le Service Juridique de la société.
Microsoft était en outre informée, par le même courrier postal, que l’affaire serait examinée par le JDP lors de sa séance du 10 octobre ; elle était donc, contrairement à ce qu’elle allègue en Révision, parfaitement « en mesure de présenter au Jury ses observations lors du premier examen de l’affaire ».
Cette LRAR du Jury a fait l’objet d’un Avis de réception délivré par La Poste (communiqué au Réviseur), qui établit, sans contestation, qu’elle a été « distribuée » le 19 septembre.
Des divers éléments ci-dessus, il ressort que, si défaut de « connaissance » de la plainte dirigée contre sa publicité il y a eu chez Microsoft, ce défaut ne peut en aucune manière être imputé au JDP (ni à son secrétariat) – lequel a multiplié les précautions dans sa communication – mais s’expliquerait plutôt par certaines carences d’organisation chez l’annonceur ou chez « son prestataire de services en charge de la gestion de son courrier » qui est mis en cause dans le mémoire de Révision.
c) Bien que toujours sans nouvelles de l’annonceur, le Jury a entendu offrir à Microsoft une chance supplémentaire de présenter ses observations ainsi que de participer à la séance du JDP où l’affaire serait traitée.
C’est l’objet d’un nouveau courriel, en date du 1er Octobre 2025, adressé à nouveau à Mme L., et comportant en pièces jointes une nouvelle copie de la plainte et la reproduction des messages publicitaires de Microsoft faisant l’objet de ladite plainte.
Des divers éléments du dossier, il ressort que, dans les circonstances de l’espèce, l’annonceur ne peut se prévaloir de la procédure de Révision pour présenter « pour la première fois » au JDP des « arguments, faits ou circonstances qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale. » (Art. 22.1 – 2° du Règlement du JDP).
Un tel détournement de la procédure de Révision aurait notamment pour effet néfaste de retarder, sans réelles justifications, l’émission de l’avis du Jury et sa publication. Le recours en Révision de Microsoft doit donc être écarté comme irrecevable.
III) Conclusion
Des analyses qui précèdent il résulte que :
- la demande de Révision de la société Microsoft est irrecevable ;
- elle sera toutefois mentionnée dans la rédaction finale de l’avis du Jury.
Il n’y a donc pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.
Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’avis contesté, sauf :
- pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
- pour y adjoindre en annexe la présente réponse du Réviseur.
Dès lors et pour conclure, l’avis ainsi complété (pour mentionner la demande en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié sur le site du JDP – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de Microsoft.
Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la Déontologie Publicitaire





