Avis JDP n° 502/18 – COURTAGE EN ASSURANCES – Plainte fondée

Avis publié le 8 mars 2018
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 9 décembre 2017, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire diffusée sur Internet, en faveur d’une société de courtage en assurances.

Le film publicitaire en cause présente plusieurs hommes dans une salle de réunion, s’exprimant à propos d’une femme, qui est leur supérieure hiérarchique. Celle-ci fait son entrée dans la pièce et s’adresse aux hommes sur un ton et avec un vocabulaire grossier et agressif. Lorsque l’un des collaborateurs, un jeune homme présenté comme nouveau dans l’entreprise, resté silencieux jusqu’à lors, prend la parole, il retient l’attention de la femme qui adopte une attitude de séductrice et l’invite à la suivre dans son bureau.

Ce film se conclut par la signature « X – Tout est clair ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant considère que cette publicité, qui enchaîne des propos grossiers, voire orduriers et met en scène des comportements sexistes, est choquante.

– La société annonceur a, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 janvier 2018, été informée de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose, dans son point 1, que :

« 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. »

« 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »

Le point 2 de la même Recommandation prévoit que :

« 2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »

Le point 4 de cette Recommandation dispose que :

« 4.1 La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes. »

« 4.2 Toute présentation complaisante d’une situation de domination ou d’exploitation d’une personne par une autre est exclue »

« 4.3 La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique (…) La violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte, voire par le résultat de l’acte de violence ; la violence morale comprend notamment les comportements de domination, le harcèlement (moral et sexuel). »

Par ailleurs, le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale dispose, à son article 1er, que « Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle » et à son article 4, que « La communication commerciale doit respecter la dignité humaine (…) ».

Le Jury relève que le film publicitaire en cause présente plusieurs hommes dans une salle de réunion d’une banque, se racontant des blagues. Leur supérieure hiérarchique fait alors son entrée dans la pièce avec une collaboratrice et s’adresse aux hommes sur un ton et avec un vocabulaire grossier et agressif (« Hé bande de connards ! ») pour demander des explications sur des chiffres de vente de produits proposés par la banque (« Je veux savoir pourquoi les chiffres de ces putains de dossiers de merde… »). Les hommes lui répondent également sur un ton agressif et grossier et font allusion à des soirées arrosées et libertines, jusqu’à ce que la femme en menace certains (elle tire l’oreille de l’un des hommes qui s’excuse). L’un des collaborateurs, un jeune homme présenté comme nouveau dans l’entreprise, resté silencieux jusque là, explique alors que c’est lui qui a acheté des produits de la banque et devient la risée de ses collègues (« Oh le con ! »). Il retient cependant l’attention de la femme qui adopte une attitude de séductrice tout en lui expliquant qu’il ne faut jamais acheter de produits « maison » mais ceux de chez Hédios et qui l’invite à la suivre dans son bureau pour mieux lui expliquer les choses. Ce film se conclut par la signature « X – Tout est clair ».

Le Jury comprend que ce film a voulu se fonder sur le renversement des codes, en présentant une femme manager dans un univers d’hommes, avec des personnages caricaturaux. Pour dépeindre cet univers, le film montre des protagonistes qui s’expriment tous dans langage grossier, voire ordurier, des hommes qui discutent uniquement de sujets graveleux, et une supérieure hiérarchique qui, pour s’imposer, surenchérit dans l’attitude et le vocabulaire grossiers et recourt à la menace physique. Dans ce contexte, le « dernier arrivé » dans l’équipe est placé dans une situation qui évoque celle d’un bizutage : il est d’abord humilié pour avoir acheté naïvement des produits de l’entreprise puis fait l’objet d’avances sexuelles explicites de la part de la supérieure hiérarchique.

Ce faisant, ce film publicitaire évoque avec complaisance une situation de domination et d’humiliation, dans une atmosphère de violence suggérée. Il véhicule en outre des stéréotypes sexistes dans sa description des personnages tant masculins que féminins, en mettant en scène un univers caricatural, où les hommes sont immatures et où une femme, pour assurer sa situation de supérieure hiérarchique, ne peut qu’être dominatrice.

En conséquence, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît l’ensemble des dispositions précitées.

Avis adopté le 9 février 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, MM. Acker, Benhaïm, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.