GIFI – Presse – Plainte fondée

Avis publié le 4 janvier 2021
GIFI – 694/20
Plainte fondée

  Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 21 octobre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée par publipostage, par la société Gifi, pour promouvoir ses articles de déguisements de la fête d’Halloween.

La publicité en cause, diffusée dans les pages du catalogue de la société, représente plusieurs articles tels que masques effrayants, déguisements de chirurgien ou d’écolière zombie, objets tachés de sang représentant des couteaux ou des machettes.

L’une des images montre un personnage vêtu d’une blouse blanche, tenant dans son dos un long poignard. Sa main et l’arme sont ensanglantées.

Les articles présentés sont accompagnés de descriptions de l’objet telles que « Fausse arme ensanglantée », « tronçonneuse ensanglantée », et de la mention du prix de l’objet.

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que cette publicité est présente dans le cahier « spécial Automne » du catalogue de la société alors qu’un professeur vient d’être assassiné par les mêmes armes.

La société Gifi a été informée de la plainte, dont copie lui a été transmise, et des dispositions dont la violation est invoquée, par courriel recommandé avec avis de réception du 3 novembre 2020.

Son représentant explique que l’assassinat de Monsieur Samuel Paty s’est produit à la date du 16 octobre 2020 à un moment où le catalogue en cause était en cours de distribution, voire déjà distribué pour certains exemplaires et que s’il y a eu concomitance entre ces deux actes, elle est purement fortuite. Il relève que la société aurait renoncé à la parution de cet encart si elle en avait eu la possibilité vu le contexte émotionnel lié à cette circonstance.

Au-delà du contexte d’actualité en question, la société Gifi ne considère pas que la publicité est contraire à la Recommandation « Image et respect de la personne », en particulier aux articles 4.3 et 4.4 en ce qu’elle inciterait à une forme de violence directe ou suggérée voire la banaliserait.

Le catalogue dans lequel est inséré l’encart incriminé s’intitule « Halloween vive la frousse ». En cela, il fait référence à la tradition d’Halloween aussi appelée « Fête des morts » durant laquelle les participants revêtent des déguisements effrayants. Si elle reste pour les enfants l’occasion d’une chasse aux bonbons avec des costumes de fantômes, elle est aussi devenue pour les adultes un moment partagé autour de la thématique de l’effroi.

Selon l’annonceur, la mise en scène du catalogue reste dans le registre de la représentation de « l’horreur » qui ne fait pas référence à la violence mais à l’univers du film d’horreur et même au Grand-Guignol par le côté « gore » qui suscite l’épouvante.

Interpréter la publicité en question comme une incitation à la violence ou participant à sa banalisation ne correspond nullement, selon la société Gifi, la perception du public auquel s’adresse cette publicité.

Il soutient qu’il suffit, pour s’en convaincre, d’interroger plusieurs personnes auxquelles on présente la page du prospectus et de s’apercevoir qu’aucune ne cite spontanément la violence.

Par conséquent, la société Gifi considère qu’il n’y a pas lieu de considérer que la publicité en cause contrevient à la Recommandation « Image et respect de la personne ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle, d’une part, que selon le Code ICC consolidé sur la publicité et les communications commerciales :

« La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays ou la culture concernés ».

« La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux ».

D’autre part, la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que :

« La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence ».

Le point 4 de cette Recommandation, relatif aux questions de soumission, dépendance et violence, prévoit également que :

« 4.3 La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique.

La notion de violence recouvre au minimum l’ensemble des actes illégaux, illicites et répréhensibles visés par la législation en vigueur.

La violence directe se traduit par la représentation de l’acte de violence proprement dit ; la violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence ; la violence morale comprend notamment les comportements de domination, le harcèlement (moral et sexuel).

4.4 La publicité ne doit, en aucun cas, par ses messages, ses déclarations ou sa présentation, banaliser la violence. »

Le Jury relève que la page du catalogue publicitaire en cause présente dans sa moitié supérieure la photographie d’un couloir d’hôpital où une jeune collégienne, aux vêtements déchiquetés et tachés de sang, est suivie par un chirurgien lui-même ensanglanté et se trouve face à un personnage qui tient dans son dos un long poignard également couvert de sang. Une telle mise en scène, associée à l’expression de terreur qui se lit sur les traits de la jeune fille, donne à penser qu’elle ne pourra pas échapper aux deux personnages qui l’encadrent. Il en résulte une représentation de la violence tant physique que morale qui n’est atténuée par aucun élément de l’image.

Le Jury constate que les cinq autres photographies de la partie inférieure de la page montrent une tronçonneuse, un masque et un drap ensanglantés ainsi que cinq couteaux, faux ou machettes qui renvoient également à la représentation du crime de manière très réaliste et sans aucun décalage ni humoristique ni en lien avec la fantasmagorie d’Halloween.

Le Jury considère qu’en l’absence de tout élément permettant une distanciation ironique, cette scénographie, qui fait référence explicitement à des crimes de sang sur toute la page de la publicité litigieuse, est de nature à banaliser la violence.

En outre, le Jury estime qu’indépendamment de l’actualité d’un assassinat terroriste, la page du catalogue, même sous couvert d’une représentation d’Halloween ou d’une « fête des morts », est susceptible de heurter la sensibilité du public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité.

Par conséquent, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions du code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne » précités.

Avis adopté le 4 décembre 2020 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, présidant la séance, Mmes Charlot et Drecq et M. Lucas-Boursier.

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