FRANCE ENERGIE EOLIENNE – Affichage – Plainte non fondée

Avis publié le 8 mars 2021.
FRANCE ENERGIE EOLIENNE – 703/21
Plainte non fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence, l’association France Energie Eolienne ayant été également conviée à participer à la séance,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 5 octobre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage, à l’arrière de bus circulant à Arras et Abbeville, émanant de l’association France Energie Eolienne (FEE), pour promouvoir l’énergie éolienne. Cette publicité est relayée sur le compte de cette association sur un réseau social.

La publicité en cause montre des paysages sur lesquels sont installées des éoliennes.

Ces images sont accompagnées des textes « L’énergie éolienne, plus on la connait plus on l’aime », « 74% des habitants des Hauts-de-France vivant à proximité d’un parc éolien en ont une bonne image* », « Une énergie qui crée 4 emplois par jour au cœur de nos territoires ».

L’astérisque renvoie à une mention en bas de la publicité, faisant état d’une « enquête réalisée par Harris Interactive pour France Energie Eolienne ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant particulier indique être également membre du Collectif Allier Citoyen.

Selon lui, le chiffre de 74 % annoncé dans la publicité et figurant dans le sondage sont totalement fantaisistes et élaborés selon des méthodes non professionnelles dont les résultats sont déformés ou occultés.

Il considère que, sous couvert d’un “sondage”, les chiffres sont artificiellement élaborés en vue d’annoncer un consensus qui n’existe pas mais qu’on propage dans l’opinion. La «méthodologie d’enquête » mentionne une distance de 5 km qui n’est explicitée à aucun endroit de l’étude. L’échantillon a été interrogé par téléphone en un délai très rapide et approximatif (une semaine) qui semble contradictoire avec l’exigence de précision du questionnaire, comme si on voulait énoncer un présupposé. Il n’est pas fait état, d’une part, de la distinction entre domicile et résidence, d’autre part, du caractère principal ou secondaire.

Il relève que la référence de résidence est la commune, ce qui peut tripler la distance concernée et la porter à 15 km ou plus, voire même supprimer toute vue directe d’une éolienne, en fonction de la position de l’habitation dans la commune. Les coordonnées géodésiques IGN de la position effective du domicile de la personne interviewée ne semblent pas avoir été vérifiées : de nombreuses communes dépassent 15 à 20 km2. De nombreuses personnes interrogées ne sont donc sans doute pas situées à proximité d’une éolienne ni même en vue directe.

Il ajoute que la répartition géographique nationale n’est pas mentionnée en termes de pondération alors que les quotas de région sont évoqués. Par exemple la région des Hauts de France mentionne 74% de réponses satisfaisantes, sans qu’on sache si le nombre de personnes est de 10, de 20 ou de 100.

Selon le plaignant, sur le plan statistique, il est difficile de valider un « échantillon » qui appartient à un ensemble mal défini et hétérogène, même si le critère de nombre est observé, puisqu’il ne procède pas d’un ensemble normé.

Il en conclut que la publicité mise en cause est contraire à la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou enquête » de l’ARPP.

L’association France Energie Eolienne a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 décembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que France Énergie Éolienne n’est pas un institut de sondage, et n’est donc pas en capacité de répondre techniquement et avec la légitimité suffisante aux questions de méthodologie soulevées par la plainte. Elle renvoie aux réponses apportées par l’institut Harris interactive, la méthodologie du sondage étant accessible et publique sur le site internet de France Énergie Éolienne.

Le représentant de l’institut fait valoir que, comme toute enquête réalisée par Harris Interactive, l’étude « Les Français et l’énergie éolienne » répond à un protocole d’interrogation éprouvé. Harris Interactive, institut indépendant, produit des études en s’assurant de l’intégrité aussi bien morale que technique :

  1. Une enquête Internet « Grand Public » réalisée en ligne du 25 au 27 septembre 2018, auprès d’un échantillon de 1091 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).
  2. Une enquête téléphonique « Riverains » réalisée par téléphone du 24 septembre au 2 octobre 2018, auprès d’un échantillon de 1001 personnes représentatif des Français habitant à proximité d’une éolienne (moins de 5 kilomètres). Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région, habitant d’une commune hébergeant une éolienne / située à moins de 5 km d’une éolienne.

En réponse aux différents points soulevés par le plaignant, l’association explique que :

  • La « méthodologie d’enquête » est expliquée en page 3 du rapport
  • Les délais correspondent aux délais habituels pour réaliser ce type d’enquêtes.
  • Comme dans toutes les enquêtes, le domicile est celui de résidence.
  • Respectueux de la protection des données personnelles et en conformité avec le RGPD, Harris Interactive n’a pas recueilli l’information de l’adresse précise ou la géolocalisation des répondants. Seule l’information agrégée, c’est-à-dire la commune de résidence, a été collectée car elle constituait une information suffisante pour réaliser cette enquête. Concernant la surface de la commune, statistiquement ce cas de figure est marginal : 34 672 communes ont une surface inférieure à 5 000 hectares
  • Garant du respect des méthodologies utilisées et de la solidité des résultats publiés dans ses enquêtes, Harris Interactive ne communique pas de données mesurées auprès d’une base de population trop faible pour en garantir la stabilité. En l’espèce, les quotas utilisés ne sont bien évidemment pas ceux se référant au Grand public mais ceux associés aux communes inclues dans le périmètre de l’étude (communes accueillant une éolienne ou situées à proximité). Or l’implantation des éoliennes en France est très inégale. Ainsi les régions qui en accueillent beaucoup (et dont les communes sont les plus peuplées) ont un poids plus important dans l’échantillon (exemple : Hauts-de-France) que celles où elles sont plus rares ou situées dans des zones moins peuplées (exemple : Auvergne Rhône Alpes). Les bases de répondants dans ces dernières étant jugées trop faibles, Harris Interactive n’a donc pas publié de résultats dans ces territoires.
  • L’étude suit parfaitement la méthode des quotas et redressements, appliqués aux variables susmentionnées et calculées à partir du recensement de l’INSEE au niveau de la commune. La représentativité est exactement la même que pour toute autre étude menée sur un territoire Français car la méthodologie appliquée est identique.

Par courriel du 7 janvier 2021, la direction de l’urbanisme de la Communauté Urbaine d’Arras, mis en cause dans la plainte, a sollicité un report d’examen afin de lui permettre d’analyser les documents du dossier. Lors de la séance du 8 janvier 2021 à laquelle l’affaire a été inscrite, cette administration a indiqué que les bus sur lesquels la publicité litigieuse est apposée ne relèvent pas de sa compétence.

En dépit des diligences effectuées par le Jury, le gestionnaire de ces bus n’a pu être identifié.

Par courriel avec accusé de réception, le Jury a informé l’annonceur ainsi que le plaignant du report de l’examen de la plainte à la séance du 5 février 2021.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou enquête » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) fixe les conditions dans lesquelles une publicité peut faire état des résultats d’un sondage visant à mesurer une opinion. Aucune disposition de cette Recommandation n’autorise le Jury à remettre en cause la validité d’un sondage d’opinion.

Le Jury estime certes qu’il peut, sur le fondement du principe général selon lequel la publicité ne doit pas induire en erreur le consommateur sur les qualités revendiquées d’un produit ou d’un service, écarter la référence à un « sondage » ne présentant aucune garantie de fiabilité dans une publicité ou en tant qu’élément justificatif produit par l’annonceur, en particulier lorsqu’il est impossible d’identifier son auteur, son commanditaire, la méthode d’enquête utilisée, les dates de réalisation ou encore la taille de l’échantillon retenu, ou lorsque ces éléments sont, à l’évidence, entachés d’un vice grave excluant que ses résultats puissent être pris en compte. A défaut, toute publicité pourrait se parer de la caution scientifique attachée au « sondage » dans l’esprit du consommateur, sur la base d’une enquête farfelue voire imaginaire. En revanche, il ne lui appartient pas de porter une appréciation d’ordre technique sur la fiabilité des résultats obtenus par un institut de sondage établi au terme d’une enquête réalisée conformément aux méthodes habituellement pratiquées par les acteurs de ce secteur.

Le Jury relève que la plainte porte exclusivement sur l’allégation, figurant dans la publicité litigieuse, selon laquelle « 74% des habitants des Hauts-de-France vivant à proximité d’un parc éolien en ont une bonne image ». Plus particulièrement, elle met en cause la fiabilité de la méthodologie utilisée pour la réalisation du sondage dont cette affirmation est tirée.

Le Jury observe que l’enquête en cause émane de l’un des principaux instituts de sondage opérant en France, qui présente de sérieuses garanties en termes d’indépendance et de compétence. La méthodologie de cette enquête est explicitée à la page 3 du rapport disponible sur Internet. Il s’agit, d’une part, d’une enquête dite « Grand public », réalisée en ligne, pendant trois jours, auprès de 1091 personnes, selon la méthode des quotas et redressement appliqués aux variables de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle et de région, et, d’autre part, d’une enquête dite « Riverains » réalisée par téléphone pendant huit jours auprès d’un échantillon de 1001 personnes « habitant à proximité d’une éolienne (moins de 5 kilomètres) ». La page 10, qui fait état des réponses à la question : « Avez-vous une bonne ou une mauvaise image de l’énergie éolienne ? » posée aux riverains, fait état d’un taux de réponse « bonne image » de 74 % dans la région des Hauts-de-France.

Dans la mesure où l’allégation litigieuse reprend, sans la dénaturer, l’information figurant dans l’enquête ainsi réalisée, le Jury considère que cette seule reprise ne peut caractériser une méconnaissance de la Recommandation précitée et que la plainte, telle qu’elle est formulée, n’est pas fondée.

Le Jury estime toutefois devoir apporter deux précisions :

  • en premier lieu, il relève une ambiguïté dans les résultats du sondage. En effet, il est tour à tour fait état d’une enquête réalisée auprès de « Français habitant à proximité d’une éolienne (moins de 5 km)», puis de l’application de la méthode des quotas et de redressements au regard de certaines variables dont : « habitant d’une commune hébergeant une éolienne / située à moins de 5 km d’une éolienne ». Or un habitant d’une commune située à 4 km d’une éolienne peut lui-même se trouver à une distance supérieure et, pour des communes étendues, bien supérieures, à 5 km. Cette ambiguïté est d’autant plus regrettable que la distance réelle entre le domicile d’une personne et le lieu d’implantation d’une éolienne est vraisemblablement une variable importante pour mesurer son acceptabilité ;
  • en second lieu, le Jury rappelle qu’aux termes du point 3 de cette Recommandation, « la durée pendant laquelle une enquête reste valable est limitée en fonction de l’objectif qu’elle s’est assignée. Aucune publicité ne peut donc utiliser les résultats de travaux dont le délai de validité serait manifestement dépassé compte tenu des usages, de l’actualité ou de l’édition de nouveaux résultats». Compte tenu de la potentielle volatilité de l’opinion sur les sujets environnementaux et de la réalisation de nouveaux sondages depuis septembre 2018, notamment un sondage de l’IFOP mentionné par le plaignant en séance et un nouveau sondage d’Harris Interactive intervenu en janvier 2021, qui ne comporte d’ailleurs plus de résultat par région, le Jury considère qu’il serait contraire à cette règle déontologique de continuer à utiliser en publicité le sondage réalisé en 2018 dans de futures publicités.

Avis adopté le 5 février 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Leers, Lucas-Boursier et Thomelin

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