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Plainte non fondée après révision

Avis publié le 11 mars 2024
LG – 977 / 23
Plainte non fondée après révision

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants des sociétés LG Electronics France et BFM, lors de da la séance tenue, le 8 décembre 2023, sous la forme d’une visioconférence,
  • l’avis provisoire délibéré ayant été adressé à la société LG et au plaignant, lequel a introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 du règlement intérieur du Jury ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes concernées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 8 mars 2024, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants de la société LG et, du groupe Altice ainsi que le plaignant,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues au même article 22,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 octobre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société LG Electronics France pour promouvoir son offre d’aspirateurs de la marque LG CordZero.

La vidéo publicitaire en cause, diffusée sur Internet, débute par plusieurs séquences mettant en scène un enfant qui renverse des croquettes sur le sol, suivi d’un chien qui les mange, puis une jeune fille qui danse en sautant sur un lit, un téléphone à la main, et une femme qui détache une étagère d’un mur et la jette au sol, ces situations permettant à chaque fois d’illustrer l’utilisation efficace de l’aspirateur.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité met en avant des comportements méconnaissant le point 1 de la Recommandation « Développement durable » sur les impacts citoyens, en ce qu’ils seraient contraires :

  • à la lutte contre le gaspillage alimentaire : en l’occurrence des croquettes pour chien qui sont dispersées au sol en grande quantité ou versées à côté de la gamelle du chien, de façon intentionnelle par un garçon, puis aspirées et jetées – la dispersion des croquettes et le passage de l’aspirateur étant présentés comme une activité ludique pour l’enfant ;
  • à l’impératif de prolonger la durée de vie des objets pour réduire la consommation de matières premières, les déchets, les pollutions associées : l’étagère qui semble en bon état et qui est jetée violemment au sol et cassée par une femme, alors qu’il conviendrait d’en prendre soin et de lui offrir une seconde vie.

La société LG Electronics France a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 novembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société affirme, en premier lieu, son engagement à respecter les Recommandations de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et à collaborer, le cas échéant, avec celle-ci dans le cadre de la diffusion de ses publicités. Elle indique à cet égard que l’ARPP avait été sollicitée dans le cadre de l’élaboration de la vidéo publicitaire objet de la plainte par son agence de publicité 87 secondes, dans le cadre de la mission de conseils en cours de conception de campagne prévus à l’article 6.1 du règlement intérieur de l’ARPP.

Le message publicitaire en cause vise, selon l’annonceur, à ajouter du dynamisme et un caractère ludique à des tâches ménagères quotidiennes nécessaires mais fastidieuses et qui plus est chronophages lorsqu’il faut répondre des désordres accrus qu’ont tendance à provoquer la maladresse des enfants et des animaux de compagnie.

Cette campagne fait la promotion de l’aspirateur balai LG dont elle valorise les différentes caractéristiques et notamment la puissance et la facilité d’usage du produit à travers une sélection de scènes domestiques qui met en avant la facilité d’utilisation du produit – que les utilisateurs soient propriétaires de maison, parents ou encore propriétaires d’animaux de compagnie – en les aidant à conserver facilement un intérieur propre et sans débris.

Ainsi, selon l’annonceur, la puissance de l’aspirateur est démontrée par l’aspiration de débris de grande taille, illustrés par les croquettes, ou de poussières en grandes quantités apparaissant notamment lors de travaux dans la maison., la communication étant axée sur une technologie qui comprime la saleté dans le bac, ce qui permet de le vider moins souvent.

La société souligne en premier lieu que l’objet de la publicité n’est pas de communiquer sur les vertus écologiques de cet aspirateur, ni de faire valoir que l’aspirateur permet de lutter contre le gaspillage alimentaire ou la réduction de matières premières et les déchets.

Si le plaignant fait état d’allégations environnementales, l’annonceur considère qu’il n’en est rien dans la publicité qui met simplement en avant des fonctionnalités de l’aspirateur LG permettant de réaliser efficacement et rapidement des tâches ménagères ingrates. Il n’y a donc aucun argument écologique, mais un argument fonctionnel, présenté avec légèreté, qui s’adresse aux foyers souhaitant limiter le temps passé sur les tâches ménagères quotidiennes.

En l’absence d’autres allégations susceptibles de justifier l’applicabilité de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, LG Electronics France invite le Jury de Déontologie Publicitaire à conclure que la publicité en cause ne crée pas de lien, explicite ou implicite, entre l’utilisation d’un aspirateur LG, et les objectifs du développement durable, ni aucun argument faisant référence à l’économie circulaire, ni aucun argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable. Par conséquent, cette publicité ne relève pas du champ d’application de la Recommandation « Développement durable ».

En second lieu, l’annonceur soutient que la publicité ne prône pas le gaspillage mais bien uniquement la correction de petites bêtises enfantines du quotidien à destination de leurs parents. Cette publicité ne valorise pas des pratiques contraires aux objectifs du développement durable car elle n’adopte aucun jugement de valeur ou minimisation de l’importance du recyclage ou du réemploi. Contrairement à ce qui est indiqué dans la plainte, la vidéo ne fournit pas d’indication sur la mise au rebus ni des croquettes, ni de l’étagère.

En l’espèce, selon l’annonceur, il ressort uniquement de l’interprétation du plaignant que l’enfant verse intentionnellement les croquettes à côté de la gamelle et en disperse sur le chemin. L’enfant souhaitant participer aux tâches ménagères rendues ludiques par le produit mis en avant, souhaite aider à la nourriture du chien et malencontreusement commet des bêtises d’enfant qu’il est encouragé à réparer lui-même par la facilité d’emploi du produit. L’annonceur insiste pour rappeler qu’il s’agit là du comportement d’un enfant, et non d’un adulte, et fait en outre observer que la publicité n’est pas spécialement à destination des enfants, tant par la nature du produit, que par le canal de diffusion à savoir une vignette publicitaire de la page internet BFMTV, site d’actualités, et la page YouTube de LG.

L’annonceur ajoute que, selon lui, seule la plainte retient qu’aucune seconde vie n’est offerte à l’étagère qui semble en bon état : il n’y a, selon lui, aucune contre-indication à la réutilisation ou au réemploi de l’étagère qui serait induite par le message publicitaire.

La société LG Electronics France considère donc que la publicité en cause ne méconnaît pas les règles précitées.

Enfin, cette société affirme n’avoir jamais eu l’intention de ne pas respecter, le cas échéant, les Recommandations et réitère son engagement à suivre les conseils qui lui seront donnés lors des prochaines campagnes. Elle s’engage à accroître sa vigilance, dans le contexte des contenus promotionnels à venir, sur la sensibilité des consommateurs pour les sujets de l’économie circulaire et de la sobriété énergétique, en dehors de toute campagne écologique pour ne pas méprendre quant à l’éthique de la société LG Electronics.

Lors de la séance du Jury, les représentants de l’annonceur ont confirmé cette argumentation.

La société BFM, qui a diffusé la vidéo, a également été informée de la plainte et de son examen par le Jury.

 

Elle explique que la publicité a été diffusée sur le site BFMTV.com dans le cadre d’une campagne gérée directement par le partenaire de la régie, la plateforme TEADS, spécialisée dans la publicité vidéo en ligne, pour le compte de l’annonceur LG Electronics via l’agence HS Ads. La campagne s’est déroulée du 31 août au 22 septembre 2023.

Selon la société BFM, la publicité concernée ne contrevient pas au cadre déontologique fixé par l’ARPP :

  • Les scènes présentées dans la publicité dépeignent des situations domestiques et quotidiennes. A aucun moment, elles ne cherchent à promouvoir des pratiques contraires aux objectifs du développement durable.
  • La vidéo incriminée semble délibérément présenter de manière caricaturale des actions quotidiennes, avec des scènes ludiques et humoristiques mettant en avant des protagonistes créant “le désordre” et la “pagaille”.
  • La première séquence incriminée met en scène un enfant faisant tomber des croquettes pour chien, sans intention délibérée de disperser les croquettes. Les croquettes sur le sol ne sont pas excessivement présentes, et le but était simplement de montrer la capacité de l’aspirateur et en aucun cas, d’encourager les consommateurs au gaspillage.
  • La deuxième séquence incriminée n’a pas non plus pour but d’encourager un mode de consommation excessif, mais exclusivement de mettre en avant l’efficacité et la puissance de l’aspirateur. Par ailleurs, il convient de noter que la séquence ne permet pas de préjuger de la qualité ni de l’état de l’étagère.

En tout état de cause, Altice Media Adds and Connect indique mettre un point d’honneur à respecter les recommandations de l’ARPP, ce qu’elle a réaffirmé lors de la séance du jury.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été informée des observations transmises par la société LG Electronics au Jury dans ce dossier, lesquelles mentionnent l’existence d’un conseil préalable portant sur la vidéo publicitaire objet de la plainte, l’annonceur ayant en effet déclaré : « l’ARPP avait été sollicitée dans le cadre de l’élaboration de la vidéo publicitaire objet de la présente plainte par notre agence de publicité “87 secondes”, dans le cadre de la mission de conseils en cours de conception de campagne ».

En tant que membre de l’ARPP, l’agence de communication 87 secondes soumet en effet régulièrement pour conseil, des projets de publicité en faveur de ses différents annonceurs.

C’est à ce titre que l’Autorité a été sollicitée à plusieurs reprises, au cours de l’année 2023, concernant des campagnes en faveur d’appareils électroménagers de marque LG, essentiellement pour une diffusion en télévision, étant précisé que la société LG Electronics ne fait pas partie, elle-même, des adhérents de l’ARPP et ne peut à ce titre l’interroger directement.

Lors des échanges avec l’agence 87 Secondes, l’ARPP a ainsi été amenée à rappeler le respect des dispositions de la Recommandation « Développement durable ». De manière générale, les professionnels de la publicité sont particulièrement alertés sur la bonne application des règles encadrant les communications ayant recours à des allégations environnementales.

En revanche, l’ARPP n’a pas précisément délivré d’avis préalable favorable concernant le film publicitaire en cause.

4. L’avis provisoire du Jury

Dans son avis délibéré le 8 décembre 2023, le Jury a estimé que la publicité litigieuse n’incitait pas à des modes de consommation non compatibles avec le développement durable, ni ne cautionnait des agissements manifestement inconséquents à cet égard, pour en conclure que la Recommandation « Développement durable » n’avait pas vocation à s’appliquer et écarter la plainte.

5. Les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

I) Instruction

Le Jury de Déontologie Publicitaire (ci-après “le Jury” ou “le JDP”) est saisi, le 23 octobre 2023, d’une plainte par laquelle un particulier (ci-après “le plaignant”) lui demande de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société LG Electronics France (ci-après “la société” ou “l’annonceur”) pour promouvoir une offre d’aspirateurs de la marque LG CordZero.

La vidéo publicitaire en cause, diffusée sur Internet, se compose de plusieurs séquences mettant en scène un enfant qui renverse des croquettes sur le sol, suivi d’un chien qui les mange, puis une jeune fille qui danse en sautant sur un lit, un téléphone à la main, et une femme qui détache une étagère d’un mur et la jette au sol où cette étagère se brise.

Par un avis provisoire délibéré le 8 décembre, le Jury expose en quoi la Recommandation Développement durable de l’ARPP n’a pas vocation à s’appliquer à cette publicité, d’où il conclut que la plainte n’est pas fondée.

Cet avis fait l’objet, de la part du plaignant, d’une demande en Révision, introduite dans les délais. Cette demande est transmise à l’ARPP, à l’annonceur et au support. Ce dernier (SFR, pour le compte de BFM) en réponse indique n’avoir pas “d’éléments complémentaires à transmettre” ; l’ARPP, de son côté, confirme n’avoir “pas précisément délivré d’avis préalable favorable concernant le film publicitaire en cause” ; quant à l’annonceur, il conclut au rejet de la demande.

Par suite, et conformément au Règlement intérieur du JDP, le Réviseur se rapproche alors du Président du Jury, sous la présidence duquel a été adopté l’avis provisoire, et il procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels est fondé cet avis.

Sur ces bases, le Réviseur demande au Jury (Article 22.2 du Règlement du JDP) de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause, et de modifier son avis provisoire dans le sens des conclusions qui suivent.

II) Discussion

Le plaignant, en Révision, émet, à l’encontre de l’avis provisoire, une “critique sérieuse et légitime” (au sens de l’article 22.1 du règlement). Il soutient notamment que, dans cet avis, “la publicité n’a pas été analysée dans son intégralité et avec suffisamment de minutie par le JDP”.

A) En réponse à cette demande, l’annonceur soulève une sorte d’irrecevabilité, invitant le Réviseur “à écarter les arguments, faits et circonstances présentées par le plaignant car ils sont soulevés au soutien de la demande de Révision dans une forme tout à fait semblable à celle présentée devant le Jury lors de l’examen de la plainte initiale”.

Il ressort en effet de la demande de Révision que le plaignant y reprend assez largement les manquements à la déontologie publicitaire qu’il reproche à la publicité incriminée, manquements qu’il avait dénoncés en premier examen devant le Jury.

De fait, le plaignant, estimant que c’est à tort que le Jury a rejeté sa plainte initiale, est naturellement fondé, pour étayer la “critique sérieuse et légitime de l’avis” provisoire qu’il adresse au Réviseur, à analyser le “sens” de cet avis ainsi que “la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury” (Article 22.1 du Règlement).

Pour ce faire, le plaignant est certes conduit à reprendre plusieurs des faits ou arguments qu’il a développés lors du premier examen, mais il ne s’en tient pas à une simple répétition de sa demande initiale ; il analyse avec précision la réponse qu’a adressée à sa plainte le Jury, et invoque en quoi ce dernier a, selon lui, rendu un avis méconnaissant la déontologie applicable à l’affaire.

Par suite, le Réviseur estime que cette demande ne peut, au cas d’espèce, être analysée comme une simple “répétition indue” des mêmes arguments, faits ou circonstances ; la demande de Révision doit donc être analysée au fond.

B) La demande de Révision, tout comme l’avis, distingue, dans la publicité en litige, deux séquences, où apparaissent deux personnages différents : le garçonnet d’abord, la jeune femme ensuite.

Ces séquences, très courtes, sont d’une brièveté telle qu’elles ont conduit le Réviseur, pour les analyser précisément, à les décortiquer image par image.

1) saynète du garçonnet

Dans son avis, le Jury observe d’abord que “le message publicitaire, tel qu’il résulte de la lecture que peut en faire un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif, ne révèle aucune malice, ni intentionnalité, ni négligence manifeste, dans le renversement des croquettes par le jeune garçon qui paraît âgé d’environ six ans.”

Le Jury poursuit en indiquant que le garçonnet “est représenté comme un enfant qui tente avec sérieux de participer aux tâches ménagères, lesquelles incluent le fait de distribuer, certes maladroitement, les croquettes au chien, puis de passer l’aspirateur, de manière également un peu maladroite.”

Et le Jury de conclure sur ce point : “Rien dans ce comportement ne caractérise une volonté de gaspillage. La publicité ne comporte ainsi aucun élément visuel, sonore ou textuel qui valoriserait ou encouragerait ce type d’agissements et, ainsi, qui ne serait pas compatible avec les objectifs du développement durable.”

En Révision, ces appréciations du Jury figurant dans l’avis provisoire ne sont pas réellement contestées par le plaignant.

Mais ce dernier, en analysant une autre séquence (où “la quasi-totalité des croquettes se retrouve à nouveau éparpillées par terre”), soutient qu’un “consommateur moyen” peut alors comprendre “qu’il s’agit d’un jeu pour l’enfant de répandre les croquettes au sol pour pouvoir utiliser à nouveau l’aspirateur.”

Cette hypothèse de lecture que propose le plaignant ne saute pas aux yeux ; qui plus est, à la supposer établie, elle ne suffit pas, dans les circonstances de l’espèce, à donner à cette séquence un caractère délibérément incitatif au gaspillage : en effet ces actes de l’enfant, qui, si on les analyse méticuleusement, peuvent certes apparaître comme négligeant les règles d’une consommation absolument rigoureuse ou vertueuse, ne sont – ainsi que l’a apprécié à juste titre le Jury – pour autant pas valorisés ou magnifiés en tant que tels ni présentés comme des exemples à imiter.

Le plaignant n’est donc pas fondé, en Révision, à reprocher à l’avis provisoire d’estimer que, dans cette saynète, la publicité en cause ne méconnait pas les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

2) saynète de la jeune femme

L’avis provisoire expose que “s’agissant de l’étagère qui est jetée au sol, la séquence ne permet pas de déterminer l’état du meuble ni la raison qui conduit la jeune femme, manifestement non professionnelle, à l’ôter du mur. Par ailleurs, le film ne montre pas que cette étagère serait mise au rebut. Dans le contexte de promotion des performances de l’aspirateur, cette séquence ne présente pas, à elle seule, des éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable.”

Mais cette séquence où l’on voit la jeune femme, sans justification ni explication, arracher brutalement une étagère fixée au mur pour la jeter au sol sans ménagement, traduit une représentation, gratuite et délibérée, de destruction, voire de saccage, que rien ne relie avec précision à l’utilisation de l’aspirateur promu, sinon que cet ustensile apparaît alors pour avaler les poussières et débris résultant de l’arrachage de l’étagère.

En outre, comme l’indique le plaignant en Révision, “il ne s’agit pas d’un faux mouvement, d’une erreur de manipulation, mais bien d’un geste intentionnel, qui va avoir pour conséquence de projeter des saletés au sol mais surtout de rendre plus incertaine la réutilisation de l’objet.”

Le plaignant est donc fondé à soutenir que cette séquence, pour brève qu’elle soit, peut, dans le contexte de la publicité en cause, être perçue comme (article 1.1. b/ de la Recommandation précitée) incitant au gaspillage par (…) dégradation [d’un produit] alors que [ce produit] fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage”.

De ce point de vue, cette séquence est en outre contraire au “contexte de responsabilité sociale” dans lequel la publicité doit “s’inscrire”, en vertu du point 1 de la même Recommandation.

Au bénéfice de cette seconde délibération par le JDP, le plaignant est donc fondé, en Révision, à demander au Jury de corriger son avis provisoire afin de considérer cette séquence comme contraire aux points 1) et 1.1 b/ de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

III) Conclusion

Au final, et pour toutes les raisons qui précèdent, le Réviseur demande au JDP, au terme de ce second examen de l’affaire en cause :

a) de déclarer recevable la demande de Révision ;

b) sur le fond :

  • de modifier l’avis provisoire afin de déclarer la séquence de “la jeune femme et l’étagère” de la publicité en cause contraire aux points 1 et 1.1. b/ de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;
  • de confirmer les autres appréciations de l’avis provisoire qui ne sont pas contraires à l’alinéa précédent ;
  • de rejeter le surplus de la plainte initiale.

6. Les observations des parties lors de la séance du 8 mars 2024

Ni le plaignant, ni le représentant de l’annonceur, ni le représentant du groupe de média ayant diffusé la publicité n’ont formulé d’observations orales supplémentaires en séance.

7. L’avis définitif du Jury

Le Jury rappelle que le préambule de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP précise son champ d’application en ces termes :

« La présente Recommandation a vocation à s’appliquer à toutes publicités utilisant :

  • une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence ;
  • un argument faisant référence au développement durable ;
  • un argument écologique, en renvoyant ou non au concept du développement durable ;
  • un argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable».

Cette Recommandation dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…)

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire. A ce titre, elle ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage.

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement.

d/ La publicité doit proscrire toute représentation ou évocation de comportement contraire au recyclage des produits ou à leur méthode spécifique de traitement. La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs […]».

Il appartient au Jury de veiller au respect de la Recommandation, en vérifiant si les messages publicitaires, tout en cherchant à susciter un acte d’achat, n’incitent pas à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage, ou cautionnent des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables au regard des objectifs du développement durable.

Le Jury relève que la vidéo publicitaire en cause, diffusée sur Internet, débute par plusieurs séquences mettant en scène un enfant qui renverse des croquettes sur le sol, suivi d’un chien qui les mange, puis une jeune fille qui danse en sautant sur un lit, un téléphone à la main, et enfin une femme qui détache une étagère d’un mur et la jette au sol. Par la suite se succèdent de courtes séquences présentant notamment l’enfant lorsqu’il passe l’aspirateur sur les croquettes, puis en vide le contenu. Une courte séquence permet de penser qu’il vide ce contenu au-dessus de la gamelle qui déborde de croquettes. La vidéo ne montre à aucun moment une poubelle ni aucun lieu de rebut où serait déversé le contenu de l’aspirateur en question.

Le Jury observe que le message publicitaire, tel qu’il résulte de la lecture que peut en faire un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif, ne révèle aucune malice, ni intentionnalité, ni négligence manifeste.

S’agissant du renversement des croquettes par le jeune garçon qui paraît âgé d’environ six ans, celui-ci est représenté comme un enfant qui tente avec sérieux de participer aux tâches ménagères, lesquelles incluent le fait de distribuer, certes maladroitement, les croquettes au chien, puis de passer l’aspirateur, de manière également un peu maladroite. Rien dans ce comportement ne caractérise une volonté de gaspillage.

La publicité ne comporte ainsi aucun élément visuel, sonore ou textuel qui valoriserait ou encouragerait ce type d’agissements et, ainsi, qui ne serait pas compatible avec les objectifs du développement durable.

S’agissant de l’étagère qui est jetée au sol, la jeune femme est présentée avec des gants, de grandes lunettes de protection, et un foulard qui retient ses cheveux ce qui situe son geste dans le contexte particulier d’un grand ménage ou d’un réaménagement de son intérieur. L’arrachage qui suit, très bref à l’image, le confirme puisqu’il produit aussitôt un nuage de poussière qui oblige le personnage à détourner son visage. Par ailleurs, il s’agit non d’un meuble-étagère mais d’un accessoire de décoration fait d’une planche et qui constitue un support assez rudimentaire dans un matériau qui n’est pas du verre. Elle le fait tomber volontairement et il rejoint d’autres planches pour former un petit tas au sol mais sans apparemment la casser, toujours dans un nuage de poussière qui constitue ainsi l’argument principal bien visible à l’image pour utiliser un aspirateur.

Ces éléments sont ainsi de nature à atténuer, d’une part, le caractère délibéré du geste qui s’apparente plus à l’impatience du bricoleur d’un jour qui agit de façon un peu irréfléchie et à sa maladresse, sans intention de détruire pour détruire et, d’autre part, sa portée puisqu’il concerne un bien qui se présente sans valeur véritable, ce qui diminue aussi la perception que le consommateur moyen peut avoir, au regard du critère de durabilité des produits, alors, au surplus, même si l’image est confuse, qu’il n’ y a pas de « casse » véritable mais petit amoncellement de planches au sol dégageant de la poussière. On peut penser que les planches ne sont pas destinées à être jetées ; en tout cas, la séquence n’en dit rien, et on en retient plutôt l’image du désordre, comme dans les autres séquences, et la poussière née de l’action de la jeune femme peu précautionneuse.

Dès lors, le Jury, même s’il ne nie pas le caractère brutal et irréfléchi du geste qui en résulte, comme l’a rappelé le réviseur, estime que ces éléments empêchent de voir dans cette brève saynète qui passe très rapidement comme constituant une incitation au saccage et au gaspillage et donc le non-respect des dispositions de l’article 1.1. b/ de la Recommandation précitée).

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la Recommandation « Développement durable » n’a pas vocation à s’appliquer à cette publicité et que la plainte n’est pas fondée.

Avis adopté le 8 mars 2024, en présence de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire (qui n’a pas pris part au vote), par M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Lucas-Boursier et Thomelin.


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