INNOCENT

Internet

Plainte fondée

Avis publié le 6 octobre 2023
INNOCENT – 943/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Innocent, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 mai 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Innocent France pour promouvoir sa future usine située aux Pays-Bas.

La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la société, montre différentes images du futur bâtiment, accompagnées des textes « Notre usine verte et neutre en carbone. Voici le Blender, notre usine verte, neutre en carbone et ultra durable. Notre meilleure solution pour lutter contre le changement climatique. », « Dites coucou à notre usine verte », « Nous sommes en ce moment en train de construire notre fabrique à petites boissons saines la plus verte du monde, près de Rotterdam aux Pays-Bas. Il y a des panneaux solaires et plein d’autres choses tiptop (ça se dit encore tiptop?) », « La petite marque de boisson responsable préférée de la planète », « Nous sommes en mission pas secrète pour que cela change. Oui, nous sommes en train de construire le Blender : notre nouvelle usine contribuant à la neutralité carbone, super durable et neutre en carbone, avec des éoliennes, de l’herbe et des gobelets recyclés pour le café. Chouette pour la planète et l’environnement », « Le blender sera l’une des premières usines au monde à se rapprocher au plus près de la neutralité carbone. Nous l’avons construite de manière durable. A l’intérieur, nous avons pensé à plein de petites choses pour réduire au maximum l’énergie que nous consommons », « Un meilleur business responsable », « Vous l’avez compris, construire notre usine verte et neutre en carbone »…

2. La procédure

La société Innocent France a été informée, par courriel avec accusé de réception du 12 juin 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

Par courriel du 29 juin 2023, le conseil de la société a sollicité la tenue d’une séance afin de faire valoir oralement les observations de sa cliente, comme le permet l’article 13 du règlement intérieur du JDP.

3. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que de nombreuses allégations ainsi que des visuels tels qu’une ampoule verte avec une feuille à l’intérieur, ou la planète Terre, induisent le public en erreur sur la réalité des caractéristiques de cette future usine et sur son moindre impact environnemental. Elles ne respectent pas les points 3 (proportionnalité), 7 (vocabulaire) et 8 (représentation visuelle) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

La société Innocent France fait valoir, à titre préliminaire, qu’en tant que membre de I’ARPP, elle s’engage à appliquer la Recommandation « Développement durable » de I’ARPP à l’ensemble de ses supports de communication à l’attention des consommateurs français (affichage, digital, emballage, …etc.). C’est ainsi qu’Innocent a, par le passé, volontairement transmis à l’ARPP, pour avis, certains de ses supports publicitaires.

L’annonceur indique qu’il utilise un style empreint d’humour et de familiarité, signature de la marque, et reconnu de ses consommateurs. Pour autant, la société doit veiller à ce que celui-ci n’impacte pas la bonne compréhension de ses messages. Aussi, même si les actions d’Innocent en matière de développement durable sont réelles et prennent une part importante dans ses investissements financiers, elle a pris la décision d’apporter des modifications au contenu de son site internet www.innocent.fr afin de refléter l’évolution de la réglementation et des orientations sur les allégations environnementales ainsi que ses engagements.

Concernant la réalité des engagements pris par Innocent en matière de développement durable, l’usine, appelée « Le Blender », a été conçue pour limiter ses besoins en énergie, ses déchets et donc son impact environnemental ; ceci s’est notamment traduit par la mise en place des initiatives suivantes :

  • Un emplacement stratégique dans le port de Rotterdam, qui permet à la production de se dérouler au plus près du lieu d’arrivée, par bateau, des ingrédients et donc de réduire les kilomètres parcourus pour transporter les matières premières
  • Une flotte de camions citernes de 50 tonnes 100 % électriques, en phase de roulage, pour transporter le jus de l’espace de stockage à l’usine Blender qui est à proximité
  • Un système de nettoyage des machines qui utilise un flux d’air comprimé plutôt que les méthodes traditionnelles de nettoyage à l’eau. Ce système permet au Blender de réduire considérablement la quantité d’eau utilisée lors de la production des jus ;
  • Un système de pompe à chaleur circulaire, alimenté par électricité, qui réutilise la chaleur résiduelle générée par les systèmes de refroidissement pour la pasteurisation ;
  • L’installation, sur le site du Blender, de panneaux solaires et, très prochainement, d’éoliennes ;
  • L’obtention de la certification BREEAM-NL, mention Excellence, soit le plus haut niveau de reconnaissance, avec un score de 87,8 %, qui permet d’évaluer la performance d’un projet en termes de durabilité. Afin d’attribuer un score final à un projet, sa durabilité est rigoureusement évaluée, notamment dans des catégories telles que l’énergie, les modes de transport, les matériaux utilisés, etc.

Enfin, la société Innocent souligne qu’elle est devenue B Corp en 2018 et a renouvelé cette certification en 2021 avec un score de 105,2 qui reconnaît entre autres sa politique ambitieuse de réduction de son impact environnemental. En tant que signataire de « l’Ambition des entreprises pour 1,5°C », Innocent s’est ainsi fixée des objectifs pour réduire ses émissions carbone d’ici à 2030.

La société Innocent n’ignore pas que les allégations environnementales et les communications portant sur le développement durable font l’objet d’une attention particulière, tant par les pouvoirs publics (en ce compris les établissements publics travaillant avec eux, comme I’ADEME), que par les autorités de régulation comme l’ARPP.

L’annonceur relève que le cadre juridique applicable à l’emploi d’arguments environnementaux a considérablement évolué en France depuis plusieurs années, et si certaines règles sont harmonisées au niveau européen, il n’en demeure pas moins que chaque marché conserve une approche nécessairement nationale.

La société Innocent indique qu’elle comprend donc que les allégations environnementales qu’elle emploie doivent toujours être véridiques, proportionnelles, claires, loyales et intelligibles. Aussi, afin de respecter fidèlement la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP, Innocent a procédé à un certain nombre de modifications sur son site internet. En effet, la version du site Internet, objet de la plainte, a été rédigée pendant la construction de l’usine Blender, soit en 2020. Il ne fait donc aucun doute que certaines terminologies utilisées se devaient d’être revues, afin que le site Internet soit conforme aux nouvelles règles applicables à l’emploi d’allégations environnementales. Les allégations susceptibles d’apparaître comme disproportionnées par rapport aux engagements environnementaux d’Innocent, dont la réalité est néanmoins démontrée, ont été supprimées : « notre usine verte », « neutre en carbone », « planète », « la petite marque de boissons responsables préférée de la planète », « […] qui puisse inspirer des tonnes et des tonnes d’autres entreprises ».

Lors de la séance, l’annonceur rappelle que la société Innocent continue à fonctionner comme une petite entreprise et a maintenu les objectifs initiaux de garantir des produits bénéfiques pour la santé à base, des engagements forts à l’égard des communautés et une limitation de l’empreinte environnementale en adoptant une attitude la plus responsable possible et qui résulte notamment de la plus juste rémunération des producteurs de du meilleurs transports des fruits sans utilisation de l’avion.

Il reprend les arguments développés par écrit, souligne l’ambition et les caractéristiques de la nouvelle usine qui utilise les processus les plus modernes et s’en remet à l’appréciation du Jury.

4. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) : « 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».
  • au titre des « présentations visuelles ou sonores » (point 8) :
    « 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient »

Le Jury relève que la publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la société, montre différentes images du futur bâtiment, accompagnées des textes « Notre usine verte et neutre en carbone. Voici le Blender, notre usine verte, neutre en carbone et ultra durable. Notre meilleure solution pour lutter contre le changement climatique. », « Dites coucou à notre usine verte », « Nous sommes en ce moment en train de construire notre fabrique à petites boissons saines la plus verte du monde, près de Rotterdam aux Pays-Bas. Il y a des panneaux solaires et plein d’autres choses tiptop (ça se dit encore tiptop?) », « La petite marque de boisson responsable préférée de la planète », « Nous sommes en mission pas secrète pour que cela change. Oui, nous sommes en train de construire le Blender : notre nouvelle usine contribuant à la neutralité carbone, super durable et neutre en carbone, avec des éoliennes, de l’herbe et des gobelets recyclés pour le café. Chouette pour la planète et l’environnement », « Le blender sera l’une des premières usines au monde à se rapprocher au plus près de la neutralité carbone. Nous l’avons construite de manière durable. A l’intérieur, nous avons pensé à plein de petites choses pour réduire au maximum l’énergie que nous consommons », « Un meilleur business responsable », « Vous l’avez compris, construire notre usine verte et neutre en carbone »…

En l’absence de toute explication par l’annonceur, le Jury retient que les expressions « usine verte et neutre en carbone », « ultra-durable », « la plus verte du monde », « La petite marque de boisson responsable préférée de la planète », « super-durable » traduisent l’idée que cette usine de production ne génèrerait aucune émission, ni lors de la fabrication de l’usine, ni lors de celle des produits de la société, au sein de cette usine. A tout le moins, elle minimise considérablement l’impact environnemental de l’activité de l’annonceur dans cette installation. L’association de cette allégation aux représentations visuelles d’une ampoule verte avec une feuille à l’intérieur et de la planète Terre laisse même entendre que l’ensemble de la production serait « neutre en carbone ». La société Innocent relève elle-même que l’usine appelée « Le Blender » « a été conçue pour limiter ses besoins en énergie, ses déchets et donc son impact environnemental », or le texte de la publicité ne rend pas compte de cette relativisation.

Le Jury, sans remettre en cause les actions effectives de l’annonceur en faveur du développement durable, considère donc que le message est disproportionné et de nature à induire le public en erreur sur les propriétés de l’usine en cause, au sens des points 3.1, 3.2, 7.1, 7.3 et 8.1 de la Recommandation « Développement durable ».

En conséquence de ce qui précède, tout en prenant acte des engagements de l’annonceur, confirmés en séance, et de la suppression sur ses communications des mentions telles que « notre usine verte », « neutre en carbone », « planète » et « la petite marque de boissons responsables préférée de la planète », le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 8 septembre 2023 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, en remplacement du président empêché, Mme Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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