KUSMI TEA – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 23 septembre 2020
KUSMI TEA – 648/20
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations écrites,
  • après avoir adressé, le 8 juin 2020, aux plaignants ainsi qu’aux représentants de la société Kusmi tea-Orientis, un premier avis concluant au bien-fondé des plaintes, dont cette société a demandé la révision par courrier électronique du 22 juin 2020,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 de son règlement intérieur ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes intéressées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la séance du 10 septembre 2020 tenue par visioconférence, les conclusions de M. Grangé-Cabane, réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que la représentante de Kusmi tea-Orientis,
  • et, après en avoir débattu dans les conditions prévues à l’article 22 de son règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 3 mars 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’un panneau d’affichage numérique sur la vitrine d’un point de vente de la société Kusmi Tea-Orientis.

Le visuel publicitaire en cause montre des paysages de plantations de thé accompagnés de l’image d’un tigre et d’une boîte de thé.

Ces images sont accompagnées des mentions « Un thé pour protéger les tigres sauvages », « Protégez avec nous les tigres sauvages », « Découvrez notre nouvelle recette bio », ou encore « Une plantation éthique et engagée ». La publicité comporte également le logo de l’ONG WWF.

2. La procédure

La société Kusmi Tea-Orientis a, par courrier recommandé avec avis de réception du 9 mars 2020, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Cette affaire qui devait être initialement examinée lors de la séance du 3 avril 2020, a ensuite fait l’objet d’un report compte tenu de la situation liée à la pandémie de Covid-19.

Par un avis n°648/20, délibéré le 15 mai 2020, le Jury de Déontologie Publicitaire a considéré que ces plaintes étaient fondées car les différents visuels en cause méconnaissaient les points 2.1, 2.2 et 6.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

L’avis a été communiqué, le 8 juin 2020, au plaignant et à la société Kusmi tea qui a adressé, le 22 juin 2020, une demande en révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury.

3. Les arguments échangés

Le plaignant relève que la publicité valorise le partenariat signé entre la marque et l’ONG WWF sur un programme de protection des tigres sauvages et d’accompagnement vers des thés plus respectueux de l’environnement et plus éthiques. Le même film publicitaire est disponible sur YouTube, sous le titre « Ensemble, protégeons les tigres sauvages ».

Le plaignant considère que l’argument « Un thé pour protéger les tigres sauvages » est abusif dès lors qu’il ne respecte pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, en n’exprimant pas avec justesse l’action de l’annonceur. Il n’apparaît donc pas proportionné aux actions qu’il mène. La formule « qui contribue à la protection des tigres » aurait été préférable.

– A ce stade de la procédure, la société Kusmi tea-Orientis n’a pas présenté d’observations.

4. La demande de révision

Dans sa demande de révision, la société Kusmi tea-Orientis soutient qu’elle n’a pas pu présenter d’observations en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid 19. Elle conteste en conséquence l’avis rendu par le Jury.

Elle relève que la campagne publicitaire en cause est une communication qui doit être comprise dans sa globalité. Elle est fondée sur son partenariat avec l’ONG WWF.

La mention « Un thé pour protéger les tigres sauvages » est explicitée très précisément sur le site internet de la marque. La publicité en cause mentionne elle-même qu’il s’agit d’un objectif visant à « Doubler la population de tigres sauvages d’ici 2022 » et précise « 1€ reversé pour les tigres sauvages ».

La société indique enfin que cette campagne a pris fin le 18 mars 2020 et n’a pas vocation à être relancée.

5. L’analyse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire

Aux termes de l’examen prévu à l’article 22 du règlement intérieur du Jury, le Réviseur de la déontologie publicitaire a pris la décision suivante :

« La demande de révision adressée au Réviseur de la Déontologie Publicitaire par l’annonceur Kusmi Tea doit être considérée comme recevable au regard du Règlement Intérieur qui régit ce type de recours.

En revanche, son caractère fondé ne parait pas établi.

A) Le demandeur fait valoir que “en raison de la situation du Covid 19“, il n’a “pas pu présenter (au Jury) ses observations lorsqu’il y a été invité“.

Le 9 mars 2020, le secrétariat du JDP a convoqué la société Kusmi Tea à la séance du JDP du 3 avril 2020 au cours de laquelle était prévu l’examen par le Jury de la plainte dirigée contre une publicité de cette marque ; cette convocation transmettait ladite plainte à l’annonceur et invitait ce dernier à produire par écrit tous éléments et arguments utiles (ce conformément à la procédure d’instruction à laquelle recourt traditionnellement le Jury).

Dans sa demande en Révision, Kusmi Tea fait valoir qu’elle n’a pas pu présenter (ses) observations (…) en raison de la situation du Covid 19. Cela est en quelque sorte confirmé par l’Avis critiqué en Révision, lequel mentionne que la société Kusmi Tea n’a pas présenté d’observation.

Près de six mois plus tard, il n’est guère possible d’établir avec certitude la réalité des faits.

Plus précisément, les circonstances exceptionnelles imposées par la lutte contre le virus Covid 19 (le confinement général du pays est entré en vigueur moins d’une semaine après la convocation du JDP) – et notamment les difficultés de communication – n’ont pas forcément permis, dans les relations entre le Jury et toutes les parties impliquées dans cette affaire, que soit pleinement respecté le principe du débat contradictoire. Or celui-ci constitue l’un des traits fondamentaux de la procédure que doit garantir le Jury (voir notamment l’Article 12 du Règlement Intérieur du JDP).

Dans ces conditions, nous vous proposons d’admettre – au bénéfice du doute (en quelque sorte) – que certains des éléments allégués par l’annonceur dans sa demande de révision n’ont pu être portés à la connaissance du JDP quand ce dernier a rendu l’avis qui fait l’objet de la révision ; ces éléments doivent donc être considérés comme des éléments nouveaux, non connus du Jury à la date de son avis (Article 22 §4 du Règlement Intérieur du JDP).

Pour être absolument exhaustif sur cette question de recevabilité, ajoutons qu’il ne parait ni opportun, ni même possible, de faire usage de la disposition de l’article 22-1 du règlement du JDP qui permet au Réviseur d’écarter les arguments, faits ou circonstances qui sont soulevés pour la première fois au soutien de la demande de Révision, mais qui manifestement auraient pu sans difficulté être soumis à l’appréciation du Jury lors de l’examen de la plainte initiale.

En effet :

  • d’une part, les éléments du dossier ne permettent pas de récuser formellement l’affirmation de l’annonceur quand il affirme qu’il n’a pas pu présenter ses observations au Jury (ce pour les raisons rappelées précédemment) ;
  • d’autre part, il est difficile de soutenir que, compte tenu des circonstances exceptionnelles qui prévalaient pendant la période d’instruction, cette réponse de l’annonceur, lors du premier examen devant le Jury, aurait pu se faire “sans difficulté” (condition mentionnée à l’art. 22-1 précité).

De tout ce qui précède il résulte donc qu’il paraît opportun, dans les circonstances exceptionnelles rappelées plus haut, de considérer la présente demande de révision comme recevable.

C’est pourquoi le Réviseur s’est rapproché de la Présidente de la séance du Jury qui a élaboré l’avis contesté et qu’il a procédé avec elle à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

A l’issue de quoi, le Réviseur, en application de l’Article 22 du Règlement, a demandé au JDP de procéder à une seconde délibération sur l’affaire en cause.

B) Sur le fond :

Après avoir rappelé la teneur de l’avis du Jury sur lequel porte la demande de révision, le Réviseur constate que, « dans ses arguments au soutien de la Révision, l’annonceur se borne à décrire, à expliciter ou à préciser certaines de ses actions ou initiatives, sans toutefois établir :

  • ni que ses messages publicitaires critiqués expriment avec justesse les actions de Kusmi Tea ou les propriétés de ses produits, notamment “au regard des différents piliers du développement durable” ;
  • ni qu’ils sont “proportionnés à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable” ;
  • ni que ses formulations critiquées sont soit justifiées soit relativisées.

L’annonceur ajoute enfin qu’il n’utilise plus l’expression “un thé pour protéger les tigres sauvages” depuis le 18 mars 2020 (soit neuf jours après l’envoi de la convocation devant le JDP pour examiner l’affaire en cours).

C) En conclusion, et pour toutes les raisons qui précèdent, le Réviseur demande au JDP, au terme de ce second examen de l’affaire en cause :

a) de déclarer la demande en Révision de l’annonceur Kusmi Tea recevable ;

b) sur le fond :

  • de confirmer les analyses et conclusions formulées dans l’Avis critiqué ;
  • de déclarer, dans son Avis définitif, que la publicité litigieuse méconnait les articles 2.1, 2.2 et 6.3 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

6. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

« 2.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

2.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.

6.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”. »

Le Jury relève que le visuel publicitaire en cause montre des paysages de plantations de thé accompagnés de l’image d’un tigre et d’une boîte de thé, accompagnées notamment des mentions « Un thé pour protéger les tigres sauvages », « Protégez avec nous les tigres sauvages », « Découvrez notre nouvelle recette bio », « Une plantation éthique et engagée », et comportant le logo de l’ONG WWF.

Si le Jury comprend que la marque a souhaité mettre en avant un partenariat avec l’ONG WWF, il relève toutefois que le premier visuel, la photographie d’une tête de tigre, a pour titre en gros caractères « Un thé pour protéger les tigres sauvages » et comporte un petit logo de l’ONG dans un encart avec la mention « Doubler la population de tigres sauvages d’ici 2022 ». Une telle présentation, qui laisse entendre que l’achat d’une boîte de thé suffirait à « protéger » les tigres sauvages, est peu explicite sur les actions de l’annonceur et disproportionnée. La seule précision « 1€ reversé pour les tigres sauvages », qui ne figure au demeurant que sur l’un des cinq visuels suivants, ne permet pas d’expliciter suffisamment le sens de l’annonce « Un thé pour protéger les tigres sauvages », laquelle n’apparaît donc pas justifiée ni relativisée.

Le Jury relève que la société n’apporte, à l’appui de sa demande de révision ou dans ses observations orales, aucun élément qui serait de nature à prouver que les mentions précitées étaient respectivement proportionnées aux actions de l’annonceur, justifiées ou relativisées.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 15 mai 2020 par M. Lallet, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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