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Plainte fondée

Avis publié le 4 juillet 2023
HEMA – 929/23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 6 avril 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Hema, pour promouvoir son offre d’articles pour la maison.

La publicité en cause, présente sur la vitrine du magasin de Lyon République, montre, sur un fond de couleur verte, un cercle entouré de plusieurs pictogrammes représentant les produits proposés par l’enseigne, duquel s’échappent trois papillons.

Le texte inscrit à l’intérieur du cercle est « Bon pour la planète ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que, dans un magasin qui ne vend quasiment que des produits suremballés et dont la plupart sont fabriqués en Chine, cette publicité est de la désinformation pure, une publicité mensongère, du « greenwashing » qui, par ailleurs, sape la crédibilité des enseignes véritablement engagées pour diminuer leur empreinte carbone, voire qui va à l’encontre de la réalité scientifique sur l’enjeu climatique. Il renvoie au rapport du GIEC.

La société Hema a été informée, par courriel du 14 avril 2023 et par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 avril 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir d’une part que les pictogrammes représentent des produits précis, avec pour objectif de délivrer un message clair et loyal au consommateur, conformément aux points 4, 5 et 6 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Ces pictogrammes ont en effet été sélectionnés afin d’informer le consommateur du fait que le message « bon pour la planète » ne s’applique qu’aux seuls produits représentés, et non à l’ensemble des produits vendus par HEMA. Ainsi, ils visent à identifier le plus clairement possible que ces produits ont fait l’objet d’améliorations de conception ou d’approvisionnement permettant de réduire leur impact environnemental et/ou social. Ils circonscrivent de ce fait le message porté par les autocollants et évitent de créer un lien abusif entre le slogan et la gamme complète des produits vendus par HEMA.

Selon la société, les pictogrammes ont pour objectif d’être suffisamment clairs et lisibles pour qu’aucun doute ne puisse naître dans l’esprit des consommateurs sur les produits qu’ils représentent. D’autre part, le message porté par les autocollants fait référence à des actions réelles entreprises par HEMA en faveur de la réduction de l’impact environnemental de ses produits et/ou de l’amélioration des conditions de travail dans les sites où ils sont fabriqués, en conformité avec le point 2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Elle ajoute que les pictogrammes de vêtements (t-shirt, body pour enfant, chaussettes, brassière) font référence à des produits en coton dont l’impact environnemental a été significativement amélioré par HEMA. En effet, depuis 2019, HEMA s’approvisionne exclusivement en coton certifié Better Coton (BC), Organic Content Standard (OCS) ou Global Organic Textile Standard (GOTS) pour la fabrication de l’ensemble de ses produits en coton (vêtements et linge de maison), notamment ceux présentés par les pictogrammes. HEMA a d’ailleurs cessé d’utiliser le pictogramme de feuille d’arbre pour informer les consommateurs sur l’utilisation de ce type de coton certifié, et n’utilise désormais que les pictogrammes des labels susmentionnés. Elle explique que, dans une démarche d’écoconception, le body présente désormais une rangée supplémentaire de boutons à pression afin qu’il dure au moins deux tailles et allonge sa durée d’utilisation. De même, les doigts de pied et talons des chaussettes ont été renforcés pour leur assurer une durée de vie plus longue. Enfin, les brassières sont partiellement fabriquées à partir de matériaux recyclés certifiés GRS ou RCS.

La société indique que les pictogrammes de grain de café et de boisson chaude ont été choisis pour mettre en lumière les garanties apportées aux consommateurs sur l’approvisionnement de ces produits. En effet, l’ensemble du café et du thé proposé par HEMA est certifié Fairtrade, Rainforest Alliance ou UTZ.  De même, les pictogrammes en forme de « S » et de cœur correspondent à l’alphabet en chocolat vendu par HEMA, produit phare de la marque depuis des années, et fabriqué à partir de cacao certifiée UTZ.

Les pictogrammes de cahier, de coton-tige et de jouets pour enfants mettent en lumière des produits qui sont fabriqués à partir de bois et/ou de papier certifié FSC, label garantissant une gestion forestière responsable.

Pour l’ensemble de ses produits, la société indique avoir engagé une politique ambitieuse d’audits relatifs à l’environnement et aux droits sociaux. Ainsi, avant toute première livraison, les sites de production situés dans des pays à haut risque sont audités par un tiers indépendant. Pour les sites qui ne répondraient pas aux exigences minimales fixées par HEMA en matière d’environnement et/ou de droits humains, un plan d’amélioration concret est établi de manière collaborative. Les sites de production situés dans ces pays à haut risque sont ensuite régulièrement audités afin de s’assurer qu’ils continuent à répondre aux standards exigés par HEMA.  De même, pour améliorer ses pratiques d’achat, HEMA a rejoint en 2022 le « Common Framework for Responsible Purchasing Practices » (Cadre commun pour les pratiques d’achat responsables). A l’inverse, les autocollants n’entendent aucunement faire la promotion d’objectifs qu’HEMA travaille encore à atteindre. En particulier, en circonscrivant le message aux seuls produits visés par les pictogrammes, HEMA n’avait nullement pour intention d’induire le consommateur en erreur sur les trois éléments listés dans la plainte en objet.

La société indique être engagée dans une démarche de progrès continu sur l’ensemble de ces sujets. Ainsi, sur les trois reproches spécifiquement objets de la plainte visant HEMA :

− Concernant les emballages (« un magasin qui ne vend quasiment que des produits suremballés ») : HEMA a réduit de 23 % l’utilisation de plastique entre 2019 et 2022 et s’est fixée un objectif de réduction de 25 % d’ici 2025 par rapport à 2019. En outre, 64% des emballages des produits proposés par HEMA sont recyclables, et l’enseigne vise un objectif de 100% pour 20252. Les exigences minimales fixées par HEMA se concentrent sur les sept points suivants : transparence de la chaîne d’approvisionnement, prévention du travail des enfants, pas de travail forcé, environnement de travail sûr et sain, salaire et temps de travail justes, assurance, prévention de la pollution de l’environnement. HEMA s’est fixé cet objectif à titre individuel, en cohérence avec l’objectif national français de tendre vers 100% d’emballages en plastique à usage unique qui soient recyclables d’ici 2025, bien que ce dernier soit collectif et non contraignant ;

− Sur l’origine des produits vendus (« dont la plupart sont fabriqués en Chine »), HEMA place la transparence au cœur de sa politique. Ainsi, l’information relative à la provenance des produits qu’elle propose est disponible en ligne sur le site de la marque depuis 2019. La Chine, le Bangladesh et la Turquie sont les principaux pays d’approvisionnement pour les produits textiles et les équipements ; les produits alimentaires proviennent majoritairement d’Europe. En outre, comme indiqué ci-dessus, HEMA fait réaliser des audits relatifs à l’environnement et aux droits sociaux sur l’intégralité des sites de production auprès desquels elle s’approvisionne ;

− Enfin, sur l’empreinte carbone de sa chaîne de valeur, HEMA a établi en 2023 des objectifs et un plan de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre sur les scopes 1 à 3, qui seront publiés en juin prochain, après revue et validation par le « Science Based Targets Initiative » (SBTI). De manière plus indirecte, HEMA était déjà engagée dans une démarche de réduction de ses émissions via son approvisionnement en matières premières labélisées. A titre d’exemple, l’huile de palme utilisée pour les denrées alimentaires est certifiée RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), une certification qui interdit le défrichage des forêts primaires et des forêts à haute valeur de conservation (« High Conservation Value Forest »).

Selon l’annonceur, les autocollants objets de la plainte ont pour unique objectif d’informer les consommateurs des efforts significatifs déjà engagés par HEMA pour certains produits en matière environnementale. Il indique que l’ensemble des informations relatives aux engagements environnementaux d’HEMA sur ces produits ou matériaux (coton, chocolat etc.) est aisément accessible en ligne.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
  • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».
  • au titre de la « présentation visuelle » (point 8) : « 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient. »

Le Jury relève que l’affiche de vitrine en cause montre, sur un fond de couleur verte, un cercle entouré de plusieurs pictogrammes représentant les produits proposés par l’enseigne, duquel s’échappent trois papillons. Le texte inscrit à l’intérieur du cercle est « Bon pour la planète ».

Le Jury observe, en premier lieu, que la publicité litigieuse présente un ensemble de produits comme « bon pour la planète » sans qu’aucune explication ne permette de comprendre, à la date de la diffusion critiquée et malgré le renvoi au site www.hema.com qui ne présente pas davantage d’information, en quoi ces produits présenteraient la qualité ainsi revendiquée.

En deuxième lieu, le Jury relève que le terme « bon pour la planète » est spontanément compris par la majorité du public comme signifiant que le produit ou le service ainsi valorisé n’entraîne pas de nuisance écologique et qu’il est au contraire bénéfique sur le plan environnemental. Sans remettre en question les efforts consentis par la société HEMA, cette allégation d’un « bénéfice » pour la planète est disproportionnée eu égard à l’impact écologique des produits vendus, aux nuisances environnementales qui en résultent, notamment s’agissant des équipements et produits textiles provenant principalement de Chine, du Bangladesh et de la Turquie, et à l’absence de précision dans la publicité quant aux actions relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La publicité méconnaît donc à ce titre les points 3.2, 7.1 et 7.3 de la Recommandation « Développement durable » précitée.

Le Jury estime, en troisième lieu que les pictogrammes (vêtements, flacons, jouets…) représentant, par la juxtaposition des produits en cercle, la planète Terre d’où s’envolent des papillons, constituent une évocation de la nature qui n’est pas davantage proportionnée et induit en erreur sur les propriétés environnementales des produits et des actions de l’annonceur, en méconnaissance du point 8.1 de la Recommandation précitée.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 9 juin 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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