Avis publié le 26 mars 2020
KIA E-NIRO – 647/20
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. Les plaintes
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 11 et le 12 janvier 2020, de trois plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le réseau social Twitter, par la société Kia Motors France, pour son modèle de véhicule automobile Kia e-Niro.
Le visuel publicitaire en cause montre la voiture circulant dans un décor urbain. Une bulle est incrustée l’image, comportant le texte « Chéri répond stp. Ne fait pas semblant de ne pas entendre mes appels ton e-Niro ne fait pas de bruit !!!! ». Dans le texte, sont insérés deux émoticônes illustrant, pour l’un, un geste d’appel, pour l’autre, un bonhomme en colère. Au-dessus de l’image est apposé le texte « Il va falloir trouver une autre bonne excuse pour ne pas décrocher ».
2. Les arguments échangés
– Les plaignants considèrent que cette publicité encourage à utiliser son téléphone portable pour envoyer des SMS en conduisant, ce qui est interdit par le code de la route et présente un caractère dangereux pour la sécurité.
– La société Kia Motors France a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 4 février 2020, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.
La société fait valoir que les particuliers à l’origine de ces réclamations semblent se méprendre sur la portée de l’interdiction qu’ils invoquent. En effet, si l’usage d’un téléphone est certes interdit en conduisant, ceci ne concerne toutefois que les cas dans lesquels le conducteur tient effectivement l’appareil en main ou bien utilise des écouteurs ou des oreillettes, c’est-à-dire des situations dans lesquelles non seulement l’attention du conducteur pourrait être obérée, mais surtout ses possibilités de mouvement et de manœuvre risqueraient d’être entravées. Ceci résulte des dispositions de l’article R. 412-6-1 du code de la route, qui énonce que « l’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit. Est également interdit le port à l’oreille, par le conducteur d’un véhicule en circulation, de tout dispositif susceptible d’émettre du son, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité. »
En revanche, selon la société, il n’est pas strictement interdit par le code de la route, ou par des dispositions légales ou règlementaires, de converser au volant lorsque le véhicule est équipé d’un dispositif de communication intégré, comme celui qui existe sur la plupart des automobiles récentes, dont, en l’occurrence, le Kia e-Niro qui était l’objet du post litigieux. Cette fonctionnalité existe et, n’étant pas interdite à ce jour, il serait curieux de se retenir de communiquer sur sa présence au sein du véhicule.
S’agissant des SMS, la société considère que les auteurs des réclamations à l’origine de cette procédure entretiennent une erreur quant à l’étendue des dispositions applicables.
L’article R. 412-6-2 du code de la route prohibe seulement « le fait de placer dans le champ de vision du conducteur d’un véhicule en circulation un appareil en fonctionnement doté d’un écran et ne constituant pas une aide à la conduite ou à la navigation ». Cet article étant une disposition pénale, ce texte est d’interprétation stricte. En l’espèce, le SMS qui apparaît dans le post n’est pas représenté sur un écran en violation des textes du code de la route.
S’agissant de l’interdiction de représenter un véhicule en violation des « impératifs de sécurité », visée par la même recommandation, la société considère que le post incriminé n’y porte pas non plus atteinte puisqu’il ne représente pas le conducteur qui serait en train de répondre au SMS. Le SMS n’étant pas affiché sur l’écran, et il ne peut être interprété que le conducteur en prendrait connaissance au volant.
La société en déduit que les particuliers à l’origine des différentes plaintes ont donc raisonné par une hasardeuse extrapolation, ce qui est reconnu par l’un d’entre eux, qui écrit « on comprend que l’automobiliste consulte son téléphone au volant », ce qui n’est pas exact.
La société relève ainsi que la Recommandation « Automobile » de l’ARPP interdit toute publicité représentant un véhicule « en contravention avec les règles du code de la route », que tel n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, elle estime que le post en cause ne porte pas atteinte aux règles applicables et que les plaintes ne sont pas fondées.
Enfin, et surtout, l’annonceur souligne que ce post n’avait pas pour but de faire la promotion des fonctionnalités de communication du Kia e-Niro, mais d’argumenter sur son silence. Ce véhicule est en effet doté d’une motorisation électrique qui ne génère aucun bruit. Tel est bien le sens du message diffusé dans le cadre de la campagne : « Ne fais pas semblant de ne pas entendre mes appels, ton e-Niro ne fait pas de bruit ! ».
Au demeurant, le post a été immédiatement supprimé dès réception des réclamations afin d’éviter ces mauvaises interprétations et, pour mettre fin au débat, la société s’engage à ne pas le réutiliser. Elle souligne que, de même que son agence de communication, elle travaille régulièrement et étroitement avec les services de l’ARPP et s’applique à respecter scrupuleusement les règles en vigueur dans toutes ses communications.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Automobile » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dispose que :
« La publicité… ne doit pas mettre en scène, dans des conditions normales d’usage, des véhicules en contravention avec les règles du code de la route ou les impératifs de sécurité ».
Le Jury précise que l’article R. 412-6-1 du code de la route prévoit que « l’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit. Est également interdit le port à l’oreille, par le conducteur d’un véhicule en circulation, de tout dispositif susceptible d’émettre du son, à l’exception des appareils électroniques correcteurs de surdité » et l’article R. 412-6-2 du même code que « le fait de placer dans le champ de vision du conducteur d’un véhicule en circulation un appareil en fonctionnement doté d’un écran et ne constituant pas une aide à la conduite ou à la navigation est interdit ».
Le Jury relève que le visuel publicitaire en cause montre un véhicule circulant dans un décor urbain. Une bulle est incrustée l’image, comportant le texte « Chéri répond stp. Ne fait pas semblant de ne pas entendre mes appels ton e-Niro ne fait pas de bruit !!!! ». Dans le texte, sont insérés deux émoticônes illustrant, pour l’un, un geste d’appel, pour l’autre, un bonhomme en colère. Au-dessus de l’image est apposé le texte « Il va falloir trouver une autre bonne excuse pour ne pas décrocher ».
Le Jury constate que la lettre du texte constitue une incitation directe à répondre au téléphone qui est adressée, non pas à l’occasion d’un message vocal, mais sous la forme d’un SMS écrit, matérialisé à l’image par une bulle.
Le Jury, considère qu’une telle présentation suggère que le téléphone est placé dans le champ de vision du conducteur d’un véhicule en circulation, en méconnaissance du code de la route et des règles de sécurité.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause n’est pas conforme au point précité de la Recommandation « Automobile » de l’ARPP.
Avis adopté le 6 mars 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.
Pour visualiser la publicité Kia E-Niro cliquez ici.
