JAGUAR-LAND ROVER – Radio – Internet – Plaintes fondées

Avis publié le 4 mai 2020
JAGUAR-LAND ROVER – 642/20 et 643/20
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants des sociétés Jaguar Land-Rover France et Radio France, de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, de l’association France Nature Environnement, plaignante, ainsi que le représentant du Site Internet Sircome, plaignant,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, le 19 janvier 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, représentant également le site Internet Sircome, à l’encontre de la campagne publicitaire de Jaguar Land-Rover France, pour son modèle de véhicule électrique Jaguar I-PACE, présentant l’offre « Les journées sans malus ». Le message relevé a été diffusé en radio et sur le site internet jaguar.fr.

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’autre part, le 21 janvier 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, et le 7 février 2020, à l’encontre de publicités différentes, également en faveur de l’offre « Les journées sans malus » diffusées sur Internet.

La première publicité critiquée est un spot publicitaire radio qui indique : « Bonne nouvelle pour les automobilistes. Et si vous n’étiez plus concerné par le malus ? Jaguar a en effet décidé de l’offrir sur une sélection de véhicules en stock, disponibles immédiatement ! Et pendant les journées sans malus Jaguar, découvrez également la I-PACE 100% électrique, zéro émission, zéro malus. Les journées sans malus Jaguar. L’actualité essentielle de ce début d’année. Offre valable pour toute commande et livraison avant le 29 février. Voir modalités dans le réseau participant. »

Les autres publicités sont diffusées sur les sites Internet www.jaguar.fr et www.landrover.fr montrent quant à elles plusieurs véhicules de la marque, accompagnés de l’accroche « Les Journées sans malus. En ce moment, découvrez la Jaguar I-Pace 100% électrique zéro malus et son offre sans malus et profitez du malus offert sur une sélection de SUV et berlines. » 

2. La procédure

L’annonceur, la société Jaguar Land-Rover France ainsi que la société Radio France, qui a diffusé le spot en cause sur son antenne France Info, ont été informées, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 février 2020, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Afin de permettre le bon déroulement de la procédure et du contradictoire ainsi que la complète information des membres du Jury de Déontologie Publicitaire, l’examen des trois plaintes mettant en cause plusieurs publicités de la campagne « Les journées sans malus » de la société Jaguar Land-Rover France a été groupé.

3. Les arguments échangés

Le plaignant particulier, représentant également du site internet Sircome, se plaint du spot publicitaire radio, dont il estime que l’argument « zéro émission » est avancé sans aucune réserve ni précision, cette publicité ne respectant donc pas, selon lui, la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, en particulier son point 2 relatif à la proportionnalité des messages. Il indique que la propriété « zéro émission » ne concerne que la seule étape du fonctionnement dans le cycle de vie du produit, ce qui devrait être précisé dans la publicité. Il relève que, de surcroît, le même argumentaire incomplet est présenté sur plusieurs pages du site web de la marque: « Une voiture 100 % électrique qui ne produit aucune émission polluante, ce n’est pas seulement mieux pour la planète, mais aussi pour vous. (…) En tant que véhicule 100% électrique ne produisant aucune émission polluante, la I-PACE bénéficie de très nombreux avantages»

L’association France Nature Environnement se plaint de l’offre « Les Journées Sans Malus » présentée sur Internet le 16 janvier 2020. Elle indique qu’en cliquant sur le bouton « découvrez les offres », on peut lire : « En ce moment, découvrez la Jaguar I-PACE 100% électrique et son offre sans malus et profitez du malus offert sur une sélection de modèles en stock », cette offre concernant différents modèles : E-PACE ; F-PACE ; I-PACE 100% ÉLECTRIQUE ; NOUVELLE XE ; Jaguar XF ; Jaguar XF Sportbrake ; NOUVELLE F-TYPE et Jaguar XJ.

Elle relève qu’une publicité semblable est diffusée sur la page de présentation du véhicule E-PACE, avec les mentions « Profitez du malus offert sur une sélection de modèles en stock » et « Jusqu’au 29 février, découvrez la Jaguar E-PACE et bénéficiez du malus offert sur une sélection de modèles en stock ».

L’association indique qu’après la diffusion sur une chaîne de télévision nationale, le 22 janvier 2020, d’un reportage intitulé « Comment les constructeurs contournent le malus automobile » qui explique en quelques minutes les pratiques des constructeurs pour faire face à la multiplication par 3 du malus pour les véhicules les plus polluants, afin de préserver leurs ventes et notamment leur proposition de rembourser le malus pour éviter le paiement de la taxe à leur client, les publicités ont été modifiées. Cependant le but de l’opération et l’offre restent les mêmes : si l’offre sur le malus n’est plus explicitée clairement, il s’agit toujours des « journées sans malus » jusqu’au 29 février, et il est mentionné que l’offre est valable « sur une sélection de véhicules Diesel en stock pour toute commande et livraison entre le 01/01/2020 et le 29/02/2020 dans le réseau participant. Voir modalités en concessions. »

De même la page du E-PACE mentionne des « journées sans malus » avec des « offres exceptionnelles sur une sélection de véhicules en stock ». Il est précisé que l’offre est valable sur une sélection de véhicules Diesel en stock pour toute commande et livraison entre le 1er janvier 2020 et le 29 février 2020 dans le réseau participant.

De même concernant Land Rover, avant la diffusion du reportage de France 2, la publicité sur le site était « Malus offert sur une sélection de véhicule en stock », « Jusqu’au 29 février, Land Rover vous offre le malus sur une sélection de véhicules en stock ». Elle a été modifiée après la diffusion du reportage, mais la page dédiée du site mentionne toujours « Les journées sans malus – En ce moment, découvrez la gamme hybride Land Rover zéro malus et profitez d’offres exceptionnelles sur une sélection de SUV en stock. ». En cliquant sur le bouton « Profitez de cette offre » on tombe sur une page précisant encore « Journées sans malus. Jusqu’au 29 février, découvrez nos SUV disponibles immédiatement et bénéficiez d’offres exceptionnelles sur une sélection de véhicules en stock. »

L’association souligne que le malus écologique, défini dans le code général des impôts, est une taxe due lors de la première immatriculation d’un véhicule, qui est d’autant plus élevé que le véhicule est polluant. Il vise à inciter les acheteurs à favoriser l’achat des véhicules moins polluants. L’assiette et le tarif de cet impôt ont été modifiés par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Le législateur a entendu « durcir » la taxe en augmentant les tarifs et étendant son assiette d’application aux véhicules émettant au moins 110 g CO₂  / km, dans l’objectif d’inciter plus fortement à l’achat de véhicules moins polluants.

Cette incitation à l’achat de véhicules moins polluants traduit la volonté du législateur de réduire l’impact environnemental du parc automobile tant sur la pollution de l’air que sur l’émission de gaz à effet de serre – les transports routiers représentant près de la moitié des émissions d’oxydes d’azote et de monoxyde de carbone. Il s’agit d’une mesure visant à la préservation de l’environnement, ainsi que de la santé humaine.

L’association estime dès lors qu’en proposant « d’offrir » le malus écologique, les sociétés de vente de véhicules automobiles détournent de son objet un dispositif étatique qui vise à inciter les consommateurs à acheter les véhicules les moins polluants, par le biais d’un système de malus / bonus. Le constructeur annihile le dispositif gouvernemental en faisant penser au consommateur qu’il ne subit plus de malus écologique en achetant les véhicules promus par les marques Jaguar et Land Rover.

Elle en déduit que les messages publicitaires présents sur les sites www.jaguar.fr et www.landrover.fr, même modifiés après le reportage, qui proposent des « journées sans malus » pour des véhicules très polluants, notamment des SUV, et qui portent toujours sur un lot de véhicule diesel, sont contraires au point 9.2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, dès lors qu’ils détournent de leur finalité la mesure de malus écologique prise par l’Etat en vue de responsabiliser les comportements des acheteurs d’automobiles, vers des achats de véhicules moins polluants.

De surcroît, en proposant d’offrir ou de soustraire le malus écologique sur une période donnée, sur des modèles SUV et lot de véhicule diesel, la société incite directement ou à tout le moins suggère, des modes de consommations manifestement irresponsables portant sur l’achat de véhicules parmi les plus polluants, contraire à la protection de l’environnement, compte tenu des enjeux relatifs, à la pollution de l’air, à la santé et au changement climatique.

Elle en déduit que, ce faisant, la publicité contrevient aussi aux points 9.1 a) et b) de la même Recommandation.

Elle ajoute que la période de promotion incitant à des comportements contraires à la protection de l’environnement, et détournant une mesure législative de protection de l’environnement touche à sa fin le 29 février 2020 et que l’urgence est donc caractérisée. Elle cite en exemple l’arrêt du 24 octobre 2019, dans l’affaire C-636/18 Commission/France, par lequel la Cour de justice de l’Union européenne vient de condamner la France pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de l’air considérant les dépassements de manière systématique et persistante de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 dans plusieurs zones et agglomérations. Or, les transports routiers représentent près de la moitié des émissions d’oxydes d’azote.

Et l’association sollicite, compte-tenu de la forte responsabilité du secteur des transports dans les émissions d’oxydes d’azote polluant atmosphérique, de la responsabilité accrue des véhicules particuliers les plus polluants et des enjeux sanitaires et environnementaux, une demande de cessation de diffusion aux professionnels concernés.

– L’autre plaignant particulier considère que l’offre « Les Journées sans malus. En ce moment, découvrez la Jaguar I-Pace 100% électrique zéro malus et son offre sans malus et profitez du malus offert sur une sélection de SUV et berlines », présente sur le site Internet www.jaguar.fr, contrevient aux règles de l’ARPP sur le développement durable en ne soumettant pas le consommateur à une taxe destinée à l’inciter à des comportements plus vertueux pour l’environnement.

La société Jaguar Land-Rover France fait valoir que l’accroche a été modifiée sur l’ensemble des supports, depuis le 30 janvier 2020, car elle a eu à cœur de tenir compte de réactions d’internautes dont elle a eu part sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, l’extrait du site Internet joint à la plainte démontre le caractère effectif de ce changement puisqu’il comporte l’accroche modifiée, qui est désormais la suivante: « Les Journées sans Malus. Découvrez la Jaguar I-Pace 100% électrique zéro malus et profitez en ce moment d’offres exceptionnelles sur une sélection de berlines et SUV en stock ».

Il en résulte que la société ne communique plus sur la notion de « malus offert » depuis le 30 janvier 2020, se contentant de mettre en avant les véhicules 100% électriques, s’agissant de la marque Jaguar, et les véhicules hybrides s’agissant de la marque Land Rover, qui ne sont effectivement soumis à aucun malus. Il ne peut donc pas être valablement reproché à la marque de mettre en avant des « Journées sans malus » à propos de ces véhicules, à l’instar de ce que font des marques concurrentes.

S’agissant des offres sur d’autres modèles en stock, dès lors que la société communique désormais sur des « offres exceptionnelles » sans autre précision, et notamment sans la notion de « malus offert », il ne peut pas lui être fait de grief sur le fondement de la Recommandation développement durable de l’ARPP au vu du champ d’application de cette dernière, et ce quelles que soient les remises effectivement accordées en concession par les membres du réseau. En effet, la Recommandation de l’ARPP a vocation à s’appliquer aux publicités et non aux pratiques commerciales menées par les concessionnaires à l’égard de leurs clients, afin notamment de vendre les véhicules qui constituent leur stock.

Il convient à ce titre de rappeler que le déplafonnement du malus à effet du 1er janvier 2020 a été décidé par le gouvernement très tardivement, l’amendement venant modifier la loi de finances en ce sens ayant été déposé le 14 décembre 2019. Les stocks des concessionnaires étaient nécessairement constitués à cette date, sans que cette mesure ait pu être anticipée.

La campagne lancée en début d’année par Jaguar Land Rover France avait dès lors pour but, non pas d’annihiler ou de détourner le dispositif gouvernemental mais de rassurer le consommateur face à ces changements soudains de fiscalité et d’accompagner son réseau dans cette transition. D’ailleurs, d’autres marques ou distributeurs ont été contraints d’adopter le même type de communication. En outre, il ne peut être mis en doute que le client reste impacté par le malus sur les véhicules de la marque, quand bien même Jaguar s’engage à la prendre en charge, puisqu’au final, le prix du véhicule reste nécessairement plus élevé pour le consommateur, le niveau de remise qu’un concessionnaire peut se permettre d’accorder à un client étant nécessairement impacté.

Enfin, le Groupe Jaguar Land Rover assure de son engagement, et donc de celui de Jaguar France, pour une société plus sûre et plus saine et un environnement plus propre. Il fait valoir que les installations britanniques de Jaguar Land Rover UK viennent d’être certifiées neutres en émissions de CO₂  par le Carbon Trust pour la deuxième année consécutive, que pour atteindre le statut de neutralité carbone, Jaguar Land Rover investit dans des projets d’économie d’énergie tels que les panneaux solaires et l’éclairage LED, ainsi que dans des réductions d’émissions volontaires de crédits de CO₂  dans le monde entier, ou encore que  Jaguar Land Rover a déjà atteint son objectif de devenir neutre en émissions de CO₂  pour sa production en Angleterre, deux ans avant la date prévue.

Par ailleurs, Jaguar Land Rover, afin de réduire les émissions de CO₂ de l’ensemble de ses véhicules commercialisés, intégrera à partir de 2020, pour tous ses nouveaux modèles, des solutions électrifiées hybrides ou 100% électrique. A ce titre, Jaguar a reçu de nombreux prix en 2019 pour son premier modèle 100% Electrique, la Jaguar I-PACE (Voiture de l’année Européenne – Voiture de l’année Anglaise – Voiture de l’année Allemande – Voiture Mondiale de l’année – Voiture Mondiale Verte de l’année).

Land Rover compte dans sa gamme plusieurs modèles hybrides MHEV et deux modèles hybrides rechargeables dont le Range Rover Sport Hybride Rechargeable, le troisième modèle le plus vendu en France avec cette technologie en 2019. Plusieurs autres modèles hybrides et rechargeables vont être lancés cette année, fruit d’un investissement continu et sans précédent dans ces technologies pour réduire l’empreinte carbone et sur l’environnement des voitures et des opérations de Jaguar Land Rover.

La société Radio France, chaîne nationale de radiodiffusion exerçant une mission de service public, est soucieuse des messages publicitaires diffusés sur ses antennes par ses annonceurs. Pour cette raison elle a mis en place un comité d’agrément de la publicité, qui contrôle l’ensemble des messages adressés par ses annonceurs, avant leur diffusion sur ses antennes.

La plainte qui a été déposée le 19 janvier 2020 soutient que la campagne dont il est question ne respecterait pas le principe de proportionnalité des messages issu de la recommandation de l’ARPP sur le Développement Durable.

La société estime cependant que la Recommandation de l’ARPP « Développement durable », en prévoyant que « la réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard (…) des différentes étapes de la vie du produit », ne pose pas une obligation à l’annonceur de vérifier les actions ou propriétés à chacune des étapes de la vie du produit, mais lui laisse la possibilité de le faire, comme le montre l’emploi du verbe « pouvoir ».

La propriété « zéro émission » annoncée par Jaguar au sujet de la Jaguar l-Pace dans la campagne publicitaire concernée et qui est l’objet de la plainte vis-à-vis de Radio France, est bien réelle lors de l’usage de ce véhicule par les consommateurs. Ce véhicule, lorsqu’il est en fonctionnement, n’émet pas de CO₂. Par ailleurs, la mention « zéro émission » n’est présente qu’une seule fois, la campagne de l’annonceur n’insiste donc pas outre mesure sur ce point.

Ainsi, le principe de proportionnalité en tant que tel semble avoir été respecté.

En tout état de cause une campagne publicitaire doit être étudiée par rapport à sa perception par le public. Or le consommateur moyen, potentiel acheteur d’un véhicule « zéro émission » entendra intuitivement cette propriété comme étant effective pendant le fonctionnement du véhicule. Par conséquent, cette mention n’apparaît pas induire en erreur le public sur les propriétés du produit.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que son attention a été attirée sur la récente campagne de communication des marques Jaguar et Land Rover annonçant l’opération « Journées sans malus », amenant le président de l’association à intervenir directement, par un courrier du 29 janvier 2020, auprès du Président du Groupe Jaguar Land Rover France.

Il a été relevé que la mise en avant d’une offre de remboursement d’un montant équivalent au malus écologique, lequel vise à décourager l’achat des modèles de véhicules les plus émetteurs de CO₂, pouvait être considérée comme contraire aux dispositions du point 9.1 de de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Une telle argumentation ne se conforme pas non plus à l’esprit de la note de doctrine de l’interprofession adoptée en 2008.

En outre, l’annonceur a été alerté sur le contexte actuel extrêmement sensible concernant l’impact « climat » ainsi que sur la surveillance dont fait notamment l’objet le secteur automobile, en la matière, tant de la part des pouvoirs publics que des organisations de défense de l’environnement et de consommateurs en général. Par exemple, dans le cadre des discussions de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite LOM, et de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, de nombreux amendements ont été déposés qui visent à interdire la publicité pour les véhicules concernés par le malus.

Compte tenu de ces éléments, les représentants des annonceurs, des agences de communication mais aussi des principaux médias de diffusion, réunis le 29 janvier dernier dans le cadre du Comité exécutif de l’ARPP, ont décidé d’alerter les services opérationnels de l’ARPP sur la plus grande vigilance à avoir vis-à-vis des communications publicitaires des constructeurs automobiles en veillant en particulier à ne pas autoriser les références au malus qui seraient de nature à valoriser un comportement allant à l’encontre des préoccupations et préconisations en matière de respect de l’environnement, voire à détourner la portée et l’esprit des règles déontologiques en vigueur.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

« 2.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. »

« 3.2. Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement ».

« 9.1. La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer. (…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement (…) »

Le Jury constate que la première publicité critiquée est un spot publicitaire radio qui indique : « Bonne nouvelle pour les automobilistes. Et si vous n’étiez plus concerné par le malus ? Jaguar a en effet décidé de l’offrir sur une sélection de véhicules en stock, disponibles immédiatement ! Et pendant les journées sans malus Jaguar, découvrez également la I-PACE 100% électrique, zéro émission, zéro malus. Les journées sans malus Jaguar. L’actualité essentielle de ce début d’année. Offre valable pour toute commande et livraison avant le 29 février. Voir modalités dans le réseau participant. »

Le Jury relève que les autres publicités, objets de plaintes, sont diffusées sur les sites Internet www.jaguar.fr et www.landrover.fr montrent quant à elles plusieurs véhicules de la marque, accompagnés de l’accroche « Les Journées sans malus. En ce moment, découvrez la Jaguar I-Pace 100% électrique zéro malus et son offre sans malus et profitez du malus offert sur une sélection de SUV et berlines. »

La première critique porte sur l’emploi, dans la première publicité, des termes « zéro émission », sans précision sur le fait que cette absence d’émission ne concerne que la phase de fonctionnement du véhicule.

Ainsi que l’a déjà indiqué le Jury de déontologie publicitaire dans une décision antérieure, l’usage des véhicules électriques implique des émissions de dioxyde de carbone dès l’instant où l’électricité nécessaire à son fonctionnement provient de centrales nucléaires ou de centrales à énergies fossiles. Aussi, en omettant de préciser que la propriété « zéro émission » n’est vérifiée qu’en phase de roulage cette publicité méconnaît les points 2.2 et 3.2 précités de la Recommandation « Développement durable ».

Les autres critiques portent sur les termes « malus offert » et « sans malus », utilisés dans ces publicités. Le Jury relève que le malus écologique est un dispositif fiscal visant les véhicules dont les émissions dépassent certains seuils d’émission de CO₂ par km, qui a fait l’objet d’une extension de son champ d’application et d’une augmentation de son niveau par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Ce dispositif fiscal vise à renchérir, pour leurs acheteurs, le coût de l’achat des véhicules les plus émetteurs de CO₂, dans un objectif de sauvegarde de l’environnement et de préservation de la santé publique. Dans ces conditions, des publicités promouvant une pratique de prise en charge de ce malus écologique par les concessionnaires ou les constructeurs automobile, qui dévitalise le dispositif en question, seraient nécessairement contraires aux dispositions du point 9.1 précitées.

En l’espèce, la publicité radio, dont l’accroche indique « Et si vous n’étiez plus concernés par le malus ? » explique expressément que le constructeur a « décidé » d’« offrir » le malus aux acheteurs sur une sélection de véhicules pourtant concernés par cette taxe. Elle contrevient donc au point 9.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Les publicités figurant sur les différents sites Land-Rover et Jaguar, qui comportaient des mentions comparables jusqu’au 22 janvier 2020, méconnaissaient ces dispositions pour les mêmes raisons.

Le Jury relève que, si ces mentions ont été ensuite modifiées pour ne plus comporter d’accroche vantant une « malus offert », comme l’expliquent l’association plaignante et l’annonceur, elles demeurent toutefois ambiguës. On peut notamment relever, au sujet de ces mêmes offres, sur des visuels postérieurs au 22 janvier 2020, la mention « journées sans malus » (véhicules I-Pace, E-Pace, Land Rover). Sous cette référence, il est indiqué, selon les cas : « Jusqu’au 29 février, découvrez nos SUV disponibles immédiatement et bénéficiez d’offres exceptionnelles sur une sélection de véhicules en stock » (Land Rover) ; « offres exceptionnelles sur une sélection de véhicules en stock » (véhicules I-Pace, E-Pace).

Ces références à des « journées sans malus », y compris sur des pages relatives à des véhicules électriques ou hybrides, qui n’entrent pas dans le champ du malus, immédiatement suivies de la mention d’« offres exceptionnelles sur une sélection de véhicules en stock », laisse à penser qu’une opération spéciale de vente sans malus est proposée, non seulement pour les véhicules qui ne sont pas soumis à ce malus mais également pour d’autres véhicules de la marque.

Dans ces conditions, le Jury estime que cette campagne de communication méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 6 mars 2020 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Lenain et Drecq, MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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