FONDATION BRIGITTE BARDOT – Affichage – Plaintes partiellement fondées – Demande de révision rejetée

Avis publié le 6 septembre 2021
FONDATION BRIGITTE BARDOT – 743/21
Plaintes partiellement fondées
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la Fédération nationale des chasseurs et d’un plaignant particulier, ainsi que ceux de la Fondation Brigitte Bardot et de la société d’affichage Clear Channel France, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la Fondation Brigitte Bardot, aux plaignants particuliers ainsi qu’à la Fédération nationale des chasseurs, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, entre le 1er et le 7 avril 2021, de trois plaintes émanant de particuliers, d’autre part, le 18 mai 2021, d’une plainte émanant de la Fédération nationale des chasseurs, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la Fondation Brigitte Bardot, concernant la pratique de la chasse.

La publicité en cause, diffusée en affichage, utilise en accroche, le texte : « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous », en-dessous duquel figurent les informations : « 141 accidents dont 11 mortels – 30 millions d’animaux abattus », complétées par la mention : « Saison 2019-2020 – Source : Office Français de la Biodiversité ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants particuliers considèrent que cette campagne constitue une insulte envers les chasseurs en assimilant ceux-ci à un virus meurtrier et en induisant une comparaison avec la crise sanitaire actuelle. Il s’agit, selon eux, de propos discriminants et stigmatisants pour plus d’un million de chasseurs en France.

Ils précisent que la chasse est un sport, une activité d’évasion pour de nombreuses personnes et même une passion. Elle permet de prélever certaines espèces qui deviendraient incontrôlables si elles n’étaient pas chassées (sangliers, pigeons …) et causeraient des dommages sur les cultures très préjudiciables aux agriculteurs. Ils relèvent que la plupart des chasseurs respectent le gibier qu’ils prélèvent.

Les plaignants ajoutent que cette publicité est mensongère sur le nombre d’animaux tués.

Lors de la séance du 2 juillet, le plaignant représenté a fait valoir oralement combien le propos de l’affiche a pu être perçu comme dénigrant à l’égard des chasseurs. Il a précisé que pour un chasseur travaillant également dans le domaine de la santé, la similitude du slogan avec ceux de la campagne de lutte contre la Covid-19 a pu constituer une atteinte encore plus injuste.

La Fédération nationale des chasseurs (FNC) indique qu’elle constitue une association soumise au statut de la loi de 1901, en activité depuis 2001.

La FNC assure la représentation des fédérations départementales, interdépartementales et régionales de chasseurs au niveau national.

Elle précise que l’article L 423-4 du code de l’environnement prévoit que le fichier national du permis de chasser est géré conjointement par l’office français de la biodiversité et la fédération nationale des chasseurs. Ainsi, les fédérations départementales des chasseurs transmettent quotidiennement à la fédération nationale des chasseurs la liste de leurs adhérents titulaires d’une validation ou d’une autorisation de chasser. Chaque personne est identifiable et grâce à ce travail de recensement, la FNC établit une base de données nationale ce qui démontre sa capacité à représenter l’ensemble des chasseurs de France.

La FNC ajoute qu’en qualité d’instance chargée d’assurer la promotion et la défense de la chasse ainsi que la représentation des intérêts cynégétiques, elle est l’interlocuteur de référence auprès du gouvernement et des pouvoirs publics et qu’elle est consultée par le ministre chargé de la chasse sur la mise en valeur du patrimoine cynégétique, la protection de la faune sauvage et de ses habitats ainsi que les conditions de l’exercice de la chasse. Son expérience dans le domaine de la protection de la nature lui a valu d’être agréée comme
« association de protection de l’environnement » depuis 2011 au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement.

La FNC indique que, par arrêté du 16 décembre 2013, elle a été désignée pour prendre part au débat sur l’environnement se déroulant dans le cadre des instances consultatives nationales.et qu’elle est également membre de la Commission nationale de la transition écologique et du Conseil national de la Biodiversité et coordonne la cohésion des actions des associations communales et intercommunales de chasse agréées qui sont investies de missions d’intérêt général en vertu de l’article L. 422-2 du code de l’environnement. La FNC considère qu’elle favorise ainsi le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique et joue un rôle majeur dans la préservation de la biodiversité. Elle participe en outre à la politique nationale en matière de lutte contre les pathologies et les problèmes sanitaires impactant la faune sauvage et conçoit et met en œuvre le programme national de remise à niveau des connaissances des chasseurs pour la formation décennale obligatoire instituée par la loi du 24 juillet 2019 (article L 424-15 du code de l’Environnement).

La FNC soutient que l’activité de chasse est une pratique millénaire et universelle, légale et réglementée en France. Avec plus de 5 millions de porteurs de permis dont 1 million de pratiquants et 500 000 bénévoles, la chasse est la 3ème activité de loisirs des Français. Au-delà de représenter un art de vivre, les chasseurs participent à certaines missions sanitaires conformément au rôle qui leur est reconnu par la « loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » du 13 octobre 2014. Selon elle, ces missions bénévoles font des chasseurs des « éco-citoyens » pleinement sensibilisés aux enjeux environnementaux.

Elle ajoute que la pratique de la chasse constitue un véritable patrimoine vivant et un vecteur d’identité fort qui répond à une aspiration d’authenticité et de rapprochement avec la nature. Par la richesse de son tissu associatif, la chasse est également le moteur d’une activité économique importante à l’origine de nombreux emplois.

Elle considère qu’en dépit de cet ancrage dans la société et de la reconnaissance des autorités publiques quant au rôle joué par les chasseurs dans la protection de la biodiversité, les chasseurs et l’activité de chasse font face à de nombreux détracteurs qui n’hésitent pas à user de procédés violents pour faire entendre leur opposition idéologique. Ainsi, bien qu’étant une activité légale, la chasse et ceux qui la pratiquent font trop régulièrement l’objet d’attaques virulentes (harcèlement moral, entraves, diffamations, violences, …).

Selon elle, c’est dans ce cadre que s’inscrit l’affiche litigieuse qui a été diffusée, à compter du 30 mars 2021, sur l’ensemble du territoire national par le réseau Clear Channel France. Ces affiches, d’un format de 4 mètres sur 4 mètres, se situent à chaque fois en bordure d’axes routiers et de voies ferrées. Dès le 1er avril 2021, la Fédération nationale des chasseurs a fait constater, par huissier, la présence de plusieurs de ces affiches, à Cambrai, à Saintes, à Mont-de-Marsan, à Reluis ainsi qu’à Châlons-en Champagne. L’affiche a également fait l’objet d’une diffusion sur internet, notamment sur le site internet de la Fondation Brigitte Bardot, et a largement été relayée sur les réseaux sociaux de cette fondation. Ainsi, la Fondation Brigitte Bardot, dans un communiqué en date du 29 mars 2021, accessible sur son site internet, reprenant en titre le slogan évoqué ci-dessus, annonce « La fondation Brigitte Bardot lance une opération nationale inédite, via une campagne d’affichage de 1500 panneaux sur l’ensemble du territoire, pour dénoncer l’imposture de la chasse et tes dangers que représentent les porteurs de fusil ».

Elle relève que la presse, aussi bien régionale que nationale, s’est largement fait l’écho de cette campagne publicitaire, amplifiant alors considérablement le message de la Fondation Brigitte Bardot et estime que cette campagne publicitaire est à l’origine d’un important préjudice, non seulement pour les chasseurs et l’activité de chasse, représentés par la Fédération nationale des chasseurs, mais également pour l’ensemble du public, en ce qu’elle ne respecte pas les règles déontologiques.

Concernant les violations manifestes des règles déontologiques 

La fédération relève d’abord que la publicité doit « se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique » (Article 1er du Code ICC) et que ces principes s’imposent indépendamment du caractère « commercial » ou « non commercial » d’une publicité. En effet, dans un avis publié le 28 janvier 2019, le Conseil de l’Éthique Publicitaire a clairement affirmé que « les campagnes d’opinion ne sont pas exemptées du respect des règles fondamentales de l’éthique publicitaire ». Cet avis relève en outre que « l’opinion exprimée publiquement par [ces] campagne[sJ prête […] généralement à polémique, car s’engageant sur des terrains parfois glissants (mise en cause d’États ou de dirigeants, dénigrement d’activités ou d’entreprises, atteinte aux convictions philosophiques, politiques ou religieuses, etc.) » et qu’en conséquence « en examinant ces campagnes, la vigilance de l’ARPP et de ses collaborateurs doit donc être en éveil, notamment face au risque d’une instrumentalisation à ses dépens. ». Cet avis insiste à cet égard sur le fait qu’il faut distinguer les causes incontestables dans l’opinion (par exemple la lutte contre la pédophilie) des combats plus contestés (comme la lutte contre la corrida) » et que « dans le second cas, les partis pris militants exprimés par les campagnes, parce qu’ils sont sujets à controverse, créent un risque supplémentaire de non-acceptation du message par le public ».

Elle souligne que si cet avis reconnaît qu’il peut exister une certaine tolérance pour les campagnes d’opinion, il précise que « cette marge de tolérance ne peut porter que sur des éléments de nature à choquer le public (violence, indécence…) et en aucun cas sur des éléments de nature à tromper ou nuire ».

Elle en déduit que l’affiche litigieuse ne saurait être purement et simplement qualifiée de campagne d’opinion, dès lors qu’elle formule un appel au soutien – vraisemblablement financier.

La FNC relève cinq violations manifestes de la déontologie publicitaire.

En premier lieu, la campagne critiquée méconnaît l’article 7 du Code ICC, qui impose aux communications commerciales d’être identifiables. En effet, elle comporte une ambiguïté quant à l’identité de l’annonceur, en raison de la confusion entretenue avec la communication officielle du Gouvernement sur la crise sanitaire.

A cet égard, dans son avis « Campagnes d’opinion et publicité non commerciale » du 28 janvier 2009, le CEP a souligné l’importance particulière que revêt, pour les campagnes d’opinion, l’identification claire de l’annonceur et du caractère publicitaire du message, pour des raisons tenant notamment à des préoccupations relatives à l’ordre public.

En l’espèce, elle soutient que l’affiche litigieuse imite la campagne de communication de l’État, et notamment du ministère des solidarités et de la santé, initiée un an auparavant dans le cadre de la pandémie de Covid-19 qui sévissait sur le territoire national.

A compter de la mi-mars 2020, l’invitation à « rester chez soi » dans le cadre d’un confinement strict dans le but de sauver des vies en évitant la propagation de la maladie et l’encombrement des hôpitaux était le mot d’ordre intimé par notre gouvernement. Selon elle, l’affiche litigieuse reprend de manière évidente la charte graphique créée dans le cadre de cette communication gouvernementale par : la mise en page (Formes rectangulaires, Lettres capitales), le slogan (« sauvez des vies, restez chez vous »), les couleurs (bleu, blanc, rouge — couleurs du drapeau national).

Selon la FNC, le visuel incite le public à penser qu’il s’agit d’une campagne officielle. Il est notable à cet égard que ces affiches sont toutes situées en bordure de routes sur lesquelles circulent – de façon relativement rapide – des véhicules, voire aux abords de réseaux ferroviaires. Ce faisant, le temps d’exposition et de lecture du public est particulièrement bref et ne permet pas nécessairement d’analyser avec recul le message publicitaire leur étant soumis. Ainsi, si en bas de l’affiche à droite, le logo de la fondation Brigitte Bardot apparait, l’identification de l’annonceur n’est pas suffisamment claire dans la mesure où les trois quarts de l’affiche évoquent une campagne gouvernementale. En outre, il est notable que l’encart « CHASSE » en haut à droite de l’affiche, auquel s’adjoint le pictogramme représentant un chasseur figurant en haut à gauche du visuel, sont de mêmes tailles que le logo de la Fondation Brigitte Bardot.

En deuxième lieu, cette campagne publicitaire méconnaît, selon la FNC, les articles 2 et 12 du Code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP, selon lesquels la publicité ne doit pas dénigrer une catégorie de personnes ou tenter de lui attirer le mépris du public notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société, et ne doit pas inciter à la discrimination, encourager des comportements antisociaux ou valoriser un sentiment d’exclusion.

La FNC retient que l’unique objet de cette affiche est de dénigrer l’activité de chasse et de stigmatiser les chasseurs en éveillant dans la population un sentiment d’insécurité.

Elle ajoute que cette stigmatisation injustifiée est d’autant plus grave que cette affiche présente le groupe social des chasseurs comme représentant un danger mortel pour l’ensemble des concitoyens. D’une part, l’affiche utilise des données chiffrées – mal sourcées par ailleurs – et un vocabulaire volontairement alarmiste, tel que les termes
« mortels » ou « abattus » afin de créer dans l’esprit du public l’image se chasseurs nuisibles, dangereux et brutaux, d’autre part, cette affiche, elle assimile la chasse à une pandémie mondiale et les chasseurs à un virus mortel dont il faut préserver le reste de la population.

La fédération rappelle que la pandémie de Covid-19 est à l’origine, à ce jour, de presque 98 000 décès en France. Véhiculer par ces affiches l’idée selon laquelle un parallèle est envisageable entre la chasse et cette maladie et que la seule mesure salutaire pour le public serait d’intimer aux chasseurs de « rester chez eux » et, de fait, de se mettre à l’écart de la communauté humaine et de cesser l’activité de la chasse est, selon elle, manifestement dénigrante et cause un important préjudice à la communauté des chasseurs.

Elle soutient que l’impact de cette affiche est doublement renforcé :

  • par le fait qu’en lui donnant une apparence officielle, par imitation de la campagne de communication de l’État dans le cadre de la pandémie de Covid-19, la fondation Brigitte Bardot donne à son injonction une apparence de légitimité
  • par le choix de la date « anniversaire » du premier confinement pour son lancement. Le dénigrement de la chasse et la discrimination induite à l’égard des chasseurs est manifeste.

Enfin, la FNC considère qu’en formulant à l’endroit des chasseurs l’injonction de rester chez eux pour sauver des vies, cette affiche instigue dans l’esprit du public un sentiment d’exclusion et d’intolérance vis à vis de ce groupe social.

En troisième lieu, selon la FNC l’affiche litigieuse crée dans l’esprit du public un sentiment de rejet, de peur et d’insécurité en présentant les chasseurs comme responsables de la mort d’autrui sans distinction aucune des circonstances de temps, de lieux ou propres à leur(s) auteur(s), de survenance de faits ayant causé la mort d’autrui.

Ainsi, d’une part en enjoignant les chasseurs à « rester chez [eux] » pour « sauver des vies » elle induirait dans l’esprit du public l’idée selon laquelle les chasseurs mettent des vies, notamment humaines, en péril.

La FNC soutient que l’utilisation d’un pictogramme représentant un homme avec un fusil dans les mains en action de tir renforce plus encore l’impression d’insécurité. En véhiculant l’idée que la population ne serait donc pas en sécurité en présence de chasseurs, cette affiche inciterait la population à rejeter de la communauté des personnes pratiquant la chasse. D’autre part, cette affiche ferait peur au public quant à la préservation de la biodiversité. Les chasseurs représenteraient, à la lecture de cette affiche, un danger pour la biodiversité alors qu’ils sont pourtant des acteurs essentiels à sa préservation.

La FNC soutient qu’elle assure la défense et la promotion du rôle des chasseurs dans la protection de la biodiversité, qu’il s’agisse de l’entretien des espaces ou de la gestion des espèces et qu’elle a lancé en janvier 2016 une base de données « Cyn’Actions Biodiv », ayant pour objectif de recenser les actions des chasseurs en faveur de la biodiversité. Elle rappelle le rôle de la FNC auprès des pouvoirs publics

La FNC soutient, en quatrième lieu, que ces affiches méconnaissent l’article 6 du Code ICC selon lequel : « Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code ».

La fédération relève qu’il résulte également de la Recommandation « Développement Durable » et de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » que chaque affirmation chiffrée doit reposer sur une enquête scientifique et que la publicité y ayant recours doit en préciser la source entendue comme la mention de l’auteur de l’étude et de la date de sa réalisation. Les sources doivent figurer de manière aisément lisible par le public.

En l’espèce, la publicité utilise deux affirmations chiffrées : « 141 accidents dont 11 mortels » et « 30 millions d’animaux abattus. » qui paraissent reposer sur la « saison 2019-2020 » et avoir pour « Source: Office Français de la Biodiversité ».

Or, en premier lieu, la FNC considère que si la première de ces affirmations résulte bien d’une étude de l’OFB, le second chiffre de 30 millions d’animaux n’apparaît nullement dans les différentes études menées par cette entité. En effet, la recherche par mots clefs dans la barre de recherche du site de 1’OFB reste vaine. Ce faisant, l’affiche litigieuse trompe le public en affirmant reposer sur une source fiable, à savoir l’OFB, alors qu’il n’en est rien. Elle le trompe même doublement en avançant un chiffre farfelu de « 30 millions d’animaux abattus ».

Selon la plaignante, ce chiffre résulte vraisemblablement d’un calcul imprécis opéré par la Fondation Brigitte Bardot, en prenant appui sur des données chiffrées glanées tantôt dans des enquêtes anciennes sur les tableaux de chasse, tantôt sur des chiffrages opérés sur la base des élevages de gibier de chasse. De tels calculs sont loin de satisfaire les exigences de précision déontologiquement imposées s’agissant des sources.

En outre, s’agissant de la première affirmation « 141 accidents dont 11 mortels. », elle estime que cette affirmation fait l’impasse sur les faits suivants, ressortant pourtant de la même étude : « En 20 ans, la tendance globale des accidents de chasse est à la baisse. Le nombre d’accidents a ainsi diminué de 4l % comparé à son niveau de 1999 », « Le nombre d’accident mortel à chuté de 71 % comparé à 1999 », « Les accidents se sont principalement produits lors de chasse au gros gibier »; « 90% des victimes des accidents étaient des chasseurs ».

Selon elle, il se déduit de ces chiffres que la Fondation Brigitte Bardot ne peut ignorer, que se sont d’abord les chasseurs eux-mêmes qui sont victimes d’accident de chasse, mais que surtout, ces accidents se sont majoritairement produits lors de chasse au grand gibier, laquelle relève d’une mission d’intérêt général dont les chasseurs sont les acteurs principaux.

Aux termes d’une lettre d’instruction du 31 mars 2020, le ministre de la transition écologique indiquait clairement que « l’objectif est d’éviter une explosion des coûts liés aux dégâts causés par les gros gibier » et que « dans ce but, il conviendrait notamment de veiller à ce qu’environ 500.000 sangliers soient prêtés d’ici la fin de l’année, ce qui suppose une mobilisation active des chasseurs ».

Il résulte de la Recommandation « Appel à la générosité publique » de l’ARPP que la publicité, notamment lorsqu’elle appelle à la générosité publique, doit porter un message qui correspond aux actions menées par l’annonceur. En l’espèce, la fondation Brigitte Bardot a été créée le 30 avril 1986 avec pour objet « promouvoir et organiser la défense ainsi que la protection de l’animal sauvage et domestique, tant en France que dans le monde entier ». Cet objet social demeure à ce jour et la Fondation Brigitte Bardot se présente en ces termes sur les réseaux sociaux: « La Fondation Brigitte Bardot œuvre pour la protection de l’animal domestique & sauvage, en France et à l’international ».

Selon la fédération, en faisant volontairement état des accidents « humains », avant même les données portant sur les animaux, la fondation non seulement outrepasse ses attributions, mais en plus, use de tous moyens pour émouvoir l’opinion publique,

Elle ajoute que la Fondation Brigitte Bardot incite le public à penser qu’au moins une partie des fonds recueillis pourrait être utilisée en soutien des personnes victimes d’accidents de chasse. Or, ce faisant, cette Fondation sème le doute sur l’action précise pour laquelle elle sollicite des soutiens, violant ainsi la déontologie publicitaire à laquelle elle est soumise.

En cinquième et dernier lieu, la fédération se fonde également sur les articles 4 (exigence déontologique de loyauté) et 5 (exigence déontologique de véracité) du Code ICC, pour soutenir que les fondements revendiqués par l’annonceur pour tenter de justifier cette injonction, sont erronés, mal exploités et trompeurs:

  • En éludant des informations pertinentes à l’appréhension par le public de l’activité légale de chasse, cette affiche ferait une présentation déloyale de cette activité et des personnes qui la pratique.
  • En attribuant une fausse source à son allégation pour la rendre crédible alors qu’elle est injustifiable, cette affiche tromperait le public.
  • En exploitant la peur et le manque de connaissance du public sur la chasse et en assénant des affirmations péremptoires et exagérées, cette affiche serait déloyale et trompeuse.
  • En créant une confusion sur la nature officielle de cette communication et sur l’identité de son annonceur, cette affiche abuserait de la confiance des lecteurs et les induit en erreur sur la nature militante du message qu’elle contient.

Lors de la séance du 2 juillet, la fédération a repris ces arguments et précisé que l’action en justice qu’elle a initié à Cambrai à la suite de cette campagne n’a été rejetée que pour des motifs de procédure.

La Fondation Brigitte Bardot, a été informée, par courriels avec accusé de réception le 5 mai 2021, des plaintes des particuliers, puis le 28 mai 2021, de la plainte de la Fédération nationale des chasseurs, dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir qu’elle est une fondation, reconnue d’utilité publique par décret du 21 février 1992, dont l’objet social est la défense et la protection des animaux sauvages et domestiques.

Elle a mis en place, le 31 mars 2021, une campagne publicitaire sur l’ensemble du territoire, visant à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse. Des affiches ont ainsi été apposées sur les panneaux publicitaires mis à disposition par Clear Channel dans plusieurs communes de France.

La fondation indique que beaucoup d’affiches ont été volontairement détériorées et le message de la fondation détourné sur les affiches mais également sur les réseaux sociaux, en des termes virulents à l’encontre tant de la fondation que de sa présidente.

Elle constate que deux procédures judiciaires sont en cours. L’une, à l’initiative de la fédération nationale des chasseurs, a été jugée irrecevable par jugement du tribunal judicaire de Cambrai du 6 mai 2021, frappé d’appel par la FNC ; l’autre, émanant de la Fédération départementale des chasseurs des Landes, est pendante devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan.

La Fondation Brigitte Bardot fait valoir les observations suivantes en réponse aux principaux griefs des plaintes.

En premier lieu, la Fondation Brigitte Bardot indique qu’elle a mené cette campagne de communication afin de sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse, en dénonçant les dangers induits par cette activité du fait de l’utilisation de fusils et l’abattage d’animaux en grand nombre.

Elle soutient que cette campagne s’inscrit de manière assumée et sous la forme d’un pastiche dans la lignée du message gouvernemental lors du premier confinement de mars à mai 2020. Son annonceur n’en reste pas moins clairement identifiable compte tenu de la présence en bas de l’affiche, du message « Soutenez-nous » suivi de la mention du site internet de la Fondation Brigitte Bardot, ainsi que de la retranscription en bas à droite de l’affiche, du logo de la Fondation Brigitte Bardot en bleu sur fond blanc, de sorte qu’aucune confusion ne peut exister sur l’identité de l’annonceur qui est clairement établie.

Par suite, les articles 7 et 16 du code ICC ne sont pas méconnus.

En deuxième lieu, la campagne publicitaire en cause ne méconnaît pas les articles 2 et 12 du code ICC dès lors qu’elle a souhaité exprimer une opinion, celle qu’elle s’est donnée pour mission de promouvoir et pour laquelle elle est connue du public.

Elle soutient qu’il ne s’agit pas d’une communication commerciale au sens des articles 2 et 12 du code ICC, mais d’une campagne émanant d’un organisme reconnu d’utilité publique pour alerter le public sur un problème sociétal, objet d’un débat public récurrent. La fondation délivre, selon elle, un message informatif : loin d’insulter, d’invectiver les chasseurs, ou encore de les comparer à un virus, elle s’est contentée de donner des chiffres officiels afin d’alerter sur les risques, réels, de la chasse.

La fondation estime donc qu’aucune discrimination et encore moins une incitation à des comportements violents ou illicites n’émane de cette campagne d’information qui s’est au contraire, trouvée elle-même victime de détériorations.

Elle conteste, en troisième lieu, que cette campagne aurait créé un « sentiment de peur, de rejet et d’insécurité en présentant les chasseurs comme responsable de la mort d’autrui ». En effet, celle-ci s’appuie sur des éléments réels et incontestables.

Sous le message de la Fondation Brigitte Bardot, il est indiqué que la saison de chasse 2019-2020 a connu « 141 accidents de chasse dont 11 mortels, et 30 millions d’animaux abattus », ce qui est une réalité s’appuyant sur des sources officielles, à savoir :

  • Le rapport de l’Office Français de la Biodiversité (0FB) pour la saison 2019-2020 qui fait effectivement état de 141 victimes d’accidents de chasse, dont 11 mortels ;
  • L’enquête de l’Office National sur les tableaux de chasse à tir ;
  • Les résultats nationaux de l’Office national de la chasse.

La fondation indique que la réalité factuelle énoncée sur l’affiche sous forme de vérité, n’est pas contestable : la chasse provoque des accidents et même des décès et conduit à tuer des millions d’animaux et l’affiche invite les chasseurs à sauver des vies en restant chez eux en s’inscrivant ainsi dans la lignée du message gouvernemental lors du premier confinement de mars à mai 2020.

Enfin, la fondation considère que le message est tout à fait conforme à son objet statutaire qui est la défense et la protection des animaux. Par ailleurs, ses statuts prévoient au nombre de ses moyens d’actions les campagnes d’opinion et de sensibilisation du public à la cause animale. C’est dans ce cadre qu’elle a lancé la campagne d’affichage en cause laquelle vise à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse qui s’inscrit dans un débat public d’intérêt général et repose sur des éléments factuels réels.

La Fondation Brigitte Bardot indique que la campagne a pris fin le 28 avril 2021, conformément à la commande passée auprès de Clear Channel.

Lors de la séance du 2 juillet, la fondation a repris ces arguments.

La société Clear Channel a également été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 mai 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que le 9 mars 2021, la Fondation Brigitte Bardot a passé commande auprès de Clear Channel d’une campagne d’affichage nationale visant à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse.

Rien dans cette campagne ne permet de conclure à l’interprétation selon laquelle le Code ICC « Publicité et Marketing », en particulier les points 2, 6 et 7 et la Recommandation « Appel à la Générosité Publique » ne seraient pas respectés.

En premier lieu, il n’y a lieu de relever aucune ambiguïté sur l’identité de l’annonceur. En effet, figurent de façon parfaitement visible sur l’affiche, d’une part, le logo et le nom de la Fondation Brigitte Bardot et, d’autre part, le slogan « Soutenez nous : fondationbrigittebardot.fr ». La société souligne que la qualité de l’annonceur est donc dépourvue de toute équivoque et apparaît clairement sur l’affiche.

De plus, l’affiche s’inscrit, selon le diffuseur, dans les limites admissibles de la liberté d’expression, telle que protégée par la convention européenne des droits de l’homme, et n’est donc en rien discriminatoire ou dénigrante envers les chasseurs. Pour la société, il est manifeste que le message affiché par la Fondation Brigitte Bardot sur les effets de la chasse sur la faune et les dangers qu’elle induit par l’utilisation d’armes à feu, fondés sur des données sourcées, participe au débat public entre les tenants du bien-être animal dont l’association susmentionnée fait partie et les partisans de la chasse et ne saurait donc nullement être considéré comme constituant un abus de la liberté d’expression.

Par ailleurs, elle souligne que ce n’est pas l’affiche qui éveille dans la population un sentiment de peur ou d’insécurité comme le soutient la FNC, puisque cette population fait d’ores et déjà montre d’une certaine inquiétude par rapport à la chasse. Deux sondages IFOP ont montré que 71% des sondés se déclarent en insécurité lorsqu’ils se promènent dans la nature en période de chasse.

En outre, la société Clear Channel rappelle que la Fondation Brigitte Bardot est une fondation reconnue d’utilité publique dont l’objet social est la défense et la protection des animaux sauvages et domestiques ; à ce titre, ses statuts prévoient au nombre de ses moyens d’actions, les campagnes d’opinion et de sensibilisation du public à la cause animale. Cette communication conforme à l’objet social de l’annonceur respecte donc bien la Recommandation « Appel à la Générosité Publique ». C’est dans ce cadre qu’elle a lancé la campagne d’affichage en cause, laquelle vise à sensibiliser le public sur les conséquences de la chasse, en dénonçant les dangers induits par cette activité sportive du fait de l’utilisation de fusils et l’abattage d’animaux en grand nombre.

Sous l’accroche « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous », il est indiqué sur l’affiche que la saison de chasse 2019-2020 a connu 141 accidents de chasse dont 11 mortels, et 30 millions d’animaux abattus, ce qui est une réalité s’appuyant sur une source officielle, à savoir le rapport de l’OFB pour la saison 2019-2020. Ce rapport fait effectivement état de 141 victimes d’accidents de chasse, dont 11 mortels. Quant au chiffre de 30 millions d’animaux abattus, s’il ne figure pas dans l’étude de l’OFB pour la saison 2019-2020, il correspond à l’estimation de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, en partenariat avec l’Union nationale des fédérations départementales des chasseurs.

Le diffuseur considère donc que cette campagne s’appuie donc bien sur des sources officielles quant aux données chiffrées mises en avant conformément à l’article 6 du Code ICC.

A partir de ces constats incontournables (la chasse provoque des accidents et même des décès et conduit à tuer nombre d’animaux), la société Clear Channel estime que la Fondation Brigitte Bardot ne fait que reprendre une évidence : en matière de chasse comme dans d’autres domaines d’ailleurs, telle la route, le slogan « Sauvez des vies restez chez vous » ressort de la logique factuelle : si les chasseurs étaient restés chez eux, le nombre de décès évoqués sur l’affiche n’auraient pas pu être constatés et être imputés aux chasseurs.

Elle ajoute que la Fondation Brigitte Bardot comme Clear Channel ont été assignées en justice:

  • Par la Fédération Nationale des Chasseurs : un jugement a été rendu par le Tribunal Judiciaire de Cambrai le 6 mai dernier déboutant ladite Fédération de l’ensemble de ses demandes visant notamment à ordonner le retrait des affiches et à engager « la responsabilité délictuelle de la Fondation à raison de son intention de nuire et du caractère fautif et trompeur de la campagne publicitaire ».
  • Par la Fédération départementale des Landes : la première devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, affaire qui a été plaidée en référé le 3 juin dernier et la seconde devant le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan, plaidée le 29 juin.

La société Clear Channel en déduit que ces actions judiciaires montrent paradoxalement que le caractère jusqu’au-boutiste que semble reprocher les plaignants à cette campagne est plutôt du côté des chasseurs et de leurs fédérations.

Lors de la séance du 2 juillet 2021, la société a repris ces arguments.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur les règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle que le code de la Chambre de commerce internationale « Publicité et marketing », dit code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique.

Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales.

Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. ».

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

« Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».

« Article 6 – Justification

Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code. »

« Article 7 – Identification et transparence

Les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles, quelle que soit leur forme et quel que soit le support utilisé. Lorsqu’une publicité, y compris une publicité dite «native», est diffusée dans un média comportant des informations ou du contenu rédactionnel, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire soit évident et, le cas échéant, doit être marquée comme telle.

La finalité commerciale de la communication doit être apparente et la communication ne doit pas occulter sa finalité commerciale réelle. Ainsi, une communication favorisant la vente d’un produit ne doit pas être indûment présentée comme, par exemple, une étude de marché, une enquête auprès des consommateurs, un contenu généré par un utilisateur, un blog privé, une publication privée sur les médias sociaux ou une critique indépendante. ».

« Article 12 – Dénigrement

La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public. ».

« Article 16 – Imitation

La communication commerciale ne doit pas imiter celles d’un autre professionnel d’une quelconque manière risquant d’entraîner des erreurs ou des confusions de la part du consommateur, par exemple par la mise en page générale, le texte, le slogan, le traitement visuel, la musique ou les effets sonores. (…) ».

En outre, le Jury rappelle qu’aux termes de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP :

« La communication commerciale, sauf raison justifiable, doit proscrire toute exploitation des sentiments de peur, de malchance ou de souffrance. » (Art. 2 Responsabilité sociale alinéa 2 du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).

« La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. » (Art. 2 Responsabilité sociale alinéa 3 du Code ICC sur la publicité et les communications commerciales).

2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. »

La Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » prévoit que :

« PRÉAMBULE

La publicité qui utilise des résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes.

2. IDENTIFICATION

 Doivent être précisés dans la publicité :

  • le nom de l’organisme ayant effectué l’étude ou l’enquête,
  • la date de réalisation, elle peut être complétée par la taille de l’échantillon.

4. EXPRESSION DES RÉSULTATS

Toute donnée résultant d’étude ou d’enquête doit demeurer liée à la réponse à une question précise et ne peut être généralisée au bénéfice de l’annonceur, à des produits ou activités non couverts par la question. / Aucune présentation de résultats chiffrés ne doit laisser supposer que le résultat énoncé concerne une zone géographique ou un échantillon autre que ceux qui ont été l’objet de l’enquête ou étude. / Le mode de présentation (graphique, visuel, etc.) ne doit pas présenter de façon disproportionnée, tel résultat par rapport à tel autre. »

Enfin, la Recommandation « Appel à la générosité publique » dispose que :

« 1. Objectif – La publicité ne doit contenir aucune inexactitude, ambiguïté, ou omission qui soient de nature à tromper le public sur le but réel de l’organisme ou l’utilisation des fonds, produits ou prestations sollicités » et « 4. Référence à des sondages ou statistiques – Lorsque la publicité se réfère aux résultats d’études de marché et d’opinion, et/ou à toutes statistiques venant mesurer un comportement ou une attitude, elle doit respecter les dispositions de la Recommandation Résultats d’étude de marché ou d’enquête. »

3.2. Sur l’application des règles déontologiques aux campagnes non commerciales

Le Jury précise qu’il y a lieu de tenir compte, dans la mise en œuvre des règles déontologiques dont il lui appartient d’apprécier le respect, des particularités des publicités et campagnes dépourvues de caractère commercial, en particulier des campagnes dites d’opinion, dont l’objet même consiste, le plus souvent, à sensibiliser et à interpeller le public sur un problème de société ou une cause d’intérêt général. Cet objectif légitime, ainsi que l’intérêt d’une information du public sur la réalité ou les enjeux d’une question, justifient que les annonceurs concernés disposent d’une plus grande latitude quant au contenu des campagnes qu’ils réalisent. Ainsi que le suggère l’avis du conseil d’éthique publicitaire (CEP) du 28 janvier 2009 « Campagnes d’opinion et publicité non commerciale », il y a toutefois lieu de distinguer selon la nature des règles déontologiques en cause.

Certaines règles doivent s’appliquer de la même façon à cette catégorie de publicités. Il en va ainsi, en particulier, des principes généraux de véracité et de loyauté. L’absence de but commercial et, le cas échéant, la poursuite d’un objectif relevant de l’intérêt général ne sauraient justifier que le public soit trompé ou induit en erreur par des assertions factuellement inexactes ou des allégations tendancieuses. Ainsi que l’exprime, pour le marketing, l’article 1er du code ICC, aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter à la publicité, y compris non commerciale. De la même façon, une telle publicité ne saurait inciter ou cautionner une forme de discrimination à raison de l’origine ethnique, de la religion, du sexe, de l’âge, du handicap ou de l’orientation.

En revanche, certaines règles et certains principes généraux doivent être conciliés avec la liberté d’expression particulièrement étendue qui est reconnue par la loi aux responsables de communications non commerciales, en particulier lorsqu’elles concourent à un débat d’intérêt général. Si celles-ci ne sauraient être exonérées purement et simplement des règles déontologiques, le Jury veille à les appliquer avec discernement et souplesse. Il en va ainsi, tout particulièrement, pour ce qui concerne les principes généraux de décence et de responsabilité sociale, ou la représentation de la violence.

À ce titre, ces annonceurs doivent s’abstenir de diffuser des messages qui présenteraient, par leur degré élevé de violence, le caractère explicite de celle-ci, ou par leur mode de diffusion, un caractère excessivement choquant et traumatisant pour les personnes qui y sont exposées. Comme l’indique le même avis du CEP, l’objet du message peut aussi entrer en ligne de compte. Ainsi, le recours à une présentation représentant des actes de violence ou à des visuels ou des textes dérangeants ou susceptible de provoquer de très fortes émotions parmi la majorité du public peut, dans certaines limites, s’avérer admissible pour une campagne publicitaire organisée par une association caritative en vue d’apporter une aide humanitaire ou de soutenir financièrement la recherche contre une maladie, ou pour une campagne de promotion d’un service public ou d’une politique publique présentant une importance particulière, mais non lorsqu’un annonceur entend défendre par la voie publicitaire une thèse parmi d’autres dans un débat de société.

3.3. Sur l’application de ces règles à campagne publicitaire visée

Le Jury relève que, par cette campagne publicitaire non commerciale, la Fondation Brigitte Bardot a entendu alerter l’opinion publique sur les dangers de la chasse, en marquant les esprits par un message fort. Ainsi que le revendique l’annonceur, ce message s’inspire des codes graphiques de la campagne de lutte contre la Covid-19, tant par les couleurs utilisées que par le message « Sauvez des vies, restez chez vous », qui établit un parallèle entre la pratique de la chasse et les dangers de braver l’obligation de confinement en exposant des tiers à la contagion. En l’occurrence, les vies qu’il s’agit de sauver, selon la fondation, sont aussi bien celles des personnes victimes d’accidents de chasse que celle des animaux.

Le Jury estime en premier lieu qu’en dépit de ce parallèle, aucune confusion ne peut être faite entre cette campagne et la communication institutionnelle des pouvoirs publics concernant la Covid-19. D’une part, l’identité de l’annonceur est mentionnée de façon claire en bas de l’affiche, tant par le message « Soutenez nous » accompagné de la mention du site internet de la Fondation Brigitte Bardot, que par le logo clairement visible de la fondation en bleu sur fond blanc, tel qu’il apparaît sur l’ensemble de ses campagnes. D’autre part, le visuel figurant en haut à gauche de l’affiche, représentant un chasseur mettant en joue une cible avec son arme, ne présente aucun lien avec les mesures de lutte contre la crise sanitaire, de même que l’accroche « Chasseurs… ». Il s’agit donc, à l’évidence, d’un détournement parodique de la communication relative au confinement aux fins de dénoncer la pratique de la chasse et de rallier le public à la cause défendue par la fondation. Par suite, les principes généraux issus des articles 7 et 16 du Code ICC, qui s’appliquent en tenant compte de la liberté étendue qui doit être laissée aux communications non commerciales de caricaturer ou de tourner en dérision des idées, des positions ou des initiatives dans le cadre d’un débat d’intérêt général, ne sont pas méconnus.

En deuxième lieu, le Jury comprend que cette campagne d’affichage est de nature à choquer une partie de l’opinion publique, en particulier les personnes qui pratiquent la chasse – et, a fortiori, celles qui, parmi elles, comme l’un des plaignants, exercent aussi une profession de soignant, confronté au quotidien aux ravages provoqués par le SARS-CoV-2. A la lumière des développements figurant au point 3.2. du présent avis, il considère néanmoins qu’elle n’excède pas, pour une majorité du public, les limites de ce qui est déontologiquement admissible, s’agissant d’une campagne d’opinion qui doit pouvoir verser dans une certaine exagération ou dans des raccourcis destinés à interpeller et qui, par nature, oriente le projecteur sur ce qu’elle entend dénoncer  – en l’espèce les conséquences de la chasse pour les animaux et les risques que peut présenter cette pratique pour les personnes, à commencer par les chasseurs eux-mêmes. Le Jury constate à cet égard que ces affiches ne comportent pas de visuel choquant ou indécent (comme des mutilations d’animaux) et que les termes employés ne sont pas excessifs – il n’est pas fait état, par exemple, d’« assassinats » ou de « meurtres ». Si le parallèle entre la chasse, d’une part, et le non-respect du confinement ou une utilisation excessive des dérogations autorisées, avec les contagions et les décès susceptibles d’en résulter, d’autre part, est d’autant plus discutable qu’il tend à mettre sur le même plan une activité licite, d’un côté, et un comportement illicite ou antisocial, de l’autre, le Jury estime qu’il demeure, en l’espèce, dans les limites de l’acceptable en raison de l’objectif poursuivi et du registre parodique utilisé. En particulier, il est tout à fait loisible à la fondation de prôner l’interdiction d’une pratique légale, et de soutenir cette thèse en critiquant non seulement la mort des animaux, mais aussi les accidents de chasse, quand bien même son objet social est la protection de l’animal sauvage et domestique. Aucune règle ne lui fait obligation de rappeler les nombreuses conséquences négatives qu’aurait une interdiction pure et simple de la pratique de la chasse, y compris sur l’environnement.

Le Jury estime, en troisième lieu, que si l’article 13 du code ICC prohibe le dénigrement d’une catégorie de personnes dans les communications commerciales, il ne saurait en résulter un principe général d’interdiction de tout propos dénigrant dans les communications non commerciales. En l’occurrence, la campagne d’affichage ne comporte ni injure, ni diffamation à l’encontre des chasseurs, mais vise à dénoncer purement et simplement la pratique de la chasse elle-même.

Le Jury considère, en quatrième lieu, que cette représentation partielle – et partiale – des chasseurs, si elle laisse de côté leur rôle dans la protection de la biodiversité en termes d’entretien des espaces ou de gestion des espèces, ne porte aucun jugement sur cet aspect de la chasse dont elle ne dénonce la pratique qu’à l’égard des accidents et des animaux abattus. Le fait qu’un pictogramme représente un homme tenant un fusil en action de tir illustre, d’une manière que le Jury estime objective, l’action de chasser. Le débat public sur les dangers induits par l’utilisation d’armes à feu, qui oppose les partisans du bien-être animal et ceux de la chasse est de nature à justifier une telle campagne sans qu’il puisse lui être reproché d’exploiter un sentiment de peur ou d’insécurité ni, dans le contexte de campagne d’opinion d’ores et déjà évoqué, de manquer à cet égard aux principes de loyauté et de véracité mentionnés aux articles 12, 1, 4 et 5 du code ICC. De même, une telle présentation ne saurait être considérée comme incitant à la discrimination, encourageant des comportements antisociaux ou valorisant un sentiment d’exclusion au sens des articles 2 et 12 du Code ICC et de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP.

En cinquième et dernier lieu, s’agissant de la justification des chiffres avancés par la Fédération Brigitte Bardot, le Jury relève qu’il n’est pas contesté que les données relatives à « 141 accidents dont 11 mortels » correspondent bien aux mentions « saison 2019-2020 » et « Source: Office Français de la Biodiversité ». Aucune règle déontologique n’imposait à l’annonceur de rappeler l’historique du nombre d’accidents de chasse. En revanche, il est constant que l’assertion « 30 millions d’animaux abattus » ne correspond à aucun constat figurant dans les travaux de l’Office Français de la Biodiversité, notamment un rapport ou une étude relatif à la saison 2019-2020. Il ressort des observations présentées par les parties, notamment lors de la séance, que ce chiffre procède d’une extrapolation de statistiques datant de plusieurs années, qui ne tient pas compte, notamment, de la baisse tendancielle du nombre de chasseurs. Le renvoi abusif à une source méconnaît les principes généraux issus des articles 4 et 6 du code ICC ainsi, au surplus, que les règles déontologiques des Recommandations « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » et « Appel à la générosité publique » mentionnées ci-dessus.

Dans ces conditions, le Jury, qui prend acte que la campagne s’est terminée le 28 avril 2021, est d’avis qu’en ce qu’elle mentionne « 30 millions d’animaux abattus » sans autre référence qu’un renvoi erroné aux données de l’Office Français de la Biodiversité pour la saison 2019-2020, la publicité critiquée méconnaît les règles déontologiques qui viennent d’être mentionnées. Pour le surplus, il est d’avis que cette affiche ne méconnaît pas les dispositions déontologiques précitées portant en substance sur l’ambiguïté relative à l’identité de l’annonceur, l’imitation d’une campagne étatique, la discrimination, le dénigrement, l’exploitation d’un sentiment de peur, ainsi que les principes de loyauté et de véracité.

Avis adopté le 2 juillet 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

La Fédération Nationale des Chasseurs, plaignante, à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 20 juillet 2021, a adressé, le 2 août suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 1er septembre 2021.

Pour visualiser la publicité Fondation Brigitte Bardot, cliquez ici.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, d’une part, entre le 1er et le 7 avril 2021, de trois plaintes émanant de particuliers, d’autre part, le 18 mai 2021, d’une plainte émanant de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la Fondation Brigitte Bardot (l’annonceur), dénonçant la pratique de la chasse.

Par un avis délibéré le 2 juillet 2021, le Jury, qui prend acte de ce que la campagne s’est terminée le 28 avril 2021, estime que la publicité critiquée, en mentionnant “30 millions d’animaux abattus” sans autre référence qu’un renvoi erroné aux données de l’Office Français de la Biodiversité pour la saison 2019-2020, méconnaît les règles déontologiques applicables.

Pour le surplus, le Jury est d’avis que cette affiche “ne méconnaît pas les dispositions déontologiques [en vigueur], portant en substance sur l’ambiguïté relative à l’identité de l’annonceur, l’imitation d’une campagne étatique, la discrimination, le dénigrement, l’exploitation d’un sentiment de peur, ainsi que les principes de loyauté et de véracité”.

Par un recours adressé dans les délais requis, la FNC a sollicité la Révision de cet avis, pour avoir écarté, à l’exception de la mention “30 millions d’animaux abattus”, tous les autres griefs mentionnés dans sa plainte initiale.

Il s’agit donc d’un recours fondé sur une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury “ (article 22.1 du Règlement du Jury)

Conformément à ce même article du Règlement, le Réviseur de la déontologie publicitaire s’est rapproché du Président de la séance du JDP qui a élaboré l’avis dont la révision est demandée, et il a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le Jury a fondé son avis.

A) Dans sa demande en Révision, la Fédération requérante rappelle d’abord, dans un préambule nourri, d’une part ce que sont la FNC et son rôle dans la protection de la biodiversité, d’autre part quelle est l’importance de l’activité de la chasse dans la société française.

Ces points sont sans influence sur la conformité de l’affiche à la déontologie en vigueur, et ils ne sont d’ailleurs ni discutés ni évoqués par l’avis en litige.

La FNC rappelle ensuite les 5 violations aux règles déontologiques qu’elle soulevait dans sa plainte initiale, savoir :

  • L’affiche constitue une imitation de la campagne de communication étatique sur le COVID-19 à l’origine d’une ambiguïté sur l’identité de l’annonceur ;
  • L’affiche est discriminatoire envers les chasseurs et dénigrante à l’égard d’une activité légale ;
  • L’affiche exploite un sentiment de peur irrationnelle et infondée ;
  • L’affiche fait mention de sources insuffisantes, ambiguës et erronées afin de justifier ses affirmations chiffrées ;
  • Il existe une inadéquation entre l’objet social de l’annonceur et le message publicitaire.

Après quoi, la demande – constatant que le 4ème grief a été reconnu fondé par le Jury – exprime des “critiques sérieuses et légitimes” (…) portant (…) sur la nature des [4 autres] griefs écartés par le Jury”, critiques sur la base desquelles “la FNC sollicite la révision” de l’avis contesté.

La réponse ci-dessous du Réviseur reprend donc ces 4 griefs, dans l’ordre retenu par la FNC.

1) S’agissant de l’ambiguïté sur l’identité de l’annonceur, la demande de Révision invoque les articles 7 et 16 du Code ICC.

Elle critique l’avis contesté, en ce que le Jury a estimé :

  • qu’il n’y a pas confusion entre la campagne en cause et celle relative à la Covid-19 ;
  • qu’il y a un détournement parodique de la communication relative au confinement.

a) Contrairement à ce que suggère la demande en Révision, le détournement parodique relevé par le Jury n’a ni pour objet ni pour effet, dans les circonstances de l’espèce, de “tromper ou de nuire”.

De manière générale, la parodie est une forme d’expression, qui a notamment (mais pas exclusivement) pour but “de faire rire”, comme le souligne à juste titre la FNC. Elle peut aussi avoir pour objet, par son caractère décalé ou inattendu, de surprendre celui à qui elle s’adresse, afin de capter son attention ou de susciter son intérêt.

Au cas particulier, l’affiche contestée reconnait s’appuyer sur le schéma des campagnes de lutte contre la Covid-19, schéma qu’on peut ainsi résumer : “rester chez soi” (en application du confinement) permet de “sauver des vies” (en évitant ou réduisant les contaminations).

De même, par analogie, la campagne incriminée, dans un registre volontairement humoristique, suggère-t-elle, de manière parodique, aux chasseurs de “rester chez eux”, afin de “sauver des vies”, celles des humains (en raison des accidents de chasse) et celles des animaux tués.

En d’autres termes, cette affiche reprend une des techniques habituelles de la publicité, qui consiste à s’appuyer sur un élément de forte actualité (en l’occurrence la pandémie Covid-19) et d’en profiter pour capter, par référence, l’attention du public auquel on s’adresse, dans le but d’exciter son intérêt.

b) Mais, comme l’a minutieusement analysé le Jury, la campagne incriminée, en dépit de ces quelques similarités, comporte à l’inverse suffisamment d’éléments distinctifs (décortiqués dans l’avis contesté) pour que l’affiche contestée ne puisse pas être perçue comme une simple “imitation” (ainsi que le reproche la FNC).

En outre, la publicité litigieuse est dépourvue des éléments graphiques qui pourraient, comme le soutient la FNC, l’assimiler à une “campagne de communication de l’État” (drapeau tricolore, devise de la République, effigie de Marianne…).

De même le reproche d’utiliser les couleurs bleu, blanc et rouge (mais aussi le noir) ne peut-il être retenu, dès lors que la disposition de ces couleurs dans l’affiche en cause n’évoque en rien le drapeau tricolore qui constitue l’emblème national de la République ni ne cherche à le reproduire.

Au surplus, le fait que la campagne litigieuse soit postérieure d’environ un an à celle qu’elle est accusée d’imiter conduit à relativiser le reproche de plagiat.

On ajoutera encore que ni le JDP ni le Réviseur, dans les appréciations qu’ils formulent sur la conformité d’une publicité à la déontologie applicable, ne sont tenus par les jugements des tribunaux, notamment pas par ceux rendus en matière de contrefaçon que cite la FNC dans son recours en Révision.

Il convient en effet de rappeler, en tout état de cause, que, pour apprécier la conformité d’une publicité à la déontologie en vigueur, le Jury se prononce exclusivement sur la base des textes qui sont mentionnés à l’article 2.2 de son Règlement.

Pour les multiples raisons qui précèdent, il n’est pas possible de retenir l’accusation d’imitation – “risquant d’entrainer des erreurs ou des confusions de la part du consommateur” (Article 16 du Code ICC) – accusation formulée par la Fédération requérante à l’encontre de la publicité en cause.

Par suite, l’affiche incriminée ne peut pas être considérée comme étant de nature à induire en erreur le public principalement visé (les chasseurs) en leur donnant notamment à penser qu’une directive gouvernementale pourrait les obliger à “rester chez eux”.

2) Pour la FNC, l’affiche est ensuite discriminatoire envers les chasseurs et dénigrante à l’égard d’une activité́ légale – en violation des articles 2 et 12 du code ICC ;

a) Discrimination :

L’article 2 du Code ICC (dont le texte est rappelé dans l’avis contesté à la fin du 2ème paragraphe du point 3.2.) dispose qu’une “publicité ne saurait inciter ou cautionner une forme de discrimination à raison de l’origine ethnique, de la religion, du sexe, de l’âge, du handicap ou de l’orientation.”

A partir de cette règle, le Jury, sans ignorer les critiques contre les chasseurs formulées ou sous-entendues dans la publicité en cause, constate, d’une part que ni les images, ni les termes de cette affiche ne sont “excessifs” ou violents (“ni injure, ni diffamation”), d’autre part que la tension qu’on observe dans la polémique entre partisans et adversaires de la chasse peut entre autres conduire à certaine “exagération” ou à certains “raccourcis” – lesquels peuvent être admis au nom de la particulière liberté d’expression reconnue aux campagnes d’opinion, mais toutefois dans les limites de la déontologie en vigueur.

En d’autres termes, l’avis contesté confirme que certes les chasseurs, dans cette publicité, font l’objet de critiques, et même de critiques acérées ou virulentes, mais la Fédération requérante n’établit pas que ces critiques soient causes d’une “discrimination” au sens de l’article 2 du Code ICC.

Car pris au pied de la lettre, l’argument de la FNC conduit à poser que le simple fait de critiquer une activité serait à soi seul constitutif d’une discrimination à l’encontre de ceux qui s’y adonnent – ce qui par suite reviendrait, sur quelque sujet que ce soit, à empêcher toute critique, et partant toute liberté d’expression.

Si la lutte contre les discriminations (de tous ordres) est certes légitime, elle ne peut aboutir à anesthésier la confrontation des idées ni à museler le débat démocratique ou sociétal.

b) Dénigrement :

Au soutien de ce moyen, la FNC appelle l’article 12 du Code ICC (“La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public“).

De même que (comme on l’a vu ci-dessus) la critique ne peut à soi seule être constitutive de discrimination, de même le fait de critiquer une activité ne peut à soi seul être constitutif de dénigrement à l’égard de ceux qui la pratiquent ; il n’y a dénigrement à leur encontre que si en outre s’y ajoutent par exemple des éléments attirant sur eux “le mépris ou le ridicule public”.

Au cas particulier, il ressort des termes de l’affiche que les chasseurs sont interpelés par l’annonceur dans le but de contribuer à sauver des vies, humaines ou animales. Cette injonction d’une part est exprimée sans injure ni diffamation (comme le relève le Jury), d’autre part est dans la droite ligne de l’objectif que poursuit la Fondation.

Par suite, incriminer l’affiche pour “dénigrement” reviendrait, dans les circonstances de l’espèce, à empêcher la Fondation Brigitte Bardot, pourtant reconnue d’utilité publique, d’exercer la mission qu’elle s’est donnée (“défense et protection des animaux sauvages et domestiques”).

On ajoutera que si la chasse est une “activité légale” (ce que le rappelle la FNC), cette qualité ne la met pour autant pas à l’abri des critiques dans le débat public.

D’autre part, il n’est pas possible, dans les circonstances de l’espèce, d’estimer que l’affiche, en dépit du conseil certes virulent et direct par lequel elle demande aux chasseurs de rester chez eux, puisse être considérée comme ayant “pour unique but d’encourager à l’endroit des chasseurs des comportements antisociaux”, comme le soutient dans son recours la Fédération.

Enfin on répondra à la FNC que si les accusations – violentes, vindicatives ou méprisantes – adressées par la Présidente de la Fondation Brigitte Bardot aux chasseurs ou au Président de leur Fédération ont pu être condamnées par les tribunaux, ce fait est sans influence sur la violation des règles ICC traitant du dénigrement qui est reprochée à l’affiche litigieuse – celle-ci n’appelant pas aux mêmes vindictes et n’étant empreinte ni de la même violence ni du même mépris.

C’est donc à bon droit que l’avis contesté a estimé que la publicité en cause n’était pas contraire aux règles du Code ICC sur le dénigrement, telles qu’exprimées à l’article 12 dudit Code (et non à l’article 13 comme écrit par erreur dans l’avis, lequel sera donc rectifié sur ce point matériel, en application des dispositions de l’article 21 du Règlement du JDP).

3)  En troisième lieu, la FNC reproche à l’affiche d’exploiter un sentiment de peur irrationnelle et infondée, en violation de l’article 2 du code ICC ou de l’article 9.1 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP (proscrivant “les représentations visuelles susceptibles de générer des craintes irrationnelles ou infondées”).

a) S’agissant de cette “exploitation déloyale d’un sentiment de peur irrationnelle et infondée” que dénonce le recours, l’avis contesté analyse avec précision notamment la représentation d’un homme tenant un fusil en action de tir et l’alerte lancée par l’affiche sur les dangers de l’utilisation des armes à feu (dangers qui sont l’un des éléments au cœur du débat sur la chasse) ; l’avis en conclut qu’il ne peut “être reproché [à cette publicité] d’exploiter un sentiment de peur ou d’insécurité ni, dans le contexte de campagne d’opinion d’ores et déjà évoqué, de manquer à cet égard aux principes de loyauté et de véracité mentionnés aux articles 12, 1, 4 et 5 du code ICC”.

On peut certes comprendre que la FNC conteste les critiques portées contre l’activité qu’elle représente et qu’elle défend, mais elle n’établit pas que le Jury, en ainsi écartant le “reproche d’exploiter un sentiment de peur ou d’insécurité”, aurait procédé à une appréciation ou à une interprétation grossièrement erronées des éléments du dossier.

De la même manière écartera-t-on l’argument de la FNC selon lequel “cette affiche tente de faire peur au public quant à la préservation de la biodiversité” (…) “alors qu’ils [les chasseurs] sont pourtant des acteurs essentiels à sa préservation”.

On rappellera en effet que, comme l’a très précisément analysé le Jury en son avis contesté “cette représentation partielle – et partiale – des chasseurs, si elle laisse de côté leur rôle dans la protection de la biodiversité en termes d’entretien des espaces ou de gestion des espèces, ne porte aucun jugement sur cet aspect de la chasse dont elle ne dénonce la pratique qu’à l’égard des accidents et des animaux abattus.”

Au surplus, il est paradoxal de voir la FNC, d’une part reprocher à la publicité litigieuse de vouloir “faire peur au public” quant à la biodiversité, et d’autre part de lui faire simultanément grief d’être totalement silencieuse sur cette biodiversité ainsi que sur les bienfaits que la chasse entraine pour celle-ci.

b) De manière plus générale, la FNC estime que l’affiche litigieuse passe à tort sous silence les divers points suivants :

  • en matière de biodiversité, les chasseurs “sont pourtant des acteurs essentiels à sa préservation” ;
  • la chasse “est loin d’être l’activité sportive la plus mortifère en France” ;
  • “la chasse est de plus en plus sûre et de moins en moins accidentogène”.

Pour critiquer ces diverses omissions, la FNC cite l’article 4-2 du Code ICC (“Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération”).

Mais la Fédération donne à cette recommandation, rédigée de manière générale, une interprétation particulièrement rigide, comme signifiant, d’après elle, qu’un annonceur serait en quelque sorte tenu à “porter à la connaissance du public” l’ensemble des éléments liés à la publicité qu’il finance.

Tel n’est pas l’objet de cet article ; un annonceur ne peut être tenu à présenter de manière exhaustive les diverses données relatives au “produit” (ou au “service” ou à la “cause”) qu’il entend promouvoir ; il est au contraire tout à fait fondé à centrer sa publicité sur un (ou quelques) aspect(s) du sujet, ceux qu’il choisit librement – à condition toutefois que son choix ne soit pas de nature à induire en erreur le public. (Ajoutons que cette obligation à l’exhaustivité serait dans la pratique impossible à mettre en œuvre : qui déterminerait, et comment, quel élément aurait été omis par une publicité alors qu’il aurait dû être mentionné ?).

La réalité est que, par son format forcément réduit, la publicité par nature est partiellement réductrice ; il convient seulement que cette réduction ne soit pas trompeuse ; plus particulièrement, il convient que ces réductions ou simplifications soient opérées “de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs” – comme il est prescrit à l’alinéa 1 de l’article 4 (“loyauté”) du Code ICC, à la lumière duquel doit être lu l’alinéa 2 que la FNC soulève dans son recours.

Par suite il va de soi que, dans les circonstances de l’espèce, on ne peut attendre d’un annonceur qui se donne pour mission de s’opposer à la chasse qu’il aille en même temps vanter les mérites d’une telle activité.

Au cas particulier du litige en cause, il apparaît que le Jury – en ne sanctionnant pas la “représentation partielle – et partiale – des chasseurs” qui ressort de l’affiche en cause – n’a pas procédé à des appréciations manifestement erronées ni sur la publicité litigieuse ni sur la déontologie publicitaire applicable.

4) La Fédération requérante affirme enfin qu’il existe, entre l’objet social de l’annonceur et son message publicitaire, une inadéquation qui viole l’article 1 de la Recommandation Appel à la générosité publique de l’ARPP.

La FNC reproche ainsi à la publicité en cause de dépasser le champ de l’objet social de son annonceur (“promouvoir et organiser la défense ainsi que la protection de l’animal sauvage et domestique, tant en France que dans le monde entier “) en faisant référence à ce que la Fédération requérante appelle “la protection ou l’assistance aux victimes d’accidents de chasse”.

Tel n’est pas le sens de la publicité en litige. Rien dans l’affiche n’indique que la Fondation annonceur entendrait porter assistance aux victimes des accidents de chasse ; elle se borne à mentionner le danger résultant des accidents de chasse pour étayer ses critiques contre une activité qu’elle se donne pour objet de combattre au nom de son objet social.

Par suite, le message incriminé ne peut pas être considéré comme contraire à la Recommandation Appel à la générosité publique de l’ARPP (notamment son article 1) – ce qu’a implicitement constaté l’avis litigieux, notamment quand il mentionne précisément qu'”il est tout à fait loisible à la fondation de prôner l’interdiction d’une pratique légale, et de soutenir cette thèse en critiquant non seulement la mort des animaux, mais aussi les accidents de chasse, quand bien même son objet social est la protection de l’animal sauvage et domestique”.

B) Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de la Fédération Nationale des Chasseurs est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • l’Avis critiqué n’est entaché d’aucune critique sérieuse et légitime (au sens de l’article 21.1 du Règlement).

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • pour y mentionner la demande de Révision de la FNC,
  • pour en corriger la mention relative à l’article du Code ICC relatif au dénigrement (comme indiqué ci-dessus),
  • pour y joindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause ainsi corrigé (et mentionnant en outre le recours en Révision et la présente réponse) devient définitif ; il sera publié – accompagné du présent courrier, lequel constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de la Fédération requérante.

Alain GRANGE-CABANE
Maître des Requêtes au Conseil d’État
Réviseur de la Déontologie Publicitaire