FRANCE ENERGIE EOLIENNE – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 26 mai 2021
FRANCE ENERGIE EOLIENNE – 724/21
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 janvier 2021, d’une plainte émanant de la Fédération anti-éolienne de la Vienne tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication de l’association France Energie Eolienne (FFE), pour promouvoir l’énergie éolienne.

La communication en cause, diffusée sur le site Internet de la Fédération, utilise sur une page, les allégations « propre et sûre », et résume sur une autre page un sondage récent réalisé par Harris Interactive sur la perception de l’éolien par les Français. Il est notamment indiqué sur cette seconde page que :

  • 76 % des Français ont une perception positive des parcs éoliens et que cette même proportion se retrouve parmi les habitants des communes abritant un parc éolien, qualifié de « riverains », avec des guillemets ;
  • « près de 7 Français sur 10 déclarent que l’installation d’éoliennes près de chez eux serait une bonne chose».

L’étude est consultable et téléchargeable sur le site internet.

2. Les arguments échangés

L’association plaignante considère que la référence à l’énergie éolienne comme étant propre et sûre est en contradiction avec l’avis du JDP 664/20 rendu en 2020, de même que la liste des qualificatifs utilisés dans le sondage (« propre, qui n’émet pas de gaz à effet de serre », « est sans danger »…). L’énergie éolienne terrestre émet du CO2, ainsi qu’il résulte de la base carbone de l’ADEME.

Elle estime par ailleurs que le commentaire et l’utilisation du sondage semblent de nature à induire le public en erreur : la notion de riverain est appliquée à des personnes vivant à moins de cinq kilomètres d’une éolienne, alors qu’en justice, les juridictions ne reconnaissent cette qualité qu’aux personnes habitant à proximité immédiate – de l’ordre de 1,5 à 1,8 kilomètre. Cette présentation est donc inexacte, la qualification de « riverain » devant être réservée à ceux qui sont recevables à se plaindre en justice du voisinage immédiat des éoliennes.

En outre, alors que la question posée dans le sondage se réfère à la notion « à proximité de votre territoire », les commentaires utilisent « près de chez eux », ce qui est très différent car le territoire peut renvoyer à des zones géographiques très étendues.

Elle ajoute que le texte de la publicité, qui allègue que 76 % des Français ont une perception positive des parcs éoliens, fait masse des réponses « très bonne » et « assez bonne » à la question de savoir si la personne interrogée a une bonne ou une mauvaise image de l’éolien, ce qui est trompeur alors que le chiffre « très bonne image » est de 23 % et « assez bonne » de 53 %.

L’association France Energie Eolienne (FEE) a été informée, par courriel avec accusé de réception du 10 mars 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que la plainte ne porte sur aucun support publicitaire (achat d’espace, communication sponsorisé…). Les résultats du sondage sont uniquement présentés sur le site Internet de FEE et les réseaux sociaux de FEE. France Energie Eolienne n’est en aucun cas responsable de la publication d’articles de presse par des médias libres et indépendants. Comme l’atteste le site Internet de FEE, il ne fait que présenter les résultats d’une enquête opinion réalisée par Harris Interactive.

FEE relève que la plainte porte sur le commentaire et l’utilisation du sondage qu’elle estime de nature à induire le public en erreur. Elle renvoie aux observations qu’elle a produites dans le cadre de l’instruction de l’avis n°703/21 du Jury et à la réponse alors fournie par Harris Interactive, dont l’enquête d’opinion est reproduite à l’identique.

Elle précise que la notion de riverain telle qu’utilisée dans le sondage est clairement précisée dans la méthodologie qui accompagne systématiquement le sondage et le chapeau de l’article qui traite du sujet sur le site de FEE.

S’agissant de l’avis des Français vis-à-vis de l’éolien (bonne ou une mauvaise image), comme dans tous les sondages d’opinion, les résultats sont étudiés de façon globale et détaillée. La méthodologie choisie a été de rassembler les « pour » et les « contre » pour identifier les points de clivages. C’est une pratique plus que courante et généralisée.

Concernant la liste des qualificatifs mise en cause, FEE estime ne pas contrevenir à l’avis n°664/20 du JDP. Elle rappelle que le principe d’un sondage d’opinion est de recueillir l’opinion des Français. En ce sens, il est proposé aux personnes sondées des affirmations choisies par FEE, auxquelles ils sont libres de répondre par la positive ou la négative, de manifester leur absence d’avis ou encore de ne pas y répondre.

Comme il avait été démontré dans la réponse à la plainte ayant donné lieu l’avis n° 664/20, la dichotomie entre énergie propre et polluante est largement répandue, tant dans le cadre des grandes institutions nationales ou internationales qui traite de l’énergie. L’Agence internationale de l’énergie parle officiellement de « clean énergies ». Les médias français, la représentation nationale ou encore le gouvernement utilisent usuellement cette dénomination. Elle ne trompe en aucun cas le public puisque qu’il y est en permanence confronté dans les médias nationaux comme locaux, papier comme audiovisuels.

A ce titre, « propre » est identifié comme « renouvelable » ou « non émetteur de CO2/eq ». Le terme est donc parfaitement usuel.

En ce sens, FEE est en désaccord avec l’avis rendu par le Jury qui sous-estime gravement la capacité de compréhension de nos concitoyens, ce qui conduit souvent à restreindre les capacités d’identification par le langage d’éléments factuels, profondément constitutifs de la conception d’une opinion.

Concernant l’assimilation de “à proximité de votre territoire » à « près de chez eux », Harris interactive, qui a été sollicité de nouveau dans le cadre de la présente plainte, indique, comme dans le cadre de la réponse à la plainte ayant donné lieu à l’avis 703/21, qu’au regard de la formulation de la question, il n’était pas uniquement testé la présence d’éoliennes près de chez les personnes enquêtées.

Plus précisément, selon cet institut de sondage : « compte tenu de la question et le fait que l’on teste la présence d’un site nucléaire par exemple (qui par définition ne peut pas être construit sous les fenêtres des riverains), voire d’un champ de panneaux solaires, autant de sites qui ont un impact sur une zone très étendue, nous devions choisir un terme qui s’applique à chacune des situations. La notion de territoire (donc une zone qui s’étend un peu plus loin que les abords immédiats du logement) est celle qui paraissait s’appliquer le mieux à chacun des éléments testés. »

Enfin, la page de présentation du sondage sur le site de FEE est tout à fait explicite, puisqu’elle prend le soin de définir la notion de riverain telle qu’utilisé dans le sondage. Personne ne peut donc être trompé ou induit en erreur puisque cet élément est directement présent dans le chapeau de l’article qui traite de ce sondage.

3. L’analyse du Jury

3.1. S’agissant de la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu des articles 2 et 3 de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion des messages de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui vise à assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel, qui se distingue du caractère purement informationnel, s’apprécie notamment au regard de la nature de la communication, de l’objet sur lequel elle porte, des termes employés, de la mise en scène ou des visuels utilisés et des incitations que le message comporte explicitement ou qu’il induit. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial, notamment lorsqu’il promeut une politique publique.

En l’espèce, le Jury constate que la communication litigieuse, qui figure sur le site internet de France Energie Eolienne, a manifestement pour objet de promouvoir l’énergie produite par les parcs éoliens, notamment en restituant de manière valorisante les résultats d’un sondage réalisé en novembre 2020 par l’institut Harris Interactive. Par suite, cette communication présente un caractère publicitaire et le Jury est compétent pour se prononcer sur la plainte qui la vise.

3.2. S’agissant de la conformité de la publicité aux règles déontologiques

Le code de la Chambre de commerce internationale ICC « Publicité et marketing », dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que :

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

« Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».

Le Jury rappelle en outre que, selon la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête », qui s’applique à toute publicité utilisant les résultats d’un sondage visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion :

  • une telle publicité ne doit pas « présenter des statistiques de manière à exagérer l’applicabilité d’une allégation relative à un produit» (préambule) ;
  • « Expression des résultats / Toute donnée résultant d’étude ou d’enquête doit demeurer liée à la réponse à une question précise et ne peut être généralisée au bénéfice de l’annonceur, à des produits ou activités non couverts par la question. / Aucune présentation de résultats chiffrés ne doit laisser supposer que le résultat énoncé concerne une zone géographique ou un échantillon autre que ceux qui ont été l’objet de l’enquête ou étude. / Le mode de présentation (graphique, visuel. etc…) ne doit pas présenter de façon disproportionnée, tel résultat par rapport à tel autre ».

Enfin, le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP (point 3 – Proportionnalité), dans sa version applicable :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.

3.3 En particulier : / (…) b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif ».

Le Jury relève en premier lieu que, dans son avis 664/20 publié le 14 août 2020, il a regardé comme fondée, au regard des règles équivalentes figurant dans la version précédente de la même Recommandation, une plainte visant une publicité de France Energie Eolienne comportant l’allégation : « Nous apportons de l’électricité propre, sûre (…) ». En dépit des critiques adressées par l’annonceur à cet avis, le Jury n’identifie aucun motif justifiant de ne pas l’appliquer, en l’espèce, à la page du site internet qui présente de la même façon l’énergie éolienne comme « propre » et « sûre ». Contrairement à ce qui est soutenu, cette interprétation ne fait nullement obstacle à la valorisation des propriétés environnementales de l’énergie éolienne, pour autant que la publicité les exprime « avec justesse », de manière proportionnée et sans suggérer indûment une absence totale d’impact négatif. Or il est constant que, même si elle présente incontestablement des atouts sur le plan environnemental, l’énergie éolienne n’est pas exempte d’inconvénients en termes de « propreté », notamment au regard de l’impact écologique de la fabrication et de la gestion de la fin de vie des infrastructures, et de « sûreté », notamment pour la faune.

Le Jury considère en revanche qu’il ne peut être reproché à France Energie Eolienne, au regard de la Recommandation « Développement durable », d’avoir reproduit sur l’autre page critiquée de son site internet, sans commentaire sur ce point, les résultats de l’étude Harris Interactive testant les réactions des personnes sondées à l’égard de différents qualificatifs associés à l’éolienne (notamment « propre, qui n’émet pas de gaz à effet de serre » et « sans danger »). A la différence de l’allégation précédente, la publicité litigieuse se borne en effet à restituer la perception de l’énergie éolienne par les personnes interrogées, sans elle-même endosser ces qualificatifs.

Le Jury constate en second lieu que la publicité en cause fait état d’une « perception positive » des parcs éoliens par 76 % des Français. Il considère que, même si cette allégation ne restitue pas la nuance entre les réponses « très bonne image » (23 %) et « assez bonne image » (53 %) figurant dans l’étude, l’expression « perception positive » n’est pas de nature à induire en erreur le public.

En troisième lieu, il est reproché à la communication litigieuse d’induire le public en erreur s’agissant de la réalité de la perception des parcs éoliens par leurs riverains.

Le Jury relève que l’étude Harris Interactive fait état d’une enquête dite « Riverains » réalisée du 9 au 17 novembre 2020 auprès d’un échantillon de 1001 personnes représentatif des « Français habitant à proximité d’une éolienne (moins de 5 kilomètres) », avec application de la méthode des quotas et redressement appliqués à cinq variables, dont « habitant d’une commune hébergeant une éolienne / située à moins de 5 km d’une éolienne ». Il ressort des observations d’Harris Interactive auxquelles renvoie l’annonceur que l’institut n’a pas recueilli l’information de l’adresse précise ou la géolocalisation des répondants, afin de se conformer à la législation sur la protection des données à caractère personnel, et que seule la commune de résidence a été collectée au motif qu’elle constituait une information suffisante pour réaliser l’enquête. Il résulte de ces éléments que la notion de « riverain » utilisée par l’étude se réfère non pas à une distance inférieure à 5 km entre une éolienne et le lieu de résidence de la personne interrogée, qui n’était pas connue de l’institut, mais à une distance inférieure à 5 km entre une éolienne et le territoire d’une commune où réside la personne sondée, que cette commune abrite ou non elle-même cette éolienne, et quel que soit le lieu de résidence exact de la personne interrogée sur cette commune. Par suite, ont été considérés comme des « riverains » d’un parc éolien, pour les besoins de cette étude, des personnes susceptibles de résider à plus de 5 km d’une éolienne, le cas échéant dans une commune n’abritant pas de parc éolien, mais limitrophe ou proche d’une commune accueillant un tel équipement.

Or la publicité litigieuse fait état de la perception de l’éolien par les Français « habitant à moins de 5 kilomètres d’un parc éolien » et « ceux habitant une commune qui abrite un parc éolien », et qualifie de « riverains » « les habitants des communes accueillant un parc éolien ». Eu égard à l’importance cruciale qu’est susceptible de revêtir le critère de proximité dans la perception de l’impact d’une éolienne, compte tenu du caractère localisé des nuisances, notamment visuelles et, plus encore, acoustiques, générées par une telle infrastructure, un tel décalage entre l’étude, telle qu’explicitée par l’institut qui l’a réalisée, et son commentaire par France Energie Eolienne, est de nature à induire en erreur le public sur la réalité de la perception des éoliennes par les personnes vivant dans un secteur qui en accueille, en méconnaissance du principe général de loyauté issu de l’article 4 du code ICC. Cette présentation laisse également supposer que le résultat concerne un échantillon autre que ceux qui ont été l’objet de l’étude, en méconnaissance du point 4 de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête ».

S’agissant enfin de l’allégation selon laquelle 68 % des Français « déclarent que l’installation d’éoliennes près de chez eux serait une bonne chose », le Jury constate qu’elle est tirée de la page 11 de l’étude qui restitue les réponses apportées par le grand public (enquête dite « Grand public » réalisée en ligne du 12 au 16 novembre 2020), et non par les « riverains », à la question « Vous-même, pensez-vous que l’installation d’un champ de panneaux solaires / d’une éolienne ou un parc éolien / d’un site nucléaire à proximité de votre territoire serait une bonne ou une mauvaise chose ? ». Dans la mesure où l’étude ne définit pas la notion de « proximité » employée et résume elle-même les réponses en évoquant « un parc éolien à proximité de chez eux », le Jury estime que l’allégation litigieuse, si elle n’est pas dépourvue d’ambiguïté au regard de la question initialement posée, n’est pas de nature à induire en erreur le public.

Il résulte de tout ce qui précède que la plainte est partiellement fondée, au regard du principe général de loyauté issu de l’article 4 du code ICC, du point 4 de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » et des points 3.1. à 3.3. de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 2 avril 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.