LA MIE DE PAIN

Affichage

Plainte fondée

Avis publié le 6 mai 2025
LA MIE DE PAIN – 1052/25
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 février 2025, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités, en faveur de la société La Mie de Pain, pour promouvoir son offre de boulangerie.

Les publicités en cause, diffusées par affichage à l’intérieur d’un des points de vente de l’enseigne, montrent :

  • Pour la première, un buste de femme dénudé, cadré en-dessous de la poitrine et au niveau du pubis, lequel est couvert par une fleur de couleur rouge. Au centre de l’image, un cœur rouge apparaît comme peint sur le corps de la femme, laissant apparaître le nombril ;
  • Pour la seconde : un visage de femme de profil, portant des lunettes de soleil noirs. Elle tient un bâton de sucette en forme de cœur de couleur rouge, qu’elle suce ;
  • Pour la dernière, deux femmes debout, portant des robes très courtes, l’une d’elles avec un décolleté très échancré laissant voir ses seins.

Le texte accompagnant ces images est : « La Mie de Pain, une passion gourmande ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant qui est un particulier, a relevé que ces affiches se trouvent dans les toilettes pour femmes ainsi que dans l’espace de restauration.

Il énonce que ces publicités présentent un caractère sexuel flagrant, visible par les adultes comme par les enfants, sans rapport entre le pain ou les viennoiseries. Il estime que la femme y est rabaissée « à l’image d’objet ».

La société La Mie de Pain a été informée, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son représentant explique que le réseau La Mie de Pain existe depuis juillet 1996. Il observe qu’à cette époque, une photo de deux mannequins filles loin d’être dénudées, dans les toilettes des femmes, ne posait de problème à personne et que personne n’y voyait un caractère sexuel, mais plutôt une photo artistique.

Il ajoute que lorsqu’un artiste expose ses œuvres, photographies ou tableaux, dans des salles de restaurant, on ne cherche pas à connaitre le lien entre les œuvres et le restaurant, on admire le travail de l’artiste sans penser à mal : ce n’est que dans ce but que cette photo a été exposée à l’époque.

De même, selon l’annonceur, une femme avec une sucette à la bouche n’a absolument rien de sexuel en faisant remarquer que si cela avait été une enfant, cela n’aurait choqué personne.

Il objecte en outre que, s’agissant de boulangeries, les sucettes sont fréquentes dans ses commerces.

Il reconnait que la dernière affiche est en effet plus « délicate » mais en déclarant à nouveau qu’il y a trente ans, le critère était la beauté de la photo.

L’annonceur en conclut que ces photos ne sont en rien avilissantes, aliénantes ou humiliantes et ne sont pas non plus violentes ni discriminantes. Elles ne sont fondées ni sur la religion ni sur l’origine ethnique ni sur le handicap, etc…

Il informe le jury que, depuis quelques années, les boulangeries La Mie de Pain sont sur un nouveau concept et ces photographies n’en font plus partie car le réseau s’adapte à l’évolution des nouvelles préoccupations des nouvelles générations et ces photographies ne sont pas présentes dans les nouvelles boulangeries.

L’annonceur regrette néanmoins qu’une personne ait été choquée par ces photos.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :

  • en son point 1 (Dignité, Décence) que :
    • « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
    • 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
  • en son point 2, (Stéréotypes), que :
    • « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet
    • 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
    • 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Le Jury relève que la publicité en cause correspond à trois affiches apposées sur les murs d’une boulangerie La mie de pain, destinées à promouvoir la marque et représentant :

  • pour l’une, la photographie en noir et blanc de deux femmes prenant la pose et vêtues de façon assez courte, l’une d’elle portant un décolleté laissant apercevoir, en grande partie, ses seins,
  • pour la seconde, en très grand format et en gros plan, le visage d’une femme portant des lunettes de soleil et posant sa bouche ouverte sur une sucette en forme de cœur,
  • pour la troisième, l’affiche propose une photographie en noir et blanc, cadrée sur le ventre d’une femme nue dont le nombril est habillé d’un cœur rouge et le bas ventre, d’une fleur.

Chacun de ces visuels est accompagné, en surimpression, du nom de la marque et de l’expression : « une passion gourmande ». L’annonceur prend ainsi prétexte de l’ambiguïté du terme (« passion ») pour promouvoir sa marque, par des photographies dont le caractère, sinon sexuel, à tout le moins très sensuel paraît évident.

Le Jury est d’avis que cette utilisation du corps de la femme, à des fins purement publicitaires et sans rapport direct avec le produit vendu, méconnaît les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 11 avril 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicités La Mie de Pain