JDP n° 422/16 – BOISSONS ALCOOLIQUES – Plainte non fondée

Avis publié le 18 octobre 2016
Plainte non fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance ;
  • après avoir entendu les représentants de l’annonceur et de la société Métrobus;
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 juin 2016, d’une plainte d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée en affichage, en faveur de la société annonceur, pour sa bière du même nom.

Les visuels en cause présentent :

Pour l’un, une bouteille de bière entourée d’un halo lumineux, sur fond d’image d’une ville la nuit, accompagné du texte « X est une bière exportée dans le monde entier, notamment depuis le port de Rotterdam », pour l’autre, un verre rempli de bière entouré et suivi d’une lumière formant les arches d’un pont, accompagné du texte « X est née à Amsterdam, au bord du lac Ij, aujourd’hui traversé par le pont Enneüs Heerma. »

Au bas de chaque publicité est reproduit le message sanitaire : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant énonce que les murs et piliers de la station de métro « Porte de Saint-Cloud » étaient, le jour de sa plainte, recouverts d’affichages publicitaires pour la bière et que procéder à un tel affichage pour l’euro est une incitation à consommer de l’alcool et à l’ébriété.

– La société indique à titre liminaire, concernant le grief selon lequel les publicités contestées auraient été diffusées en lien avec la compétition de l’Euro de football organisée cette année en France, quelle a déjà diffusé cette campagne de publicité à plusieurs reprises depuis 2014 et que cette communication est sans aucun rapport avec l’Euro. Elle explique investir chaque année l’essentiel de son budget média à partir des mois d’avril/mai et ce jusqu’à la fin de l’été, cette période étant liée à une forte activité pour les brasseurs. Elle ajoute n’avoir en

aucun cas recherché à faire l’éloge de son produit ou à associer la bière à la compétition, et encore moins à des situations de chance, d’exploit, d’audace ou d’exercice d’un sport, comme prohibé par l’article 1.6 de la Recommandation Alcool.

Elle relève que rien n’interdit aux annonceurs de communiquer sur leurs produits pendant la période de déroulement d’une compétition sportive, sous réserve des espaces réservés aux partenaires officiels de la compétition, ce qui n’est pas le cas des affichages de la station Porte de Saint-Cloud.

La société annonceur oppose que les visuels critiqués ne comportent aucune incitation à la consommation excessive d’alcool. Bien au contraire, puisqu’ils comportent tous deux le message sanitaire « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération » en conformité avec l’article 3.3 de la Recommandation Alcool. Elle fait aussi valoir que la jurisprudence ne considère pas comme illicite une publicité sur un fond attrayant. De même, la stylisation photographique d’un décor ne peut être prohibée.

Sur les supports publicitaires, la société précise que l’article 3.4 de la Recommandation Alcool renvoie au respect de la réglementation en vigueur laquelle prévoit l’affichage comme un support autorisé de publicité.

Elle expose que conformément à la réglementation, les publicités critiquées sont diffusées par voie d’affichage dans le cadre d’achats d’espaces publicitaires régulièrement commercialisés par la société Médiatransports, que les visuels ont été validés par la régie de cette société qui est connue pour être particulièrement exigeante quant aux campagnes qu’elle relaie sur ses supports et que ce mode d’affichage avec plusieurs affiches pour un produit dans une même station de métro ou une gare est fréquemment proposé aux annonceurs. Elle ajoute que la multiplicité des encarts publicitaires en un même lieu n’est pas en soi interdite, ni par la Recommandation Alcool, ni par la réglementation applicable.

Sur la licéité des visuels, la société annonceur fait valoir que ceux-ci représentent sur fond de couleur verte, caractéristique de la marque, la bouteille et le verre dans un décor urbain stylisé rappelant les villes d’Amsterdam et de Rotterdam, où est née et exportée la bière.

Le premier visuel a été conçu pour représenter de manière stylisée la bouteille de bière située au centre de la représentation du port de Rotterdam d’où a été exportée, dès 1874, la bière vers le reste du monde, comme précisé au bas du visuel. Cette présentation en lien avec l’origine de la bière n’évoque aucune situation festive et encore moins le sport ou la coupe d’Europe de football. Par ailleurs, elle fait observer que le visuel met en avant la couleur vert foncé caractéristique de la marque et représente de façon stylisée plusieurs éléments industriels caractérisant le port de Rotterdam, tels que les containers, les grues, le pont, les cargos et les autres éléments portuaires.

Le second visuel, sur lequel figure un pont avec la simple présence du verre au premier plan, représente l’origine de la bière. En effet, le pont qui est représenté de façon stylisée est le pont Enneus Heerma situé à Amsterdam, dont les courbes sont illustrées sur le visuel. Cet ouvrage, achevé en 2001, est devenu l’un des symboles des quartiers industriels de la ville d’Amsterdam, ville d’origine de la bière, où est née la marque et où est encore aujourd’hui situé le siège social de la maison mère du groupe.

La société annonceur fait remarquer qu’elle a pris soin de préciser sur sa publicité cette information explicite.

Par ailleurs, la couleur vert foncé est caractéristique de la marque. La couleur jaune évoque la couleur de la bière, sans qu’on puisse en déduire que l’image aurait un caractère rayonnant, constitutif d’une incitation quelconque.

– La société Métrobus indique que les visuels en cause ont été affichés à la station porte de Saint-Cloud du 11 au 27 juin 2016. Elle précise que les visuels en cause, qui ont été affichés dès 2014, ont été soumis à un contrôle de légalité interne et ont été choisis parmi d’autres qui ont fait l’objet d’un refus d’affichage.

Elle oppose que le premier visuel dit « City » reprend les couleurs de la bouteille et de la marque : vert, rouge, noir, blanc et que la reproduction du conditionnement est autorisée par la loi et par la Recommandation dès lors que le conditionnement est conforme à la loi.

Elle précise que les faisceaux lumineux figurant les jetées et docks du port hollandais de Rotterdam, permettant le transfert de la bière vers les pays dans lesquels elle est distribuée depuis son pays de fabrication évoquent à la fois le pays d’origine et ses modalités de vente et que la mention « X est une bière exportée dans le monde entier, notamment depuis le port de Rotterdam » n’est pas illicite dans la mesure où elle donne une indication sur l’origine du produit et ses modalités de vente.

Selon elle, cette illustration, même si elle est colorée, ne contient pas d’éléments particulièrement incitatifs à la consommation et ne revêt pas, comme la mention elle-même, de double sens et n’est pas ambiguë.

S’agissant du visuel « Bridge », elle explique que l’utilisation de traits lumineux, reprenant la couleur blonde de la bière dans le verre, pour figurer le pont Enneus Heerma situé à Amsterdam, n’est pas illicite puisqu’il figure le lieu d’origine de la bière. Selon elle, cette illustration artistique ne contient pas d’éléments particulièrement incitatifs à la consommation et ne revêt aucun double sens ou ambiguïté.

Ainsi, la société Métrobus fait valoir que, conformément aux principes généraux rappelés par la Recommandation Alcool, ni ces visuels, ni leur répétition dans l’affichage tant des panneaux 12 m² que des piliers, qui constituent un support expressément autorisé par la loi, n’encouragent à une consommation excessive.

La société afficheur souligne également que les visuels sont accompagnés, quel qu’en soit le support, du message sanitaire prévu par la Recommandation, adapté aux dimensions et supports choisis afin d’être parfaitement lisible et visible.

Elle précise en outre que la répétition de ces visuels ne saurait justifier une critique quant à son caractère incitatif, dès lors que la loi ne limite pas la quantité mais seulement la nature des supports autorisés et que le mode de vente de l’espace publicitaire ne saurait se concevoir autrement qu’en réseau de faces. Il en est de même des dimensions de l’affichage qui ne sont pas limitées par la loi.

Enfin, elle fait observer que le but recherché par le législateur comme par la déontologie n’est pas d’interdire toute publicité pour l’alcool mais d’exclure celle qui inciterait à une consommation abusive d’alcool considérée comme dangereuse pour la santé.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Alcool » de l’ARPP dispose :

– Au point 3 – Indications et références autorisées :

« Le contenu des publicités doit se limiter à des informations ou des mentions autorisées par la réglementation, en particulier l’article L.3323-4 du code de la santé publique modifié par la loi du 23 février 2005 :

3 1.1 “ La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication (…) ” :

3 1.3 “ … de l’origine… ”

L’origine peut être historique, géographique ou relative à celle des matières premières utilisées pour l’élaboration du produit. Le lien avec le produit doit être fondé.

3 1.4 “ … de la dénomination… ”

La dénomination comprend également la marque.

3 1.10 “ Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L.115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. ”

Le terme “ références ” permet l’expression publicitaire au niveau du texte, du son ou de l’image. (…) Le lien avec le produit doit être incontestable.

Afin de ne pas tromper le consommateur, les distinctions obtenues doivent être incontestables, qu’elles soient officielles ou reconnues par la profession. (…) ”.

Le Jury relève que la plainte repose essentiellement sur la répétition de l’affichage dans un seul lieu, qui est considérée par le plaignant comme étant incitative à la consommation.

Cette répétition n’est pas contestée par l’annonceur et l’afficheur. Cependant, comme ils l’ont tous deux fait observer, aucune disposition de la Recommandation de l’ARPP n’interdit ce procédé ou ne recommande de l’éviter.

Concernant les visuels, le Jury observe que l’un et l’autre utilisent comme arrière fond un lieu en lien avec la bière, le port de Rotterdam, point de départ de l’exportation de celle-ci, et la ville d’Amsterdam, ville d’origine de la production. Ces références sont autorisées par le point 3.1.3 de la Recommandation.

Par ailleurs, si les procédés visuels utilisent la lumière pour mettre en valeur la bouteille, sur la première affiche, et le verre de bière, sur la seconde, ils n’aboutissent pas à induire que la boisson aurait des vertus spécifiques telles celles qui sont mentionnées dans les principes généraux énoncés au point 1 de la Recommandation. Ces procédés n’aboutissent pas non plus à associer la consommation d’alcool à des situations de chance, d’exploit, d’audace ou d’exercice d’un sport.

Sur ce dernier point, le Jury précise que la société annonceur a transmis des éléments démontrant que cette publicité était diffusée depuis plusieurs années et que sa diffusion n’était pas liée à l’Euro de football, mais à la saison d’été qui débutait.

Enfin, il relève qu’aucun élément des visuels ne présente, en dehors du seul fait de présenter la boisson en cause, ce qui est permis, de caractère incitatif à la consommation.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que les publicités de la société en cause respectent les dispositions de la Recommandation « Alcool » de l’ARPP et que la plainte n’est pas fondée.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 16 septembre 2016 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, Mme Lieber, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Moggio, MM. Depincé, Lacan et Leers.